21/02/2013
Musica présente - 53 Christa Ludwig
Christa Ludwig
mezzo-soprano allemande, née en 1928
*
Vincenzo Bellini
La Norma
"Oh, Rimembranza! Ah si, fa core, abbracciami"
(Maria Callas, Orchestra e Coro del Teatro alla Scala, Tulio Serafin)
00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Maria Callas, Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique classique | | Imprimer | Facebook |
20/02/2013
Morceaux choisis - Jacques Jouet/Zeina Abirached
Jacques Jouet/Zeina Abirached
Agatha de Win'theuil venait de changer de nom. Comme à son habitude, à peine franchissait-elle la frontière d'une ville toute nouvelle, qu'elle prenait le nom de celle-ci. Aujourd'hui, Agatha de Win'theuil n'était plus Agatha de Win'theuil. Elle était Agatha de Beyrouth!
Agatha de Beyrouth ressemblait à Agatha de Win'theuil comme deux gouttes d'eau, c'est-à-dire comme une goutte d'eau ressemble à une goutte d'eau, ou comme une goutte de vin ressemble à une goutte de vin: pour l'oeil comme pour le goût, aussi parfaite l'une que l'autre.
Agatha de Beyrouth n'avait pas mégoté sur son habillement du jour. Comme le printemps était arrivé, elle avait fait en sorte de ne pas trop se charger en tissus superflus. Juste ce qu'il fallait dans la partie haute, pas la plus petite surface excessivement couvrante dans la partie basse. Elle avait toujours pensé que la mode féminine consistait avant tout à bien gérer ce qu'on laisse à découvert. La soie était une matière qui aidait à la stabilité du voilement, tout en laissant venir, à la faveur de mouvements plus ou moins contrôlés, des entrouvertures de fenêtres extrêmement suggestives. Agatha était en noir. Elle avait les cheveux noirs. Elle avait les yeux noirs. Elle avait les sourcils noirs noircis au crayon noir, au pinceau noir, mais aussi aux idées noires.
A cette époque, Agatha de Win'theuil, et de Beyrouth tout à la fois, après avoir été, tout récemment, de Paris, de Tyré et de Ouagadougou, Agatha potentiellement de partout, Agatha était toujours la première vice-présidente du gouvernement Monde-Mondes, charge qu'elle occupait depuis des temps immémoriaux, comme le prétendaient perfidement ses rares opposants. Elle ne décolérait pas contre le président en titre, lequel n'en fichait pas une rame, n'était jamais dans son bureau et surtout pas quand la conjoncture avait besoin de lui. Nous en reparlerons.
Agatha de Beyrouth avait les idées noires. Nul ne savait ce qu'elle venait faire à Beyrouth. Le savait-elle elle-même? Elle était arrivée secrètement, sans protocole, avait acheté son billet d'avion de ses propres deniers. Réservé son hôtel sous un faux nom: Agath'Ouyes de Venise. Etait allée chez le coiffeur pour changer de tête (rajouté des longueurs au bout des pointes). Avait semé ses gardes du corps à Istanbul.
Agatha avait quitté sa chambre d'hôtel à 7 h 45 exactement pour s'en aller à pied dans les rues de Beyrouth. Elle marchait légèrement sur ses belles jambes visibles, ressentant simplement une légère douleur au bras droit pour avoir tenté de soulever, au matin, le double rideau de la fenêtre de sa chambre, rideau qui paraissait peser une tonne de tissu à fleurs brodées. Elle se retrouva dans la rue Elias-Sarkis, et bientôt sur la place Bechara-El-Khoury.
Elle aperçut, un peu plus loin, la Maison Jaune.
La soie noire se souleva instantanément au niveau du coeur qui battait dessous, qui battait soudain trop fort.
Elle franchit lentement le morceau d'avenue qui la séparait encore de la Maison Jaune. Son regard ne se décollait pas de la façade grêlée, marquée, vérolée, ridée, sillonnée, ravagée, plissée, rayée, rongée, grignotée par les ans, les ânes et les projectiles, égratignée, fragmentée, décolorée, vitriolée, défoncée, mais qui tenait encore debout en épousant élégamment l'angle obtus que faisait la rue de Damas avec la rue Elias-Sarkis. La colonne suspendue l'émut comme un moignon de gueule cassée. Etait-il possible qu'elle eût déjà, dans sa vie, fréquenté la Maison Jaune? C'est l'une des questions à laquelle le roman-feuilleton se devra de répondre avant le vingt-quatrième épisode.
Qu'on se le dise.
Jacques Jouet et Zeina Abirached, Agatha de Beyrouth (Cambourakis, 2011)
image: Jacques Jouet et Zeina Abirached (www.beirutworldbookcapital.com)
13:10 Écrit par Claude Amstutz dans Contes, Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; contes; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
Le poème de la semaine
Anne de Noailles
Ainsi, quand j'aurai dit combien je vous adore,Combien je vous désire et combien je t'attends,Ivresse de l'année, ineffable Printemps,Tu seras plus limpide et plus luisant encoreQue mon rêve volant, éclatant et chantant! Les délicats sureaux et la pervenche blancheMe surprendront ainsi que des yeux inconnus,Les lilas me seront plus vivants et plus nus,Le rosier plus empli du parfum qu'il épanche,Et le gazon plus droit, plus lisse et plus ténu; La juvénile odeur, aiguë, acide, frêle,Des feuillages naissants, tout en vert taffetas,Sera plus évidente à mon vif odoratQue n'est aux dents le goût de la fraise nouvelle,Que n'est le poids charmant des bouquets dans les bras. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
07:48 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
19/02/2013
John Banville
John Banville, La mer (Robert Laffont, 2007)
A la mort de son épouse Anna, Max, le narrateur de cette histoire, se remémore un deuil antérieur qui remonte au temps de son enfance, dans un petit village au bord de la mer où il décide de se réfugier aujourd’hui. Tel un peintre impressionniste, il fait revivre sous nos yeux, sur un ton parfois acerbe mais toujours profondément humain Madame Grace, ses enfants jumeaux Chloé et Myles, qui ont bouleversé son existence, jadis. Un roman émouvant, intimiste et douloureux comme les battements du cœur.
Egalement en coll. de poche (10/18, 2009)
05:35 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
18/02/2013
Morceaux choisis - Roberto Juarroz
Roberto Juarroz
Un arbre est la forêt.S'étendre sous son feuillage,c'est écouter tout le son, connaître tous les ventsde l'hiver et de l'été,recevoir toute l'ombre du monde. S'arrêter sous ses branches sans feuille,c'est réciter toutes les prières possibles, faire taire tous les silences,avoir pitié de tous les oiseaux. Rester debout à côté de son tronc,c'est élever toute méditation,réunir tout le détachement,deviner la chaleur de tous les nids,rassembler la solidité de tous les doutes. Un arbre est la forêt.Mais pour cela il fautqu'un homme soit tous les hommes.Ou aucun.
Roberto Juarroz, Dixième poésie verticale / édition bilingue (José Corti, 2012)
traduit de l'argentin par François-Michel Durazzo
image: www.petitgestevert.ca
23:02 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature sud-américaine, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
Frédérique Deghelt
Frédérique Deghelt: La nonne et le brigand (Actes Sud, 2011)
Le thème de l'identité féminine est une nouvelle fois à l'honneur au coeur de ce roman, comme c'était déjà le cas avec ce petit chef d'oeuvre, La grand-mère de Jade, publié par le même éditeur en 2009, mais par le biais d'une intrigue très différente, ce qui n'est pas le moindre des mérites de son auteur.
Dans La nonne et le brigand, nous suivons deux histoires qui vont s'imbriquer l'une dans l'autre. Au début du livre, celle d'une femme mariée, Lysange, chercheur au CNRS, dévorée par la passion éprouvée pour un autre homme, Pierre. Puis, remontant le temps - près de 50 ans plus tôt - apparaît Soeur Madeleine, la petite soeur de Lysange partie en mission au Brésil, à travers un Journal découvert par cette dernière.
L'une libertine, sensuelle, moderne; l'autre vouée à Dieu, fidèle, au service des autres. Laquelle est prisonnière? Laquelle est libre? Tout n'est pas aussi simple car - sans vous révéler la trajectoire de ces deux soeurs - toutes les deux connaissent, chacune à sa manière, le doute, l'imprévu, le trouble, la fragilité des certitudes. Frédérique Deghelt, une fois encore sonde avec beaucoup de finesse l'intimité de ses deux héroïnes qui, par des voies différentes, opposées en apparence, partagent le même amour du dépassement et de l'absolu. Des mots ciselés à l'ancienne et pourtant si bien intégrés dans notre époque, c'est là toute la résonance affective de cet auteur qui s'accroche à nos pas et ne nous lâche plus...
Quand tu regardes le monde, tu crois qu'il est comme toi, violent et condamné. Tu oublies la grâce des contraires.
également disponible en format de poche (coll. Babel/Actes Sud, 2013)
07:53 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
Lire les classiques - Arthur Rimbaud
Arthur Rimbaud
Par les soirs bleus d'été, j'irai dans les sentiers,Picoté par les blés, fouler l'herbe menue:Rêveur, j'en sentirai la fraîcheur à mes pieds.Je laisserai le vent baigner ma tête nue. Je ne parlerai pas, je ne penserai rien:Mais l'amour infini me montera dans l'âme,Et j'irai loin, bien loin, comme un bohémien,Par la Nature, — heureux comme avec une femme.
Arthur Rimbaud, Sensation, dans: Poésies, Une saison en enfer, Illuminations (coll. Poésie/Gallimard, 2010)
02:09 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
17/02/2013
Morceaux choisis - Pierre André Milhit
Pierre-André Milhit
c'est une musique tombée dans le gouffrec'est un oiseau désemparéde l'océan dans la trachéeune danse de sang et de soufreune brouette d'émotionsc'est un charroi de fin du monde ce sont les noces de l'argileavec le granit de l'ubacce sont les noces du sable blondavec la mémoire des névés elles disent ouile temps d'une ondée.
Pierre-André Milhit, Le garde-barrière dit que l'amour arrive à l'heure (D'Autre Part, 2013)
08:47 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
16/02/2013
Ginevra Bompiani
Bloc-Notes, 16 février / Thonon-les-Bains
La première scène du roman de Ginevra Bompiani, nous introduit par la voix de Lucy, une fillette accompagnant sa tante, dans l'hôtel d'une station thermale qui pourrait ressembler à n'importe quel autre, sauf que celui-ci se trouve être le plus laid de tous et ressemble à un hôpital pour personnes en bonne santé. Quatre personnes vont s'y côtoyer. Outre la petite qui s'ennuie et tante Emma joyeuse dès qu'elle voit quelqu'un, Lucy nous présente Lucia et Giuseppina, deux femmes dont l'une boite tandis que l'autre tangue!
Au cours de ce séjour dans la station, elles vont apprendre à se connaître toutes les quatre, livrant peu à peu quelques secrets de leur existence et - qui sait - en échafauderont d'autres... Présenté en quelques phrases ou extraits de dialogues, on serait tenté de décréter que nous sommes au coeur d'une sempiternelle comédie à l'italienne. Pas si sûr, car une fois le décor planté et les personnages fondus dans le quotidien, une gravité mélancolique les couvrira de son aile dans ce lieu de cures magiques où on soigne dans le corps ce qui est malade dans l'âme et qui donne l'impression de faire un petit pas en arrière pour que le présent trébuche de nouveau dans le futur.
Ginevra Bompiani cerne avec beaucoup d'acuité, dans Une station thermale, cet univers de bien-être qui consiste à s'enfermer dans un cocon et faire semblant que le monde n'existe pas: C'est bizarre que cette chose que tout le monde fait, une chose si commune, personne n'y arrive... Vieillir. Et, derrière les masques qui se lézardent, perce l'anxiété commune déclenchée par la solitude affective, la résistance au changement, la crainte de la maladie et pire, peut-être. Ce qui n'effleure pas Lucy qui, pour tromper la monotonie des jours, espère bien ne pas s'en aller sans avoir percé les secrets des unes et des autres - ce serait comme jeter un roman policier qu'on n'a lu qu'à moitié - et confié au lecteur les siens.
Dans ce petit monde frivole en apparence, exclusivement féminin - à l'exception de quelques pages consacrées à l'autrefois séduisant Stefano - Ginevra Bompiani, comme seule une femme sait le faire, appréhende à merveille ce mystère du corps où, derrière la faiblesse, la fragilité et les fissures de la vie se nichent en révélateurs, ces signes qui peuvent, au-delà de la beauté formelle, dissoudre les blessures intimes et réserver des moments de fête, de tendresse - voire d'amour - innatendus.
Et le désespoir, on s'en passe, conclut Lucia...
Fille de l'éditeur Valentino Bompiani, Ginevra Bompiani, née en 1939 à Milan, est écrivain, éditrice chez Nottetempo à Rome, enseignante et traductrice: entre autres de Antonin Artaud, Louis-Ferdinand Céline, Marguerite Yourcenar et Gilles Deleuze. Parmi ses oeuvres traduites en langue française, mentionnons Les règles du sommeil (Verdier, 1986), Ciel ancien, terre nouvelle (L'Arpenteur, 1990) et Le grand ours (Stock, 1995).
Ginevra Bompiani, La station thermale (Liana Levi, 2013)
23:05 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
Anne Bragance
Anne Bragance, Danseuse en rouge (Actes Sud, 2005)
Trois voix alternent ici, qui tantôt se tressent et s'entrelacent, tantôt s'opposent et se démentent, déroulant l'histoire d'un trio infernal : un homme, deux femmes. Tandis que la danseuse et le champion vivent une relation charnelle intense, vingt ans après leur première rencontre, l'épouse bafouée assiste au pas de cieux des amants et endure les affres de la jalousie. Danseuse en rouge explore les dédales du fantasme amoureux et propose une réflexion sur les infinies perversions de la relation triangulaire quand seuls les corps disent la vérité.
Ce pourrait être un classique vaudeville à trois : la femme, le mari et l’amant. Mais détrompez-vous, car sous la plume d’Anne Bragance, vive, drôle ou acide, il en va tout autrement… On songe à Colette – sur la fin du roman, surtout - et le personnage masculin n’est pas le plus exemplaire des acteurs de cette histoire !
Disponible également en coll. Babel (Actes Sud, 2008)
07:21 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livresé | | Imprimer | Facebook |