12/12/2013
Yves Navarre
Yves Navarre, Le jardin d'acclimatation (Editions H&O, 2009)
Après Le coeur qui cogne et Je vis où je m'attache, Yves Navarre revient une fois encore aux liens familiaux, mais cette fois-ci sous forme d'un sauvage réquisitoire contre la bourgeoisie: sa respectabilité, son hypocrisie, sa lâcheté. Car parmi les quatre enfants du père Henri Prouillan, ancien ministre du Général, se cache une infamie, un homosexuel qui, mineur, détournait du droit chemin un ami de la famille, le critique Romain Leval. Alors le ministre fait son devoir: il pousse le critique au suicide et fait opérer son fils d'une lobotomie. Qui donc est coupable? N'ont-ils ont pas tous laissé faire, la mère, les enfants, la fidèle Bernadette, la tante et son mari Jean, l'ami de Romain? Vingt ans plus tard, ils se retrouvent... Ce roman terrible, servi par une écriture classique - c'est un compliment - a vraiment mérité le prix Goncourt ... en 1980!
04:31 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Yves Navarre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
11/12/2013
Le poème de la semaine
Denise Mützenberg
Ne dis rienne dis pas d'où tu viensni quel vent t'a souffletéequand tu rentresau matinquand tu te glisses dans ma vieplus proche du coeur que l'aubier Ne retire pas ton tabliergarde les mains dans la farine La prophétie lèvera doucementcomme un gâteau que tous pourront mangerQuelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
05:30 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
09/12/2013
Lire les classiques - Pétrarque
Pétrarque
O belle main qui m'a étreint le coeurEt dans ce peu d'espace enclos ma vie,Main où Nature et Ciel, pour se faire honneur,Ont voulu tout leur art, ont mis tous leurs soins. O doigts, cinq perles, l'Orient par la couleur,Et qui n'êtes cruels que dans mes plaies,Doigts déliés, délicats: Amour, comblant mes voeux,Me permet un instant de vous voir nus. Bien aimé soit ce gant, tout de blanche grâce, Qui couvrait votre ivoire lisse, vos fraîches roses!Qui vit jamais dépouille si voluptueuse? Ah, obtenir autant d'un autre voile!Mais voilà bien l'inconstance de tout:Ce gant n'est qu'un larcin, on vient me le reprendre.Pétrarque, Je vois sans yeux et sans bouche je crie - 24 sonnets traduits par Yves Bonnefoy / édition bilingue (Galilée, 2012)
image: Carolus-Duran, La dame au gant / Détail (ifmparis.blog.lemonde.fr )
00:29 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
07/12/2013
Morceaux choisis - Gustave Roud
Gustave Roud
Où es-tu?
Que de fois crié, cet appel vers un être, du fond de l'abîme intemporel où ma maison a glissé doucement comme un navire perdu. L'absolu triomphe dans cette chambre, fomenté par le feu blanc des neiges. Les portraits parlent, les poèmes chantent. Toute une vie immobile s'illumine au miroir profond de la mémoire. Tout éclate et se fige en un inexorable présent. Le coeur sous la pointe du doigt s'exténue et s'arrête. J'appelle, à travers des lieues, des années, et sans songer même à la dérision de ma voix close, un coeur qui bat.
Et pourtant je sais la route vers le nord qui touche au bout de longues heures la grange où brûle encore le froment que tu fauchais. Je partirais les yeux fermés. Mais la nuit est venue avec la lune et toute l'horreur des marches d'autrefois dans la neige infinie ressuscite. L'été pour mentir encore à l'adolescent qui n'a pas eu la force de dire oui tout de suite à sa solitude. Un oiseau chante pour lui; les fleurs frôlent ses mains nues. Le vent lui jette au visage toute une prairie de juin comme un bouquet d'odeurs. Il faudra, pour qu'il sache enfin, la traversée pas à pas des nuits extrêmes de décembre parmi les cadavres de ses pensées, quand son souffle, qui est pourtant un souffle d'homme, monte comme une buée vide, une vaine vapeur vers les étoiles (Orion, toujours Orion sur l'épaule de la colline illuminée!) et qu'il heurte enfin du front la vitre couleur de miel qui l'appelait à travers l'ombre comme une autre étoile, la transparente muraille infrangible qui le sépare à jamais du bonheur des hommes.
A quoi bon repartir ce soir, puisque c'est toujours la même réponse au bout de la neige et de la nuit, la même lampe vers quoi les hommes tendent leurs mains endormies, les lèvres ouvertes sur des paroles qu'ils échangent en riant? Toi seul par qui j'ai pu croire une heure qu'il n'est pas mortel de regarder vivre au lieu de vivre, que c'est encore une espèce de vie - et la plus belle -, je l'appellerais en vain là-bas de seuil en seuil. Les chiens comme autrefois savent bondir de leur sommeil, les rauques bêtes hurlantes à bout de chaîne, et ce n'est plus eux, mais la maison, mais les villages, mais toute la nuit qui aboient! J'ai perdu coeur. Je t'appelle ici près de ma lampe morte, les lèvres closes, les yeux fermés.
Tu vivais. Ah! qui me dira si tu respires encore, que si mon coeur s'arrête, le tien bat toujours, faucheur au bord de l'orage, que j'ai vu jadis à l'instant même du premier éclair me sourire. La première goutte de pluie étoile ton épaule et fait frissonner ton adieu. Pour toute une heure, le temps de notre halte sous le toit de tuiles ruisselantes, les pieds dans la poussière pleine de brins de paille, de fragiles empreintes d'oiseaux, il m'a paru que je pouvais vivre encore. Et plus encore que la vie, ce qui de ta chaude et fraîche épaule coulait jusqu'à mon coeur qu'il comblait comme d'une calme musique retrouvée, c'était le repos vivant dans la plénitude atteinte, auprès de quoi celui de la mort ne peut être qu'une grimace.
Où es-tu?
Gustave Roud, Appel d'hiver / extrait, dans: Jean Orizet, Anthologie de la poésie française (Larousse, 2010)
image: Orcières, Hautes-Alpes / France (confidentielles.com)
04:19 Écrit par Claude Amstutz dans Gustave Roud, Littérature francophone, Littérature suisse, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récits; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
06/12/2013
Musica présente - 88 Youra Guller
Youra Guller
pianiste française, 1895 - 1980
*
François Couperin: La fleurie ou la tendre nanette
Jean-Philippe Rameau: Le rappel des oiseaux
Louis-Claude Daquin : Les tourbillons
Claude Balbastre : Romance in C
05:22 Écrit par Claude Amstutz dans Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | | Imprimer | Facebook |
05/12/2013
Jocelyne François 1b
Bloc-Notes, 5 décembre / Les Saules
En complément, voici quelques pages de Jocelyne François, Claire Pichaud - 3 vies: une première approche de l'oeuvre de Claire Pichaud, dans ce splendide ouvrage dont la conception soignée, la qualité de l'impression et de la mise en page illustrent à merveille son immense talent...
Jocelyne François, Claire Pichaud - 3 vies / 39 € (Edition du Regard, 2013)
avec une postface de Henry-Claude Cousseau
00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Jocelyne François, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; beaux-arts; livres | | Imprimer | Facebook |
Jocelyne François 1a
Bloc-Notes, 5 décembre / Les Saules
Connaissez-vous Claire Pichaud? Non? Cherchez bien, tout au moins parmi les moins jeunes d'entre vous... Vous y êtes? Une jeune fille qui, dans les années 60, sous son nom d'origine, Marie-Claire Pichaud, chante Jacques Douai, Georges Brassens, Nicole Louvier, met en musique Luc Bérimont et René Char - dont le poème Allégeance - et interprète des chansons d'inspiration chrétiennes, telles Il y eut un soir, il y eut un matin, Pardon et Psaume de l'Univers, que vous pouvez écouter sur YouTube.
Avec Claire Pichaud - 3 vies, sous la plume de Jocelyne François, vous allez découvrir, après cet avant-goût de la vraie vie un autre de ses visages: celui de la peinture, qui l'habite depuis plus de 45 ans. En effet, après avoir été bibliothécaire à temps-partiel, licenciée en philosophie, directrice de chorale universitaire, puis chanteuse, elle cherche une expression artistique davantage en accord avec son silence intérieur, ce creuset où l'avenir va se constituer. Elle veut vivre selon la philosophie, selon la musique, selon une harmonie dont elle ne détient pas la clef, mais dont elle a le goût dans la bouche, nous dit l'auteur.
Jocelyne François retrace ainsi ce chemin qui prend corps dans un atelier proche de l'Isle-de-Sorgue - et de René Char - avec une attirance pour les arts de la terre: la poterie et les grès en particulier, avant que, dans sa recherche d'un équilibre, d'une migration, d'une transparence, d'une déconstruction, elle se consacre à la peinture comme on entre dans une forêt. Chacune de ses toiles - de nombreuses acryliques sur tissu froissé - s'inscrivent dans leur diversité comme un espace de méditation: Une pureté, une exigence sans proclamation s'y exprime silencieusement, et chaque tableau tend au silence.
De la Suite saturnienne aux Zodiaques et Solstices, de Depuis Lascaux, la guerre aux Quatre Saisons, peut être appliquée cette magnifique perception de Jocelyne François à propos d'un autre tableau, L'amour: Chacun peut s'y souvenir de sa propre vie et sentir que toutes les nuances du vécu ouvrent sur un infini dont, certes, on ne sait rien, mais qui nous prendra en lui aussi sûrement que l'existence nous a été offerte au sein d'une improbabilité prodigieuse.
Dans sa postface, Henry-Claude Cousseau, offre lui aussi un juste éclairage: Le peintre a compris que la couleur n'a pas besoin, pour dispenser son éclat à nos yeux, d'autre subterfuge que de simplement faire entendre au bon moment son timbre le plus juste, sa tonalité la plus franche, sa sonorité la plus pleine. Enfin, Jocelyne François cite Alain Tapié dont l'appréciation trouve bien sa place en conclusion de ce livre: Certains peignent le bonheur, d'autres la pensée. Claire Pichaud est de ceux-ci. L'Histoire pour elle n'est ni un sujet ni un matériau, mais un vivier de démarches, de méthodes pour appréhender le spirituel.
Outre que Claire Pichaud - 3 vies, est l'une des plus belles monographies de l'année, son originalité tient à son approche: Trajet parallèle de fécondité créatrice et de nécessaire solitude entre deux univers artistiques - la peinture pour Claire Pichaud et l'écriture pour Jocelyne François - qui sont autant d'accompagnements de vie et d'oeuvre sous le signe de la convergence et de la vie intime en commun, cette troisième vie...
Ceux que j'aime peignent chaque jour pour changer le monde, dit leur ami commun Jean Fournier, décédé le 22 mars 2006.
En annexe, vous sont présentées quelques pages de cet ouvrage de toute beauté que je vous encourage à parcourir, à lire et regarder au rythme de votre coeur, puis à offrir sans hésiter à vos amis intéressés par l'art contemporain. Comme indiqué ci-dessous, son prix est en effet dérisoire compte tenu de sa présentation tout à fait exceptionnelle!
Sur La scie rêveuse - voir Catégories - vous pouvez retrouver d'autres textes ou éléments bibliographiques consacrés à Jocelyne François.
Jocelyne François, Claire Pichaud - 3 vies / 39 € (Edition du Regard, 2013)
avec une postface de Henry-Claude Cousseau
00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Jocelyne François, Littérature francophone, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | Facebook |
04/12/2013
Le poème de la semaine
Marcelle Delpastre
Certes, j’en ai parlé, de la terre.J’en ai parlé, j’en parlerai. La terre, pour moi, tout d’abord, c’était cette terre-ci,ma terre, la terre de mon pays. La terre que je labourais,dont je tirais le rocher, le pré où je gardais les vaches,entre les haies qui montent haut:le hêtre et le noisetier, le cormier et le châtaignier.Le sentier où je passais, que je frottais encore un peu.L’herbe que j’ai fanée, le foin que j’ai fauché.C’était le ciel de ce pays,les collines à perte de vue entre la brume et les nuages. Ma maison.La maison de la terre, de pierre, de bois;le seuil de la maison et la souche entre les landiers.Le feu, la fontaine et l’air,tout ce qu’il faut pour vivre, ce que j’ai à l’entour de moi.Mais la terre au-delà c’est bien la même terre,ce que porte la terre, ce que produit la mer,et le même soleil et les soleils d’ailleurs, nuées d’étoiles,fumée de poussière. Dans les profondeurs du ciel de tous les cieux,quelle que tu sois, poussière,je te chante, la terre, ma terre,ce qui est en haut, ce qui est en bas,dans l’apparence comme dans l’être,je te chanterai toi, l’homme vivant,dans le secret de l’étincelle et dans le cœur de Dieu. Quelques traces de craie dans le ciel, Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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03/12/2013
Thérèse Houyoux
Bloc-Notes, 3 décembre / Les Saules
Par le dessin, autour du modèle, nous l'avons connue aux Beaux-Arts de Genève. Dans l'atelier où elle enseignait, des plantes vertes poussaient jusqu'aux poutres de la charpente. Son enthousiasme nous donnait envie et de notre envie, discrètement, elle se nourrissait. Saisons après saisons, Thérèse a tenu ses carnets, noté ses pensées, impressions du jour, du moment, répété des phrases brèves venues d'autres carnets, d'autres vies. Pendant sa maladie, et plus tard, durant sa période de rémission, Thérèse a poursuivi. Elle a noté, mis de l'ordre dans ses notes, et arrangé une à une ses affaires pour ne pas encombrer. Peu avant son décès, le 30 juin 2011, elle nous confiait "La petite moureuse".
Ainsi est évoquée l'histoire de ce précieux objet intime, La petite moureuse de Thérèse Houyoux - agrémenté de trois dessins de l'auteur - par Yves Berger et Alexandre Loye. Un tracé poétique qui ressemble à un diamant brut, nourri d'instants saisis sur le vif, au fil des heures et des jours, et même si la mort est omniprésente tout au long de ce cheminement intérieur, que ce livre est une célébration de la vie, dont chaque vibration traverse le sommeil, l'angoisse, le corps, la lumière: J'aimerais, quant à moi, une vie plus ténue, une vie de toile d'araignée - couverte de rosée. Partir petit pour devenir grand... se retourner et redevenir petit. Partir de rien - retourner à rien. Ce centre inconnu. Arrivée au bout du peu que je suis.
Plus loin, Thérèse note, de sa chambre d'hôpital: Je vis entre deux soleils au raz de la terre et sous un soleil au haut du ciel, éclatant, au-dessus de ma tête. Le ciel sillonné d'hirondelles. Et surtout, surtout, montant du jardin, le chant du merle quand nous sommes seuls les deux, tôt le matin, tard le soir. Il a chanté tard hier soir - ce matin dès quatre heures et demie. Ce merle que j'ai rencontré et qui a chanté - pour moi? - à deux mètres de moi, à hauteur de visage, à la dernière heure avant ma claustration. Surprise, j'ai dit à voix haute "ah, tu es là". Il n'a pas fui, a continué de chanter.
Bouleversants enfin, ses derniers mots, malgré la mémoire bousculée, la fatigue, la distance qui s'étire et qui marche: Dès aujourd'hui je vis par le sang des autres. J'ai promené ma petite mort à travers champs. Qu'elle en a vu, de belles choses. Et mes chants? Elle les a entendus. Etonnée, la mort, d'être invitée par la vie. Ravie.
Et je m'arrête ici, car le texte tout entier pourrait être cité: travail de dépouillement et d'effacement, confrontation à l'ombre folle, attitude face à l'inéluctable, mais surtout: un chant du monde et de l'amitié que vous n'oublierez pas de sitôt...
Lisez Thérèse Houyoux qui se décrit comme une chambre douce et vaste où vous êtes tous invités! Malgré sa gravité, ce texte respire d'une tendresse que je n'ai pas reconnue en littérature depuis bien longtemps...
Thérèse Houyoux, La petite moureuse - précédé d'une introduction de Yves Berger et Alexandre Loye, et suivi d'une postface de Denise Mützenberg (Samizdat, 2013)
00:04 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; carnets; poésie; livres | | Imprimer | Facebook |
02/12/2013
La musique sur FB - 878 F.Schubert/G.Mahler
Franz Schubert
String Quartet No 14 in D minor, D 810 - "Death of the Maiden"
IV. Presto
(transcr: Gustav Mahler)
I Musici de Montreal
Yuli Turovsky
23:04 Écrit par Claude Amstutz dans Franz Schubert, Gustav Mahler, La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | | Imprimer | Facebook |