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11/06/2013

Vendanges tardives - Des nuages

Un abécédaire: N comme Nuages

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Ce qui suscite mon étonnement et ma curiosité de presque tous les jours me vient de ce qu'aucun matin ne ressemble à un autre, tels ces nuages suspendus entre ciel et terre, tantôt semblables à des flocons épars se jouant de la lumière et des ombres, tantôt pareils à la barbapapa de mon enfance dansant au-dessus de nos têtes débarrassées pour un temps de leur trouble dans un silence assourdissant. Les oiseaux seuls s'en amusent et me défient de leurs ailes: naturelles et désinvoltes au plus profond de l'espace infini forgeant les rêves en devenir, la transparence des choses, les controverses...

Me reviennent alors en mémoire les vers de Philippe Jaccottet: A la fin d'une journée qui a été très chaude, alors que le soleil est encore haut dans le ciel, celui-ci s'assombrit rapidement à l'ouest, en même temps que se lève avec soudaineté un vent violent. (...) Ils avancent très vite, mais avec une espèce de majesté, d'ailleurs rapidement entamée. On ne sait trop à quoi les comparer pour rendre compte de l'émotion qu'ils vous donnent, vaguement enthousiaste; comme on en éprouve, serait-ce à son corps défendant, devant n'importe quel cortège. Peut-être à des montagnes légères, instables, déracinées, désamarrées; ou à des troupeaux dociles aux cris du vent, se bousculant, fuyant on ne sait quoi. A moins qu'il ne faille voir en eux, plutôt, des inventions du vent, variées, souples, mobiles, une des façons qu'il a trouvées, invisible, de se montrer, à partir de l'humide que la terre exhale.

Alors, comme un fil qui n'en finit pas d'être tiré, je pourrais te parler des nuages vus par Charles Baudelaire, Jean Moréas, Louise Ackermann ou Léon Dierx - ce sera pour une autre fois - mais le texte de Philippe Jaccottet me renvoie plutôt, par ricochets, à celui d'un autre helvète, Jean-Louis Kuffer, qui me sourit aujourd'hui: La beauté est partout et souvent, ce qu’on dit de la beauté cache la beauté, tu vois ce que je veux dire? Un rayon de soleil sur un container tagué, au matin du merle, la vieille qui murmure les airs de "La Traviata" dans le métro, l’adolescent amoureux, tous les clichés que tu relaves à l’eau pure, l’enfant qui dort, les petits cailloux de la marelle des mots d’Enfer à Paradis, enfin tu vois ce que je veux dire…

Et ce soir, Fred, comme dans la pièce de Samuel Beckett, en savourant ma cigarette et un pichet de Dôle partagé en terrasse avec toi, je pourrai dire, la mine réjouie: Quel beau jour encore... pour moi... ça aura été... jusqu'ici...

Philippe Jaccottet, Nuages (Fata Morgana, 2002)

Jean-Louis Kuffer, La beauté au vol, 2013 (facebook.com)

Samuel Beckett, Oh les beaux jours (Minuit, 1960)

image: Ciel de printemps, Vésenaz / Suisse (2013)

10/05/2013

Vendanges tardives - De la mesure

Un abécédaire: M comme mesure

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pour Charline K

Jamais je n'aurais imaginé me retrouver - surtout une veille de la fête de l'Ascension! - dans un box des urgences de l'Hôpital Cantonal, avec un blouse bleue et blanche et des tuyaux reliés à toutes les parties du corps, comme Victor Newman dans Les feux de l'amour. Et, tandis que je mesurais le temps qui s'étire, ponctué ça et là par le son aigu de l'échocardiographe signalant un dérapage, me venaient à l'esprit des pensées plutôt légères, malgré le lieu, malgré ce moment suspendu où j'étais encore incapable de savoir, si cette fois-ci en ce qui me concerne, le fil tendu entre le commencement de toutes choses et la fin de ces dernières dans l'ordre du monde, n'était pas sur le point de se rompre, comme il se doit, un jour ou l'autre.

Je me suis ainsi souvenu de ma mère qui me raconta que, lors de son premier infarctus, elle se voyait dans une vallée verdoyante et reposante, tandis qu'elle se remémorait les paroles du Psaume 22Sur des prés d'herbe fraîche, Il me fait reposer. Il me mène vers les eaux tranquilles... Et elle se répétait pour elle-même: Eh bien non, je ne veux pas y aller! Elle ouvrit alors les yeux, se vit en salle de réanimation et esquissa un sourire. Le voyage était interrompu.

Et - tu connais mon côté farceur - j'ai aussi pensé à Woody AllenCe n'est pas que j'ai peur de mourir, je veux juste ne pas être là quand ça arrivera. Puis à Francis BlancheVienne la nuit, sonne l'heure, Des gens s'amusent, d'autres meurent.

Mais à toi, Fred, je peux bien le dire: alors que sur le départ - sans diagnostic critique ni séquelles inquiétantes - je restituais mes habits de cérémonie et le sac en plastique contenant mes effets personnels, malgré le légendaire contrôle de mes émotions en public, toute trace d'humour m'avait quitté et derrière cette absence de frivolité, quelle digue s'était donc rompue? Tu voudrais bien le savoir, mais entre hommes - pudeur, refoulement, absence d'abandon? - il m'est bien difficile de satisfaire ta curiosité!

Je vais plutôt téléphoner à notre amie Laurence qui te racontera - si le coeur lui en dit - ces éclats de ténèbres et de lumières qui somme toute, dans un désordre trompeur, célèbrent la vie: si précieuse, si incertaine...

Francis Blanche, Les pensées (Cherche Midi, 2011)

Woody Allen, Dieu Shakespeare et moi (coll. Points Virgule/Seuil, 2001)

image: Melody Thomas Scott et Eric Braeden dans: The Young and the Restless / Les feux de l'amour (globaltv.com)

04/05/2013

Vendanges tardives - De la laïcité

Un abécédaire: L comme Laïcité

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Ta cousine Véronique a le don de m'agacer au plus haut point, quand elle s'engage sur ce sujet avec la ferveur qu'on lui connaît, ne supportant pas la moindre des contradictions ou d'opinions contraires aux siennes. Aurait-elle oublié ce qu'est à l'origine la laïcité, soit la séparation de l'Etat et de la religion, ou mieux encore: l'impartialité de l'Etat à l'égard des confessions religieuses. Ce que j'approuve - sans elle, pas de démocratie - quelle que soit la croyance envisagée.

Mais comme souvent, l'amalgame prête à toutes les dérives - verbales, institutionnelles, sociétales - parmi lesquelles pointe dans son cas le gommage obligé de toute référence religieuse: un point sensible dans l'éducation familiale et scolaire, par exemple. Et là, mon objection à ce rétrecissement de l'esprit ne se mue pas en propagande de l'enseignement ecclésiastique, ni en apologie d'une vérité avec Dieu contre une autre sans lui. Non, pas du tout, mais admets que pour appréhender au mieux les comportements humains, les soubresauts de l'histoire, les multiples ébauches de la pensée, la connaissance religieuse prolonge - parmi bien d'autres sources, indispensables elles aussi - tes facultés de discernement, ta compréhension de la terre, des arts, des hommes.

Et là, pas moyen de discuter sereinement avec ta cousine! Inutile de lui expliquer que ses revendications intransigeantes et idèologiques au nom de la liberté d'expression - qui, hélas, a si souvent été étouffée par le pouvoir religieux - n'aboutissent qu'à reproduire les erreurs du passé et caricaturer l'avenir; que le droit à la différence suppose un dialogue ouvert et respectueux, autour duquel peuvent se construire une esquisse de tolérance, de justice, de bienveillance: le contraire de l'ironie, du blasphème ou de la dérision, en permanence.

Tu souris? Oui, je sais Fred, il faut user de patience et de retenue avec Véronique: chez elle, il est vrai, toute forme d'appartenance ou de manifestation identitaire est devenue, au quotidien, un acte politique, cet incidieux cancer qui gangrène toute la beauté possible du monde... 

image: Amala Dianor Dance Company, Crossroads (http://emilerabate.wordpress.com)

00:28 Écrit par Claude Amstutz dans Le monde comme il va, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : danse; philosophie | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/04/2013

Vendanges tardives - De Kurosawa

Un abécédaire: K comme Kurosawa

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Pour en revenir, Fred, à notre discussion de la nuit dernière, à propos du fossé qui se creuse entre les pauvres et les riches, n'importe où, sur tous les continents, je te propose ce soir - pour clore provisoirement le débat - d'aller au cinéma. Tu aimes, je le sais, autant que moi, les films de Akira Kurosawa, mais celui-ci, Entre le ciel et l'enfer - High and Low, en version anglaise - il se peut que tu n'en aies jamais entendu parler, moins célèbre que Les sept SamouraïsRashomon, Sanjuro, YohimboLa forteresse cachée, Le château de l'araignéeL'idiot, Vivre ou encore Dodes'kaden.

Réalisé en 1963, Entre le ciel et l'enfer est tiré - qui l'eut cru? - d'un thriller de Ed McBain, Rançon sur un thème mineur, librement adapté au cinéma par Akira Kurosawa. L'histoire? Celle de Gondo, chef d'entreprise prospère dans le commerce de la chaussure, habitant un quartier privilégié de Tokyo qui, un jour, reçoit à son bureau un coup de fil lui réclamant une rançon, s'il veut retrouver son fils vivant. Or, il s'avère que l'enfant enlevé est le fils de son chauffeur, non le sien. Et la demande de Takeuchi - le kidnappeur - demeure néanmoins inchangée. Que va-t-il décider? S'il paie, il sera ruiné!

Progressivement, tandis que la police s'efforce de retrouver la trace de l'argent, le spectateur quitte l'univers de l'air conditionné, des hommes d'affaires cyniques, de l'horizon propre et lisse qui baigne la demeure de Gondo, pour rejoindre un monde qui était jusqu'alors totalement occulté: celui des bas-fonds, de la prostitution, de la drogue et de la précarité.

Ainsi se justifie le titre du film, Entre le ciel et l'enfer, à travers cette lente et terrifiante confrontation de deux sociétés, dans la dernière partie du film - magistrale, l'un des points culminants dans l'oeuvre du maître - sur lesquels est posé le regard scrutateur et compatissant de Kurosawa, comme s'il semblait te dire qu'entre un Gondo qui, au début de l'histoire tout au moins, accepte le système, et Takeuchi qui se révolte contre lui, la frontière est mince, de même qu'entre le bien et le mal, la réussite et l'échec de ces deux hommes qui, va savoir, sont peut-être les deux faces de tout être humain.

Et de même qu'aujourd'hui, si Gondo aura appris quelque chose par cette terrible épreuve, Kurosawa, non sans ironie, laisse entendre que le ciel et l'enfer restent ce qu'ils sont - pour tous les autres - et qu'il n'y a pas de réponse satisfaisante à cette fracture de la nature humaine qui, dans ce film, entraîne chez le spectateur une sympathie pour Takeuchi qu'un Dostoïevski n'aurait pas désavouée... 

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Akira Kurosawa, Entre le ciel et l'enfer (1963)

avec Toshiro Mifune, Tatsuya Nakadai, Kyōko Kagawa, Tatsuya Mihashi, Isao Kimura, Kenjiro Ishiyama, Takeshi Katōo, Takashi Shimura et Tsutomu Yamazaki

Musique: Masaru Satô

00:15 Écrit par Claude Amstutz dans Films inoubliables, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma | |  Imprimer |  Facebook | | |

18/04/2013

Vendanges tardives - Du jardinier

Un abécédaire: J comme Jardinier

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Tu te souviens de Dialogue avec mon jardinier, le livre ou le film? J'y avais retenu cette phrase merveilleuse: Ton jardin, eh bien il est beau quand il me remercie d'avoir bien fait mon travail. Et le jardin, c'est un peu un lieu sacré pour moi où, comme en amour, je refais indéfiniment les mêmes gestes, avec prévenance, avec obstination et douceur. Tout à coup, j'interromps le mouvement, lève les yeux au ciel pour deviner ce que te disent les nuages d'un rose tendre en hiver, d'un bleu profond au printemps et, dès les premiers jours de beau temps, je m'immobilise pour écouter le chant des oiseaux: corbeaux, merles, moineaux, geais, mésanges, pics, rouges-gorges... Le bonheur?

Je ne saurais le dire, Fred, mais à coup sûr, avec ma pioche de jardinier du dimanche, mon balai de sorcière, mon sécateur usé par d'autres que moi et ce pas lent qui est devenu le mien, il me semble laisser une empreinte d'éternité, imprécise peut-être, fugace mais si belle, dans cette terre courtisée qui ne sera jamais tout à fait mienne. Et là, au moment où je te parle, refermant le portail sur la nuit qui s'achève, un peu à l'écart des rumeurs du monde, je les sens étonnement présents au coeur, ces hôtes de passage, amis ou artisans de ma banale histoire, qui semblent respirer entre les graviers, le lierre et les fleurs sauvages, qui font de ces quatre saisons une fête qui sans eux, ne sauraient ordonner les choses, leur donner sens et vie.

Un sentiment de bien-être qui, comme au théâtre, n'est jamais immobile, n'a pas vocation de durer, change et se renouvelle chaque jour, enfin puise sa beauté dans un silence pour s'achever en lui...

Le bonheur?     

Henri Cueco, Dialogue avec mon jardinier (coll. Points/Seuil, 2004)

image: Les Saules / Cologny (2013)

01:06 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

09/04/2013

Vendanges tardives - De l'invisible

Un abécédaire: I comme Invisible

musique classique; danse

Non, rassure-toi, je ne vais pas te parler de mystique ce matin. Encore que... mais vois-tu Fred, je me suis toujours méfié des sentiers trop bien balisés, et dans la plupart de mes rencontres heureuses - comme de mes lectures - l'étonnement m'est toujours venu de ce qui est caché en chacun, invisible aux yeux et qui raconte une autre histoire que celle communément entendue, inaudible dans la conversation courante, joyau indéfinissable soustrait au regard de l'inattentif: tissu de contradictions assumées ou non, fragilités sauvées d'un improbable naufrage, ombres et lumières de secrets trop longtemps protégés.

C'est alors, à qui prend le temps de faire halte - de se laisser habiter par le silence d'autrui - que tout ce charme voit le jour, débarrassé de la gravité incertaine des mots, comme l'âme d'un violon: bienheureuse imprégnation de ces lames de fond déjouant les apparences et te heurtent de plein fouet, avec un indicible bonheur.

Et quand je vois la danseuse Alessandra Ferri - accompagnée par Sting - interpréter cet aria de Bach, je pense à cette part cachée qui prélude à tout le reste, qui fait qu'un pas en entraîne un autre, et je me dis que le talent, la technique, la grâce ne suffisent à envahir l'espace, et que, comme réveillée d'un sommeil de pierre, l'artiste soulève le voile de ce sortilège de l'invisible qui lui est propre, aux hiéroglyphes indéchiffrables, dont je ne connaîtrai jamais l'énigme, qui pourtant m'éblouit et s'estompe, lueur éphémère d'une plénitude partagée...


Alessandra Ferri et Sting, Jean-Sébastien Bach, Cello Suite No 1 in G - Prelude (YouTube/misterilex)

image: manuelalvarezlopez.blogspot.com

23:07 Écrit par Claude Amstutz dans Musique classique, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique classique; danse | |  Imprimer |  Facebook | | |

01/04/2013

Vendanges tardives - D'Alfred Hitchcock 1a

Un abécédaire: H comme Hitchcock

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L'amusant, c'est le regard que les artistes posent sur leurs propres oeuvres. Au cinéma par exemple, cela peut te réserver quelques surprises. Ainsi, le film préféré de Luis Bunuel fut La vie criminelle d'Archibald de la Cruz, tourné au Mexique: l'histoire d'un homme qui dispose, grâce à une boîte à musique magique, le pouvoir de faire mourir les femmes simplement en souhaitant leur mort. Un divertissement plutôt léger à la fin heureuse, malgré cette griffe d'humour noir qui caractérise son metteur en scène.

Aussi surprenant, le choix de John Ford, avec Le soleil brille pour tout le monde dans lequel, sur fond de campagne électorale, des hommes se déchirent pour une femme, s'efforcent de discréditer les siens en déterrant de vieux secrets de famille. Un sujet intimiste traité avec beaucoup de délicatesse. Une approche assez éloignée de sa façon habituelle d'interroger l'histoire.

Enfin, Alfred Hitchcock! Lui aussi étonne. Pour sa période américaine, il a toujours avoué que son meilleur film était L'ombre d'un doute: traqué, un homme se réfugie chez sa sœur, où il retrouve sa nièce, qui porte le même prénom que lui, et qui lui voue une profonde admiration. Là aussi, au-delà de l'intrigue policière - secondaire ici - l'atmosphère est plutôt intimiste, voire empreinte d'une tendresse peu exprimée dans ses autres réalisations.

Cela dit, en ce qui me concerne, mon cher Fred, pour Luis Bunuel, je préfère Tourments / El, tourné également au Mexique en 1953; pour John FordL'homme qui tua Liberty Valance / The Man Who Shot Liberty Valance, en 1962; et pour Alfred Hitchcock, Une femme disparaît / A Lady Vanishes, pour sa période anglaise en 1938, même si les trois films cités par leurs auteurs les suivent de près...

Et toi, dis-moi: quels sont leurs films qui - entre tous - t'ont vraiment séduit?

Luis Bunuel, La vie criminelle d'Archibald de la Cruz / Ensayo de un crimen (1955), avec Miroslava Stern, Ernesto Alonso, Miroslava Stern, Rita Macedo,Ariadne Welter, Andrea Palma

John Ford, Le soleil brille pour tout le monde / The Sun Shines Bright (1953), avec Charles Winninger, Arleen Whelan, John Russell, Stepin Fetchit, Russell Simpson

Alfred Hitchcock, L'ombre d'un doute /Shadow of a Doubt (1943), avec Teresa Wright, Joseph Cotten, Hume Cronyn, Macdonald Carey

image: Teresa Wright et Joseph Cotten, dans: L'ombre d'un doute (1943)

04:14 Écrit par Claude Amstutz dans Films inoubliables, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma | |  Imprimer |  Facebook | | |

Vendanges tardives - D'Alfred Hitchcock 1b

Un abécédaire: H comme Hitchcock

Pour le plaisir d'un grand moment de cinéma, voici deux films que vous pouvez découvrir ou revoir dans leur intégralité: Tourments / El de Luis Bunuel, avec sous-titres anglais; Une femme disparaît / A Lady Vanishes de Alfred Hitchcock, avec sous-titres français; enfin, un extrait de L'homme qui tua Liberty Valance / The Man Who Shot Liberty Valance, signé John Ford... 





04:14 Écrit par Claude Amstutz dans Films inoubliables, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma | |  Imprimer |  Facebook | | |

26/03/2013

Vendanges tardives - De la grâce

Un abécédaire: G comme Grâce 

littérature; spiritualité; livres

Le plus étonnant, Fred, c'est qu'il te semble l'avoir côtoyée depuis toujours. Tu l'as recherchée, parfois ardemment, à certaines périodes de ta vie davantage qu'à d'autres. Tu l'as désirée, de même que l'on désire une femme, un objet précieux sans prix, dont la beauté indéfinissable remplirait ton être tout entier comme la pluie joyeuse lavant les pierres de ton jardin de campagne. Tu l'as traquée, avec ta volonté, ton intelligence ou ta force, à travers les soubresauts d'un environnement trépidant, tantôt hostile, tantôt fraternel, épousant ton besoin de savoir, de reconnaissance et d'amour. Souvent, tu te l'es représentée - ou l'as-tu seulement imaginée? - sous les formes les plus extravagantes ou merveilleuses, comme une récompense à tes efforts et ton obstination. Maintes fois, tu as cru la saisir, mais toujours, au bout du compte, elle t'a échappé, de même que tout ce que tu as chéri en ce monde, voué bientôt à la disparition, à l'oubli, à la mort: cet hiver de la vie qui pourrait ne pas connaître de fin.

Alors, au fil du temps, tu as renoncé à la poursuivre. Tu ne t'es pas détourné, oh non, simplement tu n'y as plus pensé, tu as abandonné sa conquête, à la manière d'un homme qui discerne son impuissance avec tristesse ou regret, et se trouve confronté aux limites de sa pensée, de sa perception. Mais un beau jour, dans le silence de ta chambre, au coeur d'une solitude aimante et sans objet, au moment le plus inattendu, sans même y réfléchir ni soucieux d'accomplir ou d'achever quoique ce soit, tu as soudain éprouvé cette inexplicable dilatation du coeur, obéissant si peu aux mécanismes de ta logique coutumière.

Las de chercher à comprendre, tu l'as reconnue, là, évidente, au plus profond de toi-même: elle, qui t'avait habitée depuis le commencement, tandis que tu t'agitais au dehors à la recherche d'un sens au monde - celui des idées, des sentiments, de la société, de l'histoire - à travers les étroites parois de verre de ton univers fragmentaire, douloureux, inachevé. Ainsi qu'une digue qui aurait résisté à la poussée des eaux, tu l'as sentie, discrète et réjouie, devant ta nudité, ton absence de résistance et de mérites, t'éclaboussant de son mouvement pacificateur qui te rend la vue et t'ouvre à la beauté, à l'ordre harmonieux des choses, au temps présent, à la bonté sans traces.

Et tu t'es souvenu, le sourire au lèvres, des paroles de Simone Weil - c'est l'éternité qui descend s'insérer dans le temps - de même que de celles, bouleversantes de simplicité, de Jean-Marie Vianney, curé d'Ars - elle nous est nécessaire comme les béquilles à ceux qui ont mal aux jambes - te réconciliant enfin avec toi-même, avec ces semblables - que tu crois prendre en affection pour la première fois - et qui sait: avec le ciel? 

Simone Weil, Oeuvres (coll. Quarto/Gallimard, 1999)

Janine Frossard, Pensées choisies du saint Curé d'Ars et petites fleurs d'Ars (Téqui, 1961)

image: Grindelwald (2006)

01:18 Écrit par Claude Amstutz dans Simone Weil, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; spiritualité; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

18/03/2013

Vendanges tardives - De la femme

Un abécédaire: F comme Femme 

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Notre ami commun Pierre-Yves me confia, voici peu, après un dixième verre de chouchen éclusé à la Taverne Le Normand, combien longtemps il s'est interrogé à ton sujet: toujours en compagnie de femmes, pétillantes et intelligentes, gracieuses et musiciennes pour la plupart, jeunes ou moins jeunes. Pourtant, jamais avec une seule. Tiens, me dit-il, même quand il m'invitait chez lui, tu avais beau chercher, tu ne trouvais dans son intérieur aucune trace de féminité. Ni fleurs, ni photographies, ni parfums flottant dans l'air comme les réminiscences d'un amour caché. Non, rien, pas une trace. Au point qu'il se demandait si tu n'étais pas gay, et qu'il n'était juste pas ton type...

Il me raconta que cet affreux malentendu se dissipa le jour où il te surprit devant l'Hôtel des Bons Amis, au bras d'une charmante fille rousse, qui gloussait et se frottait à toi, abandonnée à demi, rappelant la muse de Guillaume AppollinaireSes cheveux sont d'or on dirait, un bel éclair qui durerait ou ces flammes qui se pavanent dans les roses-thé qui se fanent... Imagine sa colère et sa stupeur, quand il réalisa que cette beauté fort élégante, avantageuse et jolie, qui manifestait tant d'impatience à ronronner dans ton lit de fortune, n'était autre qu'Yvette, sa femme! Sacré Fred!

Cela te fait rire? Vraiment? Je ne sais pas si tu devrais, car Pierre-Yves m'avoua que par pure vengeance, quelques semaines plus tard, il se jeta littéralement, comme un camé en état de manque, sur une brunette aux cheveux courts prénommée Eléonore, ingénue et ressemblant à une étudiante avec sa jupe plissée et son étui pour violon à bout de bras... Oui, tu as bien compris: il s'ébrouait avec ton Eléonore, le coquin! Ca t'en bouche un coin, pas vrai? Mais peut-être que la fin de cette histoire n'est qu'une plaisanterie revancharde de mauvais goût! Va savoir, les hommes sont si mauvais perdants, quand il s'agit de sexe... 

Guillaume Apollinaire, La jolie roussse, dans: Le guetteur mélancolique, suivi de Poèmes retrouvés (coll. Poésie/Gallimard, 2007)

image 1 : roaphotography.wordpress.com

image 2:  Jean-Louis Cornez /whitebalance.be/index.html

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23:55 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Vendanges tardives - Un abécédaire 2013 | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |