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27/07/2013

Ramon Gomez de la Serna

Bloc-Notes, 27 juillet / Les Saules

littérature; pensées; livres

Je vous ai déjà présenté dans ces colonnes Ramon Gomez de la Serna, en deux extraits - voir Morceaux choisis - tirés de ses Lettres aux hirondelles et à moi-même. Aujourd'hui, avec autant de plaisir, je vous propose Greguerias de ce même auteur, dont la démarche singulière mérite que je cite l'introduction: Dans l'immense production littéraire de Ramon Gomez de la Serna, la "gregueria" est un genre qu'il n'a cessé de cultiver. De 1910 à 1962, les "greguerias" seront publiées dans la presse, citées dans d'autres livres, maintes fois réunies, inédites pour certaines; elles sont de véritables petits chefs-d'oeuvre, des notations délicates, de purs joyaux ciselés dans le laboratoire génial de l'auteur. La "gregueria" est née vers 1910, explique-t-il, un jour de fatigue et de scepticisme où je pris tous les ingrédients qui se trouvaient dans mon laboratoire, flacon après flacon, et les mélangeai. De leur précipité, de leur dissolution radicale, surgit la "gregueria", qui est humour, métaphore ou encore l'urne de mes cendres quotidiennes, un oeillet sur le mur.

Ci-dessous, voici donc, parmi plusieurs centaines d'autres, quelques perles de ces Greguerias:

La lune est un petit miroir impertinent avec lequel la voisine facétieuse renvoie le soleil dans les yeux de son voisin accoudé au balcon. (p. 15)
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Lorsqu'une étoile tombe, on dirait que le ciel a filé ses bas. (p. 20)
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Les bancs publics sont les portées musicales des initiales de l'amour. (p. 22) 
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L'hirondelle est une flèche mystique à la recherche d'un coeur. (p.23)
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La chenille est le plus petit chemin de fer du monde. (p. 24)
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Qu'est-ce qu'une illusion? Un soupir de la fantaisie. (p.24)
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La vie, c'est se dire adieu dans un miroir. (p. 34)
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Les feuilles mortes sont les billets de loterie offerts par l'automne. (p. 38)
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L'horloge est le médaillon du temps. (p. 44)
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L'eau n'a pas de mémoire, c'est pour cela qu'elle est si propre. (p. 50)
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L'arc-en-ciel est l'écharpe du ciel. (p. 50)
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La girafe est un périscope pour scruter l'horizon du désert. (p. 50)
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Grâce aux gouttes de rosée, la fleur a des yeux pour voir la beauté du ciel. (p. 51)
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Les grêlons sont des grains de riz lancés pour célébrer les noces de l'été. (p. 53)
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L'ennui est un baiser donné à la mort. (p. 54)
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Il ne faut pas dire la vérité toute nue. Il faut au moins la couvrir d'un voile léger. (p. 58)
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Le rêve est un dépôt d'objets perdus. (p. 67)
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L'archet du violon a les cheveux blancs de l'expérience. (p. 68)
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La queue de l'écureuil est un plumeau avec lequel il nettoie l'endroit où il s'assied. (p. 69)
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C'est dans la vague que se trouve le miroir des abîmes. (p. 72)
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Le hibou est la lampe de chevet du bois. (p. 74)
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La plus élégante du bal s'était fait une robe dans cette dentelle que tisse sur le sol l'ombre des arbres. (p. 74)
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L'éléphant est la gigantesque théière de la forêt. (p. 75)
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La mer passe son temps à doucher la terre pour essayer de lui faire entendre raison. (p. 80)
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L'hélice est le trèfle de la vitesse. (p. 82)
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Lorsque le marteau perd la tête, les clous éclatent de rire. (p. 82)
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Au petit matin, l'aube glisse une pièce dans la cage de l'oiseau pour qu'il commence à chanter. (p. 84)
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La femme qui dans son mouchoir se taille un chemisier est d'une grande frivolité. (p. 89)
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L'ombre est le vivant écrin de la silhouette. (p. 98)
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Les touches noires du piano portent le deuil des pianistes disparus. (p. 127)
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Les chardons sont les croque-mitaines des marguerites. (p. 146)
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Il est des femmes qui croient que la seule chose importante chez elles est ce rien d'ombre qui ourle leur décolleté. (p. 148) 

Des pirouettes qui font la part belle à l'imagination, à la poésie, à l'humour, servies par le regard pénétrant et tout en finesse de Ramon Gomez de la Serna, qui ne ressemble à celui de personne...

Ramon Gomez de la Serna, Greguerias (Cent Pages, 2005)

traduit de l'espagnol par Jean-François Carcelen et Georges Tyras

préface de Valery Larbaud

Ramon Gomez de la Serna, Lettres aux hirondelles et à moi-même (André Dimanche, 2006)

traduit de l'espagnol par Jacques Ancet

04:07 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature espagnole, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; pensées; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |