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18/07/2011

J.M.C. Le Clézio

9782070754885.gifJ.M.C. Le Clézio, L'inconnu sur la terre (Coll. Imaginaire/Gallimard, 1999)

Ceci n'est pas tout à fait un essai, pas tout à fait une tentative pour comprendre quelques mystères, ou pour forger quelques mythes. Ceci est une histoire, écrite sur plusieurs cahiers d'écolier italiens, en même temps que, selon un autre mode, et sur des feuilles de papier machine 21 x 27, s'écrivaient les phrases de Mondo et autres histoires. C'est une longue histoire, qui pourrait être celle d'un oiseau, celle d'un poisson et celle d'un arbre, car elle parle beaucoup du ciel, de la mer et de la terre où avancent les racines. A la fin de cette histoire, rien n'a changé, ou presque. Mais c'est comme une très longue journée qui serait passée, depuis la première heure de l'aube jusqu'à la nuit. Ceci est peut-être aussi, tout simplement, l'histoire d'un petit garçon inconnu qui se promène au hasard sur la terre, pas loin de la mer, un peu perdu dans les nuages - et qui aime la lumière extrême du jour... Eloge du regard, de la simplicité, de la magie, du vertige devant les beautés du monde, ce texte célèbre avec les yeux de l’enfance la puissance du rêve, le désir de liberté, l’ancrage dans le réel. Une lecture fluide, poétique, étourdissante – jamais savante ou artificielle -  qui illumine le cœur et dont la joie éprouvée ne peut qu’être contagieuse.

06:47 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature: récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

17/07/2011

Marcello Fois

Bloc-Notes, 17 juillet / Nyon

littérature; roman; livres

Ce n'était pas que ce récit fut vrai ou faux, l'important c'était de raconter. Cette phrase, quelque part au milieu du livre, pourrait résumer la démarche de Marcello Fois, déjà adoptée dans son précédent et formidable roman, La mémoire du vide, paru en traduction française chez le même éditeur. A la manière de l'une des figures emblématiques de la nouvelle littérature espagnole, Rosa Montero, il sait raconter des histoires et le confirme aujourd'hui avec La lignée du forgeron.

Entre 1899 et 1943, il nous fait revivre, à travers le destin de Michele Angelo - l'âme vaguement blonde, le fruit d'un germe de miel contre l'insistance du noir corbeau qui l'entoure - quelques pages terribles de son pays, la Sardaigne. Orphelin recueilli par un honnête homme, Giuseppe Mundula, qui l'introduit à la forge et lui apprend le métier, Michele épouse une autre paria, Mercede. De leur union naissent les jumeaux Pietro et Paolo, plus tard - après deux enfants morts-nés - Gavino, Luigi Ippolito et Marianna.

Cet amour a fait beaucoup de chemin. Ils sont allés comme deux pèlerins vers un sanctuaire très lointain dont on attend à chaque pas de voir au moins le sommet du clocher, et puis, rien. Aussi est-il nécessaire de s'aimer et de s'aimer encore en dépit de tout; de la poussière qui empâte les cheveux; de la tentation d'accepter de faire un bout de chemin sur une charrette ou de s'abandonner, trempés de pluie, au désespoir, les chaussures enfoncées dans la boue, les pas incertains, le palais asséché par la canicule, les doigts livides à cause du gel, le regard fixé sur une fin qui toujours, toujours, se transforme en un début.

En trois parties distinctes - le paradis, l'enfer, le purgatoire - le lecteur voit le village de Nuoro s'ouvrir à l'espoir, à l'argent, à la modernité, mais le bonheur ne dure pas. Vient le temps de la Grande Guerre, puis la montée du fascisme et la Seconde Guerre mondiale qui fracassent et divisent, avec en arrière-plan ces lumières cruelles qui éclairent un fils parti en volontaire et un autre qu'on serait prêt à mutiler pour le garder chez soi, bien vivant, à l'abri des horreurs du monde, loin de cette Italie qui ressemble à une terre étrangère. Certains passages rappellent dans leur intensité le Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline: Lorsque la terre explose autour de moi je ne sens même pas de douleur, je vois ma jambe qui me précède et je pense: Malgré tout, nous sommes fragiles. Je sens comme un crochet qui m'arrache la moitié du visage et je pense encore: Nous sommes fragiles. Et pourtant je ne meurs pas. Je suis fort ! crié-je. Je suis vivant ! Les brancardiers courent vers moi. Je n'ai pas mal, je le jure. Après, oui, après, mais là, brisé en morceaux, avec le sang qui se colle à la terre, aucune douleur. Rien. A chaud, jeté au sol après l'explosion, j'ai le temps de penser à ma permission, puis plus rien.

Sur cette terre ingrate, rude et austère, aucune douleur ne sera épargnée à Michele Angelo dont la famille, victime de l'injustice, de la cruauté et de l'épuisement, subit les affres de ces temps maudits. Pourtant, un vent apaisé souffle un beau jour sur sa maison et prend l'apparence inattendue d'un jeune homme qui lui rend sa force initiale et scelle le destin de la forge qu'il avait abandonnée...

Dans la précarité de l'équilibre frontal il y a une histoire qui n'a pas été racontée. Oui. Dans la spécificité d'un sens accompli demeure l'irréalité. Une portion de vérité qui n'a pas de mots pour s'exprimer. A la manière d'une grande nature morte qui est temps fixé, collé à la toile, soustrait au devenir. Dans l'attente seulement, dans l'attente seulement on peut s'accorder avec cette fixité d'icône. Dans l'attente que le calice tombe, que ce cristal, enfin, se brise... Et la fin n'est pas une fin.

Marcello Fois, né en 1960 en Sardaigne, vit aujourd'hui à Bologne. Une quinzaine de ses livres sont traduits à ce jour, parmi lesquels Sheol (coll. Points/Seuil, 1999) - un roman policier qui évoque les persécutions juives en Italie -, Les hordes du vent (Seuil, 2005) et Mémoire du vide (Seuil, 2008). La ligne du forgeron (Seuil, 2011) est à ce jour peut-être, son roman le plus accompli.

Un des chefs-d'oeuvre de l'année !   

Marcello Fois, La lignée du forgeron (Seuil, 2011)

Rosa Montero, Belle et sombre (Métailié, 2011)

01:01 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Louis-Ferdinand Céline, Rosa Montero | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

15/07/2011

Christohe Ono-dit-Biot

9782259203449.gifChristophe Ono-dit-Biot, Birmane (Plon, 2007)

 

Décidé à changer le cours de sa vie, un jeune homme s'envole pour le pays de tous ses fantasmes avec un projet fou: décrocher l'interview du plus grand trafiquant d'opium de tous les temps. Un scoop sans prix. Double problème : César est un amateur, et la Birmanie une dictature. A Rangoon, où la paranoïa le dispute à la moiteur tropicale, il rencontre une jeune femme au charme trouble. Médecin humanitaire passionnée et déterminée, elle se montre parfois mélancolique, lointaine. Fasciné, il en tombe amoureux...

 

A la fois roman d’aventures, plongée dans l’enfer de la dictature et initiation aux mythologies du Triangle d’Or, ce texte ouvre une brèche salutaire dans les lettres françaises ! Pour votre bonheur et comme son héros, vous perdrez bien vite vos repères ou vos certitudes sous les Tropiques, entraînés par ce voyage enivrant et ses personnages troubles, passionnés ou secrets. Tout cela dans un climat à la fois inquiétant, sensuel, moite et envoûtant. Alors, laissez-vous faire : Larguez les amarres …

 

également disponible en coll. de poche (Pocket, 2008)

22:25 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; voyages | |  Imprimer |  Facebook | | |

14/07/2011

Le chant des larmes

Bloc-Notes, 14 juillet/ Nyon

littérature; poésie; livres

Le cercle des Amoureux de la poésie, autour d'Abbassia Naïmi, concrétise avec Le chant des larmes un rêve magnifique: promouvoir la poésie francophone contemporaine et mettre en relation les auteurs et les lecteurs de tous bords en insistant plus particulièrement sur la lecture à haute voix nécessaire en poésie.

Vingt poètes de tous horizons - Maroc, Algérie, Tunisie, Cameroun, Etats-Unis, Canada et France - ont ainsi participé à ce projet qui respire d'un besoin de transmission orale, enraciné chez les uns et les autres. On y chante la beauté apaisée, le sang de la terre, l'ombre qui se balance sur un mur, les traces éphémères de la vie, les chemins de l'enfance, le monde qui tour à tour pleure et saigne, les bruits du jour devenus silence, et ces mots comme fleurs au vent, écrits comme on respire ont en commun de libérer l'âme et de partager, chacun à sa manière, un fragment d'espoir, de solidarité et de combat. Une poésie de la proximité dans laquelle les lecteurs attentifs peuvent reconnaître leurs propres résonances.

Une notice biographique - avec référence aux sites Internet - précède les textes de chaque auteur, dont bon nombre sont connus des usagers de Facebook. Au chant des larmes ont contribué Marie Hurtrel, Hamid Medah, An Ishtar, Xavier Lainé, Eve Oramie, Jean-Luc Moulin, Assia Benotmane, Amel Belkacemi, Makhlouf Boughareb, Emmanuel Parmentier, Nadir Kateb, Amel Tafsout, Robert Notenboom, Réjean Blais, Hanène Chelbi, Rodrigue Ndzana, Michèle Minary, Pierre la Paix, Cécyl et Abbassia Naïmi.

Une bien belle aventure qui prouve que la poésie - comme le disait Charlie Chaplin - demeure une indispensable lettre d'amour adressée au monde.

Le chant des larmes - Le cercle des Amoureux de la Poésie (Editions Lire et Méditer, 2010)

image: Abbassia Naïmi, Librairie Quesseveur, Agen (France)

Le cercle des Amoureux de la Poésie: www.lecap-edition.fr/

10:14 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

12/07/2011

Philippe Fusaro

9782912042897.gifPhilippe Fusaro, Palermo solo (La Fosse aux Ours, 2007)

 

L’Italie se retrouve enfin un grand écrivain … français, libraire et fils d’immigrés ! Il nous conte, dans ce court récit plein de nostalgie, de violence, de poésie aussi, l’histoire du Baron qui a dû quitter sa ville natale de Castelvetrano, parce que la mafia l’a condamné à payer sa dette de sang, au Grand Hôtel de Palerme, à deux pas du port et qu’il ne peut fuir depuis près d’un demi-siècle, sous peine de mort. A 92 ans, au cœur d’une terrible solitude consentie – il est un homme d’honneur – ses souvenirs de jeune homme remontent à la surface, fugaces, silencieux et apaisants. A découvrir.

06:46 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

09/07/2011

Laurent Terzieff

9782253159759FS.gifLaurent Terzieff, Seul avec tous (coll. Livre de poche/LGF, 2011)

Exigeant, d'une insolente liberté face aux modes et aux courants de son époque, il a crée à la scène ou interprété Sophocle, Pierre Corbeille, Henrik Ibsen, Mikhaïl Boulgakov, Luigi Pirandello, Paul Claudel, Arthur Adamov, Slawomir Mrozek, Eugène O'Neill, John Arden, Edward Albee, James Saunders, Murray Schisgal parmi tant d'autres. Sur la mise en scène - à l'école de Roger Blin - il nous a laissé une très belle réflexion: Je voulais sentir le goût de l'époque et en exprimer la saveur. Participer à cette mutation constante de la vie. Me mettre à l'écoute du monde. En devenir la caisse à résonance. 

Toutes ces approches sensibles au service du texte, vous pouvez les retrouver dans ce livre qui s'ouvre avec un émouvant témoignage de Fabrice Luchini et de Marie-Noëlle Tranchant, suivi d'un florilège consacré aux thèmes majeurs de sa quête existentielle. Il y évoque sa jeunesse, son parcours politique, les événements qui ont secoué sa vie - la tragédie algérienne qui l'a transpercé au plus intime, les pages bouleversantes consacrées à sa compagne Pascale de Boysson - assumant ses contradictions avec un rare souci d'honnêteté, sans renier quoi que ce soit de son parcours, comme si chacun de ces repères biographique avait laissé s'épanouir une ride supplémentaire intégrée à sa personnalité, exigeante et douce, dont nous conservons le souvenir.

A Marie-Noëlle Tranchant reviennent les derniers mots de ce discret hommage. Je reprends dans votre dernier récital poétique, Florilège, ces vers d'Aragon qui mènent si bien vers vous: Il est plus facile de mourir que d'aimer. C'est pourquoi je me donne le mal de vivre, mon amour.

Une première édition de ce livre est parue aux Presses de la Renaissance, en 2010.

00:52 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; théâtre; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

08/07/2011

Christian Bobin

9782070126934.gifChristian Bobin, Les ruines du ciel (Gallimard, 2009)

 

Tandis que le soleil automnal caresse ma fenêtre ouverte et dispense ses rayons bienfaisants, j’éprouve une joie infinie à lire cet artisan rigoureux, discret, d’une intégrité irréprochable, contrepoids heureux à tant de vacuité, de bruit ou de futilité, même – et surtout – en littérature ! Munissez-vous d’une feuille de papier, d’un crayon et consignez les phrases qui sauront illuminer vos prochaines journées. Je vous en partage deux pour le plaisir : Les livres sont la résidence secondaire de l’âme. Quand elle pousse les volets de papier contre le mur, une lumière entre partout dans la pièce. Quelle merveille !

 

également disponible en coll. de poche (Folio/Gallimard, 2011)

06:42 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/07/2011

Pascal Quignard

9782020991094.gifPascal Quignard, La barque silencieuse (Seuil, 2009)

 

Comme l’un de ses contemporains – Christian Bobin dans Les ruines du ciel, publié par Gallimard – mais avec un regard différent, l’auteur interroge les anciens, leurs traces dans l’esprit humain, leurs miroirs obscurs dans la civilisation actuelle. Même si sa réflexion trouve un sens dans une nuit parfois ténébreuse ou hostile, il s’en dégage tout de même un sentiment de liberté intérieure à laquelle répond un besoin de silence salvateur. Est libre celui qu’on ne peut contraindre. (…) Est libre l’homme qui n’est pas esclave (…). Est libre celui qui ne demande d’autorisation à personne. Est libre celui qui ne réfère à aucune instance. Tout homme est une citadelle de tyrans qu’il faut faire sauter » Chapeau, Monsieur Quignard !

 

également disponible en édition de poche (Folio/Gallimard, 2011)

08:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Pascal Quignard | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

06/07/2011

Le poème de la semaine

Claudio Montale

pour Catherine P

quelques traces de craie dans le ciel
sont seuls signes que je laisse
pour tout dire
à qui veut jouer aux enfanteurs de lumière
 
à toi qui n'en as cure
il y a matière à rire
et pour les autres à médire
 
à huis clos
je les abandonne à leurs mauvais stratagèmes
au creux de ta blanche haleine
soudée à la terre vierge
dont je viens et où je vais sans trop frémir
et sans besoin de forger
d'improbables certitudes
 
ma vigne quotidienne et nouvelle
mon aimante
ma fulgurante
l'invention du présent jubile en nous
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

Le poème de la semaine

Gisèle Prassinos

Je veux rester dans ma niche
et ne voir personne.
Je veux garder mon os
et le ronger seul, à petits coups,
jusqu'à en faire un chef d'oeuvre.
 
Chaque nuit, j'y travaillerai.
Je n'ai pas besoin de lumière,
mes dents sont des outils complets.
Si j'ai froid, je hurlerai peut-être
et me lamenterai
d'être délaissé.
 
Au moindre bruit de pas,
pour ne pas subir l'humiliation
d'une main compatissante
sur mon poil sensible,
je ferai le mort,
respirant à peine,
à l'écoute du seul secours
que j'attends.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

05:41 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |