31/08/2013
Musica présente - 76 Marc-André Hamelin
Marc-André Hamelin
pianiste et compositeur canadien, né en 1961
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Charles Valentin Alkan
Souvenirs, Op 15
04:40 Écrit par Claude Amstutz dans Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | | Imprimer | Facebook |
30/08/2013
Vendanges tardives - Du vol
Un abécédaire: V comme vol
En souvenir de L.D., la soeur de mon père
Il arrive que la réalité dépasse la fiction, dans l'énormité des faits et pourtant, Fred, l'histoire de Valentine adolescente est authentique, je te le jure! Figure-toi, que cette fugueuse - enfermée à double-tour dans sa chambre pour mauvaise conduite, qui escaladait le balcon et sans bruit dévalait le mur de son immeuble, le long des conduites d'eau jusqu'au sol, pour s'en aller guincher - tomba follement amoureuse d'un étranger venu du sud de la France. A tous, elle annonça d'un ton péremptoire qu'elle allait épouser sans délai l'homme de sa vie: un aviateur. Au petit bal du samedi soir, il lui avait en effet avoué qu'il opérait des vols de nuit.
Elle se voyait déjà en marraine d'une escadrille, comme dans le roman de l'écrivain Antoine de Saint-Exupéry: Trois pilotes, chacun à l'arrière d'un capot lourd comme un chaland, perdus dans la nuit, méditaient leur vol, et, vers la ville immense, descendraient lentement de leur ciel d'orage ou de paix, comme d'étranges paysans descendent de leurs montagnes.
Or, le tragi-comique de cette aventure de Valentine - confirmé par les journaux de l'époque - fut sa fin brutale. On découvrit quelques jours plus tard, dans la gare de triage voisine, à même les voies de chemin de fer, le corps inanimé d'un homme criblé de balles: son homme, dont on ne put ignorer bien longtemps qu'il était fiché au grand banditisme, recherché par toutes les polices de l'Hexagone, victime d'un règlement de comptes, là, à deux pas de chez nous.
N'empêche que, aujourd'hui mariée à un instituteur comme il faut, elle s'en souvient encore, avec un léger pincement au coeur, comme si c'était hier. Après tout, un braqueur avec le sens de l'humour, ça ne court pas les rues...
Antoine de Saint-Exupéry, Vol de nuit (coll. Folio/Gallimard, 2007)
image: Curtiss H 75 (gc2-4.com)
05:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Rosebud, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
28/08/2013
Le poème de la semaine
Francis Carco
Les persiennes ouvraient sur le grand jardin clairEt, quand on se penchait pour se griser à l'airHumide et pénétré de fraîcheurs matinales,Un vertige inconnu montait à nos fronts pâlesEt nos cœurs se gonflaient comme un ruisseau grossi,Car c'était tout un vol de parfums adoucisDans l'éblouissement heureux de la lumière:Les langueurs avaient des langueurs particulièresOù se décomposait une odeur de terreau.Tout le printemps chantait de l'éveil des oiseauxEt, dans le déploiement des ailes engourdies,Passait le grand élan paisible de la vie.Une rumeur sonore emplissait la maison.On entendait des bruits d'insectes; des frissonsFaisaient trembler les grappes mauves des glycinesTandis qu'allègrement des collines voisinesUn parfum de sous-bois arrivait jusqu'à nous.O matins lumineux! matins dorés et flous,Je vous respirerai plus tard à la croiséeEt vous aurez l'odeur des feuilles reposées.Et ce sera comme un très ancien rendez-vous. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
07:06 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
27/08/2013
Fatou Diome
Fatou Diome, Celles qui attendent (coll. Livre de poche/LGF, 2013)
Les conditions de vie difficiles des émigrés dans la clandestinité et l'exil, loin des leurs, ont été souvent abordées en littérature, avec leur cortège d'espoirs, leurs rêves d'eldorados improbables, leurs désillusions au fil du temps qui passe. Les victimes, c'étaient eux, débarqués quelque part au sud de l'Italie ou de l'Espagne. Avec Fatou Diome - et sans atténuer le moins du monde leur chemin de croix - l'originalité du récit de Celles qui attendent tient dans l'évocation de ces femmes qui sont restées au pays. Epouses ou mères, réduites à la dépendance, à l'attente incertaine, au silence, au manque d'amour, à la solitude.
Cela se passe sur l'île de Niodior, au large du Sénégal, où l'auteur a vu le jour. Arame vit aux côtés d'un mari aigri qu'elle ne s'est pas choisi, qui pourrait être son père, dont la déchéance physique augmente encore ses rancoeurs; son amie Bougna, quant à elle, vit très mal son statut de seconde épouse dont la progéniture ne connaît pas la réussite des enfants de la première. Elles persuadent leurs fils respectifs, Lamine et Issa, que pour leur propre avenir et celui de leurs familles, il leur faut partir en Europe afin de trouver du travail, gagner de l'argent avant de revenir au pays, la réussite au bout de leurs souliers. Pour une durée indéterminée, ils abandonnent ainsi dans l'île leurs épouses, Coumba et Daba...
Chronique sociale autant que portrait de familles attachant qui rettrace avec beaucoup de réalisme et parfois d'humour les contours de ce coin de terre voué à l'indigence, Celles qui attendent est aussi un réquisitoire contre les méfaits de la polygamie et autres manifestations d'une société à l'africaine, construite par et pour les hommes. Fatou Diome, au passage, règle aussi quelques comptes avec cet ailleurs où l'herbe paraît si verte et plein d'espoir, alors que sans éducation ni instruction, on n'y est rien du tout. Enfin, elle pointe du doigt une certaine mentalité européenne en mal d'exotisme, compréhensive mais condescendante dont la fille de porcelaine avec laquelle Issa débarque un beau jour dans lîle, est la plus détestable illustration.
Servie par une écriture riche en couleurs qui verse rarement dans l'excès ou la complaisance, Fatou Diome cerne avec ardeur et sincérité ce quotidien des femmes et d'un pays, le Sénégal que, malgré quelques coups de griffes, elle aime tant et lui voudrait une perspective d'avenir plus salutaire.
06:20 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
26/08/2013
Morceaux choisis - Homero Aridjis
Homero Aridjis
merci à Ambre O
Quand je parlerai avec le silence quand je n'aurai qu'une suitede dimanches gris à te donner quand je n'aurai qu'un lit videpour partager avec toi un désirqui ne satisfera plus des corps de ce monde quand les paroles en castillan ne m'aideront pluspour te dire ce que je serai en train de voir quand je serai privé de voix de regard de mouvement quand loin de moi j'aurai jetéla peur de mourir de n'importe quelle mort quand je n'aurai plus le tremps d'être moi-mêmeni envie d'être quelqu'un que jamais je n'aurai été quand je n'aurai plus que l'éternité à t'offrirune éternité de riens et d'oublis une éternité dans laquelle je ne pourrai plus ni te voirni te toucher te rendre jalouse ni te tuer quand à moi-même je ne me répondrai pluset que je n'aurai plus ni jour ni corps alors je serai à toialors je t'aimerai pour toujoursHomero Aridjis, Les poèmes solaires, précédé de Le poète en voie d'extinction, et suivi de Baleine grise (Mercure de France, 2009)
traduit du sud-américain par Ivan Alechine
image: William-Adolphe Bouguereau, Ave de printemps / 1901 (repfineart.com)
05:55 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature sud-américaine, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
24/08/2013
Stefan Zweig
Stefan Zweig, Amok - Lettre d'une inconnue - Les ruelles au clair de lune (coll. Livre de poche/LGF, 2010)
Trois nouvelles pour célébrer l’amour, dont la Lettre d’une inconnue qui par sa force émotionnelle et le talent de Stefan Zweig, évoquent le déchirement d'une passion amoureuse, de sa fièvre inextinguible et de sa quête de l’absolu. La version intégrale de ce texte, lu par Claude Berman et enregistré par Livraphone en 2005, est absolument bouleversante. Enfin, la couverture de la présente édition est signée Christian Lacroix!
Une nouvelle traduction a vu le jour sous la plume de Alzir Hella, Olivier Bournac et Françoise Toraille (Stock, 2009), chaleureusement recommandée!
09:13 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Stefan Zweig | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; nouvelles; livres | | Imprimer | Facebook |
23/08/2013
Andrew O'Hagan
Andrew O'Hagan, Vie et opinions de Maf le chien et de son amie Marylin Monroe (coll. Points/Seuil, 2011)
Les chiens ont de la chance : ils peuvent s’introduire en toute impunité là où la plupart des humains sont éconduits! Tel est le cas de Maf, au pedigree irréprochable, qui a passé des mains de Vanessa Bell - la soeur aînée de Virginia Woolf - à celles de Natalie Wood, puis de Frank Sinatra, enfin à celles de Marilyn Monroe, aux dernières années de sa vie. Un brin intellectuel et snob – il a hérité du collier de Pinker, la chienne de Vita Sackville-West, compagne de Virginia Woolf à une certaine époque – ce dernier nous entraîne dans un voyage sentimental, amusant et inventif pour tous les amoureux de la vie culturelle américaine. Car il a voix humaine, Maf! Avec un penchant pour la philosophie et la littérature - au fil de quelques passages savoureux consacrés à Aristote, Descartes ou Montaigne - il est un incorrigible optimiste qui, servi par des dialogues souvent désopilants jette sur ce petit monde en pleine mutation un regard tendre et plein de malice.
Bien sûr, les rencontres les plus illustres de Maf - diminutif de Mafia Honey - gravitent autour de Hollywood, avec une Nathalie Wood qui se fait constamment un film ou Frank Sinatra dépeint comme un crooner frustre, vulgaire, dépourvu de culture et paranoïaque. A son contact, Maf nous réserve les chapitres les plus hilarants de cette histoire. On y croise ainsi Georges Cukor, Ernst Lubitsch, Liliane Gish, Peter Lawford ou John Wayne dont Frankie dresse un portrait peu flatteur: Ca fait trente ans que ce mec est à côté de la plaque. C'est un taré. (...) Je vais te dire, princesse. Ce type enverrait un millier de gars qui valent mieux que lui en prison rien que pour montrer que c'est lui le gros dur qui fait la police en ville. Il brûlerait un millier de livres plutôt que d'avoir à en lire un.
Mais le coeur de ce roman délicieux et sympathique est voué à Marilyn Monroe. Pas de révélations fracassantes sur les circonstances de sa mort ou ses liens avec le clan des Kennedy, car Andrew O'Hagan s'attache surtout à la personnalité intérieure de son idole: Sa solitude, sa tristesse, sa quête du respect des autres, son manque de confiance sur la scène et dans la vie, sa soif de connaissance, son chemin de douleur qui aboutit à un excès de pilules un certain samedi soir. Un tableau attachant et follement drôle à la fois, car de l'humour, elle en n'en manque pas, cette prétendue ravissante idiote... Un très beau moment du roman se déroule devant la tombe de sa meilleure amie, Alice Tuttle, emportée par une crise d'asthme à l'âge de douze ans: Elle passe un moment à caresser l'inscription de la plaque, suivant chaque mot du doigt comme si elle voulait graver quelque chose de personnel dans sa loi d'airain. (...) Marilyn expliqua qu'elle voulait apporter des fleurs, mais qu'elle n'en avait pas, elle toucha la plaque et se toucha la bouche avant de prendre dix dollars dans sa pochette pour les mettre dans un petit vase en verre plein de poussière. L'herbe semblait très verte, comme de l'herbe de cinéma, mais le vent était réel.
Maf survivra à tous ces héros de légende, nimbé de mélancolie et de reconnaissance. Il mourra néanmoins - comme tout le monde, me direz-vous! - auprès de la gouvernante de Marilyn, Mme Murray, le jour de la démission de Richard Nixon...
07:00 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
22/08/2013
Morceaux choisis - Lyonel Trouillot
Lyonel Trouillot
Le soir d'automne où tu t'es jeté du douzième étage de cette grande ville, la Folle ne souriait pas. Les gamins qui d'habitude n'ont peur de rien évitaient son regard, ils rôdaient autour de la maison sans oser nous aborder, à croire qu'ils savent quand nos poches sont bourrées et quand l'argent nous manque. Tu t'en souviens? Ils nous appellent des riches fauchés, à cause des photos de famille que tu avais amenées un jour, celles, en noir et blanc, sur lesquelles on voit ta mère assise en jeune fille modèle, les mains sagement posées sur sa robe, et tes grands-parents protecteurs et sévères debout en arrière-garde, une maison avec une cour et un jardin, de vieilles photos d'avant ta venue au monde et puis d'autres plus récentes, avec beaucoup de couleurs, sur lesquelles on te voyait toi et tes soeurs, toi sur un vélo portant un chapeau de cow-boy et brandissant une hache indienne, comme si depuis l'enfance tu avais besoin d'être deux personnes en même temps. Rappelle-toi, nous les avions montrées aux enfants du quartier, pour rire, pour poser une énigme en leur demandant lequel de nous c'était, parce qu'aucun de nous trois ne ressemble à son enfance. Ils t'ont reconnu. Ils nous ont fait de beaux sourires avec leurs dents gâtées.
Puis ils nous ont réclamé de l'argent, parce que vous êtes des riches fauchés, mais des riches quand même. Seuls les riches possèdent une famille et des photos pour le prouver qui remontent jusqu'aux grand-parents, et des jouets quand ils étaient petits. Seuls les riches possèdent des livres en quantité et passent des nuits entières à discuter de leur contenu entre copains. Et enfin seuls les riches habitent une maison avec une façade qui donne sur une vraie rue. Les pauvres, ils ont le droit de vivre dans la rue ou dorment dans des maisonnettes qui poussent sur les sentiers comme des herbes folles, grimpent les unes sur le dos des autres, tremblantes mais solidaires, s'accrochent, tombent, se relèvent, pansent leurs blessures comme elles peuvent avec de la chaux et du mastic, ou vivent avec leurs plaies ouvertes, s'appuient de nouveau les unes sur les autres, je te tiens tu me tiens, ne laissent pas de place au secret, se conduisent mal, glissent et sautillent comme des enfants qui ne se fatiguent jamais de jouer à saute-mouton, mais elles connaissent leurs limites, les barrières à ne pas franchir, elles se tiennent toujours derrière et ne changent jamais de quartier, ne donnent pas sur une grande rue. Vous êtes des riches fauchés, sympas parce que toujours fauchés.
Ils se trompent, les gosses, même s'ils sont devenus, à force de chercher à comprendre pour mieux se débrouiller, bien meilleurs sociologues que les doctes. Je n'ai qu'une photo de mes parents. Je l'ai décrochée après leur décès. Elle est dans la malle avec les titres de propriété de notre logis. Des papiers qui ne servent à rien. Le bateau, il est à nous trois. A nous deux, maintenant que tu n'es plus là. Cela n'avait nulle importance, lequel l'avait pris le premier, lequel était le capitaine, mon capitaine... Nous étions trois marins sans titres ni hiérarchie. Nous ne venions pas de la même enfance. Tu arrivais de loin avec tes photos. L'enfance de l'Estropié n'a pas eu droit aux photos. Ni aux jouets. La mienne ne fut pas sans cadeaux, mais c'étaient des urgences, du strict minimum que mes parents avaient fait patienter jusqu'à Noël, pour donner un air de fantaisie à une paire de chaussures neuves, un cahier, un cartable. Contrairement à toi, nous étions très fauchés. Moi quelque part entre les gamins et toi. Entre les corridors et les notables, l'Estropié, à Peau-Noire. Il a un peu bougé. Des corridors à la façade. Toi, tu as traversé la ville pour venir jusqu'à nous.
Quelques jours après ta mort, rien n'a changé dans nos vies et dans le quartier. Sauf qu'il ne reste plus que deux faux riches fauchés. La mort ne commence rien, à part ce sentiment de perte qui habite nos insomnies...
Lyonel Trouillot, Parabole du failli (Actes Sud, 2013)
03:19 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
21/08/2013
Le poème de la semaine
Andrée Chedid
Homme de tous lieux Otage des mots Violenté par le sort Empoigné par le temps Jamais les meutes ne trancheront ton cri Aucun traquenard n'asservira ton rêve Homme de tous lieux Dont la voix s'évase Vers la houle du chant Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
07:50 Écrit par Claude Amstutz dans Andrée Chedid, Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
20/08/2013
Vendanges tardives - De la tempérance
Un abécédaire: T comme Tempérance
Tu le connais, Fred, ce grand voyageur et historien du XIXe siècle: Ferdinand Denis? Je n'en avais jamais entendu parler, avant de lire une citation de lui, tout à l'heure, dans un magazine: La tempérance est un arbre qui a pour racine le contentement de peu et pour fruits le calme et la paix. Oh, je devine ce que tu vas me dire: qu'aux côtés de la prudence, de la force et du sens de la justice - comme le soulignent les anciens - la tempérance mesure les désirs, modère les passions, est ennemie de la démesure et incarne ainsi... l'ennui, tout simplement!
Pourtant pas abstraite, ni hors de la vie et de la nature qui nous comble et nous émerveille, elle est à la source de toutes les autres énergies: sans elle, la prudence ressemble à une coquille vide; les forces se dispersent au gré des humeurs du temps; l'aspiration à la justice - aussi sincère soit-elle - est altérée, comme à travers une fenêtre dont la vitre est recouverte d'une fine couche de poussière. Bref, la tempérance est bien ce remède intemporel qui adoucit les plaies, repose sur la discrétion et conduit assurément à la plénitude.
Cela dit, tant que Geneviève passera chaque matin à bicyclette sous mes fenêtres avec sa robe à pois des années 50, après avoir lorgné vers la maison, de sa balançoire du jardin voisin, j'aurai des doutes, comme Augustin d'Hippone dans ses Confessions: Fais-moi chaste et abstinent, mais attends un peu.
Et n'est-ce pas ce doute, au bout du compte, qui fait de ce chemin sur terre, une promenade enjouée - dont le terme n'est pas tracé définitivement et qui me nargue avec ses contours sinueux - dont je ne sais où elle me conduit, ni pourquoi je l'emprunte sans déplaisir, le pied léger?...
Ferdinand Denis, Le Brahme Voyageur ou la sagesse populaire de toutes les nations (Kessinger, 2010)
Saint Augustin, Les aveux / Confessions (POL, 2013)
image: http://carpediem.typepad.fr
00:19 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | Facebook |