21/02/2012
Iain Levison
Iain Levison, Arrêtez-moi là (Liana Levi, 2011)
présenté par Alexandre Guex - Payot Libraire, Nyon
Charger un passager à l'aéroport, quoi de plus juteux pour un chauffeur de taxi? Une bonne course vous assure une soirée tranquille. Ce soir-là, pourtant, c'est le début des emmerdes... Tout d'abord la cliente n'a pas assez d'argent sur elle et, pour être réglé, il vous faut entrer dans sa maison pourvue d'amples fenêtres. Plus tard, deux jeunes femmes passablement éméchées font du stop. Seulement, une fois dépannées, l'une d'elles déverse sur la banquette son trop-plein d'alcool. La corvée de nettoyage s'avère nécessaire. Après tous ces faux pas, comment s'étonner que deux policiers se pointent en vous demandant des comptes? Un dernier conseil: ne sous-estimez jamais la capacité de la police à se fourvoyer...
Au mauvais endroit, au mauvais moment ! Ainsi se retrouve Jeff, chauffeur de taxi sans histoires, piègé dans une sordide affaire criminelle. Une attaque en règle, pleine d’ioronie et teintée d’humour noir, de l’hypocrisie et de l’absurdité du système judiciaire, ainsi que de la société américaine d’aujourd’hui. Un régal!
05:40 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
20/02/2012
John Burnside
John Burnside, Scintillation (Métailié, 2011)
présenté par Isabelle Ertel - Librairie Payot, Nyon
Dans un paysage dominé par une usine chimique abandonnée, au milieu de bois empoisonnés, l'Intraville, aux immeubles hantés de bandes d’enfants sauvages, aux adultes malades ou lâches, est devenue un modèle d’enfer contemporain. Année après année, dans l’indifférence générale, des écoliers disparaissent près de la vieille usine. Ils sont considérés par la police comme des fugueurs. Leonard et ses amis vivent là dans un état de terreur latente et de fascination pour la violence.
L’Intraville est un lieu hanté par l’usine chimique abandonnée qui a fait les beaux jours de cette ville devenue un vrai mouroir pour les habitants. Les jeunes sont fascinés par ce lieu. De jeunes garçons disparaissent sans que personne ne s’en soucie réellement. Le meilleur ami de Léonard disparaît à son tour. Celui-ci mène l’enquête et s’acoquine malgré lui à une bande de jeunes voyous. Scintillation nous enflamme vers de multiples pistes afin de sonder les confins les plus noirs de l’âme humaine, mais avec peine.
06:31 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
19/02/2012
Fouad Laroui
Fouad Laroui, La vieille dame du riad (Julliard, 2011)
présenté par Anouk Lassilaa - Librairie Payot, Nyon
C'est avec un bonheur sans mélange qu'un jeune couple français s'installe à Marrakech, dans le riad qu'il vient d'acquérir. Quel choc quand il découvre, dans une petite pièce au fond de la maison, une vieille femme qui y semble installée de toute éternité. Ni l'agence immobilière ni les anciens propriétaires ne sont en mesure de leur expliquer ce qu'elle fait là. La femme est très vieille, paisible, parlant quelques mots d'un dialecte que personne ne comprend et ne paraît absolument pas disposée à quitter les lieux. Pas question de jeter à la rue une personne aussi fragile. Aucune institution n'est prête à l'accueillir. Impossible de retrouver sa famille. Comment aménager cette cohabitation? La faire travailler contre le gîte et le couvert, mais pour faire quoi? La considérer comme une amie de la famille? Mais ils n'ont absolument rien en commun. Lui trouver une chambre en ville? Impossible de la faire partir manu militari. Accomplir un acte charitable et l'accueillir comme une SDF? Se soumettre et accepter cette étrange situation? Mais cette présence, aussi discrète soit-elle, reste une intrusion insupportable et un viol de l'intimité de ce couple plein de bonnes intentions. Comment partager son espace avec quelqu'un qui vous est totalement étranger? Telle est la question!
Ils ont une idée fabuleuse, Cécile et François, quand ils décident d’acheter un riad à Marrakech! Mais une aventure hors du commun les attend. Que fait cette vieille femme au fond d’une pièce? Est-ce que tout ce petit monde coloré qui les entoure va pouvoir les aider? Vous, peut-être? Un ton ironique et tendre qui met à mal bien des clichés et des idées reçues avec un humour bienvenu.
17:20 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
Je tire ma révérence
Bloc-Notes, le 19 février / Les Saules
Voici venu le moment de tirer ma révérence professionnelle - à 65 ans chez nous autres, suisses - avec un an d'avance, après 47 ans de passions partagées avec des auteurs, des éditeurs, des représentants, des journalistes et des libraires, tous des maillons indispensables de cette chaîne du livre qui auront largement contribué à mon bonheur de vivre.
J'avais promis qu'en quittant les librairies Payot, j'ouvrirais exceptionnellement ces colonnes aux coups de coeur de mes désormais anciens collègues de Nyon qui poursuivent la route, reprennent courageusement le flambeau en une période délicate pour la profession, avec simplicité, modestie et sincérité, par amour du livre et des lecteurs.
Pour ma part, l'aventure continue, autrement certes, mais elle continue, aussi belle et lumineuse qu'elle le fut jusqu'à ce jour: dans ma vie, auprès de mes amis, sur La scie rêveuse, sur Facebook, dans la revue du Passe Muraille. Quand je pense à tous les livres qu'il me reste encore à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux, dit Jules Renard.
Place donc à mes amis libraires! Je reprendrai prochainement la parole sur La scie rêveuse, avec Le poème de la semaine, puis avec un thème plus polémique - qui ne me vaudra pas que des amitiés! - Pourquoi Sarko va gagner selon Eric Brunet (Albin Michel), ainsi que la reprise de chroniques consacrées aux parutions récentes, telles Le champ du potier de Andrea Camilleri (Fleuve Noir), Les lieux et la poussière de Roberto Peregalli (Arléa) et La femme au masque de chair de Donna Leon (Calmann-Lévy).
Belle fin de dimanche à tous!
image: Dora Maar par Man Ray / Paul Eluard, Le temps déborde (Les Cahiers d'Art, 1947)
17:19 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Le monde comme il va | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : littérature; livres | | Imprimer | Facebook |
18/02/2012
Morceaux choisis - Piero Calamandrei
Piero Calamandrei
Que vous arriviez de Bologne, surtout des tunnels de l'Apennin en direction de Florence, ou que vous arriviez du sud par la ligne qui vient de Rome, mettez-vous à la fenêtre et cherchez au sommet des collines: et quand vous verrez se dresser là-haut, près du toit rougeâtre d'une maison paysanne ou au beau milieu des oliviers argentés, la flèche d'un cyprès, soyez sûr que Florence est proche. Ce sont eux qui marquent non seulement les limites entre les champs et entre les fermes, mais aussi la frontière entre la Toscane et les autres régions. Ce qu'on peut reconnaître avec une précision absolue quand on vient de Rome. Jusqu'à la moitié du trajet, c'est le Latium qu'on voit: les lents méandres du Tibre, et, sur les hauteurs, les bois de chênes. Mais quand vous arrivez à Chiusi, la cité de Porsenna, voilà le cyprès, là-haut, comme un index tendu, qui vous avertit que vous avez pénétré en terre étrusque - car il y a une chose singulière: c'est qu'il semble que dans tous les lieux où ils se sont arrêtés en Italie, les Etrusques aient voulu laisser une trace de leur passage en plantant sur ces collines les lances des cyprès, comme un signe de leur emprise; lesquels ne sont pas réunis, ici, en bouquets touffus, mais épars comme des annotations au paysage, ornant d'une frange la crête d'un coteau qui se détache sur le ciel, accompagnant de leur alignement le chemin qui mène à une villa ou à un cimetière, protégeant les meules sur l'aire ou, au milieu des oliviers, la fumée d'une maison.
Je pense que pour les Etrusques, le cyprès était un arbre sacré, un symbole magique: une espèce de dieu Terminus, peut-être une conjuration contre la grêle et la foudre. Pure fantaisie de ma part... Reste que je considère le cyprès isolé parmi les oliviers comme la signature des Etrusques. Dans les douces périodes des collines toscanes dont les oliviers sont les mots, les cyprès sont les ponctuations. Et dans la sobriété où se mêlent des tonalités feutrées et discrètes, l'argent des oliviers et le vert sombre des cyprès sont la couleur du paysage toscan: ce n'est pas d'abord un paysage peint, mais un paysage dessiné, sculpté, buriné; un paysage aux contours précis, qu'il faut voir en hiver pour le bien comprendre, quand les autres arbres ont perdu leurs feuilles, ou à la rigueur au début du printemps, entre mars et avril, lorsque apparaissent entre les oliviers les taches roses des pêchers en fleurs, et qu'au bord des rivières il n'y a encore qu'une caresse de vert pâle sur les branches nues des peupliers.
C'est à ce moment-là, avant que le bouillonnement de mai n'en ait caché les lignes, que se découvrent bien visibles toutes les nervures de cette terre construite comme une architecture, où l'on peut reconnaître une à une les différentes qualités de pierres qui ont servi au cours des siècles à construire la ville: les rayures blanches des carrières de marbre où Michel-Ange allait choisir lui-même les blocs pour ses statues, ou plus bas, entre les champs, le brun de la pietra forte utilisée pour la tour du Palazzo Vecchio, ou le gris bleuté de la pietra serena, encadrement préféré des intérieurs de Brunelleschi.
Piero Calamandrei, Parler de Florence - bilingue (Collection Lettres d'Italie/Edition de la revue Conférence, 2010)
Illustrations: Gérard de Palézieux et de Piero Calamandrei
Traduction: Christophe Carraud
image: Florence - http://photos.linternaute.com/cypres/
00:43 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; voyages; livres | | Imprimer | Facebook |
15/02/2012
Le poème de la semaine
Jean-Pierre Lemaire
Un chant d'oiseau découpe la fenêtreNotre lit s'éveille au milieu du jardinderrière les volets qui ne laissent passerde la vie que l'invisibleAu fond sur le murune échelle de lumièrerouge d'abord, puis dorée
Le long de l'échelleles musiciens anonymes du jourmontent et descendent
Crois-tu qu'avec la poésienous pourrions y monter nous aussi?
Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
06:11 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
14/02/2012
Aline Kiner
Aline Kiner, Le jeu du pendu (coll. Piccolo/Liana Levi, 2012)
Paru en 2011, Le jeu du pendu est - dans le domaine du roman policier - l'un des meilleurs titres francophones de ces dernières années! L'auteur nous embarque en Lorraine où, un certain 24 décembre 1944, le petit village de Varange est le théâtre d'une pendaison au cimetière, celle de Johann Ziegler au vieux chêne du lieu. Un écriteau est posé, visible de tous, au pied de l'arbre. On peut y lire en grandes lettres: La corde pour les collabos... Soixante ans plus tard, une jeune fille, Nathalie, est retrouvée ligotée, avec une corde nouée autour du corps - comme la statue du Dieu piteux au cimetière - et étouffée sauvagement dans la boue d'une ancienne mine de la région.
Solidement documenté - les archives consultées, mais aussi les témoignages des habitants de cette région de la Moselle - Le jeu du pendu nous restitue, à travers des personnages complexes et attachants ces heures douloureuses de l'après-guerre où l'atmosphère était pire que pendant l'Occupation. Les familles qui rentraient d'exil retrouvaient leurs maisons sans dessus dessous, les jardins dévastés, les meubles volés par les voisins. On se traitait de collabos. Tant de haine...
Mais la Lorraine, c'est aussi le souvenir de la fermeture des mines de fer qui réveillent bien des blessures, exposées avec une rare sensibilité: Adolescente, Sarah avait souvent insisté pour que son père l'emmène au fond. Elle voulait voir, disait-elle. Seulement voir, une fois, où il travaillait. Il aurait pu. Certains le faisaient. Mais il n'avait pas voulu. La nuit presque totale, le vacarme des engins, le froid pénétrant, l'humidité. La poussière, ocre, du minerai qui leur collait à la peau et leur valait ce nom de gueules jaunes. Ce n'était pas un monde pour les enfants.L'odeur de la boue... Quand on était imprégné de cette odeur, jamais on ne s'en débarrassait. Elle ressortait, en même temps qu'une trace jaunâtre, sur le col des chemises blanches qu'on portait en été. Fille de mineur, Aline Kiner - originaire de cette région - sait de quoi elle parle et apporte de précieuses explications dans sa postface pour les lecteurs qui ont passé à côté de cette page d'histoire de France.
L'intrigue policière qui repose sur les épaules des deux enquêteurs, Simon Dreemer - muté du service des SRPJ de Metz - et Jeanne Modover - qui renoue avec le pays de son enfance - ne laisse aucun répit et débouche, comme dans tout bon roman policier, sur un dénouement tout à fait inattendu. Un vrai plaisir le lecture où la recherche du meurtrier se mêle à une peinture sociale de la Lorraine, particulièrement convaincante.
Si vous ne l'avez déjà fait, découvrez vite Aline Kiner: vous ne le regretterez pas une seconde...
image: Aline Kiner (http://www.lyceesaintvincent.fr)
06:13 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; policier; livres | | Imprimer | Facebook |
12/02/2012
Morceaux choisis - Roberto Peregalli
Roberto Peregalli
Le temps est notre chair. Nous sommes pétris de temps. Nous sommes le temps. C'est une courbe inexorable qui conditionne chaque geste de notre vie, y compris la mort.
Nous voyons une chose, et déjä elle n'est plus. Là réside sa suprême beauté. Un rayon de soleil qui illumine la colonne d'un temple à Sélinonte, le dernier, alors que le soir descend doucement, le regard de celui qui t'aime, saisi dans son étonnement, le reflet dans une flaque des lignes d'une maison, juste avant que la pluie ne reprenne et n'en trouble la surface. Ce sont des instants fugitifs. Ils ne reviendront plus. Mais ils continuent cependant à remplir notre existence. Dans notre mémoire, la lumière de ce moment rayonne au-dessus de nous. Le temps, par vagues, nous la restitue, tel le ressac des grandes marées d'hiver sur les galets.
Cet instant pour nous est la vérité. Le dévoilement. De la brume du néant a surgi le spectre de l'être. Le regard a déchiré le voile de l'oubli. Plus rien après ne peut être semblable.
C'est ainsi que naît la nostalgie, le douloureux désir du retour. S'accumulent dans la mémoire tous ces regards sur ce qui n'est plus. Les instants passés revivent dans le souvenir. De l'Odyssée à Zarathoustra notre vie est fondée sur ce mot "nostalgie". Nostalgie dans laquelle s'inscrit le temps, son fidèle compagnon. La temporalité de l'homme, sa caducité sont à l'origine de ce regard qui, toujours, est tourné vers l'arrière (Rilke), même lorsqu'il regarde devant lui. Ce n'est pas l'amour d'une patrie lointaine, l'amour pour la terre natale, c'est une suite d'instants absolus, qui reviennent.
Le carillon des cloches, un midi de mars, évoquera le son d'autres cloches. La madeleine de Proust s'ouvre à la relation entre le temps et la mémoire, entre la mémoire et la nostalgie. On perçoit non seulement ce qui est, mais la somme de tout ce qu'on a vu. La nostalgie est notre vie.
Roberto Peregalli, Les lieux et la poussière - Sur la beauté de l'imperfection (Arléa, 2012)
image: clocher de Brescia
http://girouettesdumage.over-blog.com/article-saint-pierre-et-le-coq-a-finir-60460005.html
00:09 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Marcel Proust, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; livres | | Imprimer | Facebook |
10/02/2012
Monique Rivet
Bloc-Notes, 10 février / Les Saules
Nous sommes en Algérie, au milieu des années 50. Laure Delessert, professeur de lettres, est nommée dans le lycée d'une petite ville proche d'Oran, appelée El-Djond. Cette voyageuse sans bagages qui ouvre ses yeux d'enfant sur une réalité qu'elle peine à cerner, va se heurter au coeur des événements - comme on nommait alors la guerre d'Algérie - au conformisme ambiant, aux interdits, voire à l'incompréhension que suscite sa perception libertaire et humaniste du monde qui l'entoure: Ce qu'on appelait glacis, c'était une large avenue coupée d'un terre-plein et bordée, côté indigène, de boutiques arabes. (...) Une frontière non officielle, franchie par qui voulait et gravée pourtant dans les esprits de tous comme une limite incontestable, naturelle, pour ainsi dire, à l'instar d'une rivière ou d'une orée de forêt.
Malgré une relative protection dont elle jouit grâce à son amie médecin Elena - une femme séduisante et pragmatique, introduite dans les cercles influents - son aventure avec Felipe, un voisin de palier espagnol, ouvrier chez un marchand de meubles de El-Djond, son attachement aux familles Bensaïd, Davout et Tayeb vont la précipiter dans la spirale de la peur, puis de l'enfer: le prix d'un idéalisme importé et d'une naïveté ignorant la patience, qui pèsent lourd en pareilles circonstances. Rien n'avait changé, ni la lâcheté, ni le courage, ni la délirante violence des hommes. La peur, l'ombre dans les yeux de celui qui se retourne et vous regarde au moment où une main se referme sur son bras, et cette main faite pour l'ordre et la mort vous cache à jamais l'être aimé qu'on emmène. Qui a vécu cela ne l'oublie pas.
Dans ce pays qui la désoriente et qu'elle peine à comprendre, Laure ne se résout pas à demander son retour en France, de même que nombreux de ses concitoyens: Quelle est cette ligne de démarcation au-delà de laquelle nous allons déclarer forfait? Célébrer une victoire ou déplorer une défaite? Et après quelle traversée infernale où nous aurons perdu, chacun d'entre nous, un peu de notre estime de nous-mêmes, un peu de notre confiance dans les autres, à force d'avoir épié sur les visages familiers le grignotement douceâtre de la trahison?
Laure sera finalement expulsée - une justice rendue selon elle, beaucoup de chance selon d'autres - et rapatriée en France d'où elle dressera un tableau de son passage en Algérie, nourri par l'amertume, la tristesse et les souvenirs de la guerre. Une évocation poignante dont vous pouvez retrouver un très bel extrait sur La scie rêveuse, dans la catégorie Morceaux choisis.
Le Glacis est une oeuvre sobre et forte, dont le récit nous touche par ce qu'elle nous rapproche, bien au-delà de la guerre d'Algérie, des autres conflits qui ensanglantent la planète, aujourd'hui. Tous les acteurs de ce drame sont crédibles, intéressants, libres de toute caricature, et le personnage de Laure, un peu agaçant au début de l'histoire avec ses provocations un peu puériles - El-Djond n'est pas le Quartier latin - finit par nous émouvoir par sa sincérité et sa générosité: elle qui n'avait pris parti pour rien, s'était intégrée à rien et avait vécu dans un splendide isolement...
Je vais retrouver des villes sans couvre-feu, des campagnes où l'on se promène sans crainte d'être enlevé ou assassiné. Nous irons au théâtre comme c'était prévu et je ne raconterai pas à ma mère comment on vit et comment on meurt dans le pays d'où je viens. Ni à elle ni à personne.
Agrégée de lettres classiques et retraitée, Monique Rivet partage son temps entre la région parisienne et les Cévennes. Elle a écrit Le Glacis à la fin des années 50, sans le publier. Du même auteur, vous pouvez lire Caprices et variations, édité chez Flammarion en 1957, ainsi que Les Paroles gelées et La Caisse noire, parus chez Gallimard en 1996 et 1997.
Monique Rivet, Le Glacis (Métailié, 2012)
00:08 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
09/02/2012
Musica présente 3 - Thomas Beecham
Thomas Beecham
chef d'orchestre britannique, 1879 - 1961
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Wolfgang Amadeus Mozart
Symphony No 29 KV 201
I. Allegro Moderato
Royal Philharmonic Orchestra
07:36 Écrit par Claude Amstutz dans Musica présente, Musique classique, Wolfgang Amadeus Mozart | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | Facebook |