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30/10/2011

Gilberte Favre 1b

Bloc-Notes, 30 octobre / Les Saules 

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Voici quelques citations qui illustrent Des Etoiles sur mes chemins de Gilberte Favre. Il en est bien d'autres que je vous laisse découvrir dans son émouvant récit: 

Je ne crois plus aux naufrages
Il y a un masque bleu au fond de tous les puits.
Andrée Chedid
 
*
 
Je ne crains rien, je n'espère rien.
Je suis libre.
Nikos Kazantzaki
 
*

L'important reste à jamais informulable
telle la noisette de poix au fond du gosier.
Alexandre Voisard
 
*

Imaginez lorsque la mort se fait enfant
qu'il neige sur les derniers bruits.
Nadia Tuéni

*

Tout est à la fois trop tard et prématuré pour moi;
mais poussé par un désir sans mesure,
je cherche obstinément au-dessus des vagues
un lieu de paix et d'amour.
Maurice Chappaz
 
*

Le vent ne vieillit pas, la mer n'a pas d'âge.
Le soleil, le ciel sont éternels.
J.M.G. Le Clézio
 
*

Laisse monter mon chant
tout au sommet de la montagne.
Marina Tsvetaïeva

*
 
Je me tiens sur le seuil de la vie et de la mort,
les yeux baissés les mains vides
et la mer dont j'entends le bruit
est une mer qui ne rend jamais ses noyés.
Louis Aragon
 
*

Celui qui rêve
se mélange à l'air.
Georges Schehadé

 

Gilberte Favre, Des Etoiles sur mes chemins (Editions de L'Aire, 2011)

image: Maurice Chappaz (JLK, 24 Heures)

03/03/2011

Actualité d'Andrée Chedid

Bloc-Notes, 3 mars / Les Saules

littérature; romans; poésie; livres

 

Pour tous les amoureux des racines, de la langue et des frémissements poétiques d'Andrée Chedid, dont deux ouvrages ont paru peu avant sa disparition - un roman, Les quatre morts de Jean de Dieu; un recueil de poèmes, L'étoffe de l'univers - déjà évoqués dans ces colonnes, je ne saurais trop vous recommander, dans la célèbre collection Poètes d'aujourd'hui, l'étude que lui a consacré Jacques Izoard. Illustrée par des documents photographiques émouvants, suivie d'une anthologie de ses poèmes: un coeur fertile qui nous reste de son passage.

Si vous préférez la prose, je vous signale, dans la collection Mille et une pages - 1'182 pages! - Romans, regroupant ses récits les plus importants: Le sommeil délivré, Le sixième jour, L'autre, L'enfant multiple, La maison sans racines, Le survivant, Les marches de sable, Nefertiti et le rêve d'Akhenaton. La plupart de ces textes sont également disponibles en coll. J'ai Lu ou Librio, souvent choisis dans les lectures scolaires, ce qui me ravit!

Rythmes, dans la légendaire coll. Blanche de chez Gallimard, est à mon sens l'un de ses plus beaux recueils poétiques: Mon autre / Mon semblable / En cette chair qui nous compose / En ce coeur qui se démène / En ce sang qui cavalcade / Et ce complot du temps / En cette mort qui nous guette / En cette fraternité de nos fugaces vies / Mon semblable / Mon autre / Là où tu es / Je suis.

Enfin - un juste compromis entre prose et poésie - découvrez vite le merveilleux album Le coeur demeure, une correspondance entre Andrée Chedid et son époux Louis-Antoine, contre-chant à partir des deux rives de la Méditerranée, illustrée de photographies de Fouad Elkoury: En pénétrant et en se pénétrant du désert, sans doute y décèle-t-on le fond de l'âme? Confrontée à son extrême nudité, peut-être qu'on libérerait en soi d'autres sources plus souterraines, et que se dévoileraient d'autres et surprenants chemins? Mais cette voie, je le sens bien, n'est pas la mienne. Je préfère prendre appui sur l'image d'une fontaine, sur celle d'un peuplier ou sur les mystères d'un visage. Je préfère parcourir les vives et effervescentes cités, Paris, Le Caire et même New York m'émeuvent, me remuent, me propulsent. La ville m'est remède et soulèvement. Elle me tire de l'ennui, de la routine; me garde dans le vif des rencontres, dans le bonheur du partage et de la diversité.

Belles lectures à tous! 

Jacques Izoard, Andrée Chedid (coll. Poètes d'aujourd'hui/Seghers, 2004)

Andrée Chedid, Romans (Flammarion, 1998)

Andrée Chedid, Rythmes (Gallimard, 2003)

Andrée et Louis Antoine Chedid, Le coeur demeure (Stock, 1999)

 

00:16 Écrit par Claude Amstutz dans Andrée Chedid, Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; romans; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/02/2011

Andrée Chedid 1c

Andrée Chedid


Je me souviens

D'ombres plus denses que le plomb

De regards impassibles

De rivières fourbues

De maisons rongées

De coeurs blanchis

D'hirondelles torpillées


Et de cette femme hagarde

sous l'explosion des armes


Je me souviens

Du tumulte des sèves

De l'envolée des mots

De plaines sans discorde

Des chemins de clémence

Des regards qui s'éprennent


Et de ces beaux amants

sous les feux du désir


De tout ceci

De tout cela

Je me souviens

Et me souviens

  

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

  

Andrée Chedid 1b

6a00f48cf4d5d3000201240baca2a3860e-500pi.jpgAndrée Chedid, L'étoffe de l'univers (Flammarion, 2010)

Alors que vient de paraître, chez le même éditeur, son séduisant roman Les quatre morts de Jean de Dieu - déjà présenté sur ce site - Andrée Chedid nous revient à la poésie et à l'essai littéraire avec L'étoffe de l'univers. Un regard qui ressemble au film d'une vie nourrie et grandie par son identité de poétesse, l'importance accordée au langage, aux fragilités crépusculaires de la vie devenues parfois lourdes à porter: De mon printemps à mon automne, patinant sur l'avenir, dérapant sur les sols, me faufilant entre les marées, communiquant avec l'azur, je me targuais d'être friande de vie, de glisser sur le temps, de parler aux moineaux et aux chênes. Maintenant amarrée, assujettie à mon hiver, je ne m'intéresse qu'à la mort, cette voisine. Face à elle, délivrée par l'ignorance, je demeure impassible. J'invente les paradis. Je vis, je meurs et je revis.

Amoureuse de la terre, des rythmes du coeur, de ces tremblements de l'existence dont sa mémoire est empreinte, ses poèmes sont enrichis d'un cahier de notes qui renvoient au miroir de ces autres qui éclairent et renforcent le fil de ses interrogations, sous forme de citations commentées sur la vie, le métier d'écrivain, la vieillesse ou la mort. Nous y croisons ainsi Saint Augustin, Sénèque, William Shakespeare, Dante, William Blake, Rainer-Maria Rilke, René Char, Emily Dickinson, pour n'en citer que quelques-uns. 

A Andrée Chédid peut s'appliquer cette lumineuse évocation de Pierre Reverdy: Le poète est un four à brûler le réel... et entre nos mains, ses écrits ne délivrent aucune tiédeur. 

Andrée Chedid 1a

images-1.jpegAndrée Chedid, Les quatre morts de Jean de Dieu (Flammarion, 2010)

Elle aurait aimé crier, se battre, soustraire Jean à cette fin. Elle aurait tant voulu prolonger leurs âges, vivre jusqu'au bout. Qu'ils s'accompagnent mutuellement, longuement, le plus longuement possible et entrer dans la nuit ensemble en se tenant la main. Maintenant il fallait peu à peu envisager, admettre, accepter le poids de cette main froide, qui n'avait plus de vie, qui n'avait plus de sens. Admettre, accepter, se résigner. Non. Jamais. Ce serait comme trahir.

Par les yeux du cœur – ceux d’Isabelita – nous traversons avec son époux, Jean de Dieu, les turbulences d'un enfant du siècle, de la guerre d’Espagne à la chute du mur de Berlin, avec son cortège de désillusions et de révoltes: La perte de sa foi catholique, puis celle de son idéal communiste, l'exil, enfin la maladie qui s'empare de lui... Ce livre est pourtant avant toute chose la chronique d’un amour indestructible qui, malgré les lézardes du temps, demeure insoumis, bien qu'ouvert aux rythmes du monde et de ses joies simples, passagères. Avec beaucoup de poésie et de tendresse, Andrée Chedid interroge le quotidien, l'art, la mémoire, la vieillesse ou la mort dans un monde qui change, non sans insolence, humour et lucidité.

Je veux que tu saches que toi c'est moi et que moi c'est toi. Pour toujours.

20:20 Écrit par Claude Amstutz dans Andrée Chedid, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/01/2011

Dans le rétroviseur

Bloc-Notes, 4 janvier / Les Saules

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Voilà, c'est reparti! Le très sérieux Livres Hebdo - revue professionnelle consacrée au livre - n'annonce pas moins de 510 nouveaux romans à paraître au cours des deux premiers mois de l'année, dont 329 voués à la littérature francophone, mais... pas si vite, car l'année 2010 à peine achevée, je prends plaisir à vous partager les petites ou grandes joies que la saison dernière aura suscitées, au nez et à la barbe des statistiques qui, au contraire de la résonance affective des uns et des autres, masquent souvent l'essentiel, heureusement!

Avec un constat très encourageant: Le lecteur actuel cède beaucoup moins que par le passé, aux sirènes des prix littéraires. S'il les lit ou les offre, c'est parce qu'il les découvre ou les aime, qu'il s'agisse de Michel Houellebecq avec La carte et le territoire (Flammarion), de Jean-Michel Olivier avec L'amour nègre (De Fallois/L'Age d'Homme), de Maylis de Kérangal avec Naissance d'un pont (Verticales), de Patrick Lapeyre avec La vie est brève et le désir sans fin (P.O.L.), de Fatou Diome avec Celles qui attendent (Flammarion) ou encore de Sofia Oksanen avec Purge (Stock) et de David Vann avec Sukkwan island (Gallmeister).

Il est aussi plus curieux, exigeant et surtout... prend son temps pour choisir ses livres! Ainsi, il a jeté son dévolu - pour mon plus grand plaisir! - sur Douna Loup avec L'embrasure (Mercure de France), Valérie Zenatti avec Les âmes soeurs (L'Olivier), Rosa Montero avec Instructions pour sauver le monde (Métailié), Erri de Luca avec Le jour d'avant le bonheur (Gallimard) ou Sarah Hall avec Comment peindre un homme mort (Bourgois) - à mon avis le plus beau roman de l'année! - sans oublier Kathryn Stockett avec La couleur des sentiments (Jacqueline Chambon) dont le succès repose pour une part prépondérante sur le bouche à oreille entre lecteurs et le coup de pouce des libraires, ou Jean d'Ormesson avec C'est une chose étrange à la fin que le monde (Laffont), bel exemple de fidélité entre le public et un auteur qui n'a cessé de se remettre en question, de partager ses passions, ses convictions, ses interrogations, auprès des plus jeunes et des autres...  

Qu'on se le dise enfin: La poésie n'est pas reléguée aux oubliettes. Le succès de la correspondance entre René Char et Nicolas de Staël (Editions des Busclats), l'anthologie des Poètes de la Méditerranée (coll. Poésie/Gallimard) ou les écrits récents de Jean-Michel Maulpoix, Andrée Chédid et Charles-Ferdinand Ramuz en sont la preuve vivante.

Seuls auront manqué en 2010 quelques romans légers et attachants comme on les aime... Hormis une réédition - Les raisons du coeur de Mary Wesley (Héloïse d'Ormesson) - et une nouveauté, Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi de Katherine Pancol (Albin Michel), je n'ai pas oublié - comme de nombreux lecteurs, ces plaisirs de lecture plus anciens que sont La grand-mère de Jade de Frédérique Deghelt (Actes Sud) ou Les bonnes dames de Jean-Louis Kuffer (Campiche) qui rencontrent aujourd'hui encore un succès aussi vif que celui des dernières parutions en librairie!

Pour en finir avec ce petit tour d'horizon de l'année écoulée, j'ajoute que le lecteur actuel - pour autant qu'il trouve dans les librairies ou bibliothèques ce qu'il cherche - n'est pas nécessairement conditionné par l'attrait de la nouveauté, ce qui me ravit! Savez-vous que le roman de Léon Tolstoï, Anne Karénine, demeure le roman le plus populaire de 17 à 87 ans, aux côtés de celui d'Alexandre Dumas, Le comte de Monte-Cristo, parmi les classiques? Que Lark et Termite, le chef d'oeuvre de Jayne Anne Phillips (Bourgois), paru en 2009, demeure l'un des choix préférés du public, avec L'ombre du vent de Carlos Ruiz Zafon (Laffont et Livre de poche) paru en 2004? Qu'on lit toujours le roman d'Axel Munthe, Le livre de San Michele (Albin Michel) ou La montagne magique de Thomas Mann (Fayard et Livre de poche)?

Sur le site de Culture Café - http://500-livres.com/index.html - vous pouvez consulter les 500 meilleurs livres choisis par les internautes, en 2008 - peu de changements, sans doute, avec aujourd'hui - avec près de 5'000 votes et 3'000 titres proposés. Comme moi, vous y reconnaîtrez bien des vôtres...  

image: Jean-Honoré Fragonard, La liseuse (National Gallery of Art, Washington)

 

29/11/2010

Actualité de la poésie

Bloc-Notes, 29 novembre / Les Saules

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La poésie demeure le poumon de l'humanité et poursuit sa marche exigeante, discrète, individuelle à l'encontre d'une pensée unique, si présente dans les conversations ou les médias, voire dans la production littéraire de bon nombre d'éditeurs. Cela se vérifie tous les jours, et si vous naviguez parfois sur Facebook, vous serez étonnés par l'omniprésence de la poésie: sous toutes ses formes, obéissant à des desseins différents, surgie d'horizons multiples souvent inattendus, célébrant l'écrit sans frontières autour duquel les lecteurs attentifs se régénèrent, invités à prolonger l'émotion, la confronter à leur vécu, l'intégrer à leur culture. Un bel exemple pour louer au passage les moyens d'expression de ces nouvelles voies de la communication qui prennent le relais des supports traditionnels - plus restrictifs, figés ou absents - afin de favoriser la lecture et l'écriture partagées, signes palpables d'une ouverture au monde, reflets d'un besoin salutaire dans de nombreux domaines, dont la poésie - ou la musique, malheureusement - qui voit son espace réduit de jour en jour, dans les grandes chaînes commerciales... 

J'espère toutefois que les trois nouveautés choisies ci-dessous, échapperont à la règle des 44 jours de présence moyenne en librairie et que vous ne serez pas contraints de vous les procurer par Internet! Pour le premier titre proposé, le mérite en revient aux éditions Gallimard qui, sous la conduite de Eglal Errera, nous proposent une anthologie poétique, Les Poètes de la Méditerranée. Un travail extraordinaire, qui, sur 960 pages au format poche - mais avec une présentation et une typographie très soignées - nous présente les auteurs actuels de 24 pays, en édition bilingue. Si certains poètes sont disponibles dans d'autres éditions courantes - Adonis, Vénus Khoury-Ghata, Abdelattif Laâbi, Nuno Judice, Bernard Noël, Ismail Kadaré - la plupart nous sont inconnus, originaires de Grèce ou de Syrie, d'Egypte ou de Tunisie, du Montenegro ou de Slovénie. Dans la préface de ce livre, Yves Bonnefoy note: La Méditerranée est confiée à la poésie. On peut espérer que la poésie la gardera avec elle; en elle, à combattre, à espérer. Cette anthologie est à chaque page un enchantement, une découverte, une confirmation du rôle essentiel que représente la poésie, véritable contre-pouvoir à la culture de masse, par l'acuité de son regard et l'indépendance de son esprit.

Une autre nouveauté mérite d'être signalée: Comme un morceau de nuit, découpé dans son étoffe, né de la plume de Deborah Heissler, seconde publication de cet auteur paru aux éditions Cheyne, vouées à la poésie contre vents et marées depuis trente ans! Un bel objet en parfaite adéquation avec son contenu. Une écriture fine et légère, plus chaleureuse que dans son précédent ouvrage - Près d'eux, la nuit sous la neige - pour dire la force du silence, les sensations mêlées à l'observation de la nature ou de la lumière qui déconstruisent notre vide intérieur et lui redonnent un centre de gravité, pour autant que nous prenions du temps de le lire sans hâte et d'en respirer les senteurs invisibles: J'entre dans la lumière advenant comme un miracle au sein de la durée irréelle de l'hiver. Atonalité des formes, de leurs contours tremblés, qui favorise un autre ordonnancement des lieux, la redécouverte de l'horizon avec au loin l'accord du solide et de l'ajouré. Un des plus beaux recueils poétiques de l'année, dont un autre extrait figurera sous peu dans Le poème de la semaine.

Enfin, j'achève ce tour d'horizon avec Poésies - 1997/2004, écrit par Claire Genoud, qui a publié auprès du même éditeur - Bernard Campiche - deux recueils de nouvelles, Poitrine d'écorce et plus récemment Ses pieds nus, déjà présenté dans ces colonnes. Une écriture viscérale, au plus près du corps, sur le fil continu d'une déchirure: celle du poème en miroir qui tourbillonne au-dessus du vide, tremble au bord du gouffre comme le signale Alexandre Voisard. Le lac peut bien lècher mes sandales comme un chat trop fidèle. Je n'ai qu'une envie, celle de plâtrer ses rives et de sangler sa peau battante au brouillard hivernal, car je ne veux plus des saisons qu'il s'obstine à dresser sur nos toits. D'un coup de plume, je ferai souffler la bise pour assécher son eau. Magnifique!

A cette grande méditerranéenne, Andrée Chedid, le mot de la fin: Il est vital pour le poète de lever des échos, et de le savoir. Nul mieux que lui ne s'accorde aux solitudes ; mais aussi, nul n'a plus besoin que sa terre soit visitée. 

Eglal Errera, Les poètes de la Méditerranée - Anthologie (coll. Poésie/Gallimard, 2010)

Deborah Heissler, Comme un morceau de nuit, découpé dans son étoffe (Cheyne, 2010)

Claire Genoux, Poésies / 1997-2004 (coll. Campoche/Campiche, 2010)

Image: Georges Braque, Deux oiseaux sur fond bleu (1963)

10/09/2010

Le poème de la semaine

Andrée Chedid


Nos jours sont éphémères

Plus rapides que le temps

La clarté nous surprend

Déjà c'est crépuscule


C'est si court

Un seul jour

Mais si vaste à la fois

Chaque journée est une fête

Une vraie épiphanie


Pleine de tous les rêves

De toutes les panoplies

Dont le futur est maître

Retenant nos mémoires

Et chroniques du temps

Si longue est notre vie


Ces journées éphémères

Pas le temps

De les perdre

Si brève est notre vie!


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:22 Écrit par Claude Amstutz dans Andrée Chedid, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/08/2010

Relire Paul Valéry - 2/3

Bloc-Notes, 13 août / Les Saules

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Quand nous parlons de littérature, entre amis, ne nous arrive-t-il pas de nous exclamer, à propos d'un roman lu: J'ai beaucoup aimé le sujet... Mauvais signe, dirait Paul Valéry, car les bons auteurs captent notre attention, quel que soit le sujet qu'ils abordent. Regardez François Mauriac, Albert Camus ou plus près de nous J.M.G. Le Clézio.

Autre lieu commun que nous distillons volontiers auprès de notre entourage: Ce roman est d'une lecture facile... Là encore, le grand homme nous interpellerait pour nous dire qu'une lecture qui ne demande pas le moindre effort - qu'il s'agisse d'érudition, de fantaisie ou de distraction - est sans intérêt, ennuyeuse pour le lecteur - qui en dix pages comprend déjà les deux cent suivantes -, vouée à une mort rapide, programmée...

A propos des livres - reconnaissons-le - nous aimons  asséner des vérités premières telles que: Cette oeuvre me séduit par son réalisme... Par rapport à qui? Par rapport à quoi? Selon quelles valeurs? A quel moment précis de notre histoire? Et si cette réalité n'est que la photographie de ce que nos yeux voient, ce n'est plus de la littérature, mais du reportage. N'est pas Louis-Ferdinand Céline, Vassili Grossmann ou Boris Pasternak qui veut... De plus, là encore, Paul Valéry nous rappellerait qu'il n'est pas rare que les oeuvres qui survivent au temps soient souvent... fantastiques!

A une semaine de la rentrée littéraire d'automne - 701 nouveautés dont 497 francophones, soit 6.32% de plus qu'en 2009! - la parole revient assurément aux auteurs, s'ils veulent échapper à ces commentaires superflus ou mondains dont fleurissent les salons de thé. Dans Tel Quel, Paul Valéry hasarde à leur intention, qu'il faut écrire et travailler pour ceux-là seuls sur qui l'injure ou la louange n'ont pas de prise; qui ne se laissent émouvoir ni imposer par le ton, l'autorité, la violence et tous les débordements. (...) Ecrire pour le lecteur qui va: ou vivre votre idée, ou la détruire, ou la rejeter - pour celui à qui vous donnez le pouvoir suprême sur elle; et qui possède le droit de sauter, de passer, de ne pas poursuivre; et celui de penser le contraire, et celui de ne pas croire, de ne pas épouser votre intention.

Rassurez-vous, car si les oeuvres romanesques insignifiantes ou fades sont en constante augmentation - parce que les éditeurs souvent manquent autant de métier, de rigueur ou de clarté que certains de leurs auteurs - bon nombre d'écrivains de cette rentrée littéraire sont proches des idées de Paul Valéry, capables de nous étonner, de nous surprendre et d'exprimer ce qui nous est impossible avec un style et une transcendance aptes à nous émerveiller, nous séduire et nous offrir quelques moments de bonheur.

Parmi ces rescapés de l'urgence - de publier, d'envahir, de monopoliser - plusieurs titres vous seront présentés dans ces colonnes, dès la semaine prochaine, signés Yves Bonnefoy (L'inachevable - Entretiens sur la poésie/Albin Michel), Andrée Chedid (Les quatre morts de Jean de Dieu/Flammarion), Douna Loup (L'embrasure/Mercure de France), Andrew O'Hagan (La vie et les opinions de Maf le chien et de son amie Marilyn Monroe/Bourgois) et Hernan Roncino (Dernier train pour Buenos Aires/Liana Levi), entre autres publications hors du commun.

Songez à ce qu'il faut pour plaire à trois millions de lecteurs, note encore Paul Valéry... Paradoxe: il en faut moins que pour ne plaire qu'à cent personnes exclusivement.

Mais de cela, nous nous en serions douté... Pas vrai?

Paul Valéry, Tel Quel - Oeuvres vol. 2 (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1960)


17/03/2010

Le poème de la semaine

Andrée Chedid


Ma lande mon enfant ma bruyère

Ma réelle mon flocon mon genêt

Je te regarde demain t'emporte

Où je ne saurais aller.


Ma bleue mon avril ma filante

Ma vie s'éloigne à reculons

A toi les oiseaux et la lampe

A toi les torches et le vent.


Mon cygne mon amande ma vermeille

A toi l'impossible que j'aimais

A toi la vie sel et soleil

A toi brève invitée.


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

05:44 Écrit par Claude Amstutz dans Andrée Chedid, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |