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30/05/2011

Editions La Dogana, Chêne-Bourg (Suisse)

Dogana_catalogue30_couv.jpgCollectif: Un visa donné à la parole - Trente ans d'édition (La Dogana, 2011)

Ce n'est pas par le nombre de publications que nous souhaitons nous distinguer, mais par leur qualité et la cohérence des choix. Et pour cette même raison que la poésie demeure à nos yeux - au sein des discours scientifiques, didactiques ou idéologiques dont nous sommes trop souvent devenus la proie - une des rares paroles à la fois légère, durable et nécessaire, nous avons accordé un soin particulier à l'aspect extérieur de nos livres; afin d'aboutir à une sorte de point d'équilibre entre la petite masse de papier, de toile et d'encre et l'énorme densité des oeuvres qui s'y trouvent inscrites.

 Ainsi s'exprime Florian Rodari pour célébrer les trente ans de sa maison d'édition. Je ne vais pas vous raconter l'histoire de La Dogana, puisque - dans ces mêmes colonnes - un article lui a déjà été consacré par le passé, de même que plusieurs livres parmi lesquels ceux d'Ossip Mandelstam, Anna Akhmatova et Philippe Jaccottet. Par la critère de recherche sur ce site, vous pouvez les découvrir, les lire ou relire, si le coeur vous en dit. Ce petit cadeau fait à tous les passionnés de poésie est un catalogue illustré de toutes les publications de cet éditeur - 80 titres - entrecoupé par des textes inédits d'Yves Bonnefoy, Pierre-Alain Tâche, Jacques Réda, Philippe Jaccottet, Jean-Pierre Lemaire, Fréderic Wandelère, Alain Madeleine-Perdrillat et Angelika Kirchschlager. De l'autre côté du miroir, une autre résonance conclut ce bel anniversaire, avec Muriel Bonicel: Impressions d'une libraire à Montparnasse.

Florian Rodari peut être fier de son travail d'éditeur passionné, minutieux, insensible au rythme effréné des mondes, comme ces vagues de l'âme unissant une communauté d'artisans qui, refusant toute compromission, en scellent toute la beauté et l'authenticité.  

17/04/2011

Erri de Luca 1a

Bloc-Notes, 17 avril / Les Saules 

littérature; nouvelles; livres

Sa mère avait été abattue par un chasseur. Dans ses narines de petit animal se grava l'odeur de l'homme et de la poudre à fusil. Lui, c'est un chamois qui a grandi tout seul, sans règles, a rejoint un troupeau et s'y est imposé. Devenu le roi des chamois, un matin de novembre, vieillissant, il sent que l'heure de la fin de sa suprématie est proche, malgré son instinct de survie. Il sait, au crépuscule de sa vie, qu'il va devoir affronter cet autre roi, le chasseur braconnier, cet ermite des montagnes, dont le temps lui semble aussi compté et qui n'accepte pas l'idée de mourir: Les voix continueront quand son harmonica se taira. La vie sans lui est déjà en chemin. (...) Sa canne en cerisier est munie d'une pointe en fer pour goûter le sol, elle a le son ami des pas d'un aveugle.  

Entre l'homme et l'animal - deux créatures libres, solitaires et justes - le face à face aura bel et bien lieu, après tant d'années de ruses, d'observations silencieuses, de stratégies déjouées dans l'air raréfié de la haute montagne...

Métaphore de la vie, ce court récit de 70 pages pourrait être lu en une heure, mais tel une pierre brute qui prend du temps à épouser les contours de la main et se joue des jeux d'ombre ou de lumière sur le fil mystérieux des saisons, l'intensité et la signification de chaque mot impose la patience, la respiration, la lenteur. Plaisir rare de lecture, d'amour et de poésie mêlés, cernant - d'une écriture aussi ascétique que le physique de l'écrivain - avec une infinie douceur la montagne, le coeur et l'âme, plus facétieuse que la volonté de l'homme, sous la forme d'un papillon blanc qui passant de l'arme de l'homme à la corne du chamois donne un sens au récit dans tout ce qu'il effleure.  

C'est le mois de novembre, l'homme entend tomber le rideau métallique de l'hiver. Dans les nuits où le vent arrache les arbres les plus exposés à leurs racines, la pierre et le bois de la cabane se frottent entre eux et lancent une plainte. Le feu fait claquer des baisers de réconfort. L'âpreté extérieure donne des coups d'épaule, mais la flamme allumée garde unis le bois et la pierre. Tant qu'elle brille dans le noir, la pièce est une forteresse. Et l'harmonica est là aussi pour dominer le bruit de la tempête. (...) Pendant les nuits de lune, le vent agite le blanc et envoie des oies sur la neige, un vieux moyen pour dire qu'à l'extérieur se promènent des fantômes. Il les connaît, à son âge les absents sont plus nombreux que ceux qui sont restés. A sa fenêtre, il regarde passer leur blanc d'oie sur la neige nocturne.

Aussi mordante et douce que le vent qui nous pousse à travers les sentiers escarpés, l'histoire s'achève sur une victoire - que j'éprouve beaucoup de peine à ne pas vous révéler - qui ressemble à une défaite... Lisez Le poids du papillon, et vous comprendrez!

Ce texte est suivi de la Visite à un arbre - 10 pages à peine - célébration d'un pin des Alpes, à 2'200 mètres d'altitude: En montagne, il existe des arbres héros, plantés au-dessus du vide, des médailles sur la poitrine des précipices. Tous les étés, je monte rendre visite à l'un d'entre eux. Avant de partir, je monte à cheval sur son bras au-dessus du vide. Mes pieds nus reçoivent la chatouille de l'air libre au-dessus de centaines de mètres. Je l'embrasse et le remercie de durer.

Magistral! Dans ma besace de randonneur solitaire, Le poids du papillon de Erri de Luca rejoint Sentiers sous la neige de Mario Rigoni Stern et La promenade sous les arbres de Philippe Jaccottet: Trois livres qui me font presque regretter d'en parler tant la justesse de ton, la beauté de la langue et leur habit qui me sied si bien, suffisent à mon bonheur, partagé avec vous... 

Erri de Luca, Le poids du papillon (Gallimard, 2011)

Mario Rigoni Stern, Sentiers sous la neige (La fosse aux ours, 2000)

Philippe Jaccottet, La promenade sous les arbres (Bibliothèque des arts, 2009)

publié dans Le Passe Muraille no 86 - juin 2011

27/03/2011

Anne-Marie Jaccottet 1b

Bloc-Notes, 27 mars / Les Saules 

Voici quelques illustrations de l'artiste Anne-Marie Jaccottet, pour notre plus grand plaisir: 

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Anne-Marie et Philippe Jaccottet, Alain Madeleine-Perdrillat, Florian Rodari, Alain Paire: Arbres, chemins, fleurs et fruits - Aquarelles et dessins d'Anne-Marie Jaccottet (La Dogana, 2008)

http://www.galerie-alain-paire.com/

04:14 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

Anne-Marie Jaccottet 1a

Bloc-Notes, 27 mars / Les Saules 

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On connaît mal - ou mieux, pas du tout - les aquarelles et dessins de Anne-Marie Jaccottet, épouse du poète Philippe Jaccottet. Pourtant, son oeuvre délicate, dans le sillage d'un Pierre Bonnard par exemple, a été remarquée par de grands noms de la littérature, tels Yves Bonnefoy et Pierre-Albert Jourdan.

Florian Rodari a bien cerné l'oeuvre de l'artiste, quand il nous dit: Il y a dans les paysages d'Anne-Marie Jaccottet, mais dans ses natures mortes aussi, une sorte de porosité qui permet d'y circuler sans entrave, d'aller sans cesse du dehors à l'intérieur, par des passages qui n'arrêtent pas - peaux, treillis, portières, lisières, corbeilles - contenant sans enfermer. Le peintre ne recouvre jamais toute la surface de son papier, laissant en blanc certaines parties sur lesquelles reviennent des traits de crayon. L'intention est de permettre au regard de passer vite d'un plan à l'autre, de suivre le mouvement de la lumière qui court à l'arête, bondit d'objet à objet, franchit la distance sans s'arrêter à la nature de l'obstacle. Beau souci du peintre: ne pas s'attarder, garder le sentiment de la minute heureuse.

Philippe Jaccottet, au plus près de la perception de l'artiste, ajoute: Couleurs du monde, elle ne les a pas inventées, elle ne les a pas vues en rêve ou puisées dans les livres, elle n'est même pas allé les chercher loin; elles sont là, dans les fleurs et les fruits les plus communs, données au premier venu; à dire le vrai, de plus grand prix que tous les ors du temple, les gemmes, les joaux, les diadèmes des reines et des stars: couleurs des choses qui s'ouvrent, s'épanouissent puis se fanent, des choses qui gonflent, parfument, sont respirées et quelques fois mangées, puis se flétrissent; couleurs si mystérieuses d'être si communes, jubilatoires on ne sait trop comment ni pourquoi; de la plus claire à la plus sombre, de la plus sonore à la plus sourde, saisissable entre deux nuits - et notre vie elle-même, toute vulnérable qu'elle soit, fleurissant ainsi entre deux nuits, mais celles-là plus longues et plus profondes -, produisant en fin de compte, à force de patience et de soumission, un si beau chant...

105 aquarelles, pastels, dessins de Anne-Marie Jaccottet illustrent le présent ouvrage que vient compléter un entretien de Alain Paire avec l'artiste, ainsi qu'un texte de Alain Madeleine-Perdrillat consacré à l'approche de son oeuvre.

En écho à La promenade sous les arbres, écrit par son époux, ce voyage en pointillé dans l'espace habité, lève le voile de leurs clartés mises en commun.   

Anne-Marie et Philippe Jaccottet, Alain Madeleine-Perdrillat, Florian Rodari, Alain Paire: Arbres, chemins, fleurs et fruits - Aquarelles et dessins d'Anne-Marie Jaccottet (La Dogana, 2008)

photographie: Philippe et Anne-Marie Jaccottet, à Grignan, 12 octobre 2008

http://www.galerie-alain-paire.com/

04:13 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse, Philippe Jaccottet, Yves Bonnefoy | Lien permanent | Commentaires (3) | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/03/2011

Jour de grève

Bloc-Notes, 13 mars / Les Saules

littérature; récit; livres

Aujourd'hui, ça y est. C'est décidé. Je m'offre un luxe dominical, celui de mettre - comme on dit chez nous - les pieds contre le mur! Quel mur? Celui de la déferlante des nouveautés qui, Salon du Livre de Paris oblige, éveillent certes ma curiosité, parfois me désespèrent et tout à coup, me submergent. Ce qui forge parmi mes moments de bonheur les plus miraculeux ou inattendus, soudain cède le pas aux humeurs cruelles, probablement injustes et un brin cyniques, ce qui, à dire vrai, n'est pas vraiment, aussi loin qu'il m'en souvienne, dans ma nature. L'impression désagréable qu'ayant à peine quitté le restaurant de Philippe Chevrier à Satigny, je suis déjà sur le pas de porte de celui de Gérard Rabaey à Brent... L'abondance nuit à la saveur, au plaisir, à la dégustation des mots, au balancement agréable et doux éprouvé à la découverte d'un auteur, nouveau venu sur cette terre généreuse de l'écrit.

Une dizaine de livres parus au cours du premier trimestre de cette année, attendent ce déclic intérieur et parmi ces derniers, combien en lirai-je dans les semaines qui viennent? Deux ou trois peut-être, faute de temps, comme tout le monde, sans doute. D'autant plus que ceux à paraître entre mars et avril - une autre dizaine - garnissent déjà abondamment mon unique fauteuil réservé aux lectures incontournables, à entrepredre sans tarder. Alors oui, devant la pléthore de ces instants d'émotions possibles liés à l'actualité du livre, eh bien oui, je bois la tasse et... fais la grève! 

Tous les sens en éveil, devant les teintes rougeoyantes du ciel en cette fin de dimanche, déambulant dans notre jardin en toute tranquillité, j'observe le manège amoureux des oiseaux autour de la maison de bois en face de la fenêtre de notre cuisine, émerveillé et reconnaissant de cette joie intérieure qu'accompagnent les perce-neige, crocus de toutes les couleurs - bleus striés de blanc, jaunes ou violets - qu'accompagnent les premières éclosions du camélia et des primevères, cette sorte de sourire que sont parfois les fleurs au milieu des herbes graves, comme le dit si bien Philippe Jaccottet.

Je m'accorde un temps de marche pour peaufiner de nouveaux projets qui me trottent dans la tête, dont celui qui verra bientôt le jour sur le blog de La scie rêveuse - en avril probablement - consacré aux plus belles musiques classiques découvertes ou ravivées par Facebook. 

Et maintenant? Retour au livre aimé, choisi, aussi libre que l'air respiré. Celui entrepris voici quelques jours, signé Jacques Perrin, Dits du gisant, dont les mauvaises langues pourraient dire qu'il s'agit d'un vieux livre, puisque paru en septembre 2009! C'est l'histoire de Jasper, un alpiniste de l'extrême qui, à la suite d'un accident de montagne avec son ami Robert, se retrouve cassé, émietté, immobilisé sur un lit d'hôpital d'où il tirera sur le fil ténu qui abolit les frontières invisibles entre la vie et la mort, amorçant une lente reconstruction tant physique qu'intérieure, vivifiée par le souvenir, la magie des instants uniques, les rencontres, les visages. La littérature y est un levier crucial: Arthur Rimbaud, mais aussi Maurice Chappaz, Robert Walser ou Rainer-Maria Rilke. Il est vrai que ce récit, par de nombreuses évocations, se situe aux confins de la poésie. Il a neigé hier; l'ombre est venue sur ce blanc; des pas d'oiseaux menus - signes à déchiffrer peut-être? Tu penses à Nietzsche, aux grands événements qui, selon lui, arrivaient dans la discrétion, sur des pattes de colombe; transformation du temps, la pluie et un peu de neige sur les hauteurs aujourd'hui; ces flocons qui demeurent suspendus, accrochés aux paraisons glacées de la paroi...   

Rarement j'ai lu de si belles pages consacrées à la montagne, au temps du vin - qui occupe aussi une place de choix dans le coeur de Jasper - aux possibles fins dernières dont le narrateur par le biais d'un Journal entrevoit les lueurs imprévues: D'ici j'ai peine à deviner tes traits. Je voudrais me relever, me pencher pour mieux te voir. Impossible. Je ne vois que le vide qui nous sépare. Je suis pris de vertige. Le vent s'est levé et souffle avec une rare violence. Il me traverse, me glace encore davantage au passage. Mon corps ne lui offre aucune prise. Je suis ouvert, transparent, dépouillé, sans forme précise. Qui me regarde ne me verra pas. Qui me parle n'entendra pas ma réponse. Qui me touche me brisera davantage encore. J'entends que tu souffres à côté de moi. Je t'envies: tu existes. On peut dire au moins quelque chose de ta souffrance.

Dits du gisant est l'une des plus belles parmi mes lectures récentes et pour vous - moins sensibles que je ne le suis au rythme obsédant du calendrier - il suscitera un jour proche, je l'espère, un de ces bonheurs de lecture savourés au pas lent, régulier et attentif du montagnard, en compagnie d'un écrivain, un vrai.

Le dernier opus de X attendra bien un peu...

Jacques Perrin, Dits du gisant (L'Aire, 2009)

27/01/2011

Devoir de vacances 2/3

Bloc-Notes, 27 janvier / Les Saules

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Ma bibliothèque n'est pas immuable. Une succession de lignes, de traits d'union, de fulgurances, dont le dénominateur commun n'est pas le passé, mais au contraire une superposition de regards sur le monde dont je tire une force souterraine qui me projette dans l'avenir et fait de moi ce que je suis aujourd'hui: un tissu de passions, de métamorphoses, de contradictions.

Pêle-mêle, dans cette caverne d'Ali-Baba aux trésors souvent relégués aux oubliettes, des curiosités telle La Gana de Jean Douassot et Ravages de Violette Leduc voisinent Le monde désert de Pierre-Jean Jouve ou Le vertige d'Alexandre Kalda, témoins d'amours malheureuses. Un peu plus loin, Le journal d'un curé de campagne de Georges Bernanos me rappelle qu'il a failli m'expédier très jeune au séminaire!

Sur mon fauteuil, je réserve  un espace pour les livres auxquels je veux - depuis près d'un an - consacrer une notice qui me refuse encore le premier mot: Réelles présences de George Steiner, Comme personne de Hugo Hamilton, Les dents du topographe de Fouad Laroui, Le cortège de la mort d'Elizabeth GeorgeJe note aussi dans ce recensement laborieux, certaines absences, telles les classiques Vaubourdolle ou les classiques Larousse de la première heure - avec lesquels j'ai découvert le théâtre de Jean Racine ou les poèmes d'Alfred de Musset, d'Alphonse de Lamartine, de Victor Hugo - et qui ont disparu lors d'un déménagement. D'autres plus récents manquent à l'appel, parce que les aimant beaucoup, je les ai souvent offerts, jusqu'à mon dernier exemplaire, sans y prendre garde. C'est le cas, par exemple, du roman de Frédérique Deghelt, La grand-mère de Jade ou le recueil d'Yves BonnefoyDans le leurre du seuil 

Dans ma bibliothèque, le fil rouge de tous ces écrits épars demeure, depuis mes premières découvertes - Les fleurs du mal de Charles Baudelaire et Les nourritures terrestres d'André Gide - celui de la poésie qui transcende toutes choses dans la proximité et la distance, appréhende le réel et lui donne un sens dont semble bannie toute cécité. Je revisite, dans ce monde à part qui se dévoile avec parcimonie à l'oreille inattentive, ces discrets messagers que sont Paul Verlaine, Louis Aragon, Philippe Jaccottet, Paul Eluard, Rainer-Maria Rilke, Anna Akhmatova, Ossip Mandelstam et bien d'autres.

Restent enfin, dans ce chaos en mouvement, les auteurs auxquels je voue une tendresse particulière et qu'à coup sûr, j'emporterais dans mes bagages sur une île déserte, tant leur richesse m'est inépuisable: William Shakespeare, Albert Camus, René Char - bien sûr! - et... La Bible. Qui l'eût cru?

Ite missa est...

(à suivre)  

26/01/2011

Le poème de la semaine

Philippe Jaccottet


Jour de janvier,

ouvre un peu plus grands les yeux,

fais durer ton regard encore un peu

et que la rose colore tes joues

ainsi qu'à l'amoureuse.


Ouvre ta porte

un peu plus grande, jour,

afin que nous puissions au moins

rêver que nous passons.

 

Jour, prends pitié.

 


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

03:09 Écrit par Claude Amstutz dans Philippe Jaccottet, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

02/01/2011

Anna Akhmatova 1a

akhmatova1.jpgAnna Akhmatova, L'églantier fleurit et autres poèmes (La Dogana, 2010)

Dans la même présentation soignée où ont vu le jour, en édition bilingue, Les élégies de Duino de Rainer-Maria Rilke - traduction: Philippe Jaccottet -, Quarante-sept poèmes d'Emily Dickinson - traduction: Philippe Denis -, Simple promesse d'Ossip Mandelstam - traduction: Philippe Jaccottet, Louis Martinez et Jean-Claude Schneider -, Hyperion de John Keats - traduction: Paul de Roux - et Les solitudes de Gongora - traduction: Philippe Jaccottet -, c'est au tour d'Anna Akhmatova de faire l'objet d'une magnifique anthologie, L'églantier fleurit et autres poèmes.

Traduits par Marion Graf et José-Flore Tappy - avec le texte original en regard - ces poèmes rendent hommage à l'un des plus grands auteurs russes du siècle dernier. Anna Akhmatova, elle-même traductrice de Victor Hugo, de Rabindranath Tagore et de Giacomo Leopardi, dans un style à la fois empreint d'un lyrisme inoubliable et d'une concision impressionnante. Amie d'Ossip Mandelstam, d'Amedeo Modigliani, de Joseph Brodsky, son oeuvre toute entière est un cri d'amour et de douleur dont Le requiem et Poème sans héros - traduction: Jean-Louis Backès, coll. Poésie/Gallimard - sont un témoignage bouleversant sur les horreurs du stalinisme.

Au poète Robert Frost qui lui rend visite dans sa datcha en 1962, elle écrit : J'ai tout eu: la pauvreté, les voies vers les prisons, la peur, les poèmes seulement retenus par cœur, et les poèmes brûlés. Et l'humiliation, et la peine. Et vous ne savez rien à ce sujet et ne pourriez pas le comprendre si je vous le racontais....

Elle s'éteint en 1966, à l'âge de 77 ans, et son oeuvre intégrale n'est publiée que vingt ans plus tard, à Moscou...

sources: http://fr.wikipedia.org/wiki/Anna_Akhmatova

30/08/2010

Poètes vos papiers

9782035856241.gifJean Orizet, Anthologie de la poésie française (Larousse, 2010)

Je vous invite à emboiter le pas de Jean Orizet, pour une formidable ballade poétique à travers les siècles. Poète lui-même, l'auteur déniche avec bonheur - parmi les auteurs cités - des textes souvent peu connus ou pas forcément parmi les plus célèbres. Un autre mérite est d'avoir consacré un chapitre aux auteurs provenant de la Suisse, de la Belgique, du Québec, du Maghreb, de l'Afrique Noire, des Antilles et du Proche Orient. Enfin, un riche répertoire biographique résume la personne et son oeuvre de manière succincte, mais personnelle. Cette anthologie complète à merveille les plus connues, d'André Gide à Georges Pompidou, de Philippe Jaccottet au Collectif des éditions de la Bibliothèque de la Pléiade. Bientôt une prescription scolaire? Il n'est pas interdit de rêver...   

06:15 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Philippe Jaccottet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

27/08/2010

Philippe Jaccottet

9782070428618.gifPhilippe Jaccottet, Cahier de verdure - Après beaucoup d'années (Coll. Poésie/Gallimard, 2003)

Les deux recueils rassemblés ici se tiennent sur un versant apaisé de l'œuvre de Philippe Jaccottet, et témoignent d'une prise de distance avec les peurs, les douleurs, les alarmes passées. Non que la destinée humaine ait changé de trajectoire et se soit magiquement affranchie de sa finitude, mais des passages, des éclaircies sont ici entrevus qui tentent de déjouer les pièges du temps. Un carnet poétique, subtil, léger, concret, rythmé par les saisons de la vie et de la nature, qui invite à l’unité de la création pour ouvrir les portes à l’invisible et au silence intérieur. Une oeuvre incontournable.

publié dans le supplément La bibliothèque idéale des vaudois / 24 Heures