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31/07/2013

Le poème de la semaine

Jean-Pierre Schlunegger

Je dis: lumière,
et je vois bouger de tremblantes verdures.
Je dis: lac,
et les vagues dansent à l'unisson.
Je dis: feuille,
et je sens tes lèvres sur ma bouche.
Je dis: flamme, 
et tu viens, ardente comme un buisson.
 
Je dis: rose,
et je vois la nuit qui s'ouvre à l'aube.
Je dis: terre,
un sommeil aveugle, un chant profond.
Je dis: amour,
comme on dit tendre giroflée.
Je dis: femme,
et déjà c'est l'écho de ton nom.
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

30/07/2013

Morceaux choisis - Chimamanda Ngozi Adichie

Chimamanda Ngozi Adichie

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Mon mari tout neuf a sorti la valise du taxi et il est entré le premier dans le brownstone, me guidant par une volée de marches maussades puis le long d'un couloir sans air, à la moquette élimée, pour s'arrêter devant une porte. Le numéro 2 B, en caractères de métal jaunâtre irréguliers, y était fixé.

On est arrivés, a-t-il dit.

Il avait utilisé le mot maison pour me parler de notre futur foyer. Je m'étais imaginé une allée bien lisse serpentant entre des pelouses vert concombre, une porte s'ouvrant sur un vestibule, des murs ornés de tableaux paisibles. Une maison comme celle des jeunes mariés blancs dans les films américains qui passaient le samedi soir sur NTA.

Il a allumé la lumière du salon, au milieu duquel trônait un canapé beige, seul et de travers, comme tombé du ciel. Il faisait très chaud; de vieilles odeurs de renfermé flottaient lourdement dans l'air.

Je te fais visiter, a-t-il dit. 

La petite chambre avait un matelas nu à même le sol dans un coin. Le grande chambre avait un lit et une commode, ainsi qu'un téléphone par terre sur la moquette. Malgré cela, ni l'une ni l'autre ne donnaient une sensation d'espace, comme si les murs avaient fini par être gênés d'avoir si peu d'objets entre eux.

Maintenant que tu es là, on va acheter d'autres meubles. Je n'avais pas besoin de grand-chose tant que j'étais seul, a-t-il dit.

D'accord, ai-je répondu.

J'étais sonnée. Les dix heures de vol de Lagos à New York et l'attente interminable pendant que la douanière passait ma valise au peigne fin m'avaient laissée sur les rotules, et la tête dans le coton. La douanière avait examiné mes aliments comme si c'étaient des araignées. Elle avait enfoncé ses doigts gantés dans les sacs étanches d'egusi pilé, de feuilles d'onugbu séchées et de graines d'uziza, et fini par confisquer mes graines d'uziza. Elle avait peur que je les fasse pousser dans le sol américain. Peu importe si les graines avaient séché des semaines au soleil, si elles étaient dures comme un casque de vélo.

Ike agwum, ai-je dit en posant mon sac à main par terre dans la chambre.

Oui, mais aussi je suis épuisé, a-t-il dit. On devrait se coucher.

Dans le lit les draps étaient doux et je me suis roulée en boule, contractée comme le poing d'oncle Ike quand il est en colère, en espérant qu'aucun devoir conjugal n'était attendu de moi. Quelques instants plus tard, je me suis détendue en entendant les ronflements cadencés de mon mari tout neuf.

Chimamanda Ngozi Adichie, Les marieuses / extrait, dans: Autour de ton cou (Gallimard, 2013)

traduit de l'anglais (Nigeria) par Mona de Pracontal

image: Chimamanda Ngozi Adichie (lemonde.fr)

07:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; nouvelles; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/07/2013

Vendanges tardives - De la rupture

Un abécédaire: R comme Rupture

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Tout le problème avec Odette, c'est qu'elle n'a jamais justifié sa décision de tout plaquer, là, un beau jour de juillet voici trois ans exactement. Du coup, les rumeurs les plus fantaisistes ont circulé à son sujet: déception amoureuse, maladie contractée au cours de sa brève carrière, crise existentielle à l'approche de la trentaine? Quand je fais parfois allusion à son amitié, je me souviens que, sans être d'une beauté flamboyante, elle dégageait cette sensualité si particulière - à la commissure des lèvres, dans les plis de ses yeux où perçait une gaieté discrète ainsi qu'une absence de crainte et d'innocence - semblable à la houle charriant ces mouvements de l'âme propres aux femmes hardies et déterminées. Avec pourtant ce mur infranchissable qu'elle avait dressé entre sa vie privée dont peu m'était connu et celle, publique: banale, mesurée, conventionnelle, chez une jeune femme de son âge. Sa silhouette se détachait toujours dans les rues de Brive La Gaillarde, solitaire, drapée dans une cape noire dont les mauvaises langues disaient qu'elle n'abritait pas - outre ses bijoux et ses escarpins made in Italy - de parure excessive...  

Je ne lui a connu aucune liaison amoureuse officielle, mais toutes et tous semblent l'avoir regrettée - jeunes et moins jeunes - au pays où jamais elle ne refit son apparition. Voici une quinzaine de jours, j'ai reçu - pour la troisième fois en trois ans - de ses nouvelles. Elle vit aujourd'hui quelque part dans les Cévennes, à proximité d'un monastère, avec ses chats et ses livres, cet autre penchant qu'elle a toujours éprouvé. Epanouie dirais-je, libre et secrète comme autrefois. Je ne t'en dirai pas davantage, mon cher Fred, sinon qu'elle a conservé dans un écrin ce ruban rouge qu'elle portait autour du cou et que je lui avais offert pour son vingt-cinquième anniversaire. Me reviennent aussi en mémoire ses derniers mots, tracès à la hâte en bas de page de sa dernière lettre, signés Marcel Proust: Quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir...  

Marcel Proust, Du côté de chez Swann (coll. GF/Flammarion, 2009)

image: www.aufeminin.com

00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Marcel Proust, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (2) | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/07/2013

Morceaux choisis - Marcel Proust

Marcel Proust

littérature; roman; morceaux choisis; livres

merci à Christiane H

Quand on aime, l'amour est trop grand pour pouvoir être contenu tout entier en nous; il irradie vers la personne aimée, rencontre en elle une surface qui l'arrête, le force à revenir vers son point de départ et c'est ce choc en retour de notre propre tendresse que nous appelons les sentiments de l'autre et qui nous charme plus qu'à l'aller, parce que nous ne connaissons pas qu'elle vient de nous.

Marcel Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs (coll. Livre de poche/LGF, 2001)

image: Pablo Picasso, Femme à la chemise / 1905 (berbec.com)

10:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Marcel Proust, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/07/2013

La citation du jour

René Char

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Comme les larmes montent aux yeux puis naissent et se pressent, les mots font de même. Nous devons seulement les empêcher de s'écraser comme les larmes, ou de refouler au plus profond. Un lit en premier les accueille: les mots rayonnent. Un poème va bientôt se former, il pourra, par les nuits étoilées, courir le monde, ou consoler les yeux rougis. Mais pas renoncer.

René Char, Le bâton de rosier, dans: Oeuvres complètes (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1983)

image: Katy Betz, Take Flight (mesalina.tumblr.com)

22:34 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Ramon Gomez de la Serna

Bloc-Notes, 27 juillet / Les Saules

littérature; pensées; livres

Je vous ai déjà présenté dans ces colonnes Ramon Gomez de la Serna, en deux extraits - voir Morceaux choisis - tirés de ses Lettres aux hirondelles et à moi-même. Aujourd'hui, avec autant de plaisir, je vous propose Greguerias de ce même auteur, dont la démarche singulière mérite que je cite l'introduction: Dans l'immense production littéraire de Ramon Gomez de la Serna, la "gregueria" est un genre qu'il n'a cessé de cultiver. De 1910 à 1962, les "greguerias" seront publiées dans la presse, citées dans d'autres livres, maintes fois réunies, inédites pour certaines; elles sont de véritables petits chefs-d'oeuvre, des notations délicates, de purs joyaux ciselés dans le laboratoire génial de l'auteur. La "gregueria" est née vers 1910, explique-t-il, un jour de fatigue et de scepticisme où je pris tous les ingrédients qui se trouvaient dans mon laboratoire, flacon après flacon, et les mélangeai. De leur précipité, de leur dissolution radicale, surgit la "gregueria", qui est humour, métaphore ou encore l'urne de mes cendres quotidiennes, un oeillet sur le mur.

Ci-dessous, voici donc, parmi plusieurs centaines d'autres, quelques perles de ces Greguerias:

La lune est un petit miroir impertinent avec lequel la voisine facétieuse renvoie le soleil dans les yeux de son voisin accoudé au balcon. (p. 15)
*
Lorsqu'une étoile tombe, on dirait que le ciel a filé ses bas. (p. 20)
*
Les bancs publics sont les portées musicales des initiales de l'amour. (p. 22) 
*
L'hirondelle est une flèche mystique à la recherche d'un coeur. (p.23)
*
La chenille est le plus petit chemin de fer du monde. (p. 24)
*
Qu'est-ce qu'une illusion? Un soupir de la fantaisie. (p.24)
*
La vie, c'est se dire adieu dans un miroir. (p. 34)
*
Les feuilles mortes sont les billets de loterie offerts par l'automne. (p. 38)
*
L'horloge est le médaillon du temps. (p. 44)
*
L'eau n'a pas de mémoire, c'est pour cela qu'elle est si propre. (p. 50)
*
L'arc-en-ciel est l'écharpe du ciel. (p. 50)
*
La girafe est un périscope pour scruter l'horizon du désert. (p. 50)
*
Grâce aux gouttes de rosée, la fleur a des yeux pour voir la beauté du ciel. (p. 51)
*
Les grêlons sont des grains de riz lancés pour célébrer les noces de l'été. (p. 53)
*
L'ennui est un baiser donné à la mort. (p. 54)
*
Il ne faut pas dire la vérité toute nue. Il faut au moins la couvrir d'un voile léger. (p. 58)
*
Le rêve est un dépôt d'objets perdus. (p. 67)
*
L'archet du violon a les cheveux blancs de l'expérience. (p. 68)
*
La queue de l'écureuil est un plumeau avec lequel il nettoie l'endroit où il s'assied. (p. 69)
*
C'est dans la vague que se trouve le miroir des abîmes. (p. 72)
*
Le hibou est la lampe de chevet du bois. (p. 74)
*
La plus élégante du bal s'était fait une robe dans cette dentelle que tisse sur le sol l'ombre des arbres. (p. 74)
*
L'éléphant est la gigantesque théière de la forêt. (p. 75)
*
La mer passe son temps à doucher la terre pour essayer de lui faire entendre raison. (p. 80)
*
L'hélice est le trèfle de la vitesse. (p. 82)
*
Lorsque le marteau perd la tête, les clous éclatent de rire. (p. 82)
*
Au petit matin, l'aube glisse une pièce dans la cage de l'oiseau pour qu'il commence à chanter. (p. 84)
*
La femme qui dans son mouchoir se taille un chemisier est d'une grande frivolité. (p. 89)
*
L'ombre est le vivant écrin de la silhouette. (p. 98)
*
Les touches noires du piano portent le deuil des pianistes disparus. (p. 127)
*
Les chardons sont les croque-mitaines des marguerites. (p. 146)
*
Il est des femmes qui croient que la seule chose importante chez elles est ce rien d'ombre qui ourle leur décolleté. (p. 148) 

Des pirouettes qui font la part belle à l'imagination, à la poésie, à l'humour, servies par le regard pénétrant et tout en finesse de Ramon Gomez de la Serna, qui ne ressemble à celui de personne...

Ramon Gomez de la Serna, Greguerias (Cent Pages, 2005)

traduit de l'espagnol par Jean-François Carcelen et Georges Tyras

préface de Valery Larbaud

Ramon Gomez de la Serna, Lettres aux hirondelles et à moi-même (André Dimanche, 2006)

traduit de l'espagnol par Jacques Ancet

04:07 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature espagnole, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; pensées; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/07/2013

Lire les classiques - Paul Verlaine

Paul Verlaine

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Va, chanson, à tire-d'aile
Au-devant d'elle, et dis-lui
Bien que dans mon coeur fidèle
Un rayon joyeux a lui,
 
Dissipant, lumière sainte,
Ces ténèbres de l'amour:
Méfiance, doute, crainte,
Et que voici le grand jour!
 
Longtemps craintive et muette,
Entendez-vous? La gaîté,
Comme une vive alouette,
Dans le ciel clair a chanté.
 
Va donc, chanson ingénue,
Et que, sans nul regret vain,
Elle soit la bienvenue
Celle qui revient enfin.
 

Paul Verlaine, Va, chanson, à tire-d’aile, dans: La bonne chanson, Jadis et naguère, Parallèlement (coll. Poésie/Gallimard, 2007)

image: Eugène Carrière, Paul Verlaine / 1891 (eugenecarriere.com)

11:04 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/07/2013

Morceaux choisis - Nicolas Machiavel

Nicolas Machiavel

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On peut dire généralement des hommes qu'ils sont ingrats, inconstants, dissimulés, tremblants devant les dangers et avides de gain; que, tant que vous leur faites du bien, ils sont à vous, qu'ils vous offrent leur sang, leurs biens, leur vie, leurs enfants, tant, comme je l'ai déjà dit, que le péril ne s'offre que dans l'éloignement; mais que, lorsqu'il s'approche, ils se détournent bien vite. Le prince qui se serait entièrement reposé sur leur parole, et qui, dans cette confiance, n'aurait point pris d'autres mesures, serait bientôt perdu; car toutes ces amitiés, achetées par des largesses, et non accordées par générosité et grandeur d'âme, sont quelquefois, il est vrai, bien méritées, mais on ne les possède pas effectivement; et, au moment de les employer, elles manquent toujours. Ajoutons qu'on appréhende beaucoup moins d'offenser celui qui se fait aimer que celui qui se fait craindre; car l'amour tient par un lien de reconnaissance bien faible pour la perversité humaine, et qui cède au moindre motif d'intérêt personnel; au lieu que la crainte résulte de la menace du châtiment, et cette peur ne s'évanouit jamais.

Nicolas Machiavel, Le prince  (coll. Livre de poche/LGF, 2000)

05:24 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; philosophie; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/07/2013

Le poème de la semaine

Ilarie Voronca

Rien n’obscurcira la beauté de ce monde
Les pleurs peuvent inonder toute la vision.
La souffrance peut enfoncer ses griffes dans ma gorge.
Le regret, l'amertume, peuvent élever leurs murailles de cendre,
La lâcheté, la haine, peuvent étendre leur nuit,
Rien n'obscurcira la beauté de ce monde.
 
Nulle défaite ne m'a été épargnée.
J'ai connu le goût amer de la séparation.
Et l'oubli de l'ami et les veilles auprès du mourant.
Et le retour vide, du cimetière.
Et le terrible regard de l'épouse abandonnée.
Et l'âme enténébrée de l'étranger,
Mais rien n'obscurcira la beauté de ce monde.
 
Ah! On voulait me mettre à l'épreuve,
Détourner mes yeux d'ici-bas.
On se demandait : "Résistera-t-il?"
Ce qui m'était cher m'était arraché.
Et des voiles sombres, recouvraient les jardins à mon approche
La femme aimée tournait de loin sa face aveugle
Mais rien n'obscurcira la beauté de ce monde.
 
Je savais qu'en dessous il y avait des contours tendres,
La charrue dans le champ comme un soleil levant,
Félicité, rivière glacée, qui au printemps
S'éveille et les voix chantent dans le marbre
En haut des promontoires flotte le pavillon du vent
Rien n'obscurcira la beauté de ce monde.
 
Allons! Il faut tenir bon.
Car on veut nous tromper,
Si l'on se donne au désarroi on est perdu.
Chaque tristesse est là pour couvrir un miracle.
 
Un rideau que l'on baisse sur le jour éclatant,
Rappelle-toi les douces rencontres, les serments,
Car rien n'obscurcira la beauté de ce monde.
 
Il faudra jeter bas le·masque de la douleur,
Et annoncer le temps de l’homme, la bonté,
Et les contrées du rire et la quiétude
Joyeux, nous .marcherons vers la dernière épreuve
Le front dans la clarté, libation de l'espoir,
Rien n'obscurcira la beauté de ce monde.

 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

06:57 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

23/07/2013

Mary Wesley

la-resquilleuse-4407393-250-400.jpgMary Wesley, La resquilleuse (coll. J'ai lu/Flammarion, 2013)

Matilda, la cinquantaine, a soigneusement préparé son coup. Elle a arrosé une dernière fois son jardin, laissé un intérieur propre et bien rangé, réduit en cendres la correspondance qu'elle entretenait avec son mari. Sans regrets envers sa progéniture: Louise vit à Paris, Marc à Paris, Claud aux Etats-Unis et Anabel toujours par monts et par vaux. Sur le pont dominant l'endroit du village où le fleuve se précipite dans la mer, elle s'apprête donc à se bourrer les poches de pierres avant de se jeter à l'eau comme Virginia Woolf, mais sur le point de tirer sa révérence en beauté, son destin est contrarié par la rencontre de Hugh sur la falaise, un trentenaire recherché par la police après avoir bousillé sa mère avec un plateau à thé. 

Entre notre morte en sursis et Hugh vont se nouer des liens doux-amers, servis par des dialogues truffés d'une délicieuse malice à l'anglaise. Baissant peu à peu sa garde, Matilda avouera à Hugh bien des secrets gardés tout au long de ces années, dont celui d'un meurtre commis autrefois, en toute impunité: une oeuvre de salubrité publique dit-elle, envers toutes les femmes trompées, écornant l'image de son premier et unique amour, Tom. 

Outre une évocation subtile de la vieillesse, cette bonne dame indigne réglant ses comptes avec le passé, laisse s'épanouir un savoureux parfum de liberté, de tendresse et d'insoumission que même la fin de l'histoire - que je vous laisse découvrir - ne ternit pas. On prendrait bien la place de Gus, le jard: un esprit drôle, fidèle, indépendant, voué à sa maîtresse qui lui témoigne en retour une affection dont aucun humain n'aura été - sans déception aucune - l'heureux bénéficiaire...   

00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Mary Wesley | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |