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29/01/2012

Philippe Sollers

Bloc-Notes, 29 janvier / Les Saules - Nyon

Edouard Manet.jpg

Ce qu'il y a de bien avec les livres, c'est qu'ils parviennent parfois à rendre intelligentes, voire heureuses, des heures qui sans l'ombre qu'ils projettent sur la cour, traduiraient un profond ennui. J'y ai pensé, observant de bon matin avec un léger sourire, mes compagnons de voyage insupportablement conformes à un paysage gris dépouillé de rêves, ou le reposoir technologique d'un quotidien professionnel qui n'a plus rien à m'apprendre, en lisant les premières pages - somptueuses - de L'éclaircie de Philippe Sollers, que vous pouvez retrouver dans la rubrique Morceaux choisis: l'esquisse d'un cèdre, dans l'histoire, sur une photographie, dans sa vie.

Comme il l'avait fait dans Trésor d'amour, se mêlent plusieurs aventures dans le dernier roman de Philippe Sollers, dont celle de la défunte soeur bien-aimée du narrateur, Anne, qui lui rappelle le portrait de Berthe Morisot, peinte par Edouard Manet: Je pense à toi en voyant le portrait de Berthe Morisot au bouquet de violettes, la future belle-soeur de Manet, que ce dernier a peint en 1872. On dirait qu'elle est en grand deuil, mais elle est éblouissante de fraîcheur et de gaieté fine. Ce noir éclatant te convient. Ce que Manet a découvert dans le noir? Le regard du regard, l'interdit qui dit oui, la beauté enrichie du néant.

Puis nous découvrons Lucie, la quarantaine, spécialiste en archéologie et collectionneuse de manuscrits.  Elle lui rappelle à la fois Anne et Berthe Morisot. Ils se rencontrent sous les toits, rue du Bac: Les premiers mots que je lui chuchote lorsqu'on se retrouve, rideaux fermés, après l'avoir embrassée et avant qu'elle se déshabille, sont: Désennuyons-nous. Je lui dis "vous" dans la conversation, et "tu" pendant la séance. On change de corps entre le "tu" et le "vous", la voix du "tu" n'est pas celle du "vous". Les fantasmes réalisés sont en "tu", les raisonnements en "vous". Ordre nécessaire: le basculement du "vous" au "tu" est gênant, le contraire soulage. Une fois desennuyés, la conversation est plus libre, légère. On fait l'amour en "tu", en se parle normalement en "vous". Sol mineur, ré majeur. Trois-quarts d'heure en "tu", une heure et demie en vous".

Comme dans Trésor d'amour où la romance avec Minna entraînait le lecteur dans les rues de Venise et sur les traces de Stendhal, L'éclaircie emprunte la même approche, pour nous dérouler le tapis rouge devant Edouard Manet et Pablo Picasso, tant ces hommes libres que leurs oeuvres. Philippe Sollers les fait revivre sous nos yeux comme au cinéma. Silence, on tourne! Même enthousiasme quand il nous parle des manuscrits de Casanova ou des quatuors de Joseph Haydn. Pourtant, dès le premier tiers du roman, on peine à se débarrasser d'une impression de déjà vu. A peine un grain de sable qui freine notre ardeur. Un déséquilibre dans la structure du récit, entre les personnages modernes et ceux qui surgissent du passé? Oubien cela tient-il à Lucie qui manque singulièrement de relief - le contraire de Minna - entourée de ces monstres sacrés? Trop de digressions, de bavardages, de répétitions? Le big-bang, les chinois, les séries TV, l'archimilliardaire des cosmétiques, etc.

Songeant aux yeux d'Anne, de Lucie, de Berthe Morisot, le narrateur de L'éclaircie note: Trop de mots toujours, trop de phrases. On ne vous en demande pas tant. Dommage que son alter ego, de l'autre côté du miroir, ne s'en soit pas souvenu... 

Cela dit, même si le dernier accouchement littéraire de Philippe Sollers n'est pas du meilleur cru, il se retrouve, débarrassé de son habit d'apparat, dans ces quelques phrases qui font qu'on lui pardonne la plupart de ses outrecuidances ou cabotinages: Toutes et tous me poussent vers la mort, alors que quelque chose me pousse sans arrêt vers la vie. Deux fois par an, au bord de l'eau, j'embrasse les arbres, surtout le vieux cèdre et le jeune acacia. Je les revois toujours pour la première et la dernière fois.

Cette faculté de partager ses émerveillements demeure toute sa richesse de jeune homme aux cheveux blancs. C'est à travers elle qu'à peine sorti de L'éclaircie, on se précipite sur un livre consacré à Edouard Manet et Pablo Picasso, ou mieux, qu'on se rend au musée, vite! En cela, au moins, ce livre est une réussite...

Philippe Sollers, L'éclaircie (Gallimard, 2012)

Philippe Sollers , Trésor d'amour (Gallimard, 2011)

image: Edouard Manet, Le déjeuner sur l'herbe (1862-1863)

23:57 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Joseph Haydn, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Santo Piazzese

9782020661959.gifSanto Piazzese, Le souffle de l'avalanche, Seuil, 2005)

Troisième opus de cet auteur sicilien – dont les deux premiers sont malheureusement indisponibles – Le souffle de l’avalanche nous fait pénétrer au cœur de l’âme sicilienne, inquiétante et fantastique, avec le meurtre de la Zisa que le commissaire Spotorno s'efforce d'élucider.  Par un pouvoir des mots et des situations convaincantes, nous nous laissons envoûter par les rues de Palerme où une Dame Blanche, très pâle, apparaît et disparaît au gré des événements qui conduisent au cimetière des Rotoli. Un roman policier ? L'un des meilleurs crûs italiens, à considérer davantage comme un roman à la Simenon, séduisant par son atmosphère et ses personnages complexes dont émerge peu à peu le véritable héros de ce livre, la Sicile,  dans le sang et les larmes.

00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/01/2012

Roberto Alajmo

9782357070080.gifRoberto Alajmo, Palerme est un oignon (La Fosse aux Ours, 2009)

A l'opposé d'un guide touristique, cette invitation au voyage - en hiver ou au printemps, de préférence - vous fera découvrir la capitale de la Sicile telle que, sans doute, vous ne l'avez jamais imaginée. Vous serez envoûtés par ses couleurs vives, intrigués par ses jeunes semblables aux romains ou aux milanais, conquis par sa réserve inépuisable d'artistes et d'écrivains en particulier, effrayés par sa tentation du pire. Entre histoire, légende et nostalgie ironique, ce livre trouvera les mots justes afin que, gagnés par la magie de Palerme, hors de tout préjugé, vous croisiez ses regards multiples et contradictoires dont la beauté ténébreuse vous saisira par surprise, là où vous ne vous y attendrez pas.

01:24 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/01/2012

Morceaux choisis - Pétrarque

Pétrarque

littérature; poésie; livres

Que bénis soient le jour, le mois, l'année,
La saison, le temps qui s'enfuit, l'heure, l'instant
Et ce lieu, dans ce beau pays, où deux beaux yeux
Me firent prisonnier et m'enchaînèrent.

Et béni soit le doux premier tourment
Que j'éprouvai, ainsi captif d'Amour.
Béni soit l'arc, bénies les flèches qui me percèrent,
Bénie la plaies qu'elles m'ont faite au coeur.
 
Bénis mes mots qui clamèrent sans nombre
A tous échos le nom de ma Dame.
Bénis les soupirs et les larmes, et mon désir.
 
Et bénis soient aussi tous ces écrits
Où j'amasse sa gloire; et ma pensée
Qui ne sait qu'elle, et donc rien d'aucune autre.

Pétrarque, Je vois sans yeux et sans bouche je crie - 24 sonnets traduits par  Yves Bonnefoy / édition bilingue (Galilée, 2012)

Sculpture: Marie-Paule Deville-Chabrolle

http://devillechabrolle.typepad.com/devillechabrolle/2010/03/index.html

04:41 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature italienne, Morceaux choisis, Yves Bonnefoy | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/01/2012

Morceaux choisis - Monique Rivet

Monique Rivet

leglacis.jpg

Cette ville s'est enfoncée dans ma mémoire. Avec l'éloignement la réalité de cette époque de ma vie est devenue improbable, j'éprouve comme un besoin de la rattacher à des certitudes qui dépassent l'horizon exigu d'un passé individuel, de l'accrocher à l'histoire, à ses faits avérés. La plus lointaine, la plus récente.

La plus lointaine, celle qui a vu les légions romaines régner sur cette terre, et il me plaît qu'ait soufflé ici aussi le grand vent dont Rome a balayé le monde. La plus récente, celle que j'ai connue: cette ville, sa tragédie étouffée, minuscule dans le chaos environnant mais microcosme où se vivait, où nous vivions le bouleversement de tout un pays. 

Ce pays, je ne lui appartenais pas; je m'y trouvais par hasard. J'y étais de guingois avec tout, choses et gens, frappée d'une frilosité à fleur de peau, incapable d'adhérer à aucun des mouvements qui s'y affrontaient. Cette guerre, je ne la reconnaissais pas, elle n'était pas la mienne. Je la repoussais de toutes mes forces. Si j'avais eu à la faire... s'il avait fallu que je la fasse, aurais-je pu la faire aux côtés des miens? 

Je l'ai oubliée. Je ne suis pas la seule: nous l'avons tous oubliée, ceux qui n'ont pas eu le choix et ceux qui ont refusé de choisir; ceux qui n'ont pas voulu s'en mêler et ceux qui s'y sont perdus. Quelquefois un mot, un simple nom propre dans une conversation, réveille un souvenir à la lumière duquel réapparaissent l'impuissance et l'amertume d'antan, mais parfois aussi une connivence surgit entre vous et l'inconnu qui vous parle, dont vous ne savez rien, qui était peut-être de ceux que vous condamniez jadis, que vous jugiez aveugles - et cet inconnu, vous ne lui demandez pas son passeport et son passé parce que c'est un visage soudain fraternel qui vous regarde ou plutôt qui regarde avec vous, avec vos yeux, un pays plein de soleil et de silence où rien désormais ne peut vous faire ennemis.

Monique Rivet, Le Glacis (Métailié, 2012)

20:41 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/01/2012

Le poème de la semaine

Vénus Khoury-Ghata

Parce qu'ils ont hésité entre la rose et l'ombre
parce qu'ils ont chargé leurs fusils de pluie
ils sont morts d'oubli
 
Ne meurent que les crédules
qui abritent sous leur toit des nuages étrangers
écrivent leur visage sur la buée des villes
étreignent un canon
suivent un grenadier
 
Ne meurent que les naïfs
qui saignent avec le coquelicot
 
Ne meurent tous les soirs
quand les heures s'alignent
qu'elles deviennent couteau
entre les lèvres des horloges
quand la lumière dans leur bouche
se tait.


Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:57 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/01/2012

Georges Bernanos

mouchette.jpgGeorges Bernanos, Nouvelle histoire de Mouchette (coll. Livre de poche/LGF, 2012)

Sans le courage de certains éditeurs - Le Castor Astral, en 2009 - certains chefs d’œuvres auraient sombré dans l'oubli, tels la Nouvelle histoire de Mouchette de Georges Bernanos, enfin réédité en format de poche pour un plus large public.

Tragédie du mal sous toutes ses formes – conformisme social, matérialisme, violence ou mensonge – ce roman nous dévoile le destin de Mouchette, une jeune fille de 14 ans, confrontée à l’indifférence de sa famille : une mère à l’agonie, un père et ses grands frères qui cherchent dans l’ivresse à oublier leur condition misérable. A la faveur d’une tempête, rentrant de l'école, elle s'égare en forêt et croise le chemin d’Arsène le braconnier qui l'accueille, puis la séduit et sous l'emprise de l'alcool, abuse d’elle. Seule, rejetée dans cet environnement qui ne lui fait aucun cadeau – même son institutrice la livre aux moqueries de ses camarades de classe – elle choisit, pour en finir avec le désespoir, la honte et le dégoût qui submergent son innocence perdue, de mettre fin à ses jours.

Aucun roman contemporain ne m’aura à ce point ébranlé. De toute évidence, ce texte écrit en 1937, transposé dans un contexte plus universel, incite à penser que Mouchette est le visage de la France humiliée, bafouée, en proie à la folie des hommes - leur lâcheté, leur mépris - comme si seule une grâce divine saurait illuminer les ténèbres insinuées dans la moindre des réalités.

00:00 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

23/01/2012

Morceaux choisis - Caroline Boidé

Caroline Boidé

Ruines de Batna.jpg

Tout t'accable, Malek, car rien n'ayant trait à l'écriture n'est prévu, rien de ce qui détourne de Dieu, de ta famille, de la société, de ton futur foyer n'est et ne sera toléré. En poursuivant cette tâche, tu nous trahis, entends-tu? Ton écriture est responsable de nos malheurs. Leur fin est subordonnée à la disparition de ces pages et de toutes celles qui te démangeront. Cette destruction doit prendre effet immédiatement sinon les clés de la maison doivent être rendues à ta mère. Tu écris ce qu'il y a de pire: ton âme en peine. C'est immonde de jeter les tiens sur la place publique, en t'appropriant leurs vies et en marchandant leurs mémoires. Toutes ces idées qui gravissent en toi sont pareilles à des cancers. 

En écrivant, tu dis donner une seconde chance aux événements, tu dis qu'aucun sujet ne préexiste et qu'écrire t'est nécessaire, que c'est là ton chemin de consolation, mais tu te trompes. Que je sois bien clair, ceci n'est pas une discussion où je cherche à l'emporter. Faire chuter le couperet pour te guillotiner toi et ton caractère déviant est pourtant simple. Tu n'es même pas sensible à ce que je te dis et à notre souffrance. Demande pardon. Demande. Ecrire est un caprice de gamine qui passera si tu y mets le coeur. Et les gens, y as-tu pensé? Que vont-ils dire de nous? Tu ne devrais pourtant jamais oublier que tu es une femme musulmane et algérienne avant tout. Comment espères-tu qu'un homme veuille un jour de toi si tu t'es déjà donnée à la multitude? 

Ecrire n'est pas un divertissment, mon père, mais un combat contre une chose plus grande, une émotion assaillante qui vient jusqu'à galvaniser mes mots. Ecrire, c'est écouter la voix d'une fleur de rosée qui a séjourné dans l'enfance et dont les racines de feu me font vivre haut. C'est ranimer le monde en travaillant la langue, et moi-même de l'intérieur, à force d'abandons. C'est ceindre les sanglots pour qu'ils n'aient pas été versés pour rien.

Caroline Boidé, Les impurs (Serge Safran, 2012)

image:  Les ruines de Batna (Algérie)

http://www.le-carrefour-de-lislam.com/Barbaresques/Quaerere.htm

08:30 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

20/01/2012

Christian Signol

Bloc-Notes, 20 janvier / Les Saules

littérature; roman; livres

Je me souviens d'avoir lu avec enchantement, voici bien des années, le livre Marie des brebis, puis dans la foulée, Les cailloux bleus et Les menthes sauvages - tous disponibles en coll. Pocket - avant de retrouver Christian Signol voici deux ans avec un roman très attachant, Une si belle école, présenté dans les colonnes de La scie rêveuse.

Au coeur des forêts, paru l'automne dernier en librairie, parvient une fois encore à nous étonner et nous émerveiller. L'histoire pourtant, est toute simple. Bastien Fromenteil, à près de soixante-dix ans, est un forestier qui vit seul sa passion de toujours, la forêt voisine. Sans s'appesantir sur le passé, il égrène ses souvenirs de vieil homme: l'évocation de son père et de son épouse défunts, celui de sa fille Jeanne partie pour la ville, celui enfin de sa soeur Justine, disparue sans laisser de trace et qui maintient en lui une douleur tenace, sous le regard complice de la voisine de toujours, Solange, qui prépare les repas sous son toit. Sa vie bien règlée ne semble plus lui réserver de surprises, jusqu'au jour où sa petite-fille Charlotte lui annonce sa venue.

Heureuse de retrouver son grand-père et l'odeur familière du bois de son enfance, elle est pourtant désemparée, atteinte d'une maladie grave - le sarcome d'Ewing - qui affecte une de ses jambes et l'oblige à suivre une chimiothérapie. Désormais, je savais: j'avais lu la gravité de la maladie de Charlotte dans ses yeux, dans son corps, dans ses gestes, sur son visage et je me demandais comment on pouvait tomber si malade à moins de trente ans. Pour moi, la maladie ne doit venir qu'avec la vieillesse.

Ils ne savent pas encore, Bastien et Charlotte, que leurs retrouvailles - avec des périodes d'absences et de silences mêlés de craintes - vont, avec l'aide de la médecine tout de même, les réconcilier avec le monde, passant par la magie de cette forêt qui les fait vibrer à la même mesure, éclaire leur vie et leur en révèle le sens: Les arbres sont des êtres vivants capables de colère, de rancune aussi bien que de compassion. Il suffit de savoir déchiffrer leur langage pour les comprendre, ce qui évidemment n'est pas donné à tout le monde: il y faut une grande attention, beaucoup de soins, de complicité. Il faut savoir devenir arbre, aimer la pluie et la lumière, murmurer dans le vent ce que personne n'a jamais dit et ne dira jamais. (...) Le coeur des forêts ne cesse jamais de battre.

Auprès de Charlotte qui prend de plus en plus de place dans son existence et lui partage un ailleurs qu'il ne connaît pas - son voyage au Québec: le Saint-Laurent, Chicoutimi et les Trois-Rivières - ses blessures intimes s'atténuent peu à peu, avec la guérison progressive de Charlotte et le voile levé sur le mystère de Louise, grâce aux nouvelles technologies - Internet - qui n'ont aucun secret pour sa petite-fille.

Tous les personnages de ce roman - même ceux qui traversent ce livre comme un éclair - ont leur importance et Christian Signol sait trouver les mots justes et simples pour suggérer la beauté des sentiments et de cette nature qui nous confronte à nous-mêmes. Il règne, dans Au coeur des forêts, un léger parfum d'éternité, comme dans ces églises absentes du guide Michelin dont le rayonnement n'est perceptible qu'à ceux qui prennent le temps de s'attarder, de s'imprégner du lieu, d'être à l'écoute du temps.

La clef de ce livre se trouve sans doute dans la citation de Jean Giono, que Christian Signol nous partage en préambule à son récit envoûtant: Ce dont on te prive, c'est de vents, de pluies, de neiges, de soleils, de montagnes, de fleuves, de forêts: les vraies richesses de l'homme...  

Christian Signol, Au coeur des forêts (Albin Michel, 2011)

 

00:53 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

19/01/2012

Donna Leon

littérature; roman; policier; livresDonna Leon, La petite fille de ses rêves (coll. Points/Seuil, 2012)

Donna Leon nous partage pour la dix-septième fois une enquête policière de Guido Brunetti, amorcée sous de bien mauvais auspices. Alors qu'il vient d'enterrer sa mère, Antonin Scallon, un de ses anciens camarades d'école devenu prêtre et dont il goûtait somme toute peu la compagnie, sollicite son aide à propos d'un religieux, Leonardo Mutti, présumé charlatan, qui, jouant sur la corde sensible des adeptes de sa secte, semble les inciter à léguer leurs biens pour de nobles causes... ou la sienne? Mais, tandis que Brunetti s'interroge sur ces deux hommes d'église dont les motivations éveillent en lui une méfiance instinctive, un événement tragique vient occuper la devant de la scène: une jeune fille - douze ans à peine, probablement gitane - est repêchée dans le canal, apparemment tombée d'un toit. Accident, fuite ou meurtre? Dissimulées sur sa personne, le légiste découvre une alliance et une montre en or...

Contrairement à d'autres épisodes, plusieurs personnages secondaires contribuent à cerner les eaux troubles de la vie vénitienne, dont le fidèle sergent Vianello, la signorina Elettra - secrétaire du vice-questeur Patta - et la comtesse Nadia Falier, belle-mère de Brunetti. Abordant les sujets délicats de la politique, du clergé, de l'immigration, chacun à sa manière un peu philosophe et désabusé, contribuera à pousser Brunetti, subtil et ébranlé par ce que son regard discerne avec amertume, dans la bonne direction... Une des enquêtes les plus fines et sombres de Donna Leon, dont pourtant je serais heureux de savoir ce que vous pensez de son dénouement...

07:14 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature italienne, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; policier; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |