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26/02/2012

Morceaux choisis - Mario Rigoni Stern

Mario Rigoni Stern

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Quand le beau temps coïncide avec ma disponibilité, j'aime partir avec mes souvenirs sur les sentiers et les chemins forestiers; j'observe, aussi, et j'écoute, les signaux que la nature communique au fil des saisons et des années. Mais c'est quand des amis se joignent à moi que je rêve et réfléchis le plus. Ces compagnons de route ne sont plus présents physiquement, leur corps est resté dans des endroits lointains: enseveli sur des montagnes, ou dans la steppe; dans des cimetières de village avec une simple croix, ou de ville avec une dalle et des fleurs. Et c'est avec eux que je suis et que je converse, en me souvenant. Ceux qui ne croient pas, ou ceux qui croient, peuvent regarder ma façon d'agir avec une bienveillante indulgence. Peu m'importe: moi aussi j'ai des doutes mais il me plaît, certaines fois, de les ignorer.

Dans "De senectute", Bobbio écrit: "Quand tu parcours les lieux de ta mémoire, les morts se pressent autour de toi, et leur groupe devient chaque année plus nombreux. La plus grande partie de ceux quio t'ont accompagné t'ont abandonné. Mais toi tu ne peux pas les effacer comme s'ils n'avaient pas existé. Au moment où tu les rappelles à ton esprit tu les fais revivre, au moins pour un instant, et ils ne sont pas tout à fait morts, ils n'ont pas complétement disparu dans le néant..." Dans ces lumineuses journées de fin d'hiver je pars presque chaque matin par une route en plein bois avec mes skis légers aux pieds; et aujourd'hui c'est le cher Primo Levi qui m'accompagne. Jadis il m'avait écrit qu'il aurait voulu tout abandonner, prendre ses skis et venir avec moi; mais il lui était difficile de sortir de la ville: les embouteillages, le trafic sur l'autoroute, les obligations qu'il avait, et bien d'autres choses encore, ne lui permettaient pas de le faire. Maintenant, dégagé de ces liens. il peut le faire et il m'attend au carrefour où la route forestière, que le chasse-neige ne déblaye pas, se détache de la nationale et s'enfonce entre les arbres encore décorés par la dernière chute de neige.

Mario Rigoni Stern, Sentiers sous la neige (La Fosse aux Ours, 2000)

mage: Alfred Sisley - La neige à Louveciennes

01:32 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature italienne, Mario Rigoni Stern, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

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