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23/12/2012

Lire les classiques - Selma Lagerlöf

Selma Lagerlöf

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Il me faut expliquer comment les choses se passent à Marbacka le soir du réveillon. On a le droit de tirer une petite table au chevet de son lit et d'y poser une bougie, et puis l'on a le droit de lire aussi longtemps qu'on le désire. Et cela constitue le plus grand des plaisirs de Noël. Rien ne peut surpasser le bonheur de se trouver là, avec dans les mains un livre plaisant reçu en cadeau de Noël, un livre que l'on avait jamais vu auparavant et que personne d'autre dans cette maison ne connaît non plus, et de savoir que l'on pourra en lire les pages l'une après l'autre, pour autant que l'on sache rester éveillé. Mais que faire durant la nuit de Noël si l'on a pas reçu de livre?

Selma Lagerlöf, Le livre de Noël (coll. Babel/Actes Sud, 2007)

image: Darren Thompson (darrenthompsonfineart.blogspot.com)

14:15 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; nouvelles; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Sur un air de fête

Bloc-Notes, 23 décembre / Les Saules

la scie rêveuse; facebook

A l'approche de ce temps des fêtes, vous êtes toutes et tous, chers amis fidèles ou de passage, présents à mon coeur. Vous êtes une part importante de ma joie intérieure, par votre présence, vos témoignages, vos signes d'amitié, vos commentaires ou suggestions: semblables à l'olivier, symbole de sagesse, de générosité et d'éternité...

A votre manière - inconsciemment, j'en suis sûr - vous me faites grandir, chaque jour. Au contraire, je m'en veux parfois de ne pas naviguer autant que je le voudrais sur les pages de vos sites et blogs, ou prends parfois un temps certain pour répondre à votre courrier: la faute à une balance inconstante du temps réparti entre mes proches, les tâches ingrates du quotidien, les plaisirs du jardin, la passion de la lecture et de la musique, enfin La scie rêveuse et Facebook

J'espère néanmoins faire mieux l'année prochaine et vous embrasse très fort, comme si vous étiez là, sous ma fenêtre... 

la scie rêveuse; facebook

images: Les Saules, Cologny (2011/2012)

10:04 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Le monde comme il va | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : la scie rêveuse; facebook | |  Imprimer |  Facebook | | |

22/12/2012

Morceaux choisis - Vénus Khoury-Ghata

Vénus Khoury-Ghata

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Ils flottent à la surface de la mémoire
s'infiltrent dans les murs avec les lunaisons
égorgent l'eau
démantèlent les pendules
Ils escaladent les racines
dévalent la pente des pluies
aspirent les vapeurs des puits
boivent d'un seul trait nos fleuves en crue
Ils enjambent les toits
plient les poutres
réveillent les enfants lovés dans leurs cils
pour leur faire écouter le bruit de leurs phalanges
Ils mangent la chair du jujubier
ligotent les bras du cyprès
et le convertissent en cierge.
 
Ils volent dans l'air des cimetières
renversent les sépultures
vident leur contenu dans les caniveaux
Ils neigent en flocons immobiles
soufflent en rafales inertes
nous les cueillons sur le rebord des hanches
nous les faisons macérer dans nos sueurs
essorons leurs larmes
les séchons sur des cordes tendues sous terre
Ils harnachent nos nuits
scellent nos rêves
nous enfourchent du côté oublieux du cœur
Ils vont entre écorce et noyer
forcent les portes de novembre
percent l’œil de la lucarne
signent nos miroirs de leurs buées
Ils s'éloignent dans leur corps
se terrent dans leurs chevilles
crient jusqu'à l'aine
besogneux ces morts lorsqu'ils rampent sous les prairies
pour ramasser les noix rejetés par l'été
qu'ils secouent comme hochets d'enfants.
 

Vénus Khoury-Ghata, Monologue du mort, dans: Anthologie personnelle (Actes Sud, 1997)

08:43 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

21/12/2012

La citation du jour

Albert Camus 

citation; livres

On se croit retranché du monde, mais il suffit qu'un olivier se dresse dans la poussière dorée, il suffit de quelques pages éblouissantes sous le soleil du matin, pour qu'on sente en soi fondre cette résistance. Ainsi de moi. Je prends conscience des possibilités dont je suis responsable. Chaque minute de vie porte en elle sa valeur de miracle et son visage d'éternelle jeunesse.

Albert Camus, Carnets, vol. 1 (Gallimard, 1962)

image: Pierre-Auguste Renoir, Le ravin de la femme sauvage (alaintruong.com)

08:19 Écrit par Claude Amstutz dans Albert Camus, La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

20/12/2012

Musica présente - 44 Alicia de Larrocha

Alicia de Larrocha

pianiste espagnole, 1923 - 2009

*

Joaquin Turina

Sanlucar de Barrameda, Op 24

"En la Torre del Castillo"


00:08 Écrit par Claude Amstutz dans Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

19/12/2012

Le poème de la semaine

André Frénaud

Je l'ai proférée en pierres sèches, ma maison, 
pour que les petits chats y naissent dans ma maison, 
pour que les souris s'y plaisent dans ma maison. 
Pour que les pigeons s’y glissent, pour que la mi-heure y mitonne, 
quand de gros soleils y clignent dans  les réduits. 
Pour que les enfants y jouent avec personne, 
c'est-à-dire avec le vent chaud, les marronniers. 
 
C'est pour cela qu'il n'y a pas de toit sur ma maison, 
ni de toi ni de moi dans ma maison, 
ni de captifs, ni de maîtres, ni de raisons, 
ni de statues, ni de paupières, ni la peur, 
ni des armes, ni des larmes, ni la religion, 
ni d'arbres, ni de gros murs, ni rien que pour rire. 
C'est pour cela qu’elle est si bien bâtie, ma maison. 
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:10 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

17/12/2012

Morceaux choisis - Anne Hébert

Anne Hébert

littérature; poésie; anthologie; livres

Je suis la terre et l'eau, tu ne me passeras pas à gué,
mon ami, mon ami
 
Je suis le puits et la soif, tu ne me traverseras pas sans péril,
mon ami, mon ami
 
Midi est fait pour crever sur la mer, soleil étale, parole fondue,
tu étais si clair, mon ami, mon ami
 
Tu ne me quitteras pas essuyant l'ombre sur ta face
comme un vent fugace, mon ami, mon ami
 
Le malheur et l'espérance sous mon toit brûlent, durement noués,
apprends ces vieilles noces étranges, mon ami, mon ami
 
Tu fuis les présages et presses le chiffre pur à même tes mains ouvertes,
mon ami, mon ami
 
Tu parles à haute et intelligible voix, je ne sais quel écho sourd
traîne derrière toi, entends, entends mes veines noires
qui chantent dans la nuit, mon ami, mon ami
 
Je suis sans nom ni visage certain; lieu d'accueil et chambre d'ombre,
piste de songe et lieu d'origine, mon ami, mon ami
 
Ah quelle saison d'âcres feuilles rousses
m'a donnée Dieu pour t'y coucher, mon ami, mon ami
 
Un grand cheval noir court sur les grèves, j'entends son pas
sous la terre, son sabot frappe la source de mon sang
à la fine jointure de la mort
 
Ah quel automne!  Qui donc m'a prise parmi des cheminements
de fougères souterraines, confondue à l'odeur du bois mouillé,
mon ami, mon ami
 
Parmi les âges brouillés, naissances et morts, toutes mémoires,
couleurs rompues, reçois le coeur obscur de la terre,
toute la nuit entre tes mains livrée et donnée, mon ami, mon ami
 
Il a suffit d'un seul matin pour que mon visage fleurisse,
reconnais ta propre grande ténèbre visitée, tout le mystère lié
entre tes mains claires, mon amour.

Anne Hébert, Je suis la terre et l'eau, dans: Conversations amoureuses - Poèmes d'amour choisis par José Belin (Géraldine Martin, 1999)

22:55 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

15/12/2012

Bruno Le Maire 1c

Bloc-Notes, 15 décembre / Les Saules

Voici trois exemples de l'art de Carlos Kleiber, soit la Symphonie No 4, Op 98 de Johannes Brahms (avec le Wiener Philharmoniker), Le Freischütz / Ouverture, Op 77 - de Carl Maria von Weber (avec le Südfunk-Sinfonieorchester, et pour finir les  Symphonies No 4, Op 60 et 7, Op 92 de Ludwig van Beethoven... 




Bruno Lemaire, Musique absolue – Une répétition avec Carlos Kleiber (Gallimard, 2012)

16:44 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Carlos Kleiber, Johannes Brahms, Ludwig van Beethoven, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

Bruno Le Maire 1b

Morceaux choisis

littérature; musique classique; livres

Répéter ne voulait pas dire, pour Carlos, reprendre cent fois les cinq mêmes mesures, dans une parition : répéter voulait dire tenter. Tenter quelque chose de nouveau et de proprement inouï. Il connaissait les partitions mieux que personne. Avant de rentrer en répétition, il demandait aux archives de lui sortir les fac simile des éditions originales des œuvres. Il les scrutait. Il les annotait au crayon. A Betlin, un soir, les gardiens retrouvèrent Carlos enfermé dans la salle des archives de la Philharmonie, il avait oublié de les avertir de sa présence. Pardonnez-moi, messieurs, je travaillais et maintenant je cherche la sortie.

Aucun chef ne montait à son pupitre aussi bien préparé que Carlos. Pourtant, il ne rechignait pas à assister aux répétitions des autres chefs, au contraire, il leur en faisait la demande : Muti, Sawallich, Karajan dans les dernières années. A Salzbourg, il se cachait derrière une colonne du grand théâtre et, la tête penchée, le visage appuyé dans la paume, il écoutait les répétitions. Il avait pour Karajan un respect teinté de fascination, sans doute en raison de la force que ce petit bonhomme en acier trempé dégageait, tout le contraire de sa fragilité à lui.

Donc, dans son esprit, la répétition ne correspondait en rien à ce que vous entendez en France, par une répétition. Keine Wiederholung: eine Probe. La répétition démarrait au moment précis où il pouvait tenter ce que personne avant lui, vraiment personne, ne voulait avoir tenté. Ou osé tenter. Il disait : Il faut tâtonner. Avancer en pleine obscurité, n’est-ce pas? En pleine obscurité. Imaginez, le chef le mieux préparé au monde à ses répétitions qui vous déclare : Il faut tâtonner. Vous comprenez? Vous comprenez un instant ce que cela signifie? Les instruments, il demandait à les déplacer. Mettre les percussions à un autre bout de la pièce, juste pour voir. Il supprimait une flûte sur deux. Il ralentissait les tempi. Il poussait les pianissimi à la limite du silence. Il fallait tout essayer. Et encore, il gardait pour les concerts et les enregistrements les tentatives les plus risquées. 

A Berlin, il enregistra la Huitième de Schubert en démarrant si doucement que même en tendant l’oreille, pendant les vingt premières mesures, il est impossible pour une oreille normale de percevoir quoique ce soit. Dans le studio, un ingénieur du son de Deutsche Grammophon lui demanda une nouvelle prise. Il répliqua : Pourquoi une nouvelle prise? – Pour entendre, maestro. – Mais justement, je ne veux pas qu’on entende! Au moins au début, je veux qu’on cherche à entendre et qu’on n’entende pas, comme un homme réveillé en sursaut qui guetterait le bruit du cambrioleur: il faut faire peur, il faut du suspens. 

Il avait le sens du silence, comme un réalisateur de cinéma le sens du noir. Il aurait pu filmer la nuit. Il jouait du silence. Je serais réalisateur, je prendrais les premières mesures de sa Huitième de Schubert comme bande son pour un Hitchcock. Cadre serré, une Chevrolet des années 60, le visage concentré et un peu inquiet d’une jeune femme au volant, la pluie qui ruisselle sur le pare-brise, et ces premières mesures à peine audibles. Oui, c’est exactement ce que je ferais.

Bruno Lemaire, Musique absolue – Une répétition avec Carlos Kleiber (Gallimard, 2012)

Bruno Le Maire 1a

Bloc-Notes, 15 décembre / Les Saules

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Avant de vous parler du livre de Bruno Le Maire, une anecdote. Dans les années 80, j’ai connu l’un des chocs de ma vie en découvrant la Cinquième de Beethoven – pourtant maintes fois entendue par le passé - dirigée avec tant de fougue, de rage et de folie, que ce moment est resté gravé dans ma mémoire. Je fis ainsi connaissance avec celui qui allait devenir l’un de mes chefs d’orchestre préférés dans ce répertoire: Carlos Kleiber.

Or, c’est de lui qu’il est question dans ce récit de Bruno Le Maire, Musique absolue – Une répétition avec Carlos Kleiber. Pour son narrateur, la révélation fut la Septième de ce même Beethoven dont il résume à merveille l’impression que le maestro lui a inspirée : On aurait dit que le chef dirigeait avec une hache au bout du bras. Il cognait dans la musique, levait son bras, abattait son bras, cognait, cognait encore, et la musique allait son chemin et lui la faisait aller plus loin encore. Plus il tranchait dans la musique, plus elle reprenait de vigueur. Et subitement, come épuisé, il tirait de son orchestre un son d’une douceur prodigieuse, semblable à une tache de soleil dansant dans une clairière.

Par le biais d’un critique musical qui lui fait connaître Nikolaus Marek, un violoniste proche de Carlos Kleiber, il enregistre les conversations, prend des notes et se rapproche de ce musicien d’exception - il avait la sensualité des mangeurs de cerises - qui le fascine et envers lequel il nourrit une véritable dévotion.

Ainsi, nous est contée l'histoire de cet homme complexe qui avait en lui la folie de la musique – héritée de son père Erich, lui aussi chef d’orchestre et placé tout en haut de son panthéon – faisant preuve d’une audace inouïe pareille à ces conducteurs de voitures qui frôlent continuellement la sortie de route. Une trajectoire fulgurante, bâtie sur l’inquiétude et la réponse à celle-ci qui, sur la fin, le laisse épuisé, comme effacé derrière le visage de ses maîtres: Beethoven, Brahms, Schubert, Weber et Mozart. Un très beau passage du livre de Bruno Le Maire met en lumière cet aspect de la personnalité de Carlos Kleiber: Il a voulu disparaître au profit de la musique, parce que seule comptait la musique et lui ne comptait pas. Regardez ses derniers enregistrements publics. Regardez-les attentivement. Par moments, il reste totalement immobile au pupitre, les bras ballants, la tête inclinée. Et puis son corps est pris d’un soubresaut. Il bondit et il mime la musique. Il ne dirige toujours pas, il entre dans la musique. « Mon rêve: devenir superflu ». 

Parfois, quelques souvenirs amusants - à propos d’un concert consacré aux Strauss -  affluent dans la mémoire de son confident: Plus léger! Beaucoup plus léger! Imaginez que passe devant vous une femme avec de longues jambes. Une jolie femme avec de longues jambes et des talons très hauts. Vous jouez comme elle marche. Vous devez jouer comme elle marche!

On pardonnera à Bruno Le Maire la faible consistance de ses personnages de fiction – le narrateur, Nikolaus Marek et son ami Dieter – tant Carlos Kleiber occupe tout l’espace de ce modeste ouvrage: 100 pages à peine… Musique absolue – Une répétition avec Carlos Kleiber, n’est en rien une œuvre érudite réservée aux musicologues ou autres élites intellectuelles, mais au contraire, le reflet d’une passion sincère de son auteur qui a nourri le désir de la coucher sur papier, la transmettre et la partager avec ses mots à lui pour quiconque est sensible à la beauté des choses et ses exigences, dont la musique est l’une des expressions les plus hautes et les plus infinies. La musique est une incertitude, dit encore Nikolaus pour mieux définir encore la démarche de son ami Carlos. 

Maintenant, place à la musique! Sur La scie rêveuse – voir Catégories - vous pouvez retrouver quelques interprétations de Carlos Kleiber: certainement le vœu le plus cher de Bruno Le Maire...

Bruno Lemaire, Musique absolue – Une répétition avec Carlos Kleiber (Gallimard, 2012)

image: Bruno Le Maire (blog.accent4.com)