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01/01/2009

Le poème de la semaine

Claudio Montale


Je suis tombé du temps

sur un livre qui traîne,

lentement,

progressivement,

sans laisser de trace.


Je suis tombé en petites flaques,

mal à l'aise,

entre deux lignes de vie,

sans surprise,

dans la pauvreté,

dans l'insuffisance,

étouffé,

chiffonné au fond de moi-même.


Je suis tombé subitement,

sans me presser

pour ne choquer personne.


A chacun son affaire ...


 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

pour C.C.

Le poème de la semaine

Claudio Montale


Un visage,

à l'écorce douce et secrète de l'orange,

comme un soleil qui se laisserait éblouir,

après le fléau gelé des larmes,

après le bois-vert des insultes,

après la misère.


Un visage,

comme un appel au large,

quand l'heure est passée,

que s'est éteinte la lanterne de la comédie

dans le lit défait de l'imagination.


Un visage,

ton visage que j'aime et qui vit en moi,

loin des fouillis,

des entassements de bonne famille,

loin de la neige salie de l'enfance,

loin des asiles.


Un visage,

qui soit la fin des asiles,

comme un sursis éphémère au suicide,

mon suicide,

comme un suicide cent fois remis au lendemain

sur le fil cassé de la rancoeur:

mélodie nocturne d'un coeur désillusionné

qui recommence à croire...


Ton visage,

si près de moi que je ne peux le décrire,

ni chaud, ni froid

et que j'engouffre en moi

jusqu'à la déchirure.


Ton visage,

comme une porte cochère,

comme pour oublier que tout n'est qu'illusion,

pour noyer le petit sécateur malmené des mots,

pour oublier qu'on n'oublie rien du tout.


Ton visage,

toi qui trouves la vie insipide,

la drogue sans histoires,

sur la ligne brisée de mes rêves

tu m'imposes l'image d'une étoile qui meurt.


Ton visage,

merveilleux sans fadeur, 

ingénu sans vulgarité,

ironique mais si tendre

tandis que tu bascules et t'attaches

à l'enfer ralenti de mes lèvres.


Ombre de mon ombre,

visage reconnaissable entre tous les visages

dont je ne sais le nom,

visage contre le mien,

tant de fois caressé jusqu'à l'usure de mes paumes.


Un visage,

ton visage.

 


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

pour C.C.

Le poème de la semaine

Claudio Montale


Mon corps est transparent,

si transparent

que bientôt il y fera jour.

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

pour C.C.

Le poème de la semaine

Claudio Montale


Le visage d'une amoureuse est sans équivalent

Cerné de toutes parts la nuit l'engloutit

L'inconnu ne réveille pas le mensonge

L'unique langage est celui de l'écolier

qui n'en demandait pas tant

Visage survenu dès la fin du jour

L'homme perd son corps il redevient humain


Sur votre front ramures profondes

j'ai senti le poids de l'irréparable

le frémissement de la terre

le fini est inépuisable


Dans l'écrin de vos yeux la mort est une illusion

l'intelligence un fantasme

l'oubli une imposture

Il n'est plus de ténèbres

l'inaccessible s'évanouit

vertiges vertiges ...


Eventail replié vos lèvres se débattaient

entre savoir et devenir

clou rouillé dans la transparence de l'instant

changé en fontaine

Aiguilles du temps et de la volupté

au balancement subtil du roseau

lorsque la marée montante des désirs

vous griffe avec élégance

fleurs profondes ne vous cassez pas

mais épousez le velours noir de mon incrédulité


Mèches de cheveux

aux ondulations allègres du tournesol

qu'une main écorchant votre peau chassa

volez volez doigts agiles

dans ces broderies sans concurrence


Sous le baiser humide et tendre

vous vous êtes raidie fleur étrange

figée traquée sous la morsure en plein midi

Votre cou s'infléchissait

n'exprimant ni oui ni non

lorsque côte à côte nous dérivions

vers le sommeil vers la mort


La chute des feuilles

comme une épingle retournée m'a dit oui

Parfums caresses ou vents

éclats incandescents de l'amour

pourvoyeurs de signes

balbutiements de mémoire


 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

pour M.M.


Le poème de la semaine

Claudio Montale


Verbe de mémoire,

mon ombre sur la terre,

le gouvernail du temps au hasard des intempéries

a démêlé nos liens.


Branches obscures avides de tout,

nos vies ont emprunté un itinéraire différent,

tantôt fondu à la pierre négligée,

tantôt semblable à l'éclair de midi,

impatient et désespéré.


Au seuil du rude hiver,

il a fallu effacer la trace ancienne,

l'écharde blanche

à la dimension de notre impossible amour.


Silence, intériorité en Dieu,

l'ami et l'hôte inattendu. 


Absence scellée

aux blessures apparentes.


Hors de toi,

le temps s'est raréfié.


A l'épreuve des vents contraires

je n'ai pas fui l'allégresse

des matins réinventés;

mais pourquoi l'ancolie solitaire

- malgré les mains tendues, amies -

ne s'est-elle ouverte, en larmes,

qu'aux restes de notre incomparable union?


Etoile de sang

qu'un pluriel nourrit sous le givre.


Et toi

- ma raison de vivre et de durer -

dans quels miroirs t'es-tu multipliée?

Et quels horizons 

aux signes témaires

ont parcouru ta plaie?


Oiseau vulnérable au profil trop offert,

n'as-tu trouvé de prise sur aucun nid?


Parfois, lumineuse,

l'accalmie des heures communes:

fragments de ta présence aimante,

insoumise, désemparée,

à l'éphémère inondant ma vigne.


Apogée de joie

dans nos yeux et nos rires confondus;

apogée de souffrance

dans le non-dit et le ciel limité.


Nous sommes très proches,

disais-tu:

petit coeur qui ne bat plus,

corps froid ne recueillant que les cendres

de mon être dissous...


Douleur vibrante

au présent consterné.


Rose tardive sollicitant sa tige,

suis-je aujourd'hui, enfin,

à la terre rendu

- difficile apprentissage

des clartés définitives -

quand le pire 

n'est point de vouloir mourir,

mais de si peu tenir à vivre?


J'acquiesce et me tais.

L'espace tremble, il mesure mon pas,

et ton ombre s'étend.


A sa douceur hospitalière,

je m'abandonne

comme la graine austère

qui demande à reposer

au coeur de ce qu'elle aime.


Ligne meurtrie où s'inscrit mon souffle

en s'inclinant vers toi.

 

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

pour C.C.

18/10/2008

In memoriam

Albertine Sarrazin.jpgUne curiosité à (re-) découvrir

Disparue prématurément en 1967, à trente ans à peine, alors que la vie semblait enfin lui sourire, Albertine Sarrazin laisse derrière elle trois livres essentiels: « L’astragale », « La cavale » et « La traversière » dont seul le premier est encore disponible en librairie. Quelle tristesse … car cette enfant de l’assistance publique, mal aimée et révoltée deviendra un écrivain – un vrai, un grand - en prison où elle séjournera pendant huit ans pour braquage à main armée, prostitution et vol. Ses écrits sont autant de cris de révolte contre une société lâche ou hypocrite et un témoignage sans concession sur le milieu carcéral. Son style unique, instinctif, d’une beauté ténébreuse, alliant la crudité du langage à la tension émotionnelle de sa fragilité intérieure, n’a pas pris une ride. Sa rage de vivre couchée sur papier mérite bien mieux aujourd’hui que d’habiller la poussière d’une obscure bibliothèque de province. Lisez donc « L’astragale » et croyez-moi, certaines de vos lectures récentes prendront « un méchant coup de vieux », tout à coup …

Albertine Sarrazin, L'astragale (Pauvert, 2001)

17:57 Écrit par Claude Amstutz dans Albertine Sarrazin, In memoriam, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

15/09/2008

Gérald Tenenbaum

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Gérald Tenenbaum, L'ordre des jours (Héloïse d'Ormesson, 2008)

Nous sommes en 1946. Solange attend le retour de son Max, compagnon de ce dernier et fait la connaissance de Simon, lui aussi fils de déportés. Sur la trace des bourreaux dont nous suivons l’évolution implacable et les révélations, dans un suspense oppressant au dénouement inattendu – pour savoir ou se venger ? – ils apprendront qu’à leur soif de vérité pour la paix des âmes répond un prix lourd à payer. Une belle écriture pour dire la folie ordinaire des hommes.

20:12 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

15/05/2008

Stéphane Hoffmann

9782226186461.gifStéphane Hoffmann, Des garçons qui tremblent (Albin Michel, 2008)

Dans cette suite à Des filles qui dansent (chez le même éditeur) nous retrouvons Jérôme et Camille, l’amour de sa vie. Moins comédie sentimentale que le volume précédent, sa couleur émotionnelle est plus sombre, la peinture sociale plus crue, cynique parfois, sans concessions. Mais nous suivons toujours avec autant de plaisir nos héros, terriblement naïfs, insoumis et attachants ! Le dénouement de leur histoire peut surprendre...

16:22 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

01/05/2008

Stéphane Hoffmann

9782226177018.gifStéphane Hoffmann, Des filles qui dansnt (Albin Michel, 2007)

Lecture de plage ou de vacances en général ? Pas si sûr, car si le ton de ce roman est léger, la description des situations, des protagonistes ou des classes sociales est plutôt acide, voire désabusée. Mais le personnage de Jérôme, gauche, rebelle, fin observateur de ce monde plat qui l’entoure, confère à ce récit une note indiscutablement sympathique.

09:41 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/02/2008

Katherine Pancol

9782226182319.gifKatherine Pancol, La valse lente des tortues (Albin Michel, 2008)

 

Vous éprouvez un moment de découragement, votre quotidien est gris, votre avenir professionnel inconsistant, vos relations personnelles banales ou ternes ? Alors, n’hésitez pas une seconde : Lisez La valse lente des tortues, une lecture tonique, généreuse, bouillonnante qui fait du bien au moral ! Vous y retrouverez la libre, timide et attachante Joséphine de Les yeux jaunes des crocodiles (chez le même éditeur) qui a quitté Courbevoie pour Passy après le succès de son livre, observatrice et témoin de ses nouveaux voisins, attentive à ce grand amour qui s’obstine à demeurer absent. Ce roman n’est pas seulement la suite du précédent, car Katherine Pancol s’amuse avec ses personnages – et ses lecteurs ! – et ne nous ménage pas les surprises : Du bonheur progressif de Joséphine au destin désespéré de sa sœur Iris, de sa fille Zoé qui connaît les premiers émois amoureux à Hortense – l’aînée – qui ambitionne une carrière de styliste à Londres, cette histoire est aussi parsemée de … meurtres (mais oui !) avec des séducteurs redoutables ou des personnages austères aux comportements trompeurs. Même le surnaturel, avec Junior, le fils de Marcel et de Josiane, fait une brève incursion dans le récit. Bref, dans cette comédie humaine aux chemins de traverse proches de la vraie vie, vous ne vous ennuierez pas une seconde et attendrez impatiemment … la suite !

22:18 Écrit par Claude Amstutz dans Katherine Pancol, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |