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10/03/2011

Kafka, l'éternel fiancé

Bloc-Notes, 10 mars / Nyon

littérature: récit; essai; livres

Il allait seul son chemin, effrayé par le monde. sa maladie lui conférait une sensibilité confinant au miraculeux et un raffinement intellectuel sans compromis, jusqu'aux conséquences les plus terrifiantes. Il était timide, inquiet, doux et bon, mais les livres qu'il écrivait, les plus importants de toute la jeune littérature allemande, sont cruels et douloureux. Il voyait le monde rempli de démons invisibles qui anéantissent l'homme sans défense. Il était trop lucide, trop sage pour pouvoir vivre, trop faible pour combattre, il était de ceux qui depuis toujours se savent impuissants, se soumettent et, ce faisant, couvrent de honte le vainqueur. Ses livres, pleins d'une ironie sèche, décrivent l'horreur de l'incompréhension, de la faute innocente. C'était un artiste qui entendait encore là où les sourds se croyaient en sécurité.

L'extrait de cet hommage bouleversant, paru à la mort de Franz Kafka, est signé Milena Jelenska, la compagne qui a sans doute le mieux appréhendé celui pour qui écrire était sa raison de vivre. et que Jacqueline Raoul-Duval met admirablement en lumière à la fin de son récit Kafka, l'éternel fiancé, présenté sous une perspective originale, celle des femmes qui ont marqué sa trop brève existence. 

Réjouissons-nous, car ce livre démontre que l'érudition n'est pas opposée à la légèreté de la plume et que l'intelligence n'empêche pas une lecture agréable. Comme au théâtre, nous voyons revivre auprès de Franz la berlinoise Felice Bauer, représentante de commerce, la jeune fille qu'il n'a vue qu'un soir, une heure à peine, coiffée d'une capeline beige et blanc, avant de lui dédier - outre une centaine de lettres, télégrammes, messages - Le verdict, le seul récit qu'il jugera valable jusqu'à sa mort. L'a-t-il aimée, espérée ou imaginée, du fond de sa solitude, celle dont il dit au premier coup d'oeil qu'elle est sans charme, sans attrait, décidée, pleine d'assurance, robuste?

Julie Wohryzeck ensuite, une secrétaire de Prague, commune mais étonnante, jolie, auprès de laquelle, encore en bonne santé, il goûtera au bonheur, jusqu'à l'arrivée de Milena Jelenska, journaliste et écrivain qui entre tel un ouragan dans sa vie, une lumière dans les ténèbres, alors que la tuberculose le ronge déjà et le prive de couleurs. Enfin Dora Diamant, institutrice polonaise à Berlin, une merveilleuse créature, intelligente, douce, croyante, pieuse, qui l'accompagnera jusqu'à la fin. D'autres personnages féminins occupent une place singulière et mériteraient d'être mentionnés, mais ceux-là, je vous laisse les découvrir!

L'auteur de cette magnifique évocation de Franz Kafka met en perspective ce qui, dans presque tous les cas de figure, a posé problème à ses conquêtes: une oeuvre en devenir où l'homme n'est qu'une ombre pitoyable devant le soleil, un monde absurde où toute entreprise est vouée à l'échec, où les innocents se reconnaissent coupables. (...) Glacées d'effroi, ces amoureuses ne savent plus qui est l'homme qu'elles aiment, elles ne distinguent plus la fiction de la réalité.

En annexe à ce récit qui se lit avec plaisir comme un véritable roman, Jacqueline Raoul-Duval nous dresse un tableau précis, émouvant, pathétique, de la destinée de tous les familiers de l'écrivain après son décès, un certain 3 juin 1924, à l'âge de 40 ans. Et si la vie de Kafka a été marqué par le sceau de nombreuses tragédies, vous vous apercevrez que le malheur a frappé nombre de ses proches aussi, pour des raisons fort diverses... 

Un mot, pour finir: Si vous voulez en savoir davantage sur la personnalité de Franz Kafka, lisez Pietro Citati; si vous avez lu ses oeuvres et cherchez à approfondir votre perception, lisez Marthe Robert ou - en allemand et en anglais - Klaus Wagenbach dont l'essentiel n'est plus disponible en langue française. Et n'oubliez pas Alexandre Vialatte, le premier traducteur en langue française de ce désormais incontournable prodige des lettres modernes et qui nous en dresse un portrait souvent inattendu!

Jacqueline Raoul Duval, Kafka l'éternel fiancé (Flammarion, 2011)

Pietro Citati, Kafka (coll. Folio/Gallimard, 1991)

Marthe Robert, Seul comme Franz Kafka (Calmann-Lévy, 1994)

Alexandre Vialatte, Mon Kafka (Belles-Lettres, 2010)

09/03/2011

Le poème de la semaine

Paul Eluard


Dans mon chagrin rien n'est en mouvement

J'attends personne ne viendra

Ni de jour ni de nuit

Ni jamais plus de ce qui fut moi-même


Mes yeux se sont séparés de tes yeux

Ils perdent leur confiance ils perdent leur lumière

Ma bouche s'est séparée de ta bouche

Ma bouche s'est séparée du plaisir

Et du sens de l'amour et du sens de la vie

Mes mains se sont séparées de tes mains

Mes mains laissent tout échapper

Mes pieds se sont séparés de tes pieds

Ils n'avanceront plus il n'y a plus de routes

Ils ne connaîtront plus mon poids ni le repos


Il m'est donné de voir ma vie finir

Avec la tienne

Ma vie en ton pouvoir

Que j'ai crue infinie


Et l'avenir mon seul espoir c'est mon tombeau

Pareil au tien cerné d'un monde indifférent


J'étais si près de toi que j'ai froid près des autres.

 


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:12 Écrit par Claude Amstutz dans Paul Eluard, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

06/03/2011

Andrés Barba

Bloc-Notes, 6 mars / Les Saules

littérature; roman; livres

Andrés Barba - l'auteur de Versions de Teresa, de Et maintenant dansez et de La Ferme Intention, auprès du même éditeur - est âgé de 26 ans à peine, quand il publie La soeur de Katia, un roman tout à fait bouleversant.

Toujours proche des fêlés de la vie, au sens moral autant que physique, il nous raconte, sous le regard d'une adolescente de quatorze ans dont nous ne saurons rien ou presque - pas même son nom - l'histoire de sa famille: un père inconnu, une grand-mère en fin de vie, une mère prostituée, enfin Katia, sa soeur aînée strip-teaseuse dans un club de Madrid et droguée. Le résumé d'un parfait mélodrame, me direz-vous... Or, il n'en est rien, car ainsi que développé dans son plus récent roman Versions de Teresa déjà présenté ici, l'écriture d'Andrés Barba est de celles qui ressemble à une corde tendue à l'extrême, vibrante, simple témoin involontaire de la fragilité de ces existences qui refusent de se briser sur le sol à la manière de funambules qui ont trop vite grandis et osent leurs pirouettes sans filet, juste pour sentir le frémissement de la vie qui les engloutit, les traverse ou les unit. Pas de place pour les apitoiements. Le regard si particulier que l'auteur jette sur ses personnages suggère au contraire une foule de questions gagnant le lecteur par une attention pleine d'empathie aux détails infinis du quotidien.

A l'opposé d'une peinture sociale, ce roman, comme dans un théâtre aux ombres trompeuses, met en lumière un petit monde de gens ordinaires, assoiffés d'amour et en ignorant le prix, baladés au gré de sentiments qui les dépassent, avec ses heurts, ses silences, ses non-dits, ses attentes. Un des passages poignants affecte la soeur de Katia, tombée sous le charme d'un jeune américain, John Turner, qui lui délivre un message porteur de douloureux prémices d'avenir: Dieu t'aime... à elle qui semble n'avoir jamais été aimée, et de ce fiasco, elle sortira grandie, dépourvue de rancune, attendrie, réchauffée: Le printemps était arrivé avec la rapidité inattendue d'une bonne nouvelle qui survient en pleine désolation. Les rues ne tardèrent pas à se remplir de nouveau de touristes aux vêtements gais avec leur appareils photo. C'était agréable de les regarder passer avec leurs chemises d'Italie, leurs chaussures de Hollande, leurs yeux d'Angleterre, si lointains il y a peu et maintenant si proches qu'elle aurait pu les toucher en tendant les bras. Comme leurs parfums étaient incroyables, et leurs sourires, leur façon de s'embrasser en pleine rue, de se dire qu'ils s'aimaient.  

Autre temps fort de ce livre, servi par des dialogues percutants, cruels et tendres à la fois: la grand-mère, sujette à des accès de démence, progressivement atteinte de la maladie d'Alzheimer et qui meurt apaisée auprès de sa fille comme ces mouettes d'un endroit d'Angleterre: Elles avaient aussi leurs lois, elles aimaient elles aussi, elles avaient des petits, elles leur cherchaient de la nourriture et, elles aussi, elles mourraient.

Katia quant à elle, révoltée contre la famille en général et sa mère en particulier, traverse la vie avec rage, mais avec drôlerie aussi - telle la description amusante de son numéro de scène avec Mora - ravie de retrouver sa soeur, comme une lueur dans la nuit des moments difficiles: Quand elle se glissa sous les draps, elle sentit la douce chaleur du corps de Katia et se serra contre elle. Le monde reprit forme, statique et simple, quand elle sentit la main de Katia lui caresser le dos. Elle ferma les yeux. Elle aurait aimé crier qu'elle était heureuse.

Même si certains thèmes récurrents plutôt sombres secouent cette délicate leçon d'amour sur fond de solitude - la nudité révélée comme un mensonge à découvert, la religion fabriquant la honte et la culpabilité, le corps voué à une inévitable déchéance au fil du temps - l'approche en demeure chaleureuse et s'ouvre à maintes réconciliations possibles dont la soeur de Katia fait figure de présence consolatrice avec ses mots simples et ses gestes empreints de douceur.

Décidément, Andrés Barba est un auteur qui mérite d'être mieux connu et partagé!  

Andrés Barba, La soeur de Katia (Bourgois, 2006) 

20:04 Écrit par Claude Amstutz dans Andrés Barba, Bloc-Notes, Littérature espagnole, Littérature étrangère | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

05/03/2011

Patrick Rambaud

9782246671510.gifPatrick Rambaud, Le chat botté (Grasset, 2006)

Nombreux sont les ouvrages d’histoire ou de fiction consacrés à Bonaparte. Pourtant ce roman, écrit par un passionné de cette époque – voir Il neigeait, L’absent ou encore La bataille, tous disponibles en livre de poche –, s’attache à la période la plus créative et la plus intéressante de Bonaparte, qui commence avec la mort de Robespierre et s’achève avec le mariage de Joséphine de Beauharnais. Très sérieusement documenté mais sans être savant, son écriture est limpide, agréable, soutenue. Une valeur sûre en littérature et un plaisir de lecture à la manière d’Alexandre Dumas.

Egalement disponible en coll. Livre de poche (LGF, 2008)

00:17 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

04/03/2011

La musique sur FB - 1327 M.Szymanowska

Maria Szymanowska

Etude No 9

Maria Agata


16:10 Écrit par Claude Amstutz dans La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | |  Imprimer |  Facebook | | |

La musique sur FB - 1293 N.Miaskovsky

Nicolaï Miaskovsky

String quartet No 13 in A minor, Op 86

Borodine Quartet


16:05 Écrit par Claude Amstutz dans La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | |  Imprimer |  Facebook | | |

La musique sur FB - 1322 J.Strauss II

Johann Strauss II

Die Fledermaus

 

Nicolai Gedda, Elisabeth Schwarzkopf

Helmut Krebs, Rita Streich 

Erich Kunz, Karl Doench 

Rudolf Christ, Erich Majkut 

Louise Martini, Franz Boeheim 

Philharmonia Orchestra & Chorus

Herbert Von Karajan


La musique sur FB - 1321 A.Dvorak

Anton Dvorak

Cello concerto in B minor, Op104

 

Jacqueline du Pré

Swedish Radio Symphony Orchestra

Sergiu Celibidache

pour Dominique B




15:50 Écrit par Claude Amstutz dans Jacqueline du Pré, La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | |  Imprimer |  Facebook | | |

La musique sur FB - 1320 M.Mussorgsky/M.Ravel

Modeste Moussorgski

Pictures of an Exhibition (orch. Maurice Ravel)

 

BBC Symphony Orchestra

Evgeny Svetlanov


15:45 Écrit par Claude Amstutz dans La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | |  Imprimer |  Facebook | | |

La musique sur FB - 1319 J.Sibelius

Jean Sibelius

Andante festivo

 

Oslo Philharmonic Orchestra

Mariss Jansons


15:40 Écrit par Claude Amstutz dans La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | |  Imprimer |  Facebook | | |