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14/08/2010

La citation du jour

Oscar Wilde

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Quand les gens nous parlent d'autrui, ils sont généralement ennuyeux. Quand ils nous parlent d'eux-mêmes, ils sont presque toujours intéressants, et si l'on parvenait à les faire taire, quand ils commencent à devenir lassants, aussi facilement qu'on peut faire taire un livre que l'on a plus envie de lire, ils seraient tout à fait parfaits.

Oscar Wilde, La critique en tant qu'artiste - Aphorismes (coll. poche/Arléa, 2008)

06:19 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : auteurs; citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/08/2010

Relire Paul Valéry - 2/3

Bloc-Notes, 13 août / Les Saules

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Quand nous parlons de littérature, entre amis, ne nous arrive-t-il pas de nous exclamer, à propos d'un roman lu: J'ai beaucoup aimé le sujet... Mauvais signe, dirait Paul Valéry, car les bons auteurs captent notre attention, quel que soit le sujet qu'ils abordent. Regardez François Mauriac, Albert Camus ou plus près de nous J.M.G. Le Clézio.

Autre lieu commun que nous distillons volontiers auprès de notre entourage: Ce roman est d'une lecture facile... Là encore, le grand homme nous interpellerait pour nous dire qu'une lecture qui ne demande pas le moindre effort - qu'il s'agisse d'érudition, de fantaisie ou de distraction - est sans intérêt, ennuyeuse pour le lecteur - qui en dix pages comprend déjà les deux cent suivantes -, vouée à une mort rapide, programmée...

A propos des livres - reconnaissons-le - nous aimons  asséner des vérités premières telles que: Cette oeuvre me séduit par son réalisme... Par rapport à qui? Par rapport à quoi? Selon quelles valeurs? A quel moment précis de notre histoire? Et si cette réalité n'est que la photographie de ce que nos yeux voient, ce n'est plus de la littérature, mais du reportage. N'est pas Louis-Ferdinand Céline, Vassili Grossmann ou Boris Pasternak qui veut... De plus, là encore, Paul Valéry nous rappellerait qu'il n'est pas rare que les oeuvres qui survivent au temps soient souvent... fantastiques!

A une semaine de la rentrée littéraire d'automne - 701 nouveautés dont 497 francophones, soit 6.32% de plus qu'en 2009! - la parole revient assurément aux auteurs, s'ils veulent échapper à ces commentaires superflus ou mondains dont fleurissent les salons de thé. Dans Tel Quel, Paul Valéry hasarde à leur intention, qu'il faut écrire et travailler pour ceux-là seuls sur qui l'injure ou la louange n'ont pas de prise; qui ne se laissent émouvoir ni imposer par le ton, l'autorité, la violence et tous les débordements. (...) Ecrire pour le lecteur qui va: ou vivre votre idée, ou la détruire, ou la rejeter - pour celui à qui vous donnez le pouvoir suprême sur elle; et qui possède le droit de sauter, de passer, de ne pas poursuivre; et celui de penser le contraire, et celui de ne pas croire, de ne pas épouser votre intention.

Rassurez-vous, car si les oeuvres romanesques insignifiantes ou fades sont en constante augmentation - parce que les éditeurs souvent manquent autant de métier, de rigueur ou de clarté que certains de leurs auteurs - bon nombre d'écrivains de cette rentrée littéraire sont proches des idées de Paul Valéry, capables de nous étonner, de nous surprendre et d'exprimer ce qui nous est impossible avec un style et une transcendance aptes à nous émerveiller, nous séduire et nous offrir quelques moments de bonheur.

Parmi ces rescapés de l'urgence - de publier, d'envahir, de monopoliser - plusieurs titres vous seront présentés dans ces colonnes, dès la semaine prochaine, signés Yves Bonnefoy (L'inachevable - Entretiens sur la poésie/Albin Michel), Andrée Chedid (Les quatre morts de Jean de Dieu/Flammarion), Douna Loup (L'embrasure/Mercure de France), Andrew O'Hagan (La vie et les opinions de Maf le chien et de son amie Marilyn Monroe/Bourgois) et Hernan Roncino (Dernier train pour Buenos Aires/Liana Levi), entre autres publications hors du commun.

Songez à ce qu'il faut pour plaire à trois millions de lecteurs, note encore Paul Valéry... Paradoxe: il en faut moins que pour ne plaire qu'à cent personnes exclusivement.

Mais de cela, nous nous en serions douté... Pas vrai?

Paul Valéry, Tel Quel - Oeuvres vol. 2 (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1960)


11/08/2010

Le poème de la semaine

Nicolas Bouvier


Quand nous reverrons-nous

maraudeurs de verdures

L'absinthe de la nuit sous vos pas étouffés

minuit a fait flamber sous vos bras les ramures

et le catimini de tous les fruits volés


Quand je vous reverrai

secrets pilleurs de pommes

merises et mirabelles auront quitté mon pré

dans un lieu incertain entre je suis nous sommes

entre la mort et toi l'été aura brûlé


L'automne aura lavé ce vin de pourriture

et tout ce qui en moi avait déjà cédé

ne vous reverrai plus maraudeurs de verdure

ne vous reverrai plus

car vous m'avez trompé


Mais si vous revenez

goûteurs de confitures

revenez s'il vous plaît

pieds nus les yeux baissés

Le gel aura fermé son poing sur la nature

Entre vos voix et moi l'hiver s'est installé

Moi je n'y serai plus et vous serez volés



Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

11:50 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

10/08/2010

Relire Paul Valéry - 1/3

Bloc-Notes, 10 août / Les Saules

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On devrait relire Paul Valéry. Surtout nos hommes politiques, pas forcément à droite, ni tout à fait de gauche... L'ironie à première vue n'est pas de mise car, pour rien au monde, nous autres - vous et moi par exemple - voudrions être à leur place, aujourd'hui. Ni hier d'ailleurs, pas plus que demain dont nous ne savons rien ou presque, nous qui ne sommes ni tout à fait de droite, pas forcément à gauche... Il nous arrive de les écouter, parfois de les plaindre, sans toujours comprendre ce qu'ils promettent ou ce qu'ils disent, ce qu'ils nous cachent ou ce qu'ils inventent, ce qu'ils nous enseignent ou ce qu'ils méprisent.

Paul Valéry n'est pas tendre avec eux: La politique fut d'abord l'art d'empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde. A une époque suivante, on y adjoignit l'art de contraindre les gens à décider sur ce qu'ils n'entendent pas. (...) En politique, ce qui est vital est masqué par ce qui est de simple bien-être. Ce qui est d'avenir par l'immédiat. Ce qui est très nécessaire par ce qui est très sensible. Ce qui est profond et lent par ce qui est excitant.

Autour de trois notions capitales - la liberté, l'égalité et la souveraineté - l'auteur de Regards sur le monde actuel, avec une lucidité et un ton mordant devenus si rares aujourd'hui, se charge de régler leur compte à bien des illusions auxquelles, tant de fois nous avons souscrit avec assurance, nous qui espérions un monde meilleur pour tous, pas forcément à droite, ni tout à fait de gauche...

Tenez par exemple, ce qu'il dit de la liberté: C'est un de ces détestables mots qui ont plus de valeur que de sens; qui enchantent plus qu'ils ne parlent; qui demandent plus qu'ils ne répondent; de ces mots qui ont fait tous les métiers, et desquels la mémoire est barbouillée de théologie, de métaphysique, de morale et de politique; mots très bons pour la controverse, la dialectique, l'éloquence; aussi propres aux analyses illusoires et aux subtilités infinies qu'aux fins de phrase qui déchaînent le tonnerre. Il ajoute, un peu plus loin: L'intention sincère de laisser aux individus le plus de liberté possible, et de leur offrir à chacun quelque part du pouvoir, conduit à leur imposer, en quelque manière, ces avantages, dont il arrive, parfois, qu'ils ne veulent guère; et parfois qu'ils pâtissent indirectement. On a vu des peuples se plaindre d'avoir été libérés.

Voilà qui prête à réflexion - même pour nous autres peu éclairés en matière de politique - et assombrit quelque peu le paysage tutoyant l'horizon sur la courbe de cette étoile filante - le progrès - dont Paul Valéry écrit en 1937: L'esprit a transformé le monde et le monde le lui rend bien. Il a mené l'homme où il ne savait point aller. Il nous a donné le goût et les moyens de vivre, il nous a conféré un pouvoir d'action qui dépasse énormément les forces d'adaptation, et même la capacité de compréhension des individus; il nous a inspiré des désirs et obtenu des résultats qui excèdent de beaucoup ce qui est utile à la vie. Par là, nous nous sommes de plus en plus éloignés des conditions primitives de toute vie, entraînés que nous sommes, avec une rapidité qui s'accélère jusqu'à devenir inquiétante, dans un état de choses dont la complexité, l'instabilité, le désordre caractéristique nous égarent, nous interdisent la moindre prévision, nous ôtent toute possibilité de raisonner sur l'avenir, de préciser les enseignements qu'on avait jadis coutume de demander au passé, et absorbent dans leur emportement et leur fluctuation, tout effort de fixation et de construction, qu'elle soit intellectuelle ou sociale, comme un sable mouvant absorbe les forces de l'animal qui s'aventure sur lui.

Un texte prophétique à méditer par toutes celles et ceux qui ambitionnent de faire carrière en politique, ne serait-ce que pour réduire cette part prépondérante de mensonge qui agite les Etats et éblouit les Nations.

Permettez-moi de conclure d'un sourire, conscient de ma connaissance fragmentée du monde, de l'histoire, de l'économie, des cultures, des comportements: Je regarde le ciel, quand la nuit tombe. Elle est terriblement obscure, mais, Dieu merci, elle au moins, n'appartient à personne, ni à mes amis de gauche, ni à mes amis de droite...

Paul Valéry, Regards sur le monde actuel et autres essais (coll. Folio/Gallimard, 1988)

00:20 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Paul Valéry | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: essai; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

08/08/2010

Le temps qui reste

pour Catherine P

Combien de temps...

Combien de temps encore
Des années, des jours, des heures, combien ?
Quand j'y pense, mon coeur bat si fort...
Mon pays c'est la vie.
Combien de temps...
Combien ?

Je l'aime tant, le temps qui reste...
Je veux rire, courir, pleurer, parler, 
Et voir, et croire
Et boire, danser, 
Crier, manger, nager, bondir, désobéir
J'ai pas fini, j'ai pas fini
Voler, chanter, partir, repartir
Souffrir, aimer
Je l'aime tant le temps qui reste

Je ne sais plus où je suis né, ni quand
Je sais qu'il n'y a pas longtemps...
Et que mon pays c'est la vie
Je sais aussi que mon père disait :
Le temps c'est comme ton pain...
Gardes-en pour demain...

J'ai encore du pain
Encore du temps, mais combien ?
Je veux jouer encore...
Je veux rire des montagnes de rires, 
Je veux pleurer des torrents de larmes, 
Je veux boire des bateaux entiers de vin
De Bordeaux et d'Italie
Et danser, crier, voler, nager dans tous les océans
J'ai pas fini, j'ai pas fini
Je veux chanter
Je veux parler jusqu'à la fin de ma voix...
Je l'aime tant le temps qui reste...

Combien de temps...
Combien de temps encore ?
Des années, des jours, des heures, combien ?
Je veux des histoires, des voyages...
J'ai tant de gens à voir, tant d'images..
Des enfants, des femmes, des grands hommes, 
Des petits hommes, des marrants, des tristes, 
Des très intelligents et des cons, 
C'est drôle, les cons ça repose, 
C'est comme le feuillage au milieu des roses...

Combien de temps...
Combien de temps encore ?
Des années, des jours, des heures, combien ?
Je m'en fous mon amour...
Quand l'orchestre s'arrêtera, je danserai encore...
Quand les avions ne voleront plus, je volerai tout seul...
Quand le temps s'arrêtera..
Je t'aimerai encore
Je ne sais pas où, je ne sais pas comment...
Mais je t'aimerai encore...
D'accord ?

paroles de Jean-Louis Dabadie

interprété par Serge Reggiani

création originale de Mimeva






00:30 Écrit par Claude Amstutz dans Chansons inoubliables, Littérature francophone, Rosebud | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : poésie; musique; variété | |  Imprimer |  Facebook | | |

05/08/2010

La citation du jour

J.M.G. Le Clézio

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Les mots ne veulent pas détruire ce qu'il y a devant nos yeux. Ils répondent aux autres mots, aux vrais mots originels, qui sont dits par la voix du monde. Souvent on parle d'histoire, de mythe, de théâtre. Bien sûr... Mais chaque instant de la vie réelle est plus grand, plus émouvant, plus plein de langage, comme si ces mots et ces images n'étaient que les échos des discours véridiques émis par les montagnes, les fleuves, les forêts, les vents, les orages.

J.M.G. Le Clézio, L'inconnu sur la terre (coll. Imaginaire/Gallimard, 1999)

01:30 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : auteurs; citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/08/2010

Le poème de la semaine

René Char


Pourquoi ce chemin plutôt que cet autre

Où mène-t-il pour nous solliciter si fort

Quels arbres et quels amis sont vivants

Derrière l’horizon de ces pierres

Dans le lointain miracle de la chaleur


Nous sommes venus jusqu’ici

Car là où nous étions

Ce n’était plus possible

On nous tourmentait

Et on allait nous asservir


Le monde de nos jours

Est hostile aux transparents


Une fois de plus

Il a fallu partir

Et ce chemin qui ressemblait

A un long squelette

Nous a conduits à un pays

Qui n’avait que son souffle

Pour escalader l’avenir


Comment montrer sans les trahir

Les choses simples dessinées

Entre le crépuscule et le ciel


Par la vertu de la vie obstinée

Dans la boucle du temps artiste

Entre la mort et la beauté



Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

10:03 Écrit par Claude Amstutz dans Quelques traces de craie dans le ciel - Anth, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

02/08/2010

Alejandra Pizarnik 1b

Bloc-Notes, 1er août / Les Saules

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Voici quelques extraits des oeuvres poétiques de Alejandra Pizarnik:

Le vent meurt dans ma blessure. La nuit mendie mon sang. (Les aventures perdues)

*

Elle saute, chemise en flammes d'étoile en étoile, d'ombre en ombre. Elle meurt de mort lointaine l'amoureuse du vent. (L'arbre de Diane)

*

Finies les douces métamorphoses d'une enfant toute de soie, somnambule à présent sur la corniche de brouillard. Son réveil de main qui respire de fleur que le vent fait éclore. (L'arbre de Diane)

*

Vis, ma vie, laisse-toi choir, laisse-toi endolorir, ma vie, laisse-toi prendre au noeud du feu, du silence ingénu, des pierres vertes dans la maison de la nuit, laisse-toi choir et endolorir, ma vie. (L'arbre de Diane)

*

Si moi j'ose regarder et dire, c'est par son ombre unie, si douce à mon nom là-bas, loin, dans la pluie, dans ma mémoire, par son visage qui brûle dans mon poème, et répand magiquement un parfum de visage aimé disparu. (Les travaux et les nuits)

*

J'étais la source de la discordance, la maîtresse de la dissonance, la petite fille de l'âpre contrepoint. Je m'ouvrais et je me fermais dans un rythme animal très pur. (Poèmes inédits)

*

Quelqu'un dans le jardin retarde le passage du temps. (Textes de l'ombre)

*

Ne plus désirer vivre sans savoir ce qui vit à ma place, ni écrire, puisque pour me blesser, la vie prend des formes si étranges. (Textes de l'ombre)


Alejandra Pizarnik, Oeuvre poétique / traduit par Sylvie Baron Supervielle et Claude Gouffon (Actes Sud, 2005)

00:18 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Littérature sud-américaine | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

01/08/2010

Alejandra Pizarnik 1a

Bloc-Notes, 1er août / Les Saules

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Oeuvre singulière - semblable à un écrin noir et lumineux à la fois - que celle de la poétesse argentine Alejandra Pizarnik, dont les textes nous sont parvenus grâce à l'intuition et au courage d'éditeurs tels Granit, Actes Sud et José Corti.

Née à Buenos Aires le 29 avril 1936 au sein d'une famille d'immigrants juifs d'Europe Centrale, très tôt, elle perd son père alors que sa mère sombre dans une profonde dépression. Admise en 1954 à la faculté de philosophie, elle abandonne bien vite ce cursus pour se tourner vers la littérature, sa voie véritable. Elle publie ses premiers poèmes à vingt ans à peine, traduit Hölderlin, Michaux, Bonnefoy et Aimé Césaire. Entre 1960 et 1964, elle séjourne à Paris, participe à l'activité culturelle parisienne, rencontre de nombreux écrivains et se lie d'amitié avec - entre autres - André Pieyre de Mandiargues, Julio Cortazar et Octavio Paz. Elle rentre ensuite en Argentine et publie, dans les années suivantes, ses ouvrages les plus importants. Elle obtient la bourse Guggenheim, effectue un séjour bref à New York et - une nouvelle fois - à Paris. Après deux tentatives de suicide en 1970 et 1972, elle se donne la mort le 25 septembre 1972, à l'âge de 36 ans, après avoir passé les cinq derniers mois de sa vie dans un hôpital psychiatrique de Buenos Aires. Dans son Journal, dix ans plus tôt, elle avait noté: Ne pas oublier de me suicider, répondant à cette phrase d'Antonin Artaud accrochée au-dessus de son bureau: Il fallait d'abord avoir envie de vivre...

C'est à Sylvie Baron Supervielle, traductrice de la plupart de ses poèmes, que revient le plus grand mérite d'avoir révélé Alejandra Pizarnik au grand public, en France. Son Oeuvre poétique disponible aux éditions Actes Sud, reprend La dernière innocence, Les aventures perdues, L'arbre de Diane, Les travaux et les nuits, L'enfer musical, Les textes de l'ombre et autres fragments inédits.

Il faut y ajouter aujourd'hui les Journaux 1959-1971, dans la collection Ibériques, chez José Corti, où sa voix cherche dans l'écriture un sens à sa souffrance, à sa solitude intérieure, au sentiment d'abandon qui l'habite et l'entraîne dans un élan de désespoir, de morbidité ou de destruction. Mystique à sa manière, elle ne parviendra pas à réconcilier ces extrêmes convergeant vers une douleur tangible et pourtant si étrangère à elle-même: Fatigue, fatigue, comme une longue caravane...

Hâtez-vous de lire Alejandra Pizarnik. Dans son sillage, vous y croiserez peut-être vos propres fantômes, nus et à découvert...

Alejandra Pizarnik, Oeuvre poétique / traduit par Sylvie Baron Supervielle et Claude Gouffon (Actes Sud, 2005)

Alejandra Pizarnik, Journaux 1959-1971 / traduit par Anne Picard (José Corti, 2010)