27/02/2013
Le poème de la semaine
Jean-Claude Pirotte
Non je n'ai pas trouvé la porteni la fenêtre ni le soupirailni la lucarne ou la chatièreje ne veux rien de tel pas même le foutu filet de lumièrequi se coule sous le voletje tiens à rester dans mon cadreau moins jusqu'à la fin de l'hiver avec ma tête et mon béretmon col marin mon air niaiset puis mon coq en carton-pâteet surtout! l'âge que j'avais. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
01:39 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
20/02/2013
Le poème de la semaine
Anne de Noailles
Ainsi, quand j'aurai dit combien je vous adore,Combien je vous désire et combien je t'attends,Ivresse de l'année, ineffable Printemps,Tu seras plus limpide et plus luisant encoreQue mon rêve volant, éclatant et chantant! Les délicats sureaux et la pervenche blancheMe surprendront ainsi que des yeux inconnus,Les lilas me seront plus vivants et plus nus,Le rosier plus empli du parfum qu'il épanche,Et le gazon plus droit, plus lisse et plus ténu; La juvénile odeur, aiguë, acide, frêle,Des feuillages naissants, tout en vert taffetas,Sera plus évidente à mon vif odoratQue n'est aux dents le goût de la fraise nouvelle,Que n'est le poids charmant des bouquets dans les bras. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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06/02/2013
Le poème de la semaine
Jean Malrieu
merci à Marie-Elisabeth C
A l'usage des humbles, de ceux qui s'aiment,j'écris que la terre est dure,que tout passe, hormis l'amour.J'écris ce que je sais et ce que nous savons,mais que nous avons à mieux connaître pour vivre,que la fougère épouse le houblon,que l'amour n'est jamais malheureux. J'écris à longue haleineparce qu'au bout du souffle il y a le rire à délivrer.J'écris le monde qui sera.Ce n'est pas en un jour qu'il viendra,mais après un long respect, une longue connaissance.J'écris pour assumer le bonheur.Et que m'importe commentsi l'herbe au crépuscule a un langage stellaire.Si je dis que tout est familier,ceux qui s'aiment entrent sans hésiter dans le système des gravitations.M'entendez-vous?La mer est à ma porte et je ne la retiensque par un tout petit peu d'imagination.M'entendez-vous lorsque j'accorde audienceaux grands thèmes de passage? Je me bats avec les éclats de rire, les armes de la jeunesse,avec la centaurée sauvage, la bourrache et le lotier.J'appelle au nom de la santé des près,de la houle des sainfoins, de la sueur des hommes.J'appelle au nom des cheveux de l'aimée,d'une main prise sur l'épaule,d'un avenir commencé à deux.Aves les larmes du plaisir, avec les larmes du désir.J'écris le bonheur sur la table.
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30/01/2013
Le poème de la semaine
Alexandre Voisard
Mon pays d'argile, pays de moissons,Mon pays forgé d'aventure et de brisures,Traversé du sang des éclairs,Voici jaillir du roc ancestralLe miel nouveau, la saison limpide, Le tumulte irrévocable des juments indomptées. Mon pays de cerise et de légende,Rouge d'impatience, blanc de courroux,L'heure est venue de passer entre les flammesEt de grandir à tout jamaisEnsemble sur nos collines réveillées. Mon pays d'argile, ma liberté renaissante, Ma liberté refluante, mon pays infroissable,Mon pays ineffacé, innefaçable,Ivre du bond sans retour et faroucheDe ta liberté nue Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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23/01/2013
Le poème de la semaine
Henri Michaux
Poussant la porte en toi, je suis entréAgir, je viensJe suis làJe te soutiensTu n'es plus à l'abandonTu n'es plus en difficultéFicelles déliées, tes difficultés tombentLe cauchemar d'où tu revins hagarde n'est plusJe t'épauleTu poses avec moiLe pied sur le premier degré de l'escalier sans finQui te porteQui te monteQui t'accomplit Je t'apaiseJe fais des nappes de paix en toiJe fais du bien à l'enfant de ton rêveAffluxAfflux en palmes sur le cercle des images de l'apeuréeAfflux sur les neiges de sa pâleurAfflux sur son âtre... et le feu s'y ranime Agir, je viensTes pensées d'élan sont soutenuesTes pensées d'échec sont affaibliesJ'ai ma force dans ton corps, insinuée...et ton visage, perdant ses rides, est rafraîchiLa maladie ne trouve plus son trajet en toiLa fièvre t'abandonneLa paix des voûtesLa paix des prairies refleurissantesLa paix rentre en toi Au nom du nombre le plus élevé, je t'aideComme une fumerolleS'envole tout le pesant de dessus tes épaules accabléesLes têtes méchantes d'autour de toiObservatrices vipérines des misères des faiblesNe te voient plusNe sont plus Equipage de renfortEn mystère et en ligne profondeComme un sillage sous-marinComme un chant graveJe viensCe chant te prendCe chant te soulèveCe chant est animé de beaucoup de ruisseauxCe chant est nourri par un Niagara calméCe chant est tout entier pour toi Plus de tenaillesPlus d'ombres noiresPlus de craintesIl n'y en a plus traceIl n'y a plus à en avoirOù était peine, est ouateOù était éparpillement, est soudureOù était infection, est sang nouveauOù étaient les verrous est l'océan ouvertL'océan porteur et la plénitude de toiIntacte, comme un œuf d'ivoire. J'ai lavé le visage de ton avenir. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
07:46 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
16/01/2013
Le poème de la semaine
Paul Eluard
Sur mes cahiers d’écolierSur mon pupitre et les arbresSur le sable de neigeJ’écris ton nom Sur toutes les pages luesSur toutes les pages blanchesPierre sang papier ou cendreJ’écris ton nom Sur les images doréesSur les armes des guerriersSur la couronne des roisJ’écris ton nom Sur la jungle et le désertSur les nids sur les genêtsSur l’écho de mon enfanceJ’écris ton nom Sur les merveilles des nuitsSur le pain blanc des journéesSur les saisons fiancéesJ’écris ton nom Sur tous mes chiffons d’azurSur l’étang soleil moisiSur le lac lune vivanteJ’écris ton nom Sur les champs sur l’horizonSur les ailes des oiseauxEt sur le moulin des ombresJ’écris ton nom Sur chaque bouffées d’auroreSur la mer sur les bateauxSur la montagne démenteJ’écris ton nom Sur la mousse des nuagesSur les sueurs de l’orageSur la pluie épaisse et fadeJ’écris ton nom Sur les formes scintillantesSur les cloches des couleursSur la vérité physiqueJ’écris ton nom Sur les sentiers éveillésSur les routes déployéesSur les places qui débordentJ’écris ton nom Sur la lampe qui s’allumeSur la lampe qui s’éteintSur mes raisons réuniesJ’écris ton nom Sur le fruit coupé en deuxDu miroir et de ma chambreSur mon lit coquille videJ’écris ton nom Sur mon chien gourmand et tendreSur ses oreilles dresséesSur sa patte maladroiteJ’écris ton nom Sur le tremplin de ma porteSur les objets familiersSur le flot du feu béniJ’écris ton nom Sur toute chair accordéeSur le front de mes amisSur chaque main qui se tendJ’écris ton nom Sur la vitre des surprisesSur les lèvres attendriesBien au-dessus du silenceJ’écris ton nom Sur mes refuges détruitsSur mes phares écroulésSur les murs de mon ennuiJ’écris ton nom Sur l’absence sans désirSur la solitude nueSur les marches de la mortJ’écris ton nom Sur la santé revenueSur le risque disparuSur l’espoir sans souvenirJ’écris ton nom Et par le pouvoir d’un motJe recommence ma vieJe suis né pour te connaîtrePour te nommerLiberté Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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09/01/2013
Le poème de la semaine
Jean-Michel Maulpoix
Nous sommes les naufragés de la langueD'un pays l'autre nous allons, accrochés aux bois flottés de nos phrasesCe sont les restes d'un ancien navire depuis longtemps fracasséMais le désir nous point encore, tandis que nous dérivonsDe sculpter dans ces planches des statuettes de sirènes aux cheveux bleusEt de chanter toujours avec ces poumons-là:Laissez-nous répéter la merN'intentez point de procès stupide au grand large La mer, accrochée à la merTremble et glisse sur la merSes mouvements de jupe, ses coups d'épaules, ses redondancesEt tout ce bleu qui vient à nous sur les grands aplats de la merNous aimons la manière dont s'en va la barqueSe déhanchant d'une vague à l'autre, dansant son émoi de retrouver la merEt son curieux bruit de grelotQuand la musique se déploie sur l'immense partition de la mer La mer se mêle avec la merMélange ses lacs et ses flaquesSes idées de mouettes et d'écumesSes rêves d'algues et de cormoransAux lourds chrysanthèmes bleus du largeAux myosotis en touffes sur les murs blancs des îlesAux ecchymoses de l'horizon, aux phares éteintsAux songes du ciel impénétrable La mer est un ciel bleu tombéVoici longtemps déjà que le ciel a perdu ses clefs dans la merSous quels soleils désormais nous perdre?Sur quelle épaule poser la fièvre de notre tête humide?Nos rêves sont des pattes d'oiseaux sur le sableDes fragments d'ongles coupés à deux pas de la merNous brûlons sur la plage des monceaux de cadavresPuisque tels sont les mots avec leurs os et leurs fumées Tas de fémurs et de métacarpesBûcher d'herbes odorantes et de poudres qui crépitentC'est un pré sec qui prendrait feu près de la merDe hautes flammes tête baissée sautent parmi les genêtsEt soudain ce buste de femme dressé dans le crépitementOffert à ce furieux amourLançant vers le ciel la longue plainteDe qui s'est calciné le coeur Seul, il avance vers elle, sur le môle de granit étroitEmbarquant vers rien son corps périssableElle la couchée immense qui accourtLançant vers lui ses gerbes et ses juponsLui, le petit homme droit sur la digue avec un crayonCollé contre elle, mais séparéL'un et l'autre, quoique si proches, se perdant de vueL'un contre l'autre se pressant, le coeur mal amarré Le large baigne un peu ce petit corps d'hommeLe bleu le prend dans ses filetsGraine de chair ou pépite d'amour transiTouffe de clarté entre les paumesTachées d'encre profondeLèvres closes par la vagueMuet, n'ayant rien à répondre au largeSans voix dans les dédales de l'eau Pourquoi ne pouvons-nous prendre racine dans la merA la façon des noyés et des algues?Nous porterions sans peine sur nos épaulesLe ciel bleu qui ne se fane pas mais rêve à des couleursEt la laine tiède des écumesEt les fruits vénéneux du largeOù n'a mordu nulle lèvre humaineNous serions de retour dans l'infini jardin Nous ne remplirons pas la mer de nos larmesNous soutiendrons plutôt de nos chants l'effort des tempêtesQui versent sur nos têtes leurs cris et leurs lessivesEt quand nos yeux délavés n'y verront plus rienNous saurons mieux encore ce qu'est la merLes écailles seront tombées qui nous couvrent le coeurEt notre peau nacreuse sera enfin si blancheQue nous ne craindrons plus l'amour fou des sirènes A la santé des cieux du largeDans les calices et les ciboiresNous buvons goulûment la merAucune eau ne nous désaltèreNous avons soif de selNos lèvres sont avidesDans l'eau bleue, c'est toujours dimancheQuand s'agenouillent les poissons d'or. Depuis que le flot nous transporteNous avons pris goût à l'éternitéNous avons de l'eau plein la têteEt des cristaux de sel dans le sangNous nous souvenons mal de nos semblablesDont se fanent les jardinsEt grandissent les enfantsNotre coeur est si bleu. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe sièclesources: http://www.maulpoix.net/naufrages.htm
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02/01/2013
Le poème de la semaine
Nadia Tuéni
Dans nos montagnes il y a des hommes,ce sont des amis de la nuit;leurs yeux brillent du noir des chèvres,leurs gestes raides comme la pluie.Ils ont pour maître l'olivier,simple vieillard aux bras croisés. Eux,leurs mains sont de chardons,leurs poitrines sanctuaires,le ciel tourne autour de leurs fronts,comme un insecte lourd à la chaude saison. Dans nos montagnes il y a des hommes,qui ressemblent au tonnerre,et savent que le mondeest gros comme une pomme. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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19/12/2012
Le poème de la semaine
André Frénaud
Je l'ai proférée en pierres sèches, ma maison, pour que les petits chats y naissent dans ma maison, pour que les souris s'y plaisent dans ma maison. Pour que les pigeons s’y glissent, pour que la mi-heure y mitonne, quand de gros soleils y clignent dans les réduits. Pour que les enfants y jouent avec personne, c'est-à-dire avec le vent chaud, les marronniers. C'est pour cela qu'il n'y a pas de toit sur ma maison, ni de toi ni de moi dans ma maison, ni de captifs, ni de maîtres, ni de raisons, ni de statues, ni de paupières, ni la peur, ni des armes, ni des larmes, ni la religion, ni d'arbres, ni de gros murs, ni rien que pour rire. C'est pour cela qu’elle est si bien bâtie, ma maison. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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05/12/2012
Le poème de la semaine
Pierre-Albert Jourdan
Que l'innocence demeureQu'il lui soit donné de pouvoir se perdredans l'inutilité de ce monde.Qu'elle soit suffisamment fortepour oublier de le clamerQue dans son silence où elle éclaireil n'y ait pas d'obstacle à son silenceQu'elle soulève ce monde laset danse dans sa poussièreQue son sourire de fleur soit à jamaisinscrit sur mes lèvreslorsqu'elles deviendront givreQu'elle soit l'innocence à jamais. Que d'autres puissent s'en saisirqui voudront sauter hors du bourbierQu'elle soit ce que de toujoursl'affirme ce dialogue de terre et de cielà l'écart des chemins imposésQu'elle soit cette folie, suffisamment sourde,receleuse de sourcepour que tant de soifs s'y abreuvent. Amen. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
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