22/12/2012
Morceaux choisis - Vénus Khoury-Ghata
Vénus Khoury-Ghata
Ils flottent à la surface de la mémoires'infiltrent dans les murs avec les lunaisonségorgent l'eaudémantèlent les pendulesIls escaladent les racinesdévalent la pente des pluiesaspirent les vapeurs des puitsboivent d'un seul trait nos fleuves en crueIls enjambent les toitsplient les poutresréveillent les enfants lovés dans leurs cilspour leur faire écouter le bruit de leurs phalangesIls mangent la chair du jujubierligotent les bras du cyprèset le convertissent en cierge. Ils volent dans l'air des cimetièresrenversent les sépulturesvident leur contenu dans les caniveauxIls neigent en flocons immobilessoufflent en rafales inertesnous les cueillons sur le rebord des hanchesnous les faisons macérer dans nos sueursessorons leurs larmesles séchons sur des cordes tendues sous terreIls harnachent nos nuitsscellent nos rêvesnous enfourchent du côté oublieux du cœurIls vont entre écorce et noyerforcent les portes de novembrepercent l’œil de la lucarnesignent nos miroirs de leurs buéesIls s'éloignent dans leur corpsse terrent dans leurs chevillescrient jusqu'à l'ainebesogneux ces morts lorsqu'ils rampent sous les prairiespour ramasser les noix rejetés par l'étéqu'ils secouent comme hochets d'enfants.
Vénus Khoury-Ghata, Monologue du mort, dans: Anthologie personnelle (Actes Sud, 1997)
08:43 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
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