Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/02/2010

Maurice Chappaz

Bloc-Notes, 28 février / Les Saules

480201706.JPG

Le 15 janvier 2009, Maurice Chappaz rejoignait le paradis des poètes, non sans nous laisser - outre Le chant de la Grande Dixence, Les maquereaux des cimes blanches, Le portrait des valaisans, La pipe qui prie et qui fume - un écrit qu'on peut qualifier de testamentaire, Le roman de la Petite Fille. Hommage à sa seconde épouse Michène dont il souhaitait retracer l'enfance et l'histoire de sa famille, ce texte inachevé devait comporter deux parties constituées de cinq chapitres, mais le manuscrit s'achève à la mort de l'auteur, au troisième chapitre de la seconde partie.

Illustré par les coquillages de Gérard de Palézieux, ce récit est bien plus que l'évocation de Michène - dont il nous dit qu'elle a épousé l'écriture sans être écrivain - car son regard vif et malicieux embrase un passé porteur de reconnaissance, un présent réconcilié avec la terre qui lui donne un sens, un avenir sur lequel il s'interroge avec douceur, avec confiance.

Bien sûr, au moment d'entrer dans l'autre monde, les affres de la vieillesse ou de la maladie le préoccupent. La mort est omniprésente à cet écrit, mais imbriquée dans la vie, l'une étant la face cachée de l'autre, une fulgurence, un reflet, une résurrection. Je dis ma disparition (...) Voici une heure que je rédige des lettres à des camarades dans l'existence. Sur une enveloppe j'écris le nom d'un ami qui dort au cimetière. Pour un peu je mettrais l'adresse du cimetière. Ce qu'on fait avec plus d'intelligence quand on prie.

Ailleurs, il note: Parce qu'il sait qu'il va mourir bientôt, sans mettre de temps sur ce "bientôt", le vieil homme se sent le coeur serré et ouvert, avec une sorte de joyeux espoir. Pour rien au monde on ne voudrait ne pas mourir. On entre enfin dans la vie contemplative qui est l'aventure des aventures: choisir ce qui se cache dans la mort elle-même. Et qui nous fait deviner l'incessante beauté du monde et nous associe à la nature, laquelle attend son heure.

Si ce que nous partage Maurice Chappaz nous parle - la présence des morts, leur griffe sur les événements de notre vie - alors, pour sûr, il demeure parmi nous, en sourire et en écriture. Il est là, tout près et nous accompagne, si nous avons la patience de l'entendre comme les feuilles des arbres qui s'envolent, comme un ange qui passe ...

Maurice Chappaz, Le roman de la Petite Fille (Fata Morgana, 2009)

13:16 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse, Maurice Chappaz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: récit; livresé | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/02/2010

Martha Argerich - 1b

Martha Argerich

Voici deux illustrations de l'art exceptionnel de ma pianiste préférée!


 

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Franz Liszt, Frédéric Chopin, Martha Argerich, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |

Martha Argerich - 1a

Bloc-Notes, 25 février /Les Saules

9782283023464.gif

La coïncidence veut que dans la même semaine, il soit par deux fois question de musique. Ainsi, après l'évocation du pianiste et chef d'orchestre Daniel Barenboim, c'est au tour de Martha Argerich d'habiller de toutes ses couleurs ce bloc-notes, actualité oblige, car vient de paraître une biographie qui lui est consacrée, sous la plume d'Olivier Bellamy.

On y apprend à mieux cerner l'intimité de cette forte personnalité dont la vie ne ressemble pourtant pas à un long fleuve tranquille, aussi rebelle, atypique ou imprévisible que ces légendes vivantes qui l'ont fascinée, tant dans sa vie que dans son art de l'interprétation: Friedrich Gulda, Nikita Magaloff, Arturo Benedetti Michelangeli, Charles Dutoit, Stephen Kovacevich, parmi d'autres. Vouée corps et âme à la musique, on y découvre aussi son aide aux jeunes talents, ses engagements, son besoin d'indépendance, son horreur de l'artificiel qui a rencontré un si vibrant écho auprès de Jacqueline Du Pré, l'inoubliable violoncelliste, épouse de Daniel Barenboim.

Truffée de repères et d'anecdotes qui ressemblent souvent à un feu d'artifice, cette biographie se lit comme un roman et nous fait survoler un demi-siècle d'histoire de la musique, avec une indiscutable nostalgie!

Si vous n'avez jamais entendu Martha Argerich, prenez le temps d'écouter ses enregistrements de Franz Liszt, de Frédéric Chopin, de Robert Schumann ou de Serge Prokofiev, qui comptent parmi les plus beaux de tous les temps.

Olivier Bellamy, Martha Argerich - L'enfant et les sortilèges (Buchet-Chastel, 2010)

24/02/2010

Le poème de la semaine

Jacques Prévert

 

Pour faire le portrait d'un oiseau


Peindre d'abord une cage

avec une porte ouverte

peindre ensuite

quelque chose de joli

quelque chose de simple

quelque chose de beau

quelque chose d'utile

pour l'oiseau

placer ensuite la toile contre un arbre

dans un jardin

dans un bois

ou dans une forêt

se cacher derrière l'arbre

sans rien dire

sans bouger ...


Parfois l'oiseau arrive vite

mais il peut aussi bien mettre de longues années

avant de se décider


Ne pas se décourager

attendre

attendre s'il le faut pendant des années

la vitesse ou la lenteur de l'arrivée de l'oiseau

n'ayant aucun rapport

avec la réussite du tableau


Quand l'oiseau arrive

s'il arrive

observer le plus profond silence

attendre que l'oiseau entre dans la cage

et quand il est entré

fermer doucement la porte avec le pinceau

puis

effacer un à un tous les barreaux

en ayant soin de ne toucher aucune des plumes de l'oiseau


Faire ensuite le portrait de l'arbre

en choisissant la plus belle de ses branches

pour l'oiseau

peindre aussi le vert feuillage et la fraîcheur du vent

la poussière du soleil

et le bruit des bêtes de l'herbe dans la chaleur de l'été

et puis attendre que l'oiseau se décide à chanter


Si l'oiseau ne chante pas

c'est mauvais signe

signe que le tableau est mauvais

mais s'il chante c'est bon signe

signe que vous pouvez signer


Alors vous arrachez tout doucement

une des plumes de l'oiseau

et vous écrivez votre nom dans un coin du tableau


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

10:22 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

22/02/2010

Daniel Barenboim - 1b

Daniel Barenboim

Un entretien passionnant consacré par la BBC à la crise du Moyen-Orient, réalisé en 2008, malheureusement en langue anglaise, sans sous-titres...


06:15 Écrit par Claude Amstutz dans Daniel Barenboim, Documents et témoignages, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; musique; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Daniel Barenboim - 1a

9782213636597.gifDaniel Barenboim, La musique éveille le temps (Fayard, 2008)

Qui ne connaît ce magicien du piano et de la direction d’orchestre, ou ses engagements pour le rapprochement des peuples, de la chute du mur de Berlin à Ramallah ? À travers divers textes ou interviews, il s’attarde sur ses convictions d’homme et de musicien. Les chapitres consacrés à son ami Edward Saïd, aux controverses à propos de Richard Wagner, aux vingt-quatre heures pour changer le monde en Israël, forcent le respect ou l’admiration. Une interrogation pleine d’espérance, mais lucide sur le monde d’aujourd’hui.

20/02/2010

Carlos Liscano

Bloc-Notes, 20 février / Les Saules

images.jpeg

Carlos Liscano ne figure pas parmi les auteurs sud-américains les plus connus et c’est bien dommage, car cet écrivain uruguayen qui a connu treize années de captivité à la suite de son arrestation à Montevideo par le régime militaire en 1972, doit à sa réclusion une immersion dans la littérature qui lui confère un style tout à fait unique, quelque part entre Louis-Ferdinand Céline et Dino Buzzati : Romans, nouvelles, récits, poésie et théâtre.

En France ont paru La route d’Ithaque en 2005 (Belfond et coll. 10/18), Le rapporteur et autres nouvelles en 2005 (coll. 10/18) Le fourgon des fous en 2006 (Belfond et coll. 10/18), L’impunité des bourreaux en 2007 (Bourin) et son chef d’œuvre à ce jour, Souvenirs de la guerre récente en 2007 (Belfond et coll. 10/18).

Il nous revient aujourd’hui avec un essai, L’écrivain et l’autre. Dans ce dernier, en proie à la paralysie de la plume, à l’impossibilité de donner corps à un nouveau roman, Carlos Liscano s’interroge sur le métier d’écrivain, son lien à la littérature, de même que son rapport à la liberté, à la vie réelle, à la solitude, à la création.

De l’écriture, il nous dit qu'elle est : Une petite goutte à peine tombée du compte-gouttes. La faire couler, la pousser avec la pointe de la plume. Trouver une forme qui rappelle quelque chose, un visage, une situation. Puis la perdre parce qu’une autre ligne la traverse. Et repartir à la recherche, essayer à nouveau de trouver dans le noir sur le blanc autre chose que le hasard ou l’ennui.

Plus loin, sur le métier, il ajoute : Nous, les petits écrivains, nous savons que nous avons les mêmes inquiétudes et les mêmes souffrances que les grands. Cela ne fera pas de nous des grands, jamais. Mais nous ne pouvons que le reconnaître et continuer.

Même chez nous autres, qui nous essayons - maladroitement la plupart du temps - à la correspondance, aux papiers d’opinion ou aux passions partagées, le miroir qui nous est tendu prête à réfléchir : Ecrire sur l’écrivain et sur la littérature, est-ce de la littérature ? Ce n’est peut-être qu’un prétexte, raconter pour se raconter. Parce que c’est aussi de cette façon qu’on peut prétendre à devenir un autre, qu’on peut prétendre à dire : Je suis là, j’essaie de raconter la seule chose qui ait vraiment du sens, à savoir le combat contre la mort, le désir ardent de tout voir avant de disparaître, de laisser un témoignage de ce que j’ai vu.

L’écrivain et l’autre respire d’une sincérité, d’une recherche, d’une lucidité dont bien des auteurs actuels – francophones, surtout ! – enfermés dans un système d’écriture ou une construction littéraire privée de sens, pourraient s'inspirer, eux qui n’ont bien souvent plus rien à nous dire. Ce qu’on pourrait désigner comme le mensonge en littérature, à soi-même pour commencer, envers le lecteur ensuite...

A Carlos Liscano revient le mot de la fin : Tout récemment, j’ai de nouveau lu par plaisir. Je sens que c’est là que se trouve tout ce dont j’ai besoin pour vivre. Je commence à comprendre pourquoi je ne peux plus écrire : je n’ai plus rien à dire, mais autrefois je pensais que si. Aujourd’hui, je ne le pense même plus.

Un grand monsieur, ne le pensez-vous pas?

Carlos Liscano, L'écrivain et l'autre (Belfond, 2010)

publié dans Le Passe Muraille no 82 - juin 2010

00:06 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Le Passe Muraille, Littérature étrangère, Littérature sud-américaine | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

17/02/2010

Le poème de la semaine

Alexandre Voisard


Passé mille ans d'errance,

me voici revenu au pays que je n'ai jamais quitté.


Voici la contrée que je ne quitterai plus,

la plaine autrefois parcourue que je retrouve

sans l'avoir à aucun instant perdue.


Voici mon pays tremblant

que j'emporterai vers le secret de l'aube,

mon étendue matinale

qui ne sommeille bien qu'entre mes bras.


Je te retrouve, mon aire chaude

traversée d'odeurs de noix et du bruissement des feuilles.

Tu es semblable à la forêt

où je retourne en sommeillant,

tu es la rivière qui ne cesse de recourir à son enfance.


Mon pays de fougère qui habite ma main

comme une horloge endormie.

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

01:00 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

15/02/2010

Editions Le Cadratin, Vevey (Suisse)

Bloc-Notes, 15 février / Les Saules

shapeimage_4.jpg

Certains éditeurs font un travail absolument merveilleux, même s'il est bien difficile de trouver leurs ouvrages en librairie. Le Cadratin est un atelier traditionnel de typographie, de création établi sur les quais de Vevey. Son éditeur apprécie les beaux papiers et ses travaux sont réalisés de façon artisanale, par pure passion pour cet art ancien, sans contrainte de productivité. Ses ouvrages sont pour la plupart limités dans leur tirage et numérotés.

L'atelier - nous confie Jean-Renaud Dagon - comprend les rangs, tous en bois, garnis de nombreuses casses contenant les diverses polices de caractères en plomb ou en bois, et de casseaux renfermant filets en laiton ou cadres et motifs décoratifs en plomb. Les lingotiers, quant à eux, contiennent lingots et interlignes. Les outils du compositeur sont le composteur, le typomètre, les pinces et la galée. Pour l'impression, il utilise des Heidelberg à platine ou à cylindre des années 1950 et une Phoenix, presse à pédale datant de 1911.

Parmi les fleurons du Cadratin, je vous en cite quelques-uns, dont la qualité des textes rime avec la beauté, la sensualité, la lumière qui se dégagent de l'objet réalisé: Chez Marcel Imsand de Philippe Dubath, Ta belle mort de Nancy Huston, La chiffonière de Maryse Renard, Valais-Tibet de Maurice Chappaz, sans oublier deux classiques: La mouche de William Blake et Voyelles d'Arthur Rimbaud.

Si vous passez par l'attachante ville de Vevey où il fait si bon vivre, ne manquez pas de visiter ce lieu magique qui enchantera les amoureux du livre que vous êtes. Un coin du voile est levé sur le site Internet de l'éditeur dont le lien permanent est intégré à ce blog.

Si vous le consultez, vous serez agréablement surpris par les prix raisonnables de ses livres qui tiennent allègrement la comparaison avec les grands éditeurs parisiens dont la qualité de papier, la typographie ou l'orthographe pour certains - malgré 30 € ou davantage - voisine le 20 minutes... hélas!

http://www.lecadratin.ch

06:17 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Maurice Chappaz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bloc-notes; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

12/02/2010

Noëlle Revaz - Efina 2

Noëlle Revaz, Efina (Gallimard, 2009)

07:07 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse, Noëlle Revaz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |