06/11/2012
Au bar à Jules - Des yeux
Un abécédaire: Y comme Yeux
A l'âge de seize ans, jugé asocial, hostile à mon entourage et destructeur de son héritage, mes parents m'avaient contraints à rencontrer un psychiâtre - une aventure qui dura à peine trois semaines - en ville de Bienne. S'aventurant sur le terrain de la sexualité qui devait forcément renfermer la clef de mon attitude, il me demanda ce qui, d'emblée, m'attirait chez une femme. Quand je lui répondis que c'étaient les yeux, il m'affirma que cela révélait une nature immature, les yeux étant une expression asexuée du désir. Rien que ça! Avait-il tort ou non, peu importe, sinon qu'aujourd'hui encore, quand je me souviens des personnes qui m'ont marqué dans la vie et dans mon imaginaire - le cinéma par exemple - ce sont toujours les yeux qui représentent cette concentration de l'émotion que j'ai retenue, empreinte d'un bouleversement des sens et de l'âme, chassant la raison comme ces eaux profondes qui dépossèdent le rivage de ses mouvements les plus immuables.
Bien mieux que je ne le puis, les poètes, traqueurs de l'invisible, ont composé cet incomparable arc-en-ciel célébrant tour à tour la fragilité, la coquetterie, la force, l'espièglerie, la tendresse ou la légèreté. Même si l'on pourrait citer Charles Baudelaire, Victor Hugo, Louis Aragon ou Paul Eluard, c'est à Jules Supervielle que reviennent, peut-être, parmi les plus beaux vers sur ce regard puisé au plus intime de moi-même:
Chers yeux si beaux qui cherchez un visage,Vous si lointains, cachés par d'autres âges,Apparaissant et puis disparaissantDans la brise et le soleil naissant, Et d'un léger battement de paupières,Sous le tonnerre et les célestes pierresAh ! protégés de vos cils seulementChers yeux livrés aux tristes éléments. Que voulez-vous de moi, de quelle sortePuis-je montrer, derrière mille portes,Que je suis prêt à vous porter secours,Moi, qui ne vous regarde qu'avec l'amour.Même les auteurs mystiques ont consacré d'admirables pages aux yeux, tels Jean de la Croix: Que Te voient mes yeux car Tu es leur éclat, et je ne veux les avoir que pour Toi, et Blaise Pascal: Les yeux sont les interprètes du coeur.
Comment ne pas conclure cet hommage sans invoquer le cinéma dont bien des yeux m'ont chamboulé au fil des ans! En voici quelques-uns dont vous pouvez retrouver les noms - si besoin est - à la fin de cet article, ainsi que plusieurs références littéraires...
Jules Supervielle, Le forçat innocent (coll. Poésie/Gallimard, 1989)
Jean de la Croix, Le cantique spirituel (coll. Points Sagesse/Seuil, 2005)
Blaise Pascal, Ecrits sur la grâce / Discours sur les passions de l'amour (coll. Petite Bibliothèque/Rivages, 2007)
images: Montgomery Clift, Elizabeth Taylor, Lucia Bosé, Brigitte Bardot, Dirk Bogarde, Grace Kelly, Harriet Andersson, Cyd Charisse, Audrey Hepburn et Giulietta Masina
03:20 Écrit par Claude Amstutz dans Au bar à Jules - Un abécédaire 2012, Charles Baudelaire, Littérature espagnole, Littérature étrangère, Littérature francophone, Louis Aragon, Paul Eluard | Lien permanent | Commentaires (1) | | Imprimer | Facebook |
05/11/2012
Le goût de la Suisse
Bloc-Notes, 5 novembre / Les Saules
A plusieurs reprises déjà, j'ai loué l'initiative des éditions Mercure de France qui, à chaque fois, dans un petit livre de poche d'une centaine de pages intitulé Le goût de ... présente, depuis sa création en 2002, un thème - les roses, la marche, le vélo, le chat, le parfum, l'humour juif,l'opéra pour ne citer que quelques exemples - ou un pays, une ville - Bruxelles, Palerme, Alger, Buenos Aires, Prague, le Canada, la Guadeloupe, l'Inde, la Birmanie - à travers des extraits de la littérature de tous les temps. Après avoir déjà consacré un ouvrage à Genève et l'Engadine, voici donc le troisième titre consacré à l'Helvétie: Le goût de la Suisse.
En trois chapitres - la nature, les villes, les moeurs - nous revisitons la Suisse, avec de très belles pages de Albrecht von Haller évoquant les Alpes ou de Lord Byron à propos du Léman. Les choix de textes dédiés aux villes - Saint-Gall, Berne ou Bâle - ont le mérite de nous faire découvrir des auteurs méconnus, essentiellement du XIXe siècle, mais sans grand intérêt pour le lecteur. Seul l'extrait de Fritz Zorn sur la ville de Zurich, soulève quelques bourrasques: En Suisse tout doit toujours être calme et l'on exprime toujours cette idée de calme sous une forme impérative. On dit: Du calme! Du calme! Comme si on disait impérativement : La mort, la mort!
Dans la dernière partie du livre, vous pouvez dénicher un texte amusant de André Gide - ce n'était certainement pas le but de l'auteur - consacré à la Brévine qu'il détestait autant que les autres lieux de ce pays, tels qu'on les retrouve dans l'excellente anthologie Le voyage en Suisse: Le Saint-Gothard m’a assommé; cascades, cabanes sur des promontoires, éboulis, mélèzes romantiques, ravins, et tout l’attirail – oh! assommé! Tout le monde a failli étouffer dans les tunnels, et ça n’en finissait pas. On pensait, chacun pour soi: si ça dure encore cinq minutes, j’éclate – et ça durait encore une demi-heure. Assommant, le lac des Quatre-Cantons, et puis il y en a des quantités d’autres qu’on n’a même pas pris la peine de marquer sur les cartes, tant ils ressemblent à ceux d’à côté.
Si Jacques Chessex, Nicolas Bouvier, Charles-Ferdinand Ramuz, Max Frisch ou Friedrich Dürrenmatt sont au rendez-vous dans Le goût de la Suisse, il est regrettable que, vu de la capitale française, le canton du Tessin soit totalement occulté, alors que Hermann Hesse - pour ne citer que lui - nous livre parmi ses plus belles pages à son propos. Dommage aussi d'avoir oublié Charles-Albert Cingria ou Henri Calet, dont quelques lignes auraient mieux mérité une insertion ici, plutôt que celle des Cloches de Bâle de Louis Aragon...
La collection Le goût de ... compte aujourd'hui 160 titres environ que vous pouvez explorer sur le site Internet de l'éditeur.
Le goût de la Suisse, textes choisis par Sandrine Fillipetti (coll. Le petit Mercure/Mercure de France, 2012)
Le voyage en Suisse, anthologie des voyageurs français et européens, établie et présentée par Claude Reichler et Roland Ruffieux (coll. Bouquins/Laffont, 1998)
00:32 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Charles Ferdinand Ramuz, Charles-Albert Cingria, Littérature étrangère, Littérature francophone, Littérature suisse, Louis Aragon | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | Facebook |
15/07/2012
La citation du jour
Louis Aragon
Il faut bien accepter ce qui nous transfigure, tout orage a son temps, toute haine s'éteint. Le ciel toujours redevient pur, toute nuit fait place au matin.
Louis Aragon, Le roman inachevé (coll. Poésie/Gallimard, 1994)
image: http://lebruitdesvagues.canalblog.com
08:59 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone, Louis Aragon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | | Imprimer | Facebook |
24/04/2012
La citation du jour
Louis Aragon
La vie est un voyageur qui laisse traîner son manteau derrière lui, pour effacer ses traces.
Louis Aragon, Les voyageurs de l'impériale (coll. Folio/Gallimard, 1972)
22:09 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone, Louis Aragon | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | | Imprimer | Facebook |
07/03/2012
Le poème de la semaine
Louis Aragon
Toutes les chambres de ma vieM'auront étranglé de leurs mursIci les murmures s'étouffent Les cris se cassent Celles où j'ai vécu seulA grands pas videsCelles Qui gardaient leurs spectres anciensLes chambres d'indifférence Les chambres de la fièvre et celle queJ'avais installée afin d'y froidement mourirLe plaisir loué Les nuits étrangèresIl y a des chambres plus belles que blessuresIl y a des chambres qui vous paraîtront banalesIl y a des chambres de supplicationsDes chambres de lumière basse desChambres prêtes à tout sauf au bonheurIl y a des chambres à jamais pour moi de mon sangEclabousséesToutes les chambres un jour vientQue l'homme s'y écorche vifQu'il y tombe à genoux qu'il demande pitiéQu'il balbutie et se renverse comme un verreEt subit le supplice épouvantable du tempsDerviche lent le temps est rond qui tournesur lui-mêmeQui regarde d'un oeil circulaireL'écartèlement de son destinEt le petit bruit d'angoisse avant lesHeures les demiesJe ne sais jamais si cela va sonner ma mortToutes les chambres sont chambres de justiceIci je connais ma mesure et le miroirNe me pardonne pasToutes les chambres quand enfin je m'endormisOnt jeté sur moi la punition des rêvesCar je ne sais des deux le pis rêver ou vivre.Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
15:06 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Louis Aragon, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
05/02/2012
Vous avez dit 2 euros ?
Bloc-Notes, 5 février / Les Saules
Si je ne fais erreur, c'est en 2006 que les éditions Gallimard lancent la collection Folio 2 euros, qui, comme vous le constatez, aborde à prix tout à fait raisonnable les grands noms de la littérature ou de la philosophie de tous les temps, de tous les horizons: de Lucrèce à Renée Vivien, de Miguel de Unanumo à Ian McEwan, de Lao-Tseu à Mario Soldati. 330 titres parus à ce jour, pour la plupart des nouvelles ou extraits d'oeuvres plus importantes, parfois difficiles d'accès dans une autre version.
Les anthologies, au nombre d'une quinzaine environ, jouissent d'une succès mérité. Parmi elles Que je vous aime, que je t'aime! consacré aux plus belles déclarations d'amour. Vous pouvez y retrouver, entre autres, celles d'Ovide, de Madeleine de Scudéry, de William Shakespeare, ou d'Emily Brontë. Dans 1, 2, 3... bonheur! c'est le bonheur en littérature qui est célébré, sous la plume de J.M.G. Le Clézio, André Gide, Oscar Wilde ou Guy de Maupassant. Enfin, Leurs yeux se rencontrèrent nous immerge dans les plus belles premières rencontres en littérature: Guillaume de Lorris, Ernest Hemingway, Louis Aragon ou Alessandro Baricco sont invités dans ce recueil par ailleurs consacré à bien d'autres auteurs.
Parmi les publications récentes, citons L'art du baiser dans la littérature, recueil où figurent Louise Labé, Violette Leduc, Arundhati Roy, David Foenkinos ou encore Pablo Neruda, avec ces vers immortels: Ce qu'il t'en aura coûté de t'habituer à moi, à mon âme esseulée et sauvage, à mon nom que tous chassent. Tant de fois nous avons vu s'embraser l'étoile du Berger en nous baisant les yeux et sur nos têtes se détordre les crépuscules en éventails tournants. Mes paroles ont plu sur toi en te caressant.
Sur un tout autre registre, Ne nous fâchons pas! nous entraîne à l'art de se disputer au théâtre, en compagnie de Molière, Beaumarchais, Alfred de Musset, Edmond Rostand, Georges Feydeau et Eugène Ionesco. Un régal! Pour terminer, Au pied du sapin nous plonge dans les contes de Noël. Cette anthologie est probablement l'une des plus originales, car outre les textes les plus célèbres, on prend plaisir à lire, sur ce thème, Jean Giono, Théophile Gautier, Luigi Pirandello, Fédor Dostoievski ou Alphonse Allais.
Ces Folio à 2 euros, dont la variété des titres est impressionnante, seront la compagnie idéale des voyageurs en transport public, en train et - quand le printemps puis l'été seront des nôtres - à bouquiner sur un banc, au bord d'un lac ou d'une rivière, comme la jeune fille de la photographie...
Collection Folio 2 euros (Gallimard)
image: Les humeurs de Bernard, Comment faire une pause?
(http://les-humeursdebernard.over-blog.com/article-comment-faire-une-pause-72371682.html)
19:34 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature espagnole, Littérature étrangère, Littérature francophone, Littérature italienne, Louis Aragon, William Shakespeare | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; nouvelles; poésie; correspondance; livres | | Imprimer | Facebook |
01/02/2012
Le poème de la semaine
Louis Aragon
C'est une chose étrange à la fin que le mondeUn jour je m'en irai sans en avoir tout ditCes moments de bonheur ces midis d'incendieLa nuit immense et noire aux déchirures blondes. Rien n'est si précieux peut-être qu'on le croitD'autres viennent. Ils ont le cœur que j'ai moi-mêmeIls savent toucher l'herbe et dire je vous aimeEt rêver dans le soir où s'éteignent des voix. D'autres qui referont comme moi le voyageD'autres qui souriront d'un enfant rencontréQui se retourneront pour leur nom murmuréD'autres qui lèveront les yeux vers les nuages. II y aura toujours un couple frémissantPour qui ce matin-là sera l'aube premièreII y aura toujours l'eau le vent la lumièreRien ne passe après tout si ce n'est le passant. C'est une chose au fond, que je ne puis comprendreCette peur de mourir que les gens ont en euxComme si ce n'était pas assez merveilleuxQue le ciel un moment nous ait paru si tendre. Oui je sais cela peut sembler court un momentNous sommes ainsi faits que la joie et la peineFuient comme un vin menteur de la coupe trop pleineEt la mer à nos soifs n'est qu'un commencement. Mais pourtant malgré tout malgré les temps farouchesLe sac lourd à l'échine et le cœur dévastéCet impossible choix d'être et d'avoir étéEt la douleur qui laisse une ride à la bouche. Malgré la guerre et l'injustice et l'insomnieOù l'on porte rongeant votre cœur ce renardL'amertume et Dieu sait si je l'ai pour ma partPorté comme un enfant volé toute ma vie. Malgré la méchanceté des gens et les riresQuand on trébuche et les monstrueuses raisonsQu'on vous oppose pour vous faire une prisonDe ce qu'on aime et de ce qu'on croit un martyre. Malgré les jours maudits qui sont des puits sans fondMalgré ces nuits sans fin à regarder la haineMalgré les ennemis les compagnons de chaînesMon Dieu mon Dieu qui ne savent pas ce qu'ils font. Malgré l'âge et lorsque soudain le cœur vous flancheL'entourage prêt à tout croire à donner tortIndifférent à cette chose qui vous mordSimple histoire de prendre sur vous sa revanche. La cruauté générale et les saloperiesQu'on vous jette on ne sait trop qui faisant écoleMalgré ce qu'on a pensé souffert les idées follesSans pouvoir soulager d'une injure ou d'un cri. Cet enfer Malgré tout cauchemars et blessuresLes séparations les deuils les camoufletsEt tout ce qu'on voulait pourtant ce qu'on voulaitDe toute sa croyance imbécile à l'azur. Malgré tout je vous dis que cette vie fut telleQu'à qui voudra m'entendre à qui je parle iciN'ayant plus sur la lèvre un seul mot que merciJe dirai malgré tout que cette vie fut belle. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:14 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Louis Aragon, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
12/11/2011
Actualité de la poésie 2/2
Bloc-Notes, 12 novembre / Les Saules
Après avoir évoqué Yves Bonnefoy et Jean-Pierre Lemaire, c'est le poète grec Georges Séféris qui fait l'actualité avec Journal de bord, dont le texte original a paru dans sa version définitive en 1965, à Athènes. Chacun des trois recueils qui le composent est le reflet d'une épreuve subie, nous dit son traducteur, Vincent Barras: les prémices de la guerre (I), la guerre (II) et la crise chypriote (III). On pourrait citer tous les textes de cet ouvrage, tant la beauté de la langue nous entraîne dans le vertige de ses profondeurs: Rossignol timide, dans la respiration des feuilles, / toi qui offres la fraîcheur musicale du bois / aux corps séparés et aux âmes / de ceux qui savent qu'ils ne reviendront pas. / Voix aveugle, qui tâtonnes dans la mémoire surprise par la nuit / pas et gestes; je n'oserais dire baisers; / et l'amère tourmente de la captive effarouchée. Une pure merveille!
Deux anthologies de la poésie méritent aussi d'être citées dans ces colonnes. La première, intitulée Mon beau navire ô ma mémoire - Un siècle de poésie française - préfacée par Antoine Gallimard - célébre les 100 ans de la prestigieuse maison d'édition. Si le choix des auteurs s'avère assez classique, celui des textes est plus original. On y retrouve aussi certains écrivains injustement oubliés tels Edmond Jabès, Georges Schehadé, Jean-Philippe Salabreuil ou Georges Perros dont ce court extrait vaut à lui seul ce plaisir de lecture: Ferme les yeux pour mieux la voir / Celle qui blesse ton regard / Celle que tu nommes ta vie / Et qui ne te rendra ses billes / Qu'au bout du grand aveuglement / Qu'au bout de ce monde en dérive / Là-bas, dans le soleil levant.
La seconde anthologie est très différente dans sa conception et son contenu. Avec des textes choisis par Albine Novarino-Pothier et que les photographies de Michel Maïofiss illustrent avec beaucoup de fraîcheur, Une année de poésie - 365 jours de bonheur permet de retrouver chaque jour de l'année un poème choisi au fil des siècles, en harmonie avec les saisons. Délibérément, me semble-t-il, certains auteurs ont été écartés - René Char par exemple ou Paul Eluard et Louis Aragon réduits à une discrète présence - alors que d'autres sont exhumés par de nombreux poèmes, tels Leconte de L'Isle, Théophile Gautier, Albert Samain, Emile Verhaeren, Maurice Fombeure, Francis Carco, Paul-Jean Toulet ou encore parmi tant d'autres, Anne de Noailles: Instant salubre et clair, ô fraîche renaissance, / Gai divertissement des guêpes sur le thym, / Tu écartes la mort, les ombres, le silence, / L'orage, la fatigue et la peur, cher matin... Une très belle anthologie - 52 euros, tout de même - et un objet séduisant à la hauteur de ces écrivains de tous les temps. Un livre de chevet à offrir - Noël est proche! - à tous les amoureux de poésie.
Enfin, pour en finir avec ce rapide survol de l'actualité poétique, voici un très court texte de Carl Jacob Burckhardt, Une matinée chez le libraire - Souvenirs de Rainer Maria Rilke. Cet auteur, qui naît à Bâle en 1891 et s'éteint à Genève en 1974, nous dévoile un fragment de la vie quotidienne du poète qu'il a rencontré à Paris en 1924, ainsi que des réflexions judicieuses de Rainer Maria Rilke sur la littérature, l'art poétique, la création: La limite est dans le fini, l'achevé, et tout ce qui vit vraiment a quelque chose d'exclusif. La nature a un terrible sens de la hiérarchie et l'hirondelle ne se commet pas avec le moineau. Seul l'homme abolit les frontières et estompe l'unicité des formes.
Comme vous pouvez le constater: la poésie est loin d'être moribonde. Et voilà bien la plus réjouissante - et peut-être la seule - des certitudes en cette fin d'année ordinaire...
Georges Séféris, Journal de bord (Héros-Limite, 2011)
Collectif, Mon beau navire ô ma mémoire - Un siècle de poésie française (coll. Poésie/Gallimard, 2011)
Albine Novarino-Pothier et Michel Maïofiss, Une année de poésie - 365 jours de bonheur (Omnibus, 2011)
Carl Jacob Burckhardt, Une matinée chez le libraire - Souvenirs de Rainer Maria Rilke (L'Anabase, 2011)
image: Rossignol philomèle (http://www.jbnature.com/oiseaux/rossignolphilomele)
00:06 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Georges Perros, Littérature étrangère, Littérature francophone, Louis Aragon, Paul Eluard, Rainer-Maria Rilke, René Char, Yves Bonnefoy | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | | Imprimer | Facebook |
30/10/2011
Gilberte Favre 1b
Bloc-Notes, 30 octobre / Les Saules
Voici quelques citations qui illustrent Des Etoiles sur mes chemins de Gilberte Favre. Il en est bien d'autres que je vous laisse découvrir dans son émouvant récit:
Je ne crois plus aux naufragesIl y a un masque bleu au fond de tous les puits.Andrée Chedid * Je ne crains rien, je n'espère rien.Je suis libre.Nikos Kazantzaki *L'important reste à jamais informulabletelle la noisette de poix au fond du gosier.Alexandre Voisard *
Imaginez lorsque la mort se fait enfantqu'il neige sur les derniers bruits.Nadia Tuéni
*
Tout est à la fois trop tard et prématuré pour moi;mais poussé par un désir sans mesure,je cherche obstinément au-dessus des vaguesun lieu de paix et d'amour.Maurice Chappaz *
Le vent ne vieillit pas, la mer n'a pas d'âge.Le soleil, le ciel sont éternels.J.M.G. Le Clézio *
Laisse monter mon chanttout au sommet de la montagne.Marina Tsvetaïeva
* Je me tiens sur le seuil de la vie et de la mort,les yeux baissés les mains videset la mer dont j'entends le bruitest une mer qui ne rend jamais ses noyés.Louis Aragon *
Celui qui rêvese mélange à l'air.Georges Schehadé
Gilberte Favre, Des Etoiles sur mes chemins (Editions de L'Aire, 2011)
image: Maurice Chappaz (JLK, 24 Heures)
20:04 Écrit par Claude Amstutz dans Andrée Chedid, Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse, Louis Aragon, Maurice Chappaz, Nadia Tuéni | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; citations; livres | | Imprimer | Facebook |
26/10/2011
Le poème de la semaine
Louis Aragon
pour Catherine P
Que ce soit dimanche ou lundi Soir ou matin minuit midi Dans l'enfer ou le paradis Les amours aux amours ressemblent C'était hier que je t'ai dit Nous dormirons ensembleC'était hier et c'est demain Je n'ai plus que toi de chemin J'ai mis mon cœur entre tes mains Avec le tien comme il va l'amble Tout ce qu'il a de temps humain Nous dormirons ensemble
Mon amour ce qui fut sera Le ciel est sur nous comme un drap J'ai refermé sur toi mes bras Et tant je t'aime que j'en tremble Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensemble Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
05:36 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Louis Aragon, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth, Rosebud | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |