Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

31/12/2012

Meilleurs voeux

Bloc-Notes, 31 décembre / Les Saules

musique; variété

Je vous adresse mes meilleurs voeux de santé, de joie et de bonheur pour 2013, à vous tous, amis fidèles de la littérature et de la musique, qui visitez le blog de La scie rêveuse - vous êtes deux fois plus nombreux que l'année dernière, soit plus de 400 par jour! - déposant vos écrits, commentaires, critiques et réflexions, ici ou sur Facebook. Aussi, pour ce dernier jour de l'année, je vous dédicace cette magnifique chanson de Barbara, Pantin - suivie d'une autre: Toi - avec beaucoup de tendresse et de reconnaissance, tout simplement... Et comme le dit si bien la chanson: On recommencera demain...


 

 

00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Barbara, Chansons inoubliables | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : musique; variété | |  Imprimer |  Facebook | | |

30/12/2012

Morceaux choisis - Jocelyne François

Jocelyne François

image_les_baux_vue1.png

Le vent est tombé. Il reste seulement derrière la vitre froide le mouvement retenu du ciel. La nuit approche la colline, désarme la maison.

Je sais que l'ombre du cyprès que j'ai touché tout à l'heure tournera lentement avec la lune, et que le sol autour d'elle, libre comme un désert, deviendra cadran lunaire et mesure du temps durant notre sommeil. Le vent est tombé. Les oiseaux ne chantent pas encore le soir. La terre navigue et je la regarde. Je me regarde embarquée dans ce voyage que je n'ai pas choisi et que je me suis prise à aimer au point de le confondre avec mon corps, au point de le désirer éternel. Ah! l'éternité ne serait pas ce trou si nous y pouvions emporter cette frange sur les collines que lève la lune ou le soleil. Cette frange, au moins comme repère dans ce temps qui en aura fini de s'écouler. Autour de cette lumière pourrait s'inventer une vie sans gestes.

Ainsi sommes-nous autour des feux allumés sur les plages, perdus entre les dunes, le ciel et la mer, sans pensée et presque sans désir, occupés par le silence, le poids d'un vêtement, une braise qui roule, le sens du vent, accordant nos places à la fumée, attendant.

Alors nos feux pourraient s'élargir en cette lumière qui cesserait d'être abrupte et fugitive, qui s'établirait entre nous.

Le vent est tombé. C'est l'heure où il faut sortir, faire crisser le gravier, descendre les calades et remonter sur le plateau calcaire. Marcher. C'est l'heure où tout est à voir autrement, où nos mesures sont à prendre. En ce moment vide de la nuit, je tiens ma vie, je tiens ma mort, je tiens mon amour. Chaque scorpion tassé sous la pierre en tient autant. La terre navigue, je crois que je marche.

 Jocelyne François,  Le vent est tombé, dans: Signes d'air (Mercure de France, 1982)

image: Les Baux-de-Provence (jaipurdivabijoux.eu)

29/12/2012

Morceaux choisis - Léopold Sédar Senghor

Léopold Sédar Senghor

6483236-a-beautiful-girl-of-african-descent-with-a-veil.jpg

Femme nue, femme noire
Vétue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J'ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu'au coeur de l'Eté et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d'un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l'éclair d'un aigle
Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir,
Bouche qui fais lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs,
Savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d'Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde
Sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l'Aimée
 
Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle,
Huile calme aux flancs de l'athlète, aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes,
Les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.
 
Délices des jeux de l'Esprit,
Les reflets de l'or ronge ta peau qui se moire
A l'ombre de ta chevelure, s'éclaire mon angoisse
Aux soleils prochains de tes yeux.
 
Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l'Eternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres
Pour nourrir les racines de la vie.

Léopold Sédar Senghor, Poésie complète (Planète Libre, 2007)

image: fr.123rf.com

09:42 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Mes 12 étoiles de la littérature 2012

Bloc-Notes, 29 décembre / Les Saules

littérature; musique; livres

C''est aujourd'hui un plaisir de revisiter les passions partagées autour de tant de livres découverts au fil de l'année: ceux qui m'ont ému, surpris, étonné; ceux qui m'ont enrichi; ceux qui m'ont distrait. Et cela sans souci de hiérarchie ou de genre.

Bien que parus fin 2011, les deux premiers volumes des Oeuvres complètes de Charles-Albert Cingria (L'Age d'Homme) ont largement mérité d'obtenir l'étoile d'or, car ils nourrissent mes moments de lecture au quotidien, depuis leur parution et sans jamais me lasser. De courts récits semblables à des esquisses de tableaux - Fribourg, Lausanne, Ouchy, Paris ou Ravenne - auxquels se mêlent un sens de l'observation, une réflexion personnelle sur le temps, l'histoire et l'auteur, non dénuée d'humour.

Si les onze titres suivants obtiennent le même rang - ex-aequo, avec une étoile d'argent - je suis heureux de poursuivre ce voyage rétrospectif avec deux autres auteurs suisses que sont Douna Loup et Jean-Louis Kuffer: le premier avec Les lignes de ta paume (Mercure de France), un récit à deux voix transposé du réel - qui est à la fois une traversée du siècle et une exploration pertinente sur la liberté qu'attise la création artistique, en l'occurence la peinture - servi par une écriture chatoyante à la frontière de la poésie; pour le second, ses Chemins de traverse - Lectures du monde 2000-2005 (Olivier Morattel) m'ont accompagné comme les écrits de Charles-Albert Cingria, à tout heure du jour et de la nuit, par sa célébration de la vie, de l'amour et des arts dont son auteur me comble par sa générosité, son humour et son regard libertaire sur le monde.

Parmi les romans, je choisis trois récits plutôt intimistes. Les impurs de Caroline Boidé (Serge Safran) est ainsi une agréable surprise - une histoire d'amour avec en toile de fond l'Algérie des années 50 - de même que Je suis la marquise de Carabas de Lucile Bordes (Liana Lévi) - une plongée dans l'histoire de sa famille, la saga du Grand Théâtre Pitou et leur monde qui s'éteint - sans oublier Marie-Hélène Lafon qui, avec Les pays (Buchet-Chastel), conte l'histoire d'une fille du Cantal qui monte à Paris pour entreprendre des études, apprivoise pas à pas la réalité fragile de la ville, sans pour autant renier ses tendres campagnes. 

Un seul roman policier - bien qu'il soit davantage que cela - m'a enchanté: Prison avec piscine (Liana Levi) de Luigi Carletti, situé à la Villa Magnolia, dans un quartier résidentiel de Rome, et dont le héros a été victime d'un accident de moto dans sa jeunesse, le laissant invalide, pour toujours. Une atmosphère typiquement italienne et une intrigue originale autour de ce personnage attachant qui, en pleine conscience déclenche un mécanisme mortel bien au-delà de ses projets.

Autre orientation avec Alphabets (L'Arpenteur) de Claudio Magris, regroupant environ 80 chroniques parues dans le Corriere della Sera, à propos de littérature, de philosophie, des périodes charnières de l'histoire. Avec lui, à chaque page j'apprends quelque chose, sans pesanteur, reliant mon petit monde à l'universel. La poésie n'est pas oubliée avec Où vont les arbres de Vénus Khoury-Ghata, que le grand public append enfin à connaître, par le biais de ce prix Goncourt de la Poésie 2012 tout à fait mérité! 

Enfin, comme vous l'avez remarqué, la musique occupe une place importante dans mes loisirs. Aussi, ce n'est pas un hasard si je retiens trois titres en relation avec elle. Les grands violonistes du XXe siècle / vol. 1: de Kreisler à Kremer, 1875-1947 (Buchet-Chastel) signé Alain Lompech, est un trésor inestimable qui comble mes lacunes d'autodidacte, en texte et musique: 16 heures d'écoute! Une étrange histoire d'amour de Luigi Guarnieri (Actes Sud) est en revanche un roman - un récit serait plus juste - autour de Johannes Brahms et les époux Clara et Robert Schumann: une immersion fascinante dans leur univers. Pour en finir avec ce rapide survol, Sauver Mozart - Le journal d'Otto J. Steiner (Actes Sud) de Raphaël Jérusalmy, m'a séduit par cette fiction pure autour d'une supercherie - un manuscrit retrouvé du compositeur - servant de prétexte à raviver la mémoire de disparus, en pleine seconde guerre mondiale.

Il n'y a pas, dans ce coup d'oeil dans le rétroviseur, d'étoiles de bronze qui représentent, dans mon imaginaire, de plaisantes lectures, mais dont le parfum s'est rapidement altéré...

Par la fonction Recherche sur La scie rêveuse - vous pouvez retrouver tous ces ouvrages auquels j'ai consacré quelques lignes ou davantage, ainsi que des extraits, tout au long de cette année.

Belles heures de lecture à tous! 

Best_2 Loup.jpg

Best_5 Kuffer.jpeg

Best_4 Cingria.gif

image: girlparker.com

28/12/2012

Lire les classiques - Friedrich Rückert 1b

Friedrich Rückert

Voici ce poème de Friedrich Rückert - Dédicace/Widmung - exalté dans le premier des 26 Lieder de Robert Schumann composant l'oeuvre Myrthen, Op 25. Le baryton Dietrich Fischer-Dieskau l'interprète ici, accompagné par le pianiste Jörg Demus.


 

Hédi et Fériel Kaddour, Robert Schumann - L'amour et la vie d'une femme (La Dogana, 2006)

00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Dietrich Fischer-Dieskau, Musique classique, Robert Schumann | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/12/2012

Frédéric Pajak

Bloc-Notes, 27 décembre / Les Saules

Frederic Pajax.jpg

En sa qualité d'écrivain, Frédéric Pajak ne ressemble vraiment à personne, et son dernier livre, Manifeste incertain, en est une démonstration supplémentaire. Récit autobiographique, poème, cahier de dessins, pamphlet, souvenirs, reportages, ou plutôt tout cela à la fois? Le fil conducteur de ce texte est Walter Benjamin auquel s'ajoutent quelques pages consacrées à Samuel Beckett, comme dans d'autres de ses précédents ouvrages, ont été placés sous son projecteur Friedrich Nietzsche, Cesar Pavese, Martin Luther et James Joyce.

Pourquoi ce Manifeste incertain? En préambule, Frédéric Pajak nous en livre la clef: La génération de l'après-guerre a perdu le fil de l'Histoire à force de reconstruire le monde. Et c'est vrai qu'elle l'a reconstruit et qu'elle a su faire règner la paix, comme un long soupir, en oubliant les temps mauvais. Maintenant nous vivons dans les restes de cette paix, et c'est avec ces restes que nous improvisons une société, une société qui efface les sociétés précédentes, une société sans mémoire. Il ajoute à sa réflexion: Evocation de l'Histoire effacée et et de la guerre du temps, tel est, exprimé de façon désarticulée, le propos du Manifeste. Ecrire contre l'oubli, tracer l'éphémère, l'incruster dans le papier comme l'image d'une lumineuse mélancolie.

Avec Walter Benjamin, Frédéric Pajak situe la responsabilité de l'écrivain et déborde de ce cadre trop strict pour lui afin d'ouvrir son champ de vision à la création toute entière: La création humaine surgit de la pénombre de nous-mêmes, de cette moiteur que l'on sent entre les doigts, entre les muscles entortillés sur le dessus de nos entrailles, cette pénombre plus épaisse que la purée des cailloux. Dans cette pénombre, on plonge par le soupirail. On y nage. On s'y enterre. La création du monde vient du fond de la terre, contrairement au travail qui vient du ciel. La création humaine est étrangère au labeur, aux tâches moitié domestiques moitié mécaniques. Elle n'a ni poids ni mesure, mais elle a tout le temps pour elle. Tout le temps? Peut-être. Pour l'heure, elle s'y étire, parfois sauvagement. Un mot chasse l'autre, une image en efface une autre, une pensée cesse de penser.

Dans cet enchevêtrement de miroirs entre histoire, imagination et réalité, il n'est pas certain que le lien entre les différents chapitres soit tout à fait évident pour le lecteur, mais à trop réfléchir, en lisant, n'échappe-t-on pas au gré des incertitudes de son auteur, à l'essentiel, à la trace brute et sauvage, pas encore polie, lissée par l'intelligence? Les plus beaux passages du Manifeste incertain touchent à la pensée propre et fissurée de Frédéric Pajak, davantage qu'à ses épisodes consacrés à Walter Benjamin, Rainer-Maria Rilke ou Samuel Beckett, bien que l'ensemble soit à prendre en considération. Ainsi - outre un extrait que vous pouvez retrouver sur La scie rêveuse, dans Morceaux choisis - le point culminant de son art est atteint avec les Esprits: Les Esprits, enfouis au plus profond de la terre, décident de revenir au monde. Ils ne sont ni des immortels ni des fantômes, mais simplement des Esprits. Ils forment une espèce de cohorte, portent chacun le nom d'un sentiment puissant. Ily a le Bonheur, le Désespoir, l'Appétit. Et puis la Fatigue, longue femme amaigrie, les yeux rougis de larmes, la coiffure comme une botte de foin brûlé. Dans la cohorte, il y a encore la Douleur, la Joie, la Peur, le Chagrin et d'autres encore...

Pour la suite de ce texte, je vous laisse en poursuivre la lecture dans le Manifeste incertain, premier volume d'un nouveau cycle, aux Editions Noir sur Blanc: un ouvrage singulier tantôt visuel et provocateur comme un film de Jean-Luc Godard, tantôt dépouillé à l'extrême comme un monologue de Samuel Beckett... Original, à vous d'en juger!

A ce jour, Frédéric Pajak, néà Suresnes en 1955, est l'auteur d'une vingtaine de livres, patrmi lesquels Le bon larron (Campiche, 1987), Martin Luther - l'inventeur de la solitude (L'aire, 1997), L'immense solitude - avec Friedrich Nietzsche et Cesar Pavese (Presses Universitaires de France, 1999), L'étrange beauté du monde (Noir sur Blanc, 2008 - avec Léa Lund) et En souvenir du monde (Noir sur Blanc, 2010 - avec Léa Lund).     

Frederic Pajax_d1.jpg

Frederic Pajax_d2.jpg

Frederic Pajax_d3.jpg

Frédéric Pajak, Manifeste incertain, Volume 1 (Noir sur Blanc, 2012)

images: Frédéric Pajak, Dessins illustrant le texte : Manifeste incertain

07:38 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/12/2012

Morceaux choisis - Pierre-Albert Jourdan

Pierre-Albert Jourdan

René Char 5.jpg

Amitié, bonne déesse au long de sa vie, a désigné au poète cette maison dont les fondations touchent aux sources mêmes de son chant.

Les ombres d'oiseaux du platane palpitent sur le gravier blanc et leurs oeufs de soleil éclaboussent les murs. Au bord du pré les peupliers ont grandi. Ils distillent la tendresse venue d'un plateau dur aux coups.

L'amitié avec la terre s'alimente en secret aux froissements d'espace que font les corneilles entre gouffre et crépuscule. Elles apportent de leur voyage journalier l'image de cimes hautaines dont le nom évoque la fascination de la femme, telle qu'elle surgit d'entre les pins avec sa robe d'aiguilles.

La ruse innocente de la terre ferme, ici, le sentier pour que parlent encore les voix impavides.

Un rouge-gorge familier passe en sautillant, délégué du salut, oiseau pour défier le sommeil de la distance.

Pierre-Albert Jourdan, Les Busclats / A René Char, dans: Le bonheur et l'adieu (Mercure de France, 1991)

image: René Char, Le trousseau de Moulin Premier, album souvenir de L'Isle-sur-Sorgues (La Table Ronde, 2009)

25/12/2012

Musica présente - 45 Chiara Banchini

Chiara Banchini

violoniste et chef d'orchestre suisse, née en 1946

*

Arcangelo Corelli

Concerto No 8, Op 6

(Ensemble 415)



03:46 Écrit par Claude Amstutz dans Chiara Banchini, Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

Joyeux Noël

Que ce temps des fêtes vous apporte à toutes et à tous la réconciliation, l'espérance, la tendresse et la paix! Avec le concours des Moniales bénedictines de l'Abbaye Sainte Cécile, qui chantent avec recueillement et douceur ce Te Deum grégorien, hymne de joie et de reconnaissance! Vous pouvez en retrouver ci-dessous le texte en traduction française...


A Toi, Dieu, notre louange!
Nous t'acclamons: tu es Seigneur!
A Toi, Père éternel,
L'hymne de l'univers.
 
Devant Toi se prosternent les archanges,
Les anges et les esprits des cieux;
Ils Te rendent grâce;
Ils adorent et ils chantent:

Saint, Saint, Saint, le Seigneur,
Dieu de l'univers;
Le ciel et la terre sont remplis
De Ta gloire,
 
C'est Toi que les Apôtres glorifient,
Toi que proclament les prophètes,
Toi dont témoignent les martyrs;

C'est Toi que par le monde entier
L’Église annonce et reconnaît.
Dieu, nous T'adorons: Père infiniment saint,
Fils éternel et bien-aimé,
Esprit de puissance et de paix.
 
Christ, le Fils du Dieu vivant,
Le Seigneur de la gloire,
Tu n'as pas craint de prendre chair
Dans le corps d'une vierge pour libérer l'humanité captive.
 
Par ta victoire sur la mort,
Tu as ouvert à tout croyant les portes du Royaume;
Tu règnes à la droite du Père;
Tu viendras pour le jugement.
 
Montre-Toi le défenseur et l'ami
des hommes sauvés par Ton sang;
Prends-les avec tous les saints
Dans Ta joie et dans Ta lumière.

Sauve ton peuple, Seigneur,
Et bénis Ton héritage.
Dirige les tiens
Et conduis-les jusque dans l'éternité.
 
Chaque jour nous te bénissons
Et nous louons Ton nom à jamais
Et dans les siècles des siècles.

Daigne, Seigneur, en ce jour,
Nous garder de tout péché.
Aie pitié de nous, Seigneur,
Aie pitié de nous.
 
Que ta miséricorde soit sur nous, Seigneur,
Car nous avons mis en Toi notre espérance.
En Toi, Seigneur, j'ai mis mon espérance:
Que je ne sois jamais confondu.

00:59 Écrit par Claude Amstutz dans Chant sacré, Le monde comme il va | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique; spiritualité | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/12/2012

Lire les classiques - Jehan Rictus

Jehan Rictus

lu par Monique Morelli



Seigneur Jésus, je pense à vous!
Ça m’prend comm’ça, gn’y a pas d’offense!
J’ suis mort’ de foid, j’ me quiens pus d’bout,
ce soir encor... j’ai pas eu d’chance.
 
Ce soir, pardi ! c’est Réveillon:
On n’ voit passer qu’des rigoleurs;
j’ gueul’rais « au feu » ou « au voleur »,
qu’personne il y f’rait attention.

Et vous aussi, Vierge Marie,
Sainte-Vierge, Mère de Dieu,
qui pourriez croir’que j’vous oublie,
ayez pitié du haut des cieux.

J’ suis là, Saint’-Vierge, à mon coin d’rue
où d’pis l’apéro, j’bats la semelle;
j’ suis qu’eune ordur’, qu’eun’ fill’perdue,
c’est la Charlotte qu’on m’appelle.

Sûr qu’avant d’vous causer preumière,
eun’femm’qu’est pus bas que l’ruisseau
devrait conobrer ses prières,
mais y m’en r’vient qu’ des p’tits morceaux.

Vierge Marie... pleine de grâce...
j’suis fauchée à mort, vous savez;
mes pognets, c’est pus qu’eun’ crevasse
et me v’là ce soir su’l’pavé.
 
Si j’entrais m’chauffer à l’église,
on m’ foutrait dehors, c’est couru;
ça s’voit trop que j’suis fill’soumise...
(oh ! mand’ pardon, j’ viens d’ dir’ « foutu. »)

T’nez, z’yeutez, c’est la Saint-Poivrot;
tout flamb’, tout chahut’, tout reluit...
les restaurants et les bistrots
y z’ont la permission d’la nuit.

Tout chacun n’pens’qu’à croustiller.
Y a plein d’ mond’dans les rôtiss’ries,
les épic’mards, les charcut’ries,
et ça sent bon l’boudin grillé.

Ça m’fait gazouiller les boïaux!
Brrr! à présent Jésus est né.
Dans les temps, quand c’est arrivé,
s’ y g’lait comme y gèle e’c’te nuit,
su’ la paill’ de vot’ écurie
v’s z’avez rien dû avoir frio,
Jésus et vous, Vierge Marie.

Bing !... on m’ bouscule avec des litres,
des pains d’quatr’livr’s, des assiett’s d’huîtres,
Non, r’gardez-moi tous ces salauds!

(Oh ! esscusez, Vierge Marie,
j’ crois qu’j’ai cor dit un vilain mot!)

N’est-c’ pas que vous êt’s pas fâchée
qu’eun’ fill’ d’amour plein’ de péchés
vous caus’ce soir à sa magnère
pour vous esspliquer ses misères?
Dit’s-moi que vous êt’s pas fâchée!

C’est vrai que j’ai quitté d’chez nous,
mais c’était qu’la dèche et les coups,
la doche à crans, l’dâb toujours saoul,
les frangin’s déjà affranchies....

(C’était h’un vrai enfer, Saint’-Vierge;
soit dit sans ête eune effrontée,
vous-même y seriez pas restée.)

C’est vrai que j’ai plaqué l’turbin.
Mais l’ouvrièr’gagn’pas son pain;
quoi qu’a fasse, elle est mal payée,
a n’ fait mêm’pas pour son loyer;

à la fin, quoi, ça décourage,
on n’a pus de cœur à l’ouvrage,
ni le caractère ouvrier.

J’ dois dire encor, Vierge Marie!
que j’ai aimé sans permission
mon p’tit... « mon béguin... » un voyou,
qu’ est en c’moment en Algérie,
rapport à ses condamnations.

(Mais quand on a trinqué tout gosse,
on a toujours besoin d’caresses,
on se meurt d’amour tout’sa vie:
on s’arr’fait pas que voulez-vous !)

Pourtant j’y suis encore fidèle,
malgré les aut’s qui m’ cour’nt après.
Y a l’ grand Jul’s qui veut pas m’laisser,
faudrait qu’avec lui j’me marie,
histoir’ comme on dit, d’l’engraisser.
Ben, jusqu’à présent, y a rien d’ fait;
j’ai pas voulu, Vierge Marie!
 
Enfin, je suis déringolée,
souvent on m’a mise à l’hosto,
et j’ m’ai tant battue et soûlée,
que j’en suis plein’de coups d’couteau.

Bref, je suis pus qu’eun’salop’rie,
un vrai fumier Vierge Marie!
(Seul’ment, quoi qu’on fasse ou qu’on dise
pour essayer d’se bien conduire,
y a quèqu’chos’qu’est pus fort que vous.)

Eh ! ben, c’est pas des boniments,
j’ vous l’jure, c’est vrai, Vierge Marie!
Malgré comm’ça qu’ j’aye fait la vie,
j’ai pensé à vous ben souvent.

Et ce soir encor ça m’rappelle
un temps, qui jamais n’arr’viendra,
ousque j’allais à vot’chapelle
les mois que c’était votre fête.

J’arr’vois vot’ bell’rob’bleue, vot’voile,
(mêm’ qu’il était piqué d’étoiles),
vot’ bell’ couronn’ d’or su’la tête
et votre trésor su’les bras.
 
Pour sûr que vous étiez jolie
comme eun’ reine, comme un miroir,
et c’est vrai que j’vous r’vois ce soir
avec mes z’yeux de gosseline;
c’est comm’ si que j’y étais... parole.
 
Seul’ment, c’est pus comme à l’école;
ces pauv’s callots, ce soir, Madame,
y sont rougis et pleins de larmes.

Aussi, si vous vouliez, Saint’-Vierge,
fair’ce soir quelque chos’pour moi,
en vous rapp’lant de ce temps-là,
ousque j’étais pas eune impie;
vous n’avez qu’à l’ver un p’tit doigt
et n’pas vous occuper du reste...

J’ vous d’mand’pas des chos’s... pas honnêtes!
Fait’s seul’ment que j’trouve et ramasse
un port’-monnaie avec galette
perdu par un d’ces muf’s qui passent
(à moi putôt qu’au balayeur!)

Un port’-lazagn’, Vierge Marie!
gn’y aurait-y d’dans qu’un larantqué,
ça m’aid’rait pour m’aller planquer
ça m’ permettrait d’attendre à d’main
et d’m’enfoncer dix ronds d’boudin!

Ou alorss, si vous pouez pas
ou voulez pas, Vierge Marie...
vous allez m’ trouver ben hardie,
mais... fait’s-moi de suit’ sauter l’pas!

Et pis... emm’nez-moi avec vous,
prenez-moi dans le Paradis
ousqu’y fait chaud, ousqu’y fait doux,
où pus jamais je f’rai la vie,

(sauf mon p’tit, dont j’suis pas guérie,
vous pensez qu’je n’arr’grett’rai rien
d’ Saint-Lago, d’la Tour, des méd’cins,
des barbots et des argousins!)

Ah ! emm’nez-moi, dit’s, emm’nez-moi
avant que la nuit soye passée
et que j’soye encor ramassée;
Saint’-Vierge, emm’nez-moi, j’vous en prie?

Je n’en peux pus de grelotter...
t’nez... allumez mes mains gercées
et mes p’tits souliers découverts;
j’n’ai toujours qu’mon costume d’été
qu’ j’ai fait teindre en noir pour l’hiver.

Voui, emm’nez-moi, dit’s, emm’nez-moi.
Et comme y doit gn’y avoir du ch’min
si des fois vous vous sentiez lasse
Vierge Marie, pleine de grâce,
de porter à bras not’ Seigneur,
(un enfant, c’est lourd à la fin),

Vous me l’repass’rez un moment,
et moi, je l’ port’rai à mon tour,
(sans le laisser tomber par terre),
comm’ je faisais chez mes parents
La p’tit’moman dans les faubourgs

quand j’trimballais mes petits frères.

Jehan Rictus, La Charlotte prie Notre-Dame durant la nuit du Réveillon, dans: Le coeur populaire (Le Geai Bleu, 2003)

Monique Morelli, Chansons poétiques et réalistes (EPM, 2011)