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31/12/2009

Lettres à mon libraire

Bloc-Notes, 31 décembre / Nyon

 

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Dans un charmant petit livre intitulé Lettres à mon libraire, 45 écrivains - parmi lesquels Delphine de Vigan, Benoîte Groult, Claudie Gallay, Eric Emmanuel Schmitt, Muriel Barbery et Michele Lesbre - empruntent la plume pour évoquer la librairie, les libraires et leur point de convergence sans lequel rien de ce qui bouleverse, instruit ou apaise ne pourrait exister sous cette forme, je veux dire le livre.

 

Ce soir, je vous partage le témoignage de Sylvain Tesson qui écrit : Une librairie, c’est le dernier endroit des grandes villes où les gens marchent lentement et parlent à voix basse. J’aime les observer, tes clients. On croirait les personnages d’un petit théâtre. On retrouve toujours les mêmes, où qu’on soit. Il y a le vieux monsieur la tête penchée sur les tables qui retourne lentement les livres pour lire les quatrièmes de couverture. Il y a la grosse dame qui cherche un livre mais elle a oublié le titre, elle ne se souvient plus de l’auteur et elle ne sait pas qui l’a édité ni si c’est de cette année mais on lui a dit que c’était extraordinaire. Il y a la fille très belle qui serre amoureusement le livre qu’elle vient d’acheter et on se dit qu’il va peut-être la tenir éveillée cette nuit ou changer sa vie et on la regarde partir et on aimerait être le livre. (…) Et puis il y a toi au milieu de cette lente agitation, qui conseille, qui répond (…) et qui met dans les mains des gens ces drôles de petits compagnons silencieux, lesquels ne réclament rien, se tiennent toujours disponibles et ont été inventés pour arracher les larmes et faire battre les cœurs.

 

A toutes et à tous, amis, collègues, visiteurs, libraires, hôtes de passage et – tous ensemble - amoureux du livre, je souhaite une heureuse année 2010 !

 

Collectif, Lettres à mon libraire (Rouergue, 2009)

01:00 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; bloc-note; essais; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

29/12/2009

Les romans s'enrhument

Bloc-Notes, 29 décembre / Les Saules

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A propos de la rentrée littéraire du printemps 2010, la revue professionnelle Livres Hebdo, dans son numéro 801 du 11 décembre nous l’annonce : Les romans s’enrhument, avec 491 titres pour janvier et février, contre 538 l’an dernier, soit un recul de 12 %, le plus mauvais score depuis 2001. Faut-il s’en étonner, le déplorer ou au contraire s’en réjouir ?

 

Ma réponse est un peu normande, car au regard d’une année 2009 qualitativement plus maussade que le crû 2008 et surtout celui de 2007, oui, je suis soulagé… pour les romans francophones et leurs éditeurs qui bien souvent, ont signé un chèque un blanc à des auteurs qui ne le méritaient pas. Un peu triste aussi, pour les étrangers dont la production à venir recule de 20 %, alors que ses talents sont écrasants en nombre, en style, en originalité, comparés aux nôtres.

 

Tenez, par exemple, Willy Melodia de Alfio Caruso (Liana Levi) consacré aux années mafia et jazz en Sicile au cours de la première moitié du siècle dernier, Venise est une fête de Alberto Garlini (Bourgois) où rôde le fantôme d’Hemingway, L’ombre de ce que nous avons été de Luis Sepulveda (Métailié) qui se déroule sur fond d’action révolutionnaire dans le Chili de Pinochet, Sept années du thurgovien Peter Stamm (Bourgois) dérèglant subtilement les mécanismes du bonheur, ou encore Fille de la zurichoise Rahel Hutmacher (Corti) qui en conteuse dévoile la violence des relations filiales.

 

En langue originale française, la moisson n’est pas aussi riche. Il y a bien sûr, Le dernier crâne de M. de Sade du vaudois Jacques Chessex (Grasset) écrit posthume consacré à la dernière année du divin marquis, L’Olympe des infortunes de Yasmina Khadra (Julliard) qui change de registre par rapport à ses précédents romans en évoquant le destin des vagabonds et laissés pour compte, Ru de Kim Thuy (Liana Levi) où la destinée d’une vietnamienne liée à deux patries véhicule le thème de l’exil, enfin Les âmes sœurs de Valérie Zenatti (L’Olivier) qui nous invite à un voyage intérieur tout en nuances, à travers le destin croisé de deux femmes.

 

Parmi ces 491 romans, quatre – tous étrangers ! - méritent une mention particulière : Comment peindre un homme mort de Sarah Hall (Bourgois) abordant avec virtuosité le monde de l’art, de la gemmelité et de l’univers des sens à travers quatre personnages hors du commun, Instructions pour sauver le monde de Rosa Montero (Métailié) où le rythme endiablé du récit parle de l’absurde, de la beauté et de la douleur d’une grande ville, Un train pour Trieste de Domnica Radulescu (Belfond) qui nous raconte une histoire d’amour et de trahison au temps de Ceausescu et Comme personne de Hugo Hamilton (Phébus) traitant de la quête identitaire au sein d’une famille après la guerre.

 

Alors, quelles que soient les leçons à tirer des statistiques de l'édition, le printemps s'annonce prometteur, notamment avec les titres mentionnés dans ce bloc-notes et qui feront, bien sûr,  l’objet d’un article, mais un peu plus tard... en 2010! Patience, donc!

00:56 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

25/12/2009

Les bonnes dames, Acte 2

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Bloc-Notes, 24 décembre / Les Saules

 

Maintenant que le mois de la fièvre acheteuse et de la suspecte effervescence ambiante s’achève dans une relative confusion, la solitude réparatrice reprend ses droits. Le silence aussi, indispensable autant que les battements de cœur dans la poitrine, messager de ces ombres bienfaisantes de l’invisible qui, toujours et partout, m’ont réconcilié avec la vie, même aux heures les plus tourmentées. Je veux parler des bonnes dames, les miennes, que même plus jeune, je préférais à mes jeunettes, mignonnes souvent, mais ne dégageant guère cette harmonie avec la terre, que les valeurs de joies simples, partagées, volontiers originales, ont vivifiée, au fil des années.

 

Tiens – j’en parle au présent bien que certaines aient rejoint Celui qui pèse le pour et le contre -, il y a celle qui me tire les cartes en ménageant soigneusement ses effets autour d’une fondue unique entre toutes… Celle qui m’invite en chuchotant à lui suggérer un livre intelligent qui, malgré cela, donne envie de tourner les pages… Celle qui égrène les heures sans journal, sans radio, sans télévision et porte en elle, pourtant, toutes les vibrations du monde… Celle qui me houspille comme un enfant indiscipliné sur mes partis-pris littéraires avec un sourire léger… Celle qui fredonne des chansons populaires ticinese dans sa cuisine, se souvenant de sa jeunesse avec gratitude… Celle dont le fils à la très haute moralité est scandalisé par son penchant pour la criminologie… Celle enfin à la main verte qui, le jour de l'an, savourant son champagne en petit comité, regrette que je ne sois son gendre... Tant d’autres à leur image – et j’en oublie – qui dans la minuscule fenêtre de mon âme, envahissement l’espace de fraîcheur, de gaieté, de paix, brillant de mille feux discrets face à la bêtise, à la médiocrité, au conformisme.

 

A vous toutes, mes bonnes dames – aujourd’hui mes contemporaines - sur la terre ou dans le ciel, mon affectueuse reconnaissance et un joyeux Noël !

 

En souvenir de Margot, Amélie, Olga et Machou

 

00:36 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/12/2009

Les bonnes dames, Acte 1

 

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Bloc-Notes, 23 décembre / Les Saules

 

Les bonnes dames, cela vous rappelle quelque chose ? Non mais, souvenez-vous de l’histoire de Marieke, Clara et Lena qui décident un beau jour – pour changer de l’Italie ou du Général Guisan entre Ouchy et Evian - d’aller se royaumer en Egypte ? Pimpantes, pas amères pour deux sous, reconnaissantes envers la vie, les voici embarquées pour une aventure inoubliable. Même si les fissures du passé aux secrets trop longtemps cachés leur inspirent parfois un brin de mélancolie, ces bonnes dames ne se laissent pas aller, bien décidées à ne pas végéter dans un mouroir. Elles inspirent à la fois de la curiosité, de l’admiration et une immense tendresse. Leurs péripéties ou anecdotes parfois très drôles – l’histoire du boa qui mange l’âne – font écho à un quotidien traversé par les fragilités de l’âge, mais qui vient à bout de la banale adversité par un sens de la vie plutôt concret: Ne pas se plaindre de crainte d’ajouter à ce qui cloche dans le monde, ne pas demander un œuf à deux jaunes 

 

Si vous ne l’avez lu au moment de sa parution, rattrapez le temps perdu avec ce roman touchant de Jean-Louis Kuffer, plein d’humour, de douceur, de vérité qu’à chaque fois je relis avec bonheur et qui voisine La grand-mère de Jade et Rose sainte-nitouche dans ma bibliothèque, autres récits avec pour toile de fond, ce bel âge de la vie !

 

Jean-Louis Kuffer, Les bonnes dames (Bernard Campiche, 2006)

Frédérique Deghelt, La grand-mère de Jade (Actes Sud, 2009)

Mary Wesley, Rose sainte-nitouche (Héloïse d’Ormesson, 2009)

20/12/2009

Barbara Fournier

Barbara Fournier.jpgBarbara Fournier, L'étreinte (Edimento, 2009)

 

La littérature et l’édition suisses savent parfois demeurer créatifs, comme en témoigne ce récit illustré avec beaucoup de finesse par Tatiana Chhirikova, qui nous conte la passion de Marina pour le séduisant Oleg, en dépit de son mari parti se battre en Crimée. Dans une atmosphère qui n’est pas sans rappeler Tchekhov ou Tolstoï – maintes fois cités par Marina au cours de ses lectures – située au début du XXe siècle, nous suivons cette belle histoire d'amour, à la fois intimiste et respirant la fraîcheur des grands espaces, quête d'un absolu bien éloigné – hélas – des perceptions de notre temps, si peu disposé aux élans déraisonnables… Un magnifique portrait de femme amoureuse qui s’expose dans toute sa fragilité, mais avec une force de vie qui n’en révèle que davantage sa singularité.

 

Son auteur, Barbara Fournier, passionnée par la culture russe – on s’en serait douté ! – signe avec L’étreinte son premier roman.     

23:53 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

19/12/2009

Christian Bobin & Pascal Quignard

Bloc-Notes, 18 décembre / Les Saules

La nuit venue, je reprends avec joie les notes de mes récentes lectures, déjà évoquées dans ces colonnes, en octobre dernier, soit La barque silencieuse de Pascal Quignard auquel répond Les ruines du ciel de Christian Bobin. Chacun à sa manière célèbre le temps, l’urgence de l’écrit, la relation à l’histoire de la pensée, le langage, la nature, la vie ou la mort qui n’est après tout pas nécessairement catastrophique … Ce modeste florilège vaut mieux être découvert dans le contexte original de ses auteurs, bien entendu, mais je vous le partage néanmoins avec beaucoup de plaisir!

Pascal Quignard

Montrer son dos à la société, s’interrompre de croire, se détourner de tout ce qui est regard, préférer lire à surveiller, protéger ceux qui ont disparu des survivants qui les dénigrent, secourir ce qui n’est pas visible, voilà les vertus. (p. 58)

*

Nul ne peut se plaindre de la vie : Elle ne retient personne.  (p.81)

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A quoi sert d’écrire ? A ne pas vivre mort. (p. 98)

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Il faut prendre exemple sur les chats qui avancent prudemment leurs coussinets sur les gouttières des toits. Il faut regarder comment ils s’arquent pour bondir avant d’atteindre le toit suivant. Moitié hardi, moitié craintif. Cette prudence est toute la politique du monde. (p. 106)

*

Est libre celui qu’on ne peut contraindre. (…) Est libre l’homme qui n’est pas esclave (…). Est libre celui qui ne demande d’autorisation à personne. Est libre celui qui ne réfère à aucune instance. Tout homme est une citadelle de tyrans qu’il faut faire sauter. (p. 107)

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La mort qui vient n’a nullement à être fuie comme le prétend l’absurde morale tonique, positive, religieuse des modernes. La mort a sa saison, qui n’est pas plus rebutante que les autres. Quand la saison de la mort est là – ce que tout le monde appelle hiver – il arrive que le ciel de nouveau recoure au bleu intense. La terre craque sous les pas. La mare n’est jamais  aussi propre que quand elle est gelée. Les feuilles ont disparu. Les fleurs, les oiseaux, les hommes, les noms, tout a disparu. Il fait si clair. (p. 124)

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La chenille ignore le papillon dont elle construit la coque de métamorphose. L’araignée file son filet de prédation sans connaître la proie. De la même manière la musique son chant. La langue son livre.  (p. 135)

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Durer est celui qui sait retirer sa main avant le trait de trop. (p.160)

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Le vent du large souffla brusquement sur nous à l’instant où nous fûmes parvenus en haut de la falaise. L’air sur la falaise était une énorme vague transparente qui se perdait dans le ciel, rebroussant soudain son souffle. Le bleu du ciel gagnait l’habit des hommes, de nous tous qui nous tenions penchés en avant, regardant la grève en contrebas, la mer en contrebas, la barque qui venait silencieusement vers l’île, penchés au-dessus de la paroi de tuf qui s’était effritée sur la grève noire. C’était d’une extraordinaire beauté. (p.238)

 Christian Bobin

 Les livres sont la résidence secondaire de l’âme. Quand elle pousse les volets de papier contre le mur, une lumière entre partout dans la pièce. (p. 15)

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L’écriture est une mendiante qui donne une pièce en or à chaque passant. (p.35)

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Sur son échafaudage de notes, Jean-Sébastien Bach lave en sifflant les vitres de l’éternel. (p. 38)

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Toutes nos pensées reviennent à chercher la clé d’un paradis dont la porte est ouverte. (p. 53)

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Les moineaux par leurs chants construisent des monastères qui durent une seconde.  L’âme surprise dans leurs cloîtres ne craint plus de mourir. (p. 58)

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La vie a besoin des livres comme les nuages ont besoin des flaques d’eau pour s’y mirer et s’y connaître. (p. 68)

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La jeunesse est le rire du malheur. (p. 70)

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La pluie qui fait chanter les pierres est la madone des refusés. (p.92)

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Je demande à un livre qu’il me donne du courage et ne me trompe sur rien. (p. 99)

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Les yeux des pauvres sont des villes bombardées. (p. 115)

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Je suis vivant, assis devant une table en bois, je regarde la lumière pleuvoir sur le jardin. Qu’irais-je demander d’autre ? (p. 147)

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La première neige est le sourire des morts. (p. 148)

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Nous vivons au pied d’une montagne enneigée qui dès l’instant de notre naissance a commencé à s’écrouler sur nous. (p. 181)

 Pascal Quignard, La barque silencieuse (Seuil, 2009)

Christian Bobin, Les ruines du ciel (Gallimard, 2009)

 

 

03:00 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Pascal Quignard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essais; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

14/12/2009

Figaro ci, Figaro là

Bloc-Notes, 14 décembre 2009 / Les Saules

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La presse dite sérieuse aurait-elle cédé aux modes si chères à la télévision – façon Cauet, Fogiel ou Ardisson par exemple – dont la provocation ou la mise en boîte devrait conférer à leurs critiques ou animateurs un statut de personnalité hors du commun ? Tel semble bien être le cas du Figaro littéraire, dont l’éditorial, longtemps assuré par des écrivains ou journalistes invités, assurait un regard varié, intéressant, constamment renouvelé sur le monde des lettres. Aujourd’hui, nous subissons chaque semaine un écrivain de seconde zone, Yann Moix. Oui, je veux bien dire celui qui romance Edith Stein et Michael Jackson !

 

Successeur dans la version corrosive (voir ses récentes critiques sur Olivier Adam ou Christian Bobin) d’un autre érudit aux accents proustiens qui ne laisse pas une trace indélébile dans nos mémoires – prix Femina pourtant en 1971 pour La maison des Atlantes – Angelo Rinaldi, il aurait dû, dans l’esprit volontiers frondeur du Figaro, être recalé par un Frédéric Beigbeder qui, lui au moins, nous partage une vision plus originale, volontiers à contre-courant et enrichissante sur la littérature, à laquelle se juxtapose une pratique très habile, probablement sincère, de l’autodérision. Lucide, le bougre !

 

Ce dernier peut-être trop cher pour le Figaro en période de vaches maigres, il restait au journal une autre stratégie possible : Ne pas changer une formule qui marche. Inconcevable il est vrai, pour les stratèges du marketing dont la vision d'avenir est forcément plus pertinente ou réaliste que la précédente ! Pourtant, il faut bien en convenir, même au niveau de la présentation, elle aussi nouvelle, c’est raté. Un peu cheap, pourrait dire Yann Moix…   

22:03 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : presse | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/12/2009

Sacha Sperling

Bloc-Notes, 13 décembre / Cologny

littérature; roman; livres  

Il arrive qu’on se plante complètement dans nos découvertes littéraires, comme dans celles de la vraie vie. Par souci de l’urgence, parfois. Par manque d’ouverture d’esprit, la plupart du temps. Prenez par exemple Mes illusions donnent sur la cour de Sacha Sperling, paru en août. Un extrait du 4e de couverture peu engageant – en ce qui me concerne – avec ces mots : « Ce matin, on a braqué le minibar… » J’ai renoncé et relégué ce texte aux oubliettes sans le moindre remord, un de plus parmi les quelques 660 romans de la rentrée littéraire annoncée. Non sans que j'ajoute, sur un ton désabusé : Encore un texte dans l’air du temps, probablement complaisant en diable, mal écrit, farci de clichés ou de trucs littéraires détestables. Bref, très tendance française.

 

Or, samedi 5 décembre, dans les colonnes du journal « 24 Heures », le magnifique article de Jean-Louis Kuffer consacré à ce livre m’a interpellé et stimulé ma curiosité, en cette période où les nouvelles parutions se font plus rares. Je l’ai donc lu, en deux jours ( !) et ne taris plus depuis lors d’éloges sur cet auteur âgé de 18 ans à peine. Son style fluide, concis, dépourvu de pathos, transpire d’une étonnante maturité pour un premier roman. Son portrait d’une jeunesse qui, bien plus que de mal être, se radicalise devant l’ennui, le vide intérieur et l’urgence de vivre, adopte un angle de vue original, contemporain, lucide sur son époque. Pied de nez aux conventions du genre, il est sacré, finalement – mea culpa ! – l’un des meilleurs livres francophones de l’année. Avec d’autres hasards de calendrier, il aurait largement mérité un prix littéraire. Tiens, le Goncourt des Lycéens, par exemple!

 

On songe aux vers de Paul Verlaine : « Avide jeunesse à tout a servi, par délicatesse j’ai menti ma vie… »

 

Sacha Sperling, Mes illusions donnent sur la cour (Fayard, 2009)

11:51 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/12/2009

La scie rêveuse

René Char 1.jpgS'assurer de ses propres murmures et mener l'action jusqu'à son verbe en fleur. Ne pas tenir ce bref feu de joie pour mémorable.

Cessons de lancer nos escarbilles au visage des dieux faillis. C'est notre regard qui s'emplit de larmes. Il en est qui courent encore, amants tardifs de l'espace et du retrait. Ainsi, dieux improbables, se veulent-ils peu diligents dans la maison mais empressés dans l'étendue.

Loi de rivière, loi au juste report, aux pertes compensées mais aux flancs déchirés, lorsque l'ambitieuse maison d'esprit croula, nous te reconnûmes et te trouvâmes bonne.

Souffle au sommeil derrière ses charrues: "Halte un moment: le lit n'est pas immense!"

Entends le mot accomplir ce qu'il dit. Sens le mot être à son tour ce que tu es. Et son existence devient doublement la tienne.

Seule des autres pierres, la pierre du torrent a le contour rêveur du visage enfin rendu.

 

René Char, Dans la pluie giboyeuse / Gallimard 1971

11:19 Écrit par Claude Amstutz dans La scie rêveuse, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |