Sacha Sperling (13/12/2009)
Bloc-Notes, 13 décembre / Cologny
Il arrive qu’on se plante complètement dans nos découvertes littéraires, comme dans celles de la vraie vie. Par souci de l’urgence, parfois. Par manque d’ouverture d’esprit, la plupart du temps. Prenez par exemple Mes illusions donnent sur la cour de Sacha Sperling, paru en août. Un extrait du 4e de couverture peu engageant – en ce qui me concerne – avec ces mots : « Ce matin, on a braqué le minibar… » J’ai renoncé et relégué ce texte aux oubliettes sans le moindre remord, un de plus parmi les quelques 660 romans de la rentrée littéraire annoncée. Non sans que j'ajoute, sur un ton désabusé : Encore un texte dans l’air du temps, probablement complaisant en diable, mal écrit, farci de clichés ou de trucs littéraires détestables. Bref, très tendance française.
Or, samedi 5 décembre, dans les colonnes du journal « 24 Heures », le magnifique article de Jean-Louis Kuffer consacré à ce livre m’a interpellé et stimulé ma curiosité, en cette période où les nouvelles parutions se font plus rares. Je l’ai donc lu, en deux jours ( !) et ne taris plus depuis lors d’éloges sur cet auteur âgé de 18 ans à peine. Son style fluide, concis, dépourvu de pathos, transpire d’une étonnante maturité pour un premier roman. Son portrait d’une jeunesse qui, bien plus que de mal être, se radicalise devant l’ennui, le vide intérieur et l’urgence de vivre, adopte un angle de vue original, contemporain, lucide sur son époque. Pied de nez aux conventions du genre, il est sacré, finalement – mea culpa ! – l’un des meilleurs livres francophones de l’année. Avec d’autres hasards de calendrier, il aurait largement mérité un prix littéraire. Tiens, le Goncourt des Lycéens, par exemple!
On songe aux vers de Paul Verlaine : « Avide jeunesse à tout a servi, par délicatesse j’ai menti ma vie… »
Sacha Sperling, Mes illusions donnent sur la cour (Fayard, 2009)
11:51 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |