31/12/2013
Coeur en fête
Bloc-Notes, 31 décembre / Les Saules
Avec simplicité et reconnaissance, je vous adresse mes meilleurs voeux de bonheur, de santé et de paix pour l'année 2014, à vous, amis fidèles qui visitez souvent le blog de La scie rêveuse et - plus récemment - de Jubilate Deo, et y laissant souvent une trace de votre passage, ici ou sur Facebook. A vous donc, pour ce dernier jour de l'année, je dédicace cette magnifique chanson de Claude Nougaro, Armé d'amour, dont le texte est reproduit ci-dessous...
image:Angelin Preljocaj, Les nuits (http://www.diaghilev-ps.ru)
blog 1: http://lasciereveuse.hautetfort.com
blog 2: http://jubilatedeo.hautetfort.com
06:00 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Chansons inoubliables | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique; variété | | Imprimer | Facebook |
La scie rêveuse
Bloc-Notes, 31 décembre / Les Saules
Chers amis,
Comme vous le savez, j'ai créé le blog de La scie rêveuse en décembre 2009. A ses débuts, n'y figuraient que des critiques de livres - brèves pour la plupart - puis se sont ajoutés au fil du temps Le Bloc-Notes, les Morceaux choisis, Le poème de la semaine, La musique sur FB et d'autres thématiques, dans un premier temps, que je ne vais pas vous énumérer ici. Plus récemment, j'y ai introduit la spiritualité, avec pour l'essentiel, La prière du coeur. Ainsi, imperceptiblement, La scie rêveuse a gagné en ouverture, mais a perdu aussi de sa lisibilité.
La spiritualité quitte ainsi La scie rêveuse dès le 1er janvier 2014, pour rejoindre un nouveau blog qui à vu le jour aux temps de Noël, Jubilate Deo - avec 245 entrées au moment de sa mise en ligne - et pour lequel j'ai apporté quelques améliorations: dans la présentation générale, la typographie, l'inscription possible à la newsletter etc. La musique n'en est pas absente, mais n'est qu'une trace discrète parmi d'autres.
Les publications sur le blog de Jubilate Deo n'excèderont pas 2 à 3 publications inédites par semaine, et je vous rassure: Le blog de La scie rêveuse - à un rythme moins soutenu - n'est pas abandonné pour autant et poursuivra ses publications littéraires et musicales.
Si La scie rêveuse et Jubilate Deo (l'un, l'autre ou les deux) vous plaisent, faites-les connaître autour de vous!
Merci à toutes et à tous...
image: Martha Graham (cosmovisions.com)
lien 1: http://lasciereveuse.hautetfort.com
lien 2: http://jubilatedeo.hautetfort.com
01:13 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, La musique sur Facebook, La scie rêveuse, Morceaux choisis, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | Facebook |
30/12/2013
Antonio Skarmeta
Antonio Skarmeta, Le ballet de la victoire (Grasset, 2006)
Angel, un voleur occasionnel et romantique, et le légendaire Vergara, un artiste des coffres-forts, viennent d'être libérés de prison à l'occasion d'une amnistie décrétée par le Président du Chili. Le jeune Angel, en possession d'un plan génial, persuade le vieux truand de se joindre à lui pour vider les caisses d'un ancien chef de la police de Pinochet. Tous deux veulent protéger Victoria, une lycéenne qu'ils ont rencontrée. Fragile et inquiète depuis que son père a été assassiné pendant la dictature, elle rêve de devenir danseuse étoile... Destins croisés d'un célèbre vétéran de la cambriole, d'un voleur qui a soif de vengeance et d'une future ballerine dans le Chili d'après Pinochet, ce magnifique roman est tour à tour poignant, drôle, violent. Une critique sociale, certes, mais surtout une très belle histoire d'amour et d'amitié.
Egalement disponible en coll. Livre de Poche (LGF,2008)
00:40 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature sud-américaine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
28/12/2013
Musica présente - 89 Rita Streich
Rita Streich
chanteuse soprano allemande, 1920 - 1987
*
Félix Mendelssohn
A Midsummer Night's Dream, Op 21
(with Diana Eustrati, RIAS Kammerchor, Berliner Philharmoniker, Ferenc Fricsay)
00:27 Écrit par Claude Amstutz dans Félix Mendelssohn, Musica présente, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | | Imprimer | Facebook |
27/12/2013
La musique sur FB - 1145 J.S.Bach
Jean Sébastien Bach
Violin Concerto in A minor, BWV 1041
Violin Concerto in E major, BWV 1042
Concerto for 2 Violins in D minor, BWV 1043
Concerto for 3 violins in D major, BWV 1064
Violin Concerto in G minor, BWV 1056
Concerto for Violin and Oboe in C minor, BWV 1060
Violin Concerto in D minor, BWV1052
Concerto for Flute, Violin and Harpsichord, BWV 1044
Age Of Enlightenment
Elizabeth Wallfisch
22:53 Écrit par Claude Amstutz dans Jean Sébastien Bach, La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | | Imprimer | Facebook |
Morceaux choisis - Angelina Lanza Damiani
Angelina Lanza Damiani
Dans les longues soirées étoilées, traversant les stridulements des grillons nocturnes, nous parvenait, des pentes d'en face, entièrement couvertes d'épais chênes verts, un doux son de cornemuse, continu, et pourtant varié dans la monotonie de l'intonation.
On eût dit la voix même du paysage, dormant et rêvant.
Il y avait, à la lisière du bois d'yeuses, en face, le clos qui existe encore, avec le pailler pour l'abri des bergers.
Peut-être était-ce un berger qui jouait.
La note d'accompagnement commençait seule; elle insistait, se poursuivait, se répétait. Elle faisait attendre la naissance de la cantilène.
Après une, deux ou trois reprises de cette note toute occupée à se répéter elle-même, le motif musical commençait, modulé sur quelques notes, mais avec des inflexions et des retards sentimentaux et tristes.
La cornemuse avait des forte et des piano. Effet du vent, ou volonté de l'instrumentiste? ...
Elle était, soudain, étouffée par un long aboiement de chiens, par une brusque agitation de sonnailles: les chèvres avaient-elles eu peur de l'alarme de leur gardien?
Puis le silence revenait. Et, sur le silence, la stridulation des grillons, et de nouveau la modulation, harmonieuse et plaintive, de l'instrument primitif.
Naissait dans le coeur la nostalgie de l'hiver recueilli et tranquille, de la crèche, des berceuses entonnées dans le fracas des rues citadines par de vieux joueurs de musette.
Les fillettes se serraient contre moi, émues:
- On dirait la musette de Noël; comme c'est beau!
Et la cornemuse infatigable chantait encore sous les étoiles, quand on fermait les fenêtres pour aller dormir...
Angelina Lanza Damiani, Le mélomane / extrait, dans: La maison dans la montagne - illustré par Pierre-Yves Gabioud (Ed. de la revue Conférence, 2013)
traduit de l'italien par Christophe Carraud
image: dirjournal.com
09:12 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; récits; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |
26/12/2013
Conrad Ferdinand Meyer
Conrad-Ferdinand Meyer, Jürg Jenatsch (Coll. Poche Suisse/L'Age d'Homme, 1989)
Un pasteur réformé du canton de Suisse « Les Grisons », devenu chef de bande, assassin, puis héros national, colonel dans l’armée du Duc de Rohan, rénégat et négociateur de traités internationaux entre l’Espagne et la France de Richelieu, traître à la foi par amour exclusif de sa petite patrie et qui meurt assassiné par des voyous au soir de sa plus grande victoire, voilà un personnage de l’histoire suisse, troublant et difficilement compréhensible qui bouleverse toutes les idées reçues.
Un épisode de l'histoire des Grisons et en même temps une tragique histoire d'amour qui n'est pas sans rappeler les romans de cape et d'épée d'Alexandre Dumas. D'une écriture vive et éloquente, un chef d'oeuvre des lettres alémaniques du XIXe siècle.
publié dans le supplément La bibliothèque idéale des vaudois / 24 Heures
07:51 Écrit par Claude Amstutz dans La bibliothèque idéale des vaudois, Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livresé | | Imprimer | Facebook |
25/12/2013
Le poème de la semaine
René Char
Redonne-leur ce qui n'est plus présent en eux,Ils reverront le grain de la moisson s'enfermer dans l'épi et s'agiter sur l'herbe. Apprenez-leur, de la chute à l'essor, les douze mois de leur visage,Ils chériront le vide de leur coeur jusqu'au désir suivant;Car rien ne fait naufrage ou ne se plaît aux cendres;Et qui sait voir la terre aboutir à des fruits,Point ne l'émeut l'échec quoiqu'il ait tout perdu.Quelques traces de craie dans le ciel, Anthologie poétique francophone du XXe siècle
01:07 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth, René Char | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
Heureuses fêtes
Bloc-Notes, 25 décembre / Les Saules
A toutes et à tous, je souhaite d'heureuses fêtes, nourries par la présence aimante de vos proches, ainsi que de celles et ceux qui ont quitté et rejoint le monde des étoiles: inextinguibles et glorieuses dans notre coeur. En ce jour de Noël, je vous propose ces Méditations d'Orient, interprétées par Soeur Marie Keyrouz.
Plus nous apprenons comment toucher la réalité de notre être par le beau et le sacré, plus nous offrons à notre humain, le privilège de vivre le spirituel infini qui nous habite et qui est à l'origine de toute chose. Une prière du Christ, une offrande lyrique de Tagore ou une poésie mystique, ces méditations sont choisies et chantées pour allumer une chandelle sur le chemin de l'homme, dans son pèlerinage vers son intérieur. Juif, chrétien ou musulman; religieux, croyant, ou antagoniste, l'être humain est à la recherche inlassable du sens de son existence et de la zone la plus profonde de son âme où il n'y a que consonance, harmonie, liberté et paix.
Avec ces méditations nous avons essayé de puiser dans les thèmes musicaux des traditions liturgiques: Araméenne, Byzantine, Syriaque et Maronite; de même que dans les plus subtiles des échelles de la musique orientale classique avec ses micro-intervalles et les couleurs qu'elle apporte pour soutenir le texte sacré. Quand la prière déborde d'émotion humaine et spirituelle, la voix et l'instrument prennent leur liberté pour exprimer l'inexprimable et dresser une échelle verticale vers l'au-delà. Ce phénomène qui est l'improvisation est très ancien dans l'histoire de la musique sacrée; il est né d'une confession de foi où les notes et les modes n'existaient que pour incarner le sens théologique de la prière et sacraliser l'émotion humaine.
Chaque instrument est choisi pour son timbre et l'atmosphère qu'il pourrait installer, laissant à la voix, toute la faveur de chercher le plus adéquats des siens, se servant de toutes les richesses des fioritures et les subtilités des intervalles non-tempérés nécessaires pour faire résonner ces prières dans les coins intimes du cœur humain. Pourrait-on, par la grâce de ces méditations, faire rencontrer l'Humain avec le Divin qui est dans son être et se laisser fondre dans le mystère du silence de la paix éternelle de Dieu?
Vous pouvez vous procurer ce CD - 20 euros - sur le site ci-dessous:
http://www.keyrouz.com/FR_meditations.html
illustration musicale: Marie Keyrouz, Méditations d'Orient (http://www.keyrouz.com/FR_meditations.html)
image: Orson Welles, Citizen Kane / 1941 (weeatfilms.com)
01:06 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Chant sacré, Le monde comme il va, Marie Keyrouz | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : musique classique; noël | | Imprimer | Facebook |
24/12/2013
Un conte de Noël 9/9
Charles Dickens
V. Conclusion
C’était une colonne de lit. Oui, et de son lit encore et dans sa chambre bien mieux. Le lendemain lui appartenait pour s’amender et réformer sa vie!
Je veux vivre dans le passé; le présent et l’avenir! répéta Scrooge en sautant à bas du lit. Les leçons des trois esprits demeureront gravées dans ma mémoire. O Jacob Marley! que le ciel et la fête de Noël soient bénis de leurs bienfaits! je le dis à genoux, vieux Jacob, oui, à genoux. Il était si animé, si échauffé par de bonnes résolutions, que sa voix brisée répondait à peine au sentiment qui l’inspirait. Il avait sangloté violemment dans sa lutte avec l’esprit, et son visage était inondé de larmes.
Ils ne sont pas arrachés, s’écria Scrooge embrassant un des rideaux de son lit, ils ne sont pas arrachés, ni les anneaux non plus. Ils sont ici, je suis ici; les images des choses qui auraient pu se réaliser peuvent s’évanouir; elles s’évanouiront, je le sais!
Cependant ses mains étaient occupées à brouiller ses vêtements; il les mettait à l’envers, les retournait sens dessus dessous, le bas en haut et le haut en bas ; dans son trouble, il les déchirait, les laissait tomber à terre, les rendait enfin complices de toutes sortes d’extravagances.
Je ne sais pas ce que fais! s’écria-t-il riant et pleurant à la fois, et se posant avec ses bas en copie parfaite du Laocoon antique et de ses serpents. Je suis léger comme une plume; je suis heureux comme un ange, gai comme un écolier, étourdi comme un homme ivre. Un joyeux Noël à tout le monde! une bonne, une heureuse année à tous! Holà! hé! ho! holà!
Il avait passé en gambadant de sa chambre dans le salon, et se trouvait là maintenant, tout hors d’haleine.
Voilà bien la casserole où était l’eau de gruau! s’écria-t-il en s’élançant de nouveau et recommençant ses cabrioles devant la cheminée. Voilà la porte par laquelle est entré le spectre de Marley! voilà le coin où était assis l’esprit de Noël présent! voilà la fenêtre où j’ai vu les âmes en peine: tout est à sa place, tout est vrai, tout est arrivé… Ah! ah! ah!
Réellement, pour un homme qui n’avait pas pratiqué depuis tant d’années, c’était un rire splendide, un des rires les plus magnifiques, le père d’une longue, longue lignée de rires éclatants!
Je ne sais quel jour du mois nous sommes aujourd’hui! continua Scrooge. Je ne sais combien de temps je suis demeuré parmi les esprits. Je ne sais rien: je suis comme un petit enfant. Cela m’est bien égal. je voudrais bien l’être, un petit enfant. Hé! holà! houp! holà! hé!
Il fut interrompu dans ses transports par les cloches des églises qui sonnaient le carillon le plus folichon qu’il eût jamais entendu. Ding, din, dong, boum! boum, ding, din, dong! Boum! boum! boum! dong! ding, din, dong! boum! Oh! superbe, superbe!
Courant à la fenêtre, il l’ouvrit et regarda dehors. Pas de brume, pas de brouillard; un froid clair, éclatant, un de ces froids qui vous égayent et vous ravigotent, un de ces froids qui sifflent à faire danser le sang dans vos veines; un soleil d’or; un ciel divin; un air frais et agréable; des cloches en gaieté. Oh! superbe, superbe!
- Quel jour sommes-nous aujourd’hui? cria Scrooge de sa fenêtre à un petit garçon endimanché qui s’était arrêté peut-être pour le regarder.
- Hein? répondit l’enfant ébahi.
- Quel jour sommes-nous aujourd’hui, mon beau garçon? dit Scrooge.
- Aujourd’hui! repartit l’enfant; mais c’est le jour de Noël.
Le jour de Noël! se dit Scrooge. Je ne l’ai donc pas manqué! Les esprits ont tout fait en une nuit. Ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent; qui en doute? certainement qu’ils le peuvent. Holà! hé! mon beau petit garçon!
- Holà! répondit l’enfant.
- Connais-tu la boutique du marchand de volailles, au coin de la seconde rue?
- Je crois bien!
Un enfant plein d’intelligence! dit Scrooge. Un enfant remarquable! Sais-tu si l’on a vendu la belle dinde qui était hier en montre? pas la petite; la grosse?
- Ah! celle qui est aussi grosse que moi?
- Quel enfant délicieux! dit Scrooge. Il y a plaisir à causer avec lui. Oui, mon chat!
- Elle y est encore, dit l’enfant.
- Vraiment! continua Scrooge. Eh bien, va l’acheter!
- Farceur! s’écria l’enfant.
- Non, dit Scrooge, je parle sérieusement. Va acheter et dis qu’on me l’apporte; je leur donnerai ici l’adresse où il faut la porter. Reviens avec le garçon et je te donnerai un schelling. Tiens! si tu reviens avec lui en moins de cinq minutes, je te donnerai un écu.
L’enfant partit comme un trait. Il aurait fallu que l’archer eût une main bien ferme sur la détente pour lancer sa flèche moitié seulement aussi vite.
Je l’enverrai chez Bob Cratchit, murmura Scrooge se frottant les mains et éclatant de rire. Il ne saura pas d’où cela lui vient. Elle est deux fois grosse comme Tiny Tim. Je suis sûr que Bob goûtera la plaisanterie; jamais Joe Miller n’en a fait une pareille.
Il écrivit l’adresse d’une main qui n’était pas très ferme, mais il l’écrivit pourtant, tant bien que mal, et descendit ouvrir la porte de la rue pour recevoir le commis du marchand de volailles. Comme il restait là debout à l’attendre, le marteau frappa ses regards.
Je l’aimerai toute ma vie! s’écria-t-il en le caressant de la main. Et moi qui, jusqu’à présent, ne le regardais jamais, je crois. Quelle honnête expression dans sa figure! Ah! le bon, l’excellent marteau! Mais voici la dinde! Holà! hé! Houp, houp! comment vous va? Un joyeux Noël!
C’était une dinde, celle-là! Non, il n’est pas possible qu’il se soit jamais tenu sur ses jambes, ce volatile; il les aurait brisées en moins d’une minute, comme des bâtons de cire à cacheter. Mais j’y pense, vous ne pourrez pas porter cela jusqu’à Camden-Town, mon ami, dit Scrooge; il faut prendre un cab.
Le rire avec lequel il dit cela, le rire avec lequel il paya la dinde, le rire avec lequel il paya le cab, et le rire avec lequel il récompensa le petit garçon ne fut surpassé que par le fou rire avec lequel il se rassit dans son fauteuil, essoufflé, hors d’haleine, et il continua de rire jusqu’aux larmes.
Ce ne lui fut pas chose facile que de se raser, car sa main continuait à trembler beaucoup; et cette opération exige une grande attention, même quand vous ne dansez pas en vous faisant la barbe. Mais il se serait coupé le bout du nez, qu’il aurait mis tout tranquillement sur l’entaille un morceau de taffetas d’Angleterre sans rien perdre de sa bonne humeur.
Il s’habilla, mit tout ce qu’il avait de mieux, et, sa toilette faite, sortit pour se promener dans les rues. La foule s’y précipitait en ce moment, telle qu’il l’avait vue en compagnie du spectre de Noël présent. Marchant les mains croisées derrière le dos, Scrooge regardait tout le monde avec un sourire de satisfaction. Il avait l’air si parfaitement gracieux, en un mot, que trois ou quatre joyeux gaillards ne purent s’empêcher de l’interpeller: Bonjour, monsieur! Un joyeux Noël, monsieur! Et Scrooge affirma souvent plus tard que, de tous les sons agréables qu’il avait jamais entendus, ceux-là avaient été, sans contredit, les plus doux à son oreille.
Il n’avait pas fait beaucoup de chemin, lorsqu’il reconnut, se dirigeant de son côté, le monsieur à la tournure distinguée qui était venu le trouver la veille dans son comptoir, et lui disant: Scrooge et Marley, je crois? Il sentit une douleur poignante lui traverser le cœur à la pensée du regard qu’allait jeter sur lui le vieux monsieur au moment où ils se rencontreraient; mais il comprit aussitôt ce qu’il avait à faire, et prit bien vite son parti.
Mon cher monsieur, dit-il en pressant le pas pour lui prendre les deux mains, comment vous portez-vous? J’espère que votre journée d’hier a été bonne. C’est une démarche qui vous fait honneur! Un joyeux Noël, monsieur!
- Monsieur Scrooge?
- Oui, c’est mon nom; je crains qu’il ne vous soit pas des plus agréables. Permettez que je vous fasse mes excuses. Voudriez-vous avoir la bonté… (Ici Scrooge lui murmura quelques mots à l’oreille.)
- Est-il Dieu possible! s’écria ce dernier, comme suffoqué. Mon cher monsieur Scrooge, parlez-vous sérieusement?
- S’il vous plaît, dit Scrooge; pas un liard de moins. Je ne fais que solder l’arriéré, je vous assure. Me ferez-vous cette grâce?
- Mon cher monsieur, reprit l’autre en lui secouant la main cordialement, je ne sais comment louer tant de munifi…
- Pas un mot, je vous prie, interrompit Scrooge. Venez me voir; voulez-vous venir me voir?
- Oui! sans doute, s’écria le vieux monsieur. Évidemment, c’était son intention; on ne pouvait s’y méprendre, à son air.
- Merci, dit Scrooge. Je vous suis infiniment reconnaissant, je vous remercie mille fois. Adieu!
Il entra à l’église; il parcourut les rues, il examina les gens qui allaient et venaient en grande hâte, donna aux enfants de petites tapes caressantes sur la tête, interrogea les mendiants sur leurs besoins, laissa tomber des regards curieux dans les cuisines des maisons, les reporta ensuite aux fenêtres; tout ce qu’il voyait lui faisait plaisir. Il ne s’était jamais imaginé qu’une promenade, que rien au monde pût lui donner tant de bonheur. L’après-midi, il dirigea ses pas du côté de la maison de son neveu.
Il passa et repassa une douzaine de fois devant la porte, avant d’avoir le courage de monter le perron et de frapper. Mais enfin il s’enhardit et laissa retomber le marteau.
- Votre maître est-il chez lui, ma chère enfant? dit Scrooge à la servante… Beau brin de fille, ma foi!
- Oui, monsieur.
- Où est-il, mignonne?
- Dans la salle à manger, monsieur, avec madame. Je vais vous conduire au salon, s’il vous plaît.
- Merci; il me connaît, reprit Scrooge, la main déjà posée sur le bouton de la porte de la salle à manger; je vais entrer ici, mon enfant.
Il tourna le bouton tout doucement, et passa la tête de côté par la porte entrebâillée. Le jeune couple examinait alors la table (dressée comme pour un gala), car ces nouveaux mariés sont toujours excessivement pointilleux sur l’élégance du service: ils aiment à s’assurer que tout est comme il faut.
Fred! dit Scrooge.
Dieu du ciel! comme sa nièce par alliance tressaillit! Scrooge avait oublié, pour le moment, comment il l’avait vue assise dans son coin, un peu souffrante, sans quoi il ne serait point entré de la sorte; il n’aurait pas osé.
- Dieu me pardonne! s’écria Fred, qui est donc là?
- C’est moi, votre oncle Scrooge; je viens dîner. Voulez-vous que j’entre, Fred?
S’il voulait qu’il entrât! Peu s’en fallut qu’il ne lui disloquât le bras pour le faire entrer. Au bout de cinq minutes, Scrooge fut à son aise comme dans sa propre maison. Rien ne pouvait être plus cordial que la réception du neveu; la nièce imita son mari; Topper en fit autant, lorsqu’il arriva, et aussi la petite sœur rondelette, quand elle vint, et tous les autres convives, à mesure qu’ils entrèrent. Quelle admirable partie, quels admirables petits jeux, quelle admirable unanimité, quel admirable bonheur!
Mais le lendemain, Scrooge se rendit de bonne heure au comptoir, oh! de très bonne heure. S’il pouvait seulement y arriver le premier et surprendre Bob Cratchit en flagrant délit de retard! C’était en ce moment sa préoccupation la plus chère.
Il y réussit; oui, il eut ce plaisir! L’horloge sonna neuf heures, point de Bob; neuf heures un quart, point de Bob. Bob se trouva en retard de dix-huit minutes et demie. Scrooge était assis, la porte toute grande ouverte, afin qu’il le pût voir se glisser dans sa citerne.
Avant d’ouvrir la porte, Bob avait ôté son chapeau, puis son cache-nez: en un clin d’œil, il fut installé sur son tabouret et se mit à faire courir sa plume, comme pour essayer de rattraper neuf heures.
- Holà! grommela Scrooge, imitant le mieux qu’il pouvait son ton d’autrefois; qu’est-ce que cela veut dire de venir si tard?
- Je suis bien fâché, monsieur, dit Bob. Je suis en retard.
- En retard! reprit Scrooge. En effet, il me semble que vous êtes en retard. Venez un peu par ici, s’il vous plaît.
- Ce n’est qu’une fois tous les ans, monsieur, dit Bob timidement en sortant de sa citerne; cela ne m’arrivera plus. je me suis un peu amusé hier, monsieur.
- Fort bien; mais je vous dirai, mon ami, ajouta Scrooge, que je ne puis laisser plus longtemps aller les choses comme cela. Par conséquent, poursuivit-il, en sautant à bas de son tabouret et en portant à Bob une telle botte dans le flanc qu’il le fit trébucher jusque dans sa citerne; par conséquent, je vais augmenter vos appointements!
Bob trembla et se rapprocha de la règle de son bureau. Il eut un moment la pensée d’en assener un coup à Scrooge, de le saisir au collet et d’appeler à l’aide les gens qui passaient dans la ruelle pour lui faire mettre la camisole de force.
- Un joyeux Noël, Bob! dit Scrooge avec un air trop sérieux pour qu’on pût s’y méprendre et en lui frappant amicalement sur l’épaule. Un plus joyeux Noël, Bob, mon brave garçon, que je ne vous l’ai souhaité depuis longues années! Je vais augmenter vos appointements et je m’efforcerai de venir en aide à votre laborieuse famille; ensuite cette après-midi nous discuterons nos affaires sur un bol de Noël rempli d’un bischoff fumant, Bob! Allumez les deux feux; mais avant de mettre un point sur un i, Bob Cratchit, allez vite acheter un seau neuf pour le charbon.
Scrooge fit encore plus qu’il n’avait promis; non seulement il tint sa parole, mais il fit mieux, beaucoup mieux.
Quant à Tiny Tim, qui ne mourut pas, Scrooge fut pour lui un second père. Il devint un aussi bon ami, un aussi bon maître, un aussi bon homme que le bourgeois de la bonne vieille Cité, ou de toute autre bonne vieille cité, ville ou bourg, dans le bon vieux monde. Quelques personnes rirent de son changement; mais il les laissa rire et ne s’en soucia guère; car il en savait assez pour ne pas ignorer que, sur notre globe, il n’est jamais rien arrivé de bon qui n’ait eu la chance de commencer par faire rire certaines gens. Puisqu’il faut que ces gens-là soient aveugles, il pensait qu’après tout il vaut tout autant que leur maladie se manifeste par les grimaces, qui leur rident les yeux à force de rire, au lieu de se produire sous une forme moins attrayante. Il riait lui-même au fond du cœur; c’était toute sa vengeance.
Il n’eut plus de commerce avec les esprits; mais il en eut beaucoup plus avec les hommes, cultivant ses amis et sa famille tout le long de l’année pour bien se préparer à fêter Noël, et personne ne s’y entendait mieux que lui: tout le monde lui rendait cette justice.
Puisse-t-on en dire autant de vous, de moi, de nous tous, et alors, comme disait Tiny Tim:
- Que Dieu nous bénisse, tous tant que nous sommes!
(à suivre)
Charles Dickens, Contes de Noël (coll. Folio classique/Gallimard, 2012)
image: Charles Dickens (theguardian.com)
06:00 Écrit par Claude Amstutz dans Contes, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; contes; morceaux choisis; livres | | Imprimer | Facebook |