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15/10/2013

Pierre Magnan

9782221116586.gifPierre Magnan, Elégie pour Laviolette (Robert Laffont, 2010)

Je l’aime décidément beaucoup, ce commissaire Laviolette: émouvant, drôle, érudit, malicieux, fin limier de surcroît. Aucune de ses enquêtes tortueuses à souhait - situées au pays de Giono en Provence – ne m’a déçu à ce jour et cette dernière pas davantage, dans laquelle un cimetière joue une nouvelle fois un rôle déterminant… Laissé pour mort dans un précédent roman - Le parme convient à Laviolette - le nez dans une touffe de thym, et baignant dans une mare de sang, guéri de ses sept impacts de chevrotine dans le dos, il est chargé d’une nouvelle enquête: la routine, soi-disant, comme l’affirme le conseiller Honnoraty. Presque rien, en somme : un homme vient de mourir à l’hôpital de Gap, et les neveux spoliés portent plainte pour captation d’héritage. Le coup classique, quoi! Pas de quoi fouetter un chat. On a même demandé une autopsie et ça n’a rien donné: la mort est naturelle. Deux détails pourtant: la veuve avait célébré ses noces avec le mourant quatre jours auparavant en évinçant la maîtresse en titre, et on avait trouvé sur les mains de la victime d’abondantes traces de talc… C’est ainsi que Laviolette et le juge Chabrand se retrouvent pour l’enterrement à  La Roque-du-Champsaur...

Pierre Magnan est l'auteur de plusieurs romans - tous disponibles en coll. Folio policier/Gallimard - qui mettent en scène son personnage fétiche: Les secrets de Laviolette, Le tombeau d'Hélios, Le commissaire dans la truffière, Le secret des Andrônes, Les charbonniers de la mort, Le parme convient à Laviolette. Cinq titres - dont Les courriers de la mort et Le sang des Atrides - ont été fidèlement adaptés à la télévision, avec un Victor Lanoux convaincant dans le rôle du commissaire Laviolette.

Pierre Magnan compte parmi les plus belles plumes de France, usant d’un langage poétique ancré dans la terre pour déchiffrer le secret des âmes. Aucun auteur n’a fait mieux depuis Simenon! Découvrez vite les autres livres de cet écrivain talentueux - qui nous a quittés en avril 2012 à lâge de 89 ans - parmi lesquels Laura du bout du monde, La folie Forcalquier, Périple d'un cachalot, La maison assassinée et Pour saluer Giono (coll. Folio/Gallimard) ou encore l'album illustré Les romans de ma Provence (Editions du Chêne), sans oublier un très beau texte autobiographique, Apprenti (coll. Folio/Gallimard).

Elégie pour Laviolette est également disponible en format de poche (coll. Folio Policier/Gallimard, 2012).

09:03 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature: roman; livresé | |  Imprimer |  Facebook | | |

14/10/2013

Philippe Labro

littérature: roman; livres Philippe Labro, Franz et Clara (Gallimard, 2006)

Elisabeth est violoniste dans un orchestre, à Lucerne. En proie au doute, elle surmonte avec peine un premier échec amoureux. Jusqu'au jour où elle rencontre un jeune garçon attachant, Franz, qui lui ressemble comme un frère. Il va chercher à apprivoiser Elisabeth, et lui avouer ses sentiments. Mais il n'a que douze ans, elle en a vingt... Dix ans plus tard, lors d'un concert à Boston. Franz est là. Ont-ils oublié, l'un et l'autre, les moments heureux de leur adolescence?

Il n’y a pas d’amour impossible, et ce récit est là pour le prouver. Histoire fleur bleue ? Peut-être, mais l’écriture est fine, sensible et on se surprend à croire à cette histoire. Un bien joli livre.

Egalement disponible en coll. Folio (Gallimard, 2007)

08:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/10/2013

Lire les classiques - Charles Baudelaire

Charles Baudelaire

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La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet;
 
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
 
Un éclair... puis la nuit! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?
 
Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-être!
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
O toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais! 
 

Charles Baudelaire, A une passante - Les fleurs du mal , dans: Oeuvres complètes (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1961)

image: Une passante / Paris (dinosoria.com)

12/10/2013

Vendanges tardives - De Xenakis

Un abécédaire: X comme Xenakis

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Pas snob pour deux sous, Marie-Chantal, quand, tirant sur son légendaire fume-cigarette en ivoire rose à l'entracte d'une pièce de Thomas Bernhard, Avant la retraite, elle te confesse de sa voix rauque et théâtrale qu'elle a pris goût à la musique stochastique au Tibet, en écoutant sur un transistor de fortune Radio France International, mais uniquement le célèbre Pop Club de José Arthur dont, en transe, elle ne prêtait l'oreille qu'à la bande-son de Iannis Xenakis: Polytope.

Hélas, vois-tu Fred, je trouve que tout de même, avec le temps, elle baisse, car quand le monsieur bien sous tous les rapports l'a bousculée et a maculé sa dernière robe toute en cuir bleu et transparences signée Jean-Paul Gaultier, avec un vulgaire american pancake, elle ne s'est pas écriée: Me voici enfin griffée toute en Rothko!

Mais que veux-tu? L'esprit comme la politique, avec l'âge ça se confond parfois avec la sottise: ce grand silence blanc...

Thomas Bernhard, Avant la retraite (Arche, 1987)

image 1: Défilé Jean-Paul Gaultier 2014 / IMAXTREE (lexpress.fr)

image 2: Mark Rothko (minimalexposition.blogspot.com)

illustration musicale: Iannis Xenakis, Polytope, Ensemble Ars Nova / Marius Constant 

littérature; musique; mode


11/10/2013

Musica présente - 82 Michel Dalberto

Michel Dalberto

pianiste français, né en 1955

*

Franz Schubert

12 valses nobles, D 969


23:51 Écrit par Claude Amstutz dans Franz Schubert, Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | |  Imprimer |  Facebook | | |

Robert Louis Stevenson

9782844850560.gifRobert Louis Stevenson, Apologie des oisifs (Allia, 2001)

A côté de ses romans, Stevenson est l’auteur de nombreux essais, considérés comme des chefs-d’œuvre par Borges ou Nabokov. Sa virtuosité, son humour, son ton paradoxal, sa façon d’aborder les questions les plus profondes à travers les détails les plus prosaïques l’inscrivent dans la grande tradition des essayistes anglo-saxons. On se persuadera à la lecture de ces textes jubilatoires, où défile une galerie d’excentriques anglais de la plus belle eau, que la paresse et la conversation - au même titre que l’assassinat - méritent de figurer parmi les beaux-arts. Ces textes ironiques, pleins de malice et d’observation pertinente - contre l'agitation, la productivité ou l'éloge du travail bien fait - n’ont rien perdu de leur originalité, et méritent une place de choix sur la table de chevet… de tous les managers!

00:51 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

10/10/2013

Morceaux choisis - Maurice Chappaz

Maurice Chappaz

Albert Anker.jpg

O juillet qui fleurit dans les artères
je désire toutes les choses
 
Dans la rouge mémoire de mon sang
bougent les limons et les chairs vivaces
sécheresse sécheresse
là chantent les écumes
mes soifs fument
 
Mais toi tu es délicatesse
tu me seras livrée la nuit comme la forêt
qui dira alors ce qu'est ton coeur?
la pleine nuit de ton coeur?
quel silence
puis quelle voix superbe chantera dans l'ombre.
 
Quand tu seras penchée vers moi
alors mes bras deviendront beaux
tu reposeras sur ma poitrine
et tu seras sur moi comme une source
comme le chant de la source
ô tendresse qui éveille les eaux
et leur abondance douce
 
Je sais que tu es semblable à la terre
que pareille
tu apportes de rustiques présents
que ton corps est comme le vrai froment
tu donnes le pain
le don simple et bon
de ce qui se touche et qui se voit
tu couvres l'homme de moisson
tu es pareille aux fruits des arbres
apportant leur soleil et leur douceur
et je t'appellerai 
le lait le miel le raisin.
 
Puis vient la joie
vous saisons vous matières
vous êtes cédées
oh! j'ai envie de dire merveille merveille
femme combien tu es belle
paraît ta grande nature
tu glisses dans les bras de celui qui t'aime
tout soleil est perdu
 
C'est maintenant le silence frais de la nuit
c'est dans ton coeur qu'il faut chercher l'été
qu'il faut tout chercher
je n'ai plus qu'envie de dire
merveille merveille
 
Qui dira la nuit?
qui dira l'été?
 

Maurice Chappaz, La merveille de la femme / extrait, dans: Verdures de la nuit (Fata Morgana, 2004)

image: Albert Anker, Die kleine Kartoffelschälerin (picstopin.com)

09/10/2013

Jayne Anne Phillips

littérature; roman; livresJayne Anne Phillips, Lark et Termite (Bourgois, 2009)

 

Ce roman poignant à l’atmosphère faulknérienne – mais sans sa respiration pessimiste ou désespérée – prête sa voix à cinq personnages qui vont nous raconter une histoire qui les lie viscéralement les uns aux autres.

 

La première voix est celle du caporal Leavitt tombé dans une embuscade au début de la guerre de Corée, réfugié dans un tunnel avec une petite coréenne dont il sauve la vie en la couvrant de son corps. Il se remémore sa rencontre avec Lola, son épouse enceinte laissée à Louisville et dont il pressent la naissance du fils qu’il ne connaîtra jamais. Malgré les horreurs de la guerre, certains passages sont d’une beauté à couper le souffle : La fille se mouille la main et la lui pose sur la gorge, sur la bouche. La nuit est sans nuages. Il ne voit pas le clair de lune mais il le sent qui luit sur la pâle paroi du tunnel.

 

Puis, c’est au tour d’une adolescente de 17 ans, Lark, le premier enfant de Lola, de prendre la parole, neuf ans plus tard. Animée d’une joie de vivre indéfectible, elle doit son nom – alouette, en français - à sa mère qui voulait qu’elle sache grandir en se gardant des dangers et soit capable de s’envoler. Son destin est lié à son petit frère Termite, handicapé mental et moteur presque aveugle, qui ne sait ni parler, ni marcher, auquel elle veut éviter coûte que coûte une institution spécialisée. Irradiant de lumière auprès de tous ceux qu’elle fréquente, elle n’est pas naïve pour autant et sa vision du monde demeure très concrète : La vie m’apparaît comme quelque chose d’immense, mais je ne suis pas sûre qu’elle soit longue, comme un ciel de saphir qui pèse au-dessus des têtes et toujours de l’eau sur les bords. Ce bord, c’est là où tout change d’une seconde à l’autre. Je sens qu’il se rapproche. Comme un bruit, comme le vent, comme un train dans le lointain. 

 

Quant à Nonie, la sœur de Lola - envers laquelle elle nourrit d’obscurs ressentiments qui trouvent une explication dans la dernière partie du livre – elle aussi s’exprime. Avec beaucoup de dévouement, elle élève Lark et Termite comme ses propres enfants avec son compagnon Charlie,  afin d’honorer la promesse faite à sa sœur.

 

La voix la plus impressionnante est celle de Termite, le fils de Leavitt, dont le nom fait référence à ses doigts qui bougent en tous sens et battent l’air comme les antennes d’un insecte. D’une sensibilité hors du commun – en particulier sa perception des sons et des couleurs - il semble tout connaître, tout savoir, tout comprendre. Son osmose avec Lark est magique : La pluie va mugir comme la mer dans les coquillages de Lark qu’elle lui colle près de l’oreille pour qu’il entende les vagues. Lark dit les océans cognent comme le sang dans les veines, et elle pose les doigts sur son poignet pour qu’il sente le fragile battement.

 

La dernière, lointaine, est la voix de Lola qui n’a pas eu de chance. Ayant perdu l’homme qu’elle aimait, elle aspire à le rejoindre non sans avoir préalablement assuré l’avenir de ses enfants.

 

La chronologie du récit n’est pas linéaire, la plupart du temps traversée par les réminiscences du passé. Tous les personnages – à l’exception de Lola – ont une faculté de survivre à tous les événements, les uns avec et par les autres, unis par des liens invisibles à tout jamais.

 

Le point culminant du roman, dans les 50 dernières pages - une tempête dantesque - ramène à la surface des secrets de famille, des rancoeurs, des larmes, mais qui s’estompent en douceur, préfigurant le pardon ainsi qu’une forme de rédemption.

 

L’écriture de Jayne Anne Philipps est audacieuse. Ses mots semblent forgés par la terre, matière vivante tantôt visuelle, tantôt sonore, comme un rayon lumineux qui traverse les ténèbres.

 

Racontée de plusieurs points de vue, cette histoire offre aussi dans sa conclusion de nombreuses interprétations, dont celle-ci : Termite existe-t-il vraiment ? Comme Lark incarne la beauté du monde, est-il, lui, le miroir des autres, ou le symbole de la conscience, de la perception des choses, du temps ? Certaines visions de Termite peuvent le suggérer : Il voit son père se découper dans la lumière, il voit son père se retourner et s’éloigner. Son père a un fils comme lui et une fille comme Lark et il les emmène avec lui, il les conduit hors du tunnel.

 

Inoubliable !

 

Saluons au passage l’admirable traduction de Marc Amfreville, parfaite restitution du texte original.


également disponible en format de poche (coll. 10/18, 2011)

 

publié dans Le Passe Muraille no 79 - octobre 2009

17:22 Écrit par Claude Amstutz dans Jayne Anne Phillips, Le Passe Muraille, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Le poème de la semaine

Antonin Artaud

Ce triangle d’eau qui a soif
cette route sans écriture
Madame, et le signe de vos mâtures
sur cette mer où je me noie
 
Les messages de vos cheveux
le coup de fusil de vos lèvres
cet orage qui m’enlève
dans le sillage de vos yeux.
 
Cette ombre enfin, sur le rivage
où la vie fait trêve, et le vent,
et l’horrible piétinement
de la foule sur mon passage.
 
Quand je lève les yeux vers vous
on dirait que le monde tremble,
et les feux de l’amour ressemblent
aux caresses de votre époux.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

00:07 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

08/10/2013

La citation du jour

François Mauriac

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Croire c'est aimer.

François Mauriac, Ce que je crois (Grasset, 1961)

image: Gaby Pontarollo (monjura.actifforum.com)