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04/01/2011

Dans le rétroviseur

Bloc-Notes, 4 janvier / Les Saules

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Voilà, c'est reparti! Le très sérieux Livres Hebdo - revue professionnelle consacrée au livre - n'annonce pas moins de 510 nouveaux romans à paraître au cours des deux premiers mois de l'année, dont 329 voués à la littérature francophone, mais... pas si vite, car l'année 2010 à peine achevée, je prends plaisir à vous partager les petites ou grandes joies que la saison dernière aura suscitées, au nez et à la barbe des statistiques qui, au contraire de la résonance affective des uns et des autres, masquent souvent l'essentiel, heureusement!

Avec un constat très encourageant: Le lecteur actuel cède beaucoup moins que par le passé, aux sirènes des prix littéraires. S'il les lit ou les offre, c'est parce qu'il les découvre ou les aime, qu'il s'agisse de Michel Houellebecq avec La carte et le territoire (Flammarion), de Jean-Michel Olivier avec L'amour nègre (De Fallois/L'Age d'Homme), de Maylis de Kérangal avec Naissance d'un pont (Verticales), de Patrick Lapeyre avec La vie est brève et le désir sans fin (P.O.L.), de Fatou Diome avec Celles qui attendent (Flammarion) ou encore de Sofia Oksanen avec Purge (Stock) et de David Vann avec Sukkwan island (Gallmeister).

Il est aussi plus curieux, exigeant et surtout... prend son temps pour choisir ses livres! Ainsi, il a jeté son dévolu - pour mon plus grand plaisir! - sur Douna Loup avec L'embrasure (Mercure de France), Valérie Zenatti avec Les âmes soeurs (L'Olivier), Rosa Montero avec Instructions pour sauver le monde (Métailié), Erri de Luca avec Le jour d'avant le bonheur (Gallimard) ou Sarah Hall avec Comment peindre un homme mort (Bourgois) - à mon avis le plus beau roman de l'année! - sans oublier Kathryn Stockett avec La couleur des sentiments (Jacqueline Chambon) dont le succès repose pour une part prépondérante sur le bouche à oreille entre lecteurs et le coup de pouce des libraires, ou Jean d'Ormesson avec C'est une chose étrange à la fin que le monde (Laffont), bel exemple de fidélité entre le public et un auteur qui n'a cessé de se remettre en question, de partager ses passions, ses convictions, ses interrogations, auprès des plus jeunes et des autres...  

Qu'on se le dise enfin: La poésie n'est pas reléguée aux oubliettes. Le succès de la correspondance entre René Char et Nicolas de Staël (Editions des Busclats), l'anthologie des Poètes de la Méditerranée (coll. Poésie/Gallimard) ou les écrits récents de Jean-Michel Maulpoix, Andrée Chédid et Charles-Ferdinand Ramuz en sont la preuve vivante.

Seuls auront manqué en 2010 quelques romans légers et attachants comme on les aime... Hormis une réédition - Les raisons du coeur de Mary Wesley (Héloïse d'Ormesson) - et une nouveauté, Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi de Katherine Pancol (Albin Michel), je n'ai pas oublié - comme de nombreux lecteurs, ces plaisirs de lecture plus anciens que sont La grand-mère de Jade de Frédérique Deghelt (Actes Sud) ou Les bonnes dames de Jean-Louis Kuffer (Campiche) qui rencontrent aujourd'hui encore un succès aussi vif que celui des dernières parutions en librairie!

Pour en finir avec ce petit tour d'horizon de l'année écoulée, j'ajoute que le lecteur actuel - pour autant qu'il trouve dans les librairies ou bibliothèques ce qu'il cherche - n'est pas nécessairement conditionné par l'attrait de la nouveauté, ce qui me ravit! Savez-vous que le roman de Léon Tolstoï, Anne Karénine, demeure le roman le plus populaire de 17 à 87 ans, aux côtés de celui d'Alexandre Dumas, Le comte de Monte-Cristo, parmi les classiques? Que Lark et Termite, le chef d'oeuvre de Jayne Anne Phillips (Bourgois), paru en 2009, demeure l'un des choix préférés du public, avec L'ombre du vent de Carlos Ruiz Zafon (Laffont et Livre de poche) paru en 2004? Qu'on lit toujours le roman d'Axel Munthe, Le livre de San Michele (Albin Michel) ou La montagne magique de Thomas Mann (Fayard et Livre de poche)?

Sur le site de Culture Café - http://500-livres.com/index.html - vous pouvez consulter les 500 meilleurs livres choisis par les internautes, en 2008 - peu de changements, sans doute, avec aujourd'hui - avec près de 5'000 votes et 3'000 titres proposés. Comme moi, vous y reconnaîtrez bien des vôtres...  

image: Jean-Honoré Fragonard, La liseuse (National Gallery of Art, Washington)

 

17/12/2010

La citation du jour

Jean-Michel Maulpoix

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Je voudrais respirer les mots comme on respire le parfum des fleurs. Les cueillir sur le papier et les disposer en bouquets dans des vases si transparents qu'on en oublierait l'eau. Alors on se prendrait à croire que ces mots-fleurs coupés se tiennent debout tout seuls... Le livre dont je rêve, ce serait cela: un bouquet de fleurs parfumées plantées dans une eau invisible. Une sorte de miracle. Comme on en rencontre précisément dans les livres. Des fleurs sans histoire et sans ombre. Et pourquoi pas sans tiges, suspendues comme des étoiles au ciel. Ou comme des papillons.

Jean-Michel Maulpoix, Journal d'un enfant sage (Mercure de France, 2010)

02:03 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Michel Maulpoix, La citation du jour | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : auteurs; citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/10/2010

Jean-Michel Maulpoix

Bloc-Notes, 24 octobre / Les Saules

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Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, Jean-Michel Maulpoix est l'auteur d'ouvrages poétiques, parmi lesquels Une histoire de bleu, L'instinct de ciel, Boulevard des capucines, et Pas sur la neige, publiés aux éditions du Mercure de France. Il a également consacré des études critiques à Henri Michaux, Jacques Réda et René Char.

Il nous revient aujourd'hui avec un récit aussi poétique qu'une empreinte de pas dans la neige, Journal d'un enfant sage. Il y donne la parole à Louis, son fils, âgé de trois ans. Et nous voilà transportés, comme par enchantement, dans le monde féerique de l'enfance, terrain fertile et propice aux observations des grandes personnes, ainsi que témoignage de l'amour infini d'un père envers son fils. N'ayant pas atteint l'âge de la majorité, je confie à mon père, qui a déjà fait paraître un certain nombre de livres, le soin de signer ce volume. Je sais qu'il ne manquera pas de corriger certaines étourderies et qu'il saura se garder de trop mêler sa voix à la mienne.

Dans le premier cahier, Louis tient un journal intitulé Le cahier de Louis, dans lequel il nous confie ses impressions sur l'âge, le temps, l'écriture, la famille. Les pages consacrées à son père, empreintes de tendresse et d'admiration, sont extrêmement attachantes: Je vous parlerai de mon père (...) reproduisant ses gestes, ou poursuivant à sa place, la grande et mystérieuse aventure d'écrire, cette étrange affaire d'encre qui commence par tant de tracés hésitants et de lignes brisées. Un peu plus loin, il note: En vérité, il me semble que le bonheur parfois s'étrangle en lui, douloureux comme une lumière trop vive ou un excès de beauté. Peut-être est-il entré dans cet âge où le souvenir de ce qui fut et le regard posé sur ceux qui commencent de vivre tiennent désormais d'aventure. (...) Il est ma force, je suis la sienne. Me voici devenu l'alibi inespéré de son existence. Il n'avait plus de raison d'être. Rien d'autre que poursuivre pour rien, ou en vue d'une "gloire" aussi vague que vaine, cette entreprise d'écrire qui lui avait jusqu'alors tenu lieu de vraie vie.   

Le second cahier porte bien son titre: Leçons de choses. Il y consigne ce qu'il a appris sur les merveilles du monde qui l'entoure, voué à aiguiser le regard de ses petits camarades. Là aussi, que de belles images impressionnistes: L'arbre attend que passe un Noël. La neige recouvre ses épaules. Parfois, des aiguilles de pin pendent au bout de ses branches. Il a fermé ses portes et ses volets de liège, calfeutré ses bourgeons. Il s'est endormi, un écureuil et deux hiboux sur le coeur. Ou encore: Les pétales sont les paupières des fleurs. Mais point n'est besoin de les farder, non plus que d'en recourber les cils avec une brosse ou un petit pinceau. Où sont cachés les yeux? Bien malin qui saurait le dire... Sans doute n'en ont-elles qu'un seul où les abeilles viennent se poser. Tantôt jaune, odorant et rond, tantôt si bien dissimulé qu'on ne l'aperçoit plus... De leur oeil immobile, les fleurs à tout jamais cherchent le bleu du ciel... 

Le dernier cahier - Proses pour Adrien - est composé de drôles de contes ou fables destinés à son petit frère. Il se fait tard, petit frère. Un bruit et une voix après l'autre, le jour se tait. Les chevaliers ont rentré dans les écuries leurs chevaux. Les princes et les princesses de nos livres d'images vont refermer les yeux. Je range mes contes et mes poèmes. La nuit qui tombe est sans étoiles. Ne crains pas les sorcières de la forêt lointaine: contre ton coeur d'amour, leur pouvoir est sans force. Avec mon bouclier en carton et mon épée, je te protège. Bonne nuit, petit frère.

Une invitation à remonter le temps, à retrouver avec délices ces instants de découverte du monde qui ressemblent - dans notre imaginaire perclus de rhumatismes - aux premières gambades sur le sol lunaire... 

Jean-Michel Maulpoix, Journal d'un enfant sage (Mercure de France, 2010)

08:56 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Jean-Michel Maulpoix, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

05/05/2010

Le poème de la semaine

Jean-Michel Maulpoix


Compose avec ce bleu.


Cette histoire t'appartient.

Tu ne pourras jamais te défaire de tout le vague

qui s'accumule en toi:

tu t'y emploieras, c'est assez.

Dresse-toi sur tes faiblesses

autant que sur tes forces:

ne résiste pas à celui que tu es.


Sache reconnaître combien le ciel est pauvre

tandis que la terre mélange la misère à la beauté.

Dans les yeux de tes semblables,

l'infini n'est jamais monotone.

Tes limites sont certaines:

fais en sorte qu'elles soient vraiment tiennes.

Ne fais pas de l'oubli un mauvais usage.

Garde en réserve de l'espérance

pour les heures de disette:

il te faudra quelque jour rendre des comptes.


Ne rechigne pas à la dépense.


Quand tu ne lui arracherais que des loques,

il te faut écrire

comme si tu devais liquider la mer.

Les mots sont tout ce qu'il te reste:

lance-toi à l'assaut de ce bleu.

Tu dois courir encore derrière la mer.

Il t'appartient d'en modifier la teinte,

comme de recolorer de temps en temps le ciel,

et de rhabiller ses fantômes

avec des vêtements neufs.

Pour se perpétuer,

l'invisible a besoin de figures.

L'infini est avide de formes.

Il ne prend corps que sur ses bords

où se conjoignent le large et le rivage,

là où se noie de ton poème

le beau regard exact et bleu:

la mer

est le grand encrier indestructible.


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Jean-Michel Maulpoix, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |