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05/07/2015

La scie rêveuse

Bloc-Notes, 5 juillet / Les Saules 

littérature; poésie; musique; danse; livres 

J'ai créé La scie rêveuse en décembre 2009, et à ce jour, 4'050 notices ou repères sont référencés sur ce site, dédié particulièrement à la littérature et à la musique classique, pour l'essentiel. Cette aventure a commencé avec René Char et Polina Semionova. C'est donc en toute logique, avec ces deux artistes, qu'elle s'achève aujourd'hui.

En effet, dès décembre 2013, Jubilate Deo a vu le jour, intégrant certains textes et musiques publiés autrefois sur La scie rêveuse, mais l'esprit de ce nouveau site, dont le coeur est la spiritualité - même si la littérature et la musique y trouvent une place non négligeable - correspond mieux à ma démarche actuelle, plus personnelle, exigeante et libre à la fois. 1'600 notices ou repères sont référencés à ce jour sur Jubilate Deo, dont plus de 200 textes qui n'ont pas de connotation spirituelle particulière, traduisant ainsi mon souci de rester ouvert aux interrogations et aspirations qui traversent la terre que nous foulons, tantôt d'un pied léger et la joie au coeur, tantôt accablés par ce qui nous dépasse, nous échappe ou semble se dissoudre dans les fissures du Temps. 

La scie rêveuse demeurera accessible, mais, hormis les mises à jour régulières des extraits musicaux, vous ne trouverez plus de nouvelles publications dès ce dimanche. Le dernier mot revient à René Char, avant de céder la place à la joie de vivre par la danse, avec Polina Semionova, puis au silence apaisé... 

Au plus fort de l'orage,
il y a toujours un oiseau pour nous rassurer.
C'est l'oiseau inconnu.
Il chante avant de s'envoler.

Un grand merci à tous pour votre fidélité, votre accompagnement et vos signes d'amitié, à la fois discrets et sensibles - exprimés souvent par vos messages ou commentaires déposés ici.


René Char, Les matinaux (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1983)

Polina Semionova, Ballet sur une musique de Herbert Grönemeyer (Sophia Tang/YouTube, 2012)

http://jubilatedeo.hautetfort.com

00:12 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, La scie rêveuse, Polina Semionova, René Char | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature; poésie; musique; danse; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/06/2015

La citation du jour

René Char

50425055.jpg

L'état d'esprit du soleil levant est allégresse malgré le jour cruel et le souvenir de la nuit. La teinte du caillot devient la rougeur de l'aurore.

René Char, Les Matinaux - Oeuvres complètes (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1983)

image:  aupaysdesfjords0.canalblog.com

10:24 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/02/2015

Le poème de la semaine

René Char

 

L’heureux temps

 

Chaque cité était une grande famille

Que la peur unissait

 

Le chant des mains à l’œuvre

Et la vivante nuit du ciel

L’illuminaient

 

Le pollen de l’esprit

Gardait sa part d’exil

 

Mais le présent perpétuel

Le passé instantané

Sous la fatigue maîtresse

Otèrent les lisses

 

Marche forcée au terme épars

 

Enfants battus chaume dorée

Hommes sanieux

Tous à la roue

 

Visée par l’abeille de fer

La rose en larmes s’est ouverte

 

 

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

03:44 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : textes; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

20/12/2014

Morceaux choisis - René Char

René Char

Ophelia Waterhouse.jpg

Il y a la beauté qui est la vérité réussie des choses, leur dimension harmonieuse, et le bonheur qui tombe comme la foudre d'un ciel qu'on croyait sans surprise, cerné de toutes parts par des étoiles, les mêmes qui troublent peut-être l'esprit de ceux qui habitent de l'autre côté de la nuit. Comment agir pour être heureux, toujours davantage, sans trébucher, sans vieillir et sans perdre courage? Sans courir trop vite devant son amour avec la crainte de ne plus l'apercevoir en se retournant? Nous abordons cette envie comme un mur de flammes mais sommes cendres avant de l'avoir franchi.

René Char, Trois coups sous les arbres - Claire (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1983)

image: John William Waterhouse (spleen-et-ideal.over-blog.fr)

00:12 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

21/05/2014

Le poème de la semaine

René Char

La truite

Rives qui croulez en parure
Afin d'emplir tout le miroir,
Gravier où balbutie la barque
Que le courant presse et retrousse,
Herbe, herbe toujours étirée,
Herbe, herbe jamais en répit,
Que devient votre créature
Dans les orages transparents
Où son coeur la précipita?
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

21/04/2014

Morceaux choisis - Jean-Louis Kuffer

Jean-Louis Kuffer 

littérature; chroniques; morceaux choisis; livres 

La peinture de Nicolas de Staël se jette et nous jette dans le vide et rien n'est moins surprenant que le geste ultime du peintre de se jeter dans la mer alors même qu'il touche à la plénitude de son art et s'exclame: joie! en se tuant.

NdS est à l'évidence un plongeur mais vers le haut, en tous cas pour l'élan et le bond, le mouvement, la vitesse et l'intensité du geste. La mort de joie qu'il se donne relève de ce qu'on appelle l'absolu et plus précisément en l'occurrence: l'absolu de l'art, qui se perçoit dans sa phase sommitale et dernière avec l'exultation liée au saut dit justement: de l'ange...

Peu importent les circonstances exactes de sa mort, anticipée ou lui fondant dessus comme l'éclair; on dira peut-être plus tard qu'elle était inscrite mais qu'en sait-on, sachant comme lui la part d'ombre de toute illumination à ce point du risque pris, et la faiblesse de toute force.

L'exigence d'absolu est ce qu'on pourrait dire une folie de jeunesse, et celle-ci jette en avant de nous son défi d'orgueil dans cette forme qui ouvre un nouvel espace et nous arrache au temps comme un Lascaux futur sans l'artifice de vaniteuses fusées ou de chiens et de singes ligotés, dans un ciel rose ou vert qui se déploie dans ce qu'on pourrait dire l'ouvert obscur que salue le Devancier de René Char qu'on dirait écrit pour lui: Sans redite, allégé de la peur des hommes, je creuse dans l'air ma tombe et mon retour.

Que la joie demeure, cependant, avec l'Objet.

L'Objet est à la fois unique et multiple, qui se révèle par accidents successifs sous l'effet de la constante obsession. Telle est, une parmi la centaine d'objets de la dernière folle profusion rappelant celle de Van Gogh, La Lune de 1953 toute tramée de gris sableux et de bleus lessivés en camaïeux lissés au couteau sur plancher de bois à stries. On est très loin des musiciens de Sydney Bechet et des footballeurs du parc des Princes, entre les cyprès noirs et rouges du Sud profond, les arbres en quilles bleues de Ménerbes comme alignés sur les murs ocre et mauve, et c'est parti de Provence en Sicile sous le soleil blanc qui fusille toute nuance, mais tout reste à regarder dans cet autre théâtre sans dehors ni dedans où la table est suspendue au ciel et les bateaux immobiles dans le port que seules les couleurs délimitent. Abstrait ou figuratif? On s'en fout, étant entendu que, depuis qu'on met des adjectifs dans des boîtes, la peinture s'en échappe de plus belle, écrit NdS.

On voit bien dans Les mâts (Marine) de 1955 des espèces de mâts qui pourraient être des aiguilles à tricoter des bonnets d'anges ou de fins crayons à dessiner dans le ciel des motifs ailés comme les Mouettes d'à côté; on voit le billot de cette nature morte où poser sa tête, ou ce nu bleu ondulant en vague entre lit de lait et ciel de sang; on voit un Coin d'atelier fond bleu qui est la double quintessence du coin et de l'atelier tels que les ont connu un Héraclite ou un Hölderlin - ou tout cela serait plutôt de la musique genre Berg ou Schönberg, comme il l'a entendue à Paris la veille du 16 mars où, revenu à Antibes, il s'apprêtait à descendre le Concert sur l'immense toile de six mètres sur six quand Dieu sait quoi l'a happé soudain vers le ciel d'en bas...

Mais quelle joie y a-t-il donc à mourir si violemment, se demandent Madame et Monsieur Tout-le-monde ne percevant pas bien la nécessité de tuer le banal et de faire descendre ainsi le ciel sur de la toile? Or lui-même a parlé de joie dans la plus extrême difficulté, et qui le verrait couler ses vieux jours ou gérer ses avoirs sans sacrifier à la fois cette joie? La mort de Nicolas de Staël est aussi dure et pure que son absolu, aussi terrible que sa joie. 

Jean-Louis Kuffer, Cette joie terrible, dans: L'échappée libre - Lectures du monde 2008-2013 (L'Age d'Homme, 2014)

image: Nicolas de Staël, Concert / 1955 (parfumdelivres.niceboard.com)

25/12/2013

Le poème de la semaine

René Char

Redonne-leur ce qui n'est plus présent en eux,
Ils reverront le grain de la moisson s'enfermer dans l'épi et s'agiter sur l'herbe. 
Apprenez-leur, de la chute à l'essor, les douze mois de leur visage,
Ils chériront le vide de leur coeur jusqu'au désir suivant;
Car rien ne fait naufrage ou ne se plaît aux cendres;
Et qui sait voir la terre aboutir à des fruits,
Point ne l'émeut l'échec quoiqu'il ait tout perdu.

 
Quelques traces de craie dans le ciel, 
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

05/12/2013

Jocelyne François 1a

Bloc-Notes, 5 décembre / Les Saules

Claire Pichaud 1.jpeg

Connaissez-vous Claire Pichaud? Non? Cherchez bien, tout au moins parmi les moins jeunes d'entre vous... Vous y êtes? Une jeune fille qui, dans les années 60, sous son nom d'origine, Marie-Claire Pichaud, chante Jacques Douai, Georges Brassens, Nicole Louvier, met en musique Luc Bérimont et René Char - dont le poème Allégeance - et interprète des chansons d'inspiration chrétiennes, telles Il y eut un soir, il y eut un matin, Pardon et Psaume de l'Univers, que vous pouvez écouter sur YouTube.

Avec Claire Pichaud - 3 vies, sous la plume de Jocelyne François, vous allez découvrir, après cet avant-goût de la vraie vie un autre de ses visages: celui de la peinture, qui l'habite depuis plus de 45 ans. En effet, après avoir été bibliothécaire à temps-partiel, licenciée en philosophie, directrice de chorale universitaire, puis chanteuse, elle cherche une expression artistique davantage en accord avec son silence intérieur, ce creuset où l'avenir va se constituer. Elle veut vivre selon la philosophie, selon la musique, selon une harmonie dont elle ne détient pas la clef, mais dont elle a le goût dans la bouche, nous dit l'auteur. 

Jocelyne François retrace ainsi ce chemin qui prend corps dans un atelier proche de l'Isle-de-Sorgue - et de René Char - avec une attirance pour les arts de la terre: la poterie et les grès en particulier, avant que, dans sa recherche d'un équilibre, d'une migration, d'une transparence, d'une déconstruction, elle se consacre à la peinture comme on entre dans une forêt. Chacune de ses toiles - de nombreuses acryliques sur tissu froissé - s'inscrivent dans leur diversité comme un espace de méditation: Une pureté, une exigence sans proclamation s'y exprime silencieusement, et chaque tableau tend au silence.

De la Suite saturnienne aux Zodiaques et Solstices, de Depuis Lascaux, la guerre aux Quatre Saisons, peut être appliquée cette magnifique perception de Jocelyne François à propos d'un autre tableau, L'amour: Chacun peut s'y souvenir de sa propre vie et sentir que toutes les nuances du vécu ouvrent sur un infini dont, certes, on ne sait rien, mais qui nous prendra en lui aussi sûrement que l'existence nous a été offerte au sein d'une improbabilité prodigieuse.

Dans sa postface, Henry-Claude Cousseau, offre lui aussi un juste éclairage: Le peintre a compris que la couleur n'a pas besoin, pour dispenser son éclat à nos yeux, d'autre subterfuge que de simplement faire entendre au bon moment son timbre le plus juste, sa tonalité la plus franche, sa sonorité la plus pleine. Enfin, Jocelyne François cite Alain Tapié dont l'appréciation trouve bien sa place en conclusion de ce livre: Certains peignent le bonheur, d'autres la pensée. Claire Pichaud est de ceux-ci. L'Histoire pour elle n'est ni un sujet ni un matériau, mais un vivier de démarches, de méthodes pour appréhender le spirituel. 

Outre que Claire Pichaud - 3 vies, est l'une des plus belles monographies de l'année, son originalité tient à son approche: Trajet parallèle de fécondité créatrice et de nécessaire solitude entre deux univers artistiques - la peinture pour Claire Pichaud et l'écriture pour Jocelyne François - qui sont autant d'accompagnements de vie et d'oeuvre sous le signe de la convergence et de la vie intime en commun, cette troisième vie...

Ceux que j'aime peignent chaque jour pour changer le monde, dit leur ami commun Jean Fournier, décédé le 22 mars 2006.

En annexe, vous sont présentées quelques pages de cet ouvrage de toute beauté que je vous encourage à parcourir, à lire et regarder au rythme de votre coeur, puis à offrir sans hésiter à vos amis intéressés par l'art contemporain. Comme indiqué ci-dessous, son prix est en effet dérisoire compte tenu de sa présentation tout à fait exceptionnelle!

Sur La scie rêveuse - voir Catégories - vous pouvez retrouver d'autres textes ou éléments bibliographiques consacrés à Jocelyne François

Jocelyne François, Claire Pichaud - 3 vies / 39 € (Edition du Regard, 2013)

avec une postface de  Henry-Claude Cousseau 

00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Jocelyne François, Littérature francophone, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

23/10/2013

Le poème de la semaine

René Char

Marthe que ces vieux murs ne peuvent pas s’approprier,
fontaine où se mire ma monarchie solitaire,
comment pourrais-je jamais vous oublier
puisque je n’ai pas à me souvenir de vous:
vous êtes le présent qui s’accumule.
Nous nous unirons sans avoir à nous aborder,
à nous prévoir
comme deux pavots font en amour une anémone géante.

Je n’entrerai pas dans votre coeur pour limiter sa mémoire.
je ne retiendrai pas votre bouche
pour l’empêcher de s’ouvrir sur le bleu de l’air et la soif de partir.
je veux être pour vous la liberté et le vent de la vie
qui passe le seuil de toujours
avant que la nuit ne devienne introuvable.

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

08/10/2013

Morceaux choisis - René Char

René Char

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Elle est venue par cette ligne blanche pouvant tout aussi bien signifier l'issue de l'aube que le bougeoir du crépuscule. Elle passa les grèves machinales, elle passa les cimes éventrées. Prenaient fin la renonciation à visage de lâche, la sainteté du mensonge, l'alcool du bourreau. Son verbe ne fut pas un aveugle bélier mais la toile où s'inscrivit mon souffle. D'un pas à ne se mal guider que derrière l'absence, elle est venue, cygne sur la blessure, par cette liane blanche.

René Char, La liberté, dans: Georges Jean, La liberté en poésie (coll. Folio Junior/Gallimard, 1998)

image: Nicolas de Staël, Collage (arcadja.com)