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30/04/2010

Les écureuils de Central Park - 2

9782226208316.gifKatherine Pancol, Les écureuils de Central Park sont tristes le lundi (Albin Michel, 2010)

On ne présente plus l'auteur de Les yeux jaunes des crocodiles et de La valse lente des tortues qui connaît avec ces deux titres un succès inespéré. Il est vrai que si, au contraire des auteurs traduits, les francophones confondent trop souvent les caractéristiques du roman avec le récit, l'autofiction ou le vécu et négligent la principale vertu du roman qui consiste à savoir raconter une histoire - "une œuvre d’imagination en prose, assez longue qui présente et fait vivre dans un milieu des personnages donnés comme réels et nous fait connaître leur psychologie, leur destin et leurs aventures" (Le Petit Robert) - , on ne peut en faire le reproche à Katherine Pancol.

Jugée avec une relative condescendance par les professionnels du livre qui lui reconnaissent un public - traduisez: un peu nunuche - mais adulée par ses fans de plus en plus nombreux, elle nous embarque pour la troisième et dernière fois semble-t-il dans l'ébouriffant tourbillon de la famille Cortes: Joséphine, Hortense, Shirley, sans oublier Josiane, Marcel ou Philippe, avec de nouveaux personnages - Becca et le jeune homme, par exemple - qui ont leur mot à dire pour infléchir le destin des uns et des autres.

Bien sûr que les esprits chagrins reprocheront à Katherine Pancol ces 852 pages - 200 de plus que ses deux précédents opus - ou une trame un peu prévisible - inévitable à force de côtoyer et de s'attacher aux personnages - mais qu'importe: La magie opère toujours, bienfaisante comme un vent léger qui nous fait respirer à pleins poumons, heureux tout simplement de savourer ces moments de la vie et de partager ce soleil indomptable qui voudrait briller pour tout le monde.

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Katherine Pancol, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/04/2010

Le poème de la semaine

Charles Péguy


Nous ne demandons pas que le grain sous la meule

Soit jamais replacé dans le coeur de l'épi,

Nous ne demandons pas que l'âme errante et seule

Soit jamais reposée en un jardin fleuri.


Nous ne demandons pas que la grappe écrasée

Soit jamais replacée au fronton de la treille,

Et que le lourd frelon et que la jeune abeille

Y reviennent jamais se gorger de rosée.


Nous ne demandons pas que la rose vermeille

Soit jamais replacée aux cerceaux du rosier,

Et que le paneton et la lourde corbeille

Retourne vers le fleuve et redevienne osier.


Nous ne demandons pas que cette page écrite

Soit jamais effacée au livre de mémoire,

Et que le lourd soupçon et que la jeune histoire

Vienne remémorer cette peine prescrite.


Nous ne demandons pas que la tige ployée

Soit jamais redressée au livre de nature,

Et que le lourd bourgeon et la jeune nervure

Perce jamais l'écorce et soit redéployée.


Nous ne demandons pas que le rameau broyé

Reverdisse jamais au livre de la grâce,

Et que le lourd surgeon et que la jeune race

Rejaillisse jamais de l'arbre fourvoyé.


Nous ne demandons pas que la banche effeuillée

Se tourne jamais plus vers un jeune printemps,

Et que la lourde sève et que le jeune temps

Sauve une cime au moins dans la forêt noyée.


Nous ne demandons pas que le pli de la nappe

Soit effacé devant que revienne le maître,

Et que votre servante et qu'un malheureux être

Soient libérés jamais de cette lourde chape.


Nous ne demandons pas que cette auguste table

Soit jamais resserve, à moins que pour un Dieu,

Mais nous n'espérons pas que le grand connétable

Chauffe deux fois ses mains vers un si maigre feu.


Nous ne demandons pas qu'une âme fourvoyée

Soit jamais replacée au chemin du bonheur,

O reine il nous suffit d'avoir gardé l'honneur

Et nous ne voulons pas qu'une aide apitoyée


Nous remette jamais au chemin de plaisance,

Et nous ne voulons pas qu'une amour soudoyée

Nous remette jamais au chemin d'allégeance,

O seul gouvernement 'une âme guerroyée,


Régente de la mer et de l'illustre port

Nous ne demandons rien dans ces amendements

Reine que de garder sous vos commandements

Une fidélité plus forte que la mort.


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

06:18 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/04/2010

John Keats - 1b

Bande annonce du film de Jane Campion, Bright Star (2009) relatant les amours entre John Keats et Fanny Brawne. Avec Abbie Cormish et Ben Whishaw.


00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Films inoubliables, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; cinéma; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

John Keats - 1a

9782743620981.jpgJohn Keats, Lettres à Fanny (Coll. Rivages poche, 2010)

Considéré par certains comme le plus romantique des poètes anglais, le jeune John Keats renonce à la carrière de chirurgien afin de se consacrer totalement à l'écriture. Alors qu'il entreprend une de ses oeuvres maîtresses, Hyperion, il rencontre une jeune fille gracieuse, féminine qui se nomme Fanny Brawne. Les 37 lettres qui composent ce recueil attestent de son amour incandescent pour cette adolescente qui, contrairement à lui, aimait danser et briller en société. Déjà affaibli par la maladie - il sera terrassé par la tuberculose, trois ans après cette rencontre - sa correspondance est intéressante à plus d'un titre: par la fascination qu'exerce sur lui la beauté de Fanny, la résistance du créateur qui voudrait se consacrer tout entier à son art, la sublimation dans une mystique de l'amour qu'il hésite à confronter à une réalité qu'il pressent impossible pour lui. Qui donc pourtant, ne rêverait de recevoir un jour une si belle lettre? Je n'existe pas sans vous; je suis oublieux de tout sauf du moment où je vous retrouverai; ma vie semble s'interrompre net à cet endroit; je ne vois pas plus loin. Vous m'occupez tout entier.

Fiancé mais jamais époux, John Keats meurt le 24 février 1821, à l'âge de 26 ans.

00:00 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; correspondance; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/04/2010

Stewart O'Nan

Bloc-Notes, 25 avril / Les Saules

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Dans un village de l’Ohio, Kim, une adolescente de 18 ans, vit sa dernière année de collège et se réjouit de bientôt prendre le large, comme tant de jeunes de son âge. Un beau jour, elle disparaît sans crier gare. Aucun signe, aucune trace de sa disparition, sinon sa voiture abandonnée.

Ainsi commence le dernier roman vertigineux de Stewart O’Nan. Avec un fil narratif somme toute simple, il aurait pu – comme dans Speed Queen - basculer dans le roman noir, ou verser dans le mélodrame. Rien de tout cela chez cet auteur un peu caméléon qui, à chacune de ses créations, s’intéresse à un angle de vision différent pour cerner la réalité qui l’entoure. Ainsi, dans Chanson pour l’absente, c’est l’amour et la tristesse des proches de Kim, renforcées par le vide qu'elle laisse derrière elle, qui occupe le devant de la scène, contrastant avec ce visage d’une Amérique conquérante, qui garde pour la sphère intime ses découragements, ses angoisses ou incompréhensions.

Il nous partage aussi un aspect peu représenté en littérature, celui des démarches répétitives auprès de la communauté, de la police, des commerçants, des amis pour retrouver la jeune fille, avec l’énergie du désespoir qui voudrait donner un sens à sa disparition. Aux côtés de J.P. et Nina, amis de Kim, les personnages les plus bouleversants de cette histoire sont Ed, le père de la disparue qui délaisse son travail, voire sa famille, incapable de rester chez lui à attendre et surtout Lindsay, sa sœur cadette qui, au fil du temps qui passe et sans même réaliser tout à fait ce qui lui arrive, se fait une place au soleil, affirme sa personnalité comme dans un espace laissé vacant par sa sœur. Autre éclairage intéressant que celui des liens familiaux – entre Ed, son épouse Fran et Lindsay - qui se resserrent autour de cette absence qu’on n’ose encore nommer autrement, tandis que la vie, malgré tout, continue...

Contrairement à un thriller qui obéit à d'autres règles d'écriture – cela décevra quelque peu les esprit cartésiens - l'enquête sert ici de prétexte à soulever des questions qui bien souvent demeurent sans réponse, comme dans la vraie vie. Qui donc était Kim ? Après un événement aussi traumatisant, où se situe la frontière qui ouvre à la liberté, à la fin du deuil, sans culpabiliser ni trahir ce trop plein d’amour qui irrigue encore notre mémoire ?

Décliné avec beaucoup de douceur à la manière d'un J.D. Salinger – ainsi que dans cet autre chef d’œuvre, La part des ténèbres – il se dégage de ce roman une profonde humanité, même si la tonalité générale reste sombre, et que si le deuil délivre des incertitudes, il ne console vraiment personne.

Stewart O'Nan, Chanson pour l'absente (Editions de l'Olivier, 2010)

20:05 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Stewart O'Nan | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

22/04/2010

Les quatre saisons - 1b

Les quatre saisons (Le printemps)

Complément idéal à ces ballades littéraires à travers les saisons, voici une oeuvre musicale célèbre, mais dont les mouvements simples, délicats, légers comme les vagues de la Méditerranée, enchantent, consolent et ne lassent guère: Les quatre saisons d'Antonio Vivaldi, avec Giuliano Carmignola et l'ensemble Sonatori de la Gioiosa Marca.


00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Antonio Vivaldi, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

Les quatre saisons - 1a

Bloc-Notes, 22 avril / Les Saules

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Ma saison préférée, à toutes les périodes de ma vie, est le printemps. Pour son réveil incertain à la vie, pour les couleurs de sa flore à dominante jaune avec les jonquilles évoquant le souffle de la jeunesse, rouge avec les tulipes prémices de passions simples, ou bleue avec les violettes et leur présence aussi discrète que les sensations vraies. Pour le prunelier rose, le pommier en fleur, le camélia épanoui après une longue attente. Pour la mésange bleue, le merle, le rougequeue à front blanc, le moineau domestique, la sittelle, le rougegorge familier, tout ce petit monde délivrant à l'aurore ses demandes et ses célébrations de la vie. Pour la solitude et la communion silencieuse sous le bleu profond du ciel par vent du nord dispersant les scories hivernales, les fissures mal-aimées, les chemins de traverses...

Bien mieux que je ne ne peux le faire, certains poètes ont écrit des textes admirables sur cet heureux temps. Gustave Roud, par exemple, dans Les fleurs et les saisons:

Le vrai porteur de joie, c'est cet homme sur la colline de mars ou d'avril, au coeur d'un pays immense à peine éveillé de l'hiver, avec le tait bleu des neiges mortes au revers des forêts et des haies, les villages humides aux replis de l'herbe d'étoupe, roses comme un buisson de bois-gentil. (...) Comme l'odeur de la première violette, comme cette perce-neige dans le verger ouverte sans tige au ras du sol effacent en nous d'un seul coup le souvenir des jardins de septembre épanouis, toute l'opulence d'une saison mûre et condamnée, ainsi le semeur debout dans l'air âpre, contre le ciel peuplé d'un délire d'alouettes, nous arrache enfin à ces images que nous avions amassées en nous pour nourrir la terrible traversée de l'hiver! Son geste nous délivre d'un passé trop lourd, ouvre devant nous la vierge étendue d'une année qui commence enfin. Le voici devant nous, tout proche. Il se relève, ayant fait glisser d'un sac dans l'autre le froment non plus fauve comme à l'automne, mais bleui par le vitriol. (...) Ce corps sait la mesure exacte du pas à prendre au long du sillon, cette main sait la poignée de froment qu'il faut saisir, ce bras sait l'ampleur du geste lanceur de graines. Regardons-le, cet homme tout hanté d'un rythme qu'il a su faire vivre au plus profond de sa chair. Combien seront-ils, aux années à venir, ceux qui s'en iront comme lui, de cette marche dansante, aux collines de l'avant-printemps?

Magnifique, n'est-il pas vrai?

Gustave Roud, Les fleurs et les saisons (La Dogana, 2003)

avec les photographies de l'auteur et une postface de Philippe Jaccottet



00:00 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Gustave Roud, Littérature suisse, Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bloc-notes; littérature; proses; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

21/04/2010

Le poème de la semaine

Maurice Chappaz


Je voudrais que les baisers

remplacent les chants d'oiseaux.

Qu'ils pépient dès l'aube

sur tes joues, tes paupières.

Je voudrais que la nuit

remplace le jour,

que la prière

remplace le travail,

que le silence

remplace les paroles.

Je voudrais que l'éternité

remplace cette vie

ne serait-ce qu'un instant.

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:09 Écrit par Claude Amstutz dans Maurice Chappaz, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

19/04/2010

La citation du jour

 

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Hermann Hesse

J'ose affirmer qu'on lit trop et que cet excès de lecture ne fait pas honneur à la littérature; il lui est même nuisible. Les livres ne sont pas faits pour rendre les gens dépendants plus dépendants encore, et encore moins pour fournir à bon compte une vie illusoire à ceux qui ne savent pas quoi faire de la leur. Les livres, au contraire, n'ont de valeur que s'ils mènent à la vie, que s'ils sont utiles, au service de l'existence. Si elle n'éveille pas chez le lecteur une étincelle d'énergie, un soupçon de rajeunissement, un souffle de fraîcheur, toute heure passée à lire est une heure perdue.

Hermann Hesse, Une bibliothèque idéale (Rivages, 2010)

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : auteurs; citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

14/04/2010

Le poème de la semaine

Francis Jammes


J'aime l'âne si doux

marchant le long des houx.


Il prend garde aux abeilles

et bouge ses oreilles;


et il porte les pauvres

et des sacs remplis d'orge.


Il va, près des fossés,

d'un petit pas cassé.


Mon amie le croit bête

parce qu'il est poète.


Il réfléchit toujours.

Ses yeux sont en velours.


Jeune fille au doux coeur,

tu n'as pas sa douceur:


car il est devant Dieu

l'âne doux du ciel bleu.


Et il reste à l'étable,

fatigué, misérable,


ayant bien fatigué

ses pauvres petits pieds.


Il a fait son devoir

du matin jusqu'au soir.


Qu'as-tu fait jeune fille?

Tu as tiré l'aiguille...


Mais l'âne s'est blessé:

la mouche l'a piqué.


Il a tant travaillé

que ça vous fait pitié.


Qu'as-tu mangé petite?

- T'as mangé des cerises.


L'âne n'a pas eu d'orge,

car le maître est trop pauvre.


Il a sucé la corde,

puis a dormi dans l'ombre...


La corde de ton coeur

n'a pas cette douceur.


Il est l'âne si doux

marchant le long des houx.


J'ai le coeur ulcéré:

Ce mot-là te plairait.


Dis-moi donc, machérie,

si je pleure ou je ris?


Va trouver le vieil âne,

et dis-lui que mon âme


est sur les grands chemins,

comme lui le matin.


Demande-lui, chérie,

si je pleure ou je ris?


Je doute qu'il réponde:

Il marchera dans l'ombre,


crevé par la douceur,

sur le chemin en fleurs.

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

 

 


 

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |