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30/10/2011

Gilberte Favre 1a

Bloc-Notes, 30 octobre / Nyon

littérature; récit; livres

Certains livres portent bien leur titre. Ainsi en est-il du récit de Gilberte Favre, Des étoiles sur mes chemins, car davantage que le film d'une vie, c'est d'un chant de reconnaissance qu'il s'agit: hommage à son père de sang trop tôt disparu, un orphelin inconsolable, préférant les grands espaces aux murs de l'école qui, malgré ses lacunes intellectuelles, avait un regard lucide sur la vie, le monde et la nature: ruisseaux, rivières de montagnes, arbres, oiseaux en liberté, couchers de soleil... Surtout, mon père aimait le Silence, et j'ai hérité de ce besoin. Depuis qu'il a disparu, des chants d'oiseaux m'accompagnent. J'essaie de les identifier, hésitant entre le rouge-gorge et la mésange charbonnière, ou serait-ce la fauvette? Mon père qui les aurait tous reconnus avec précision, aurait ri de mes doutes, de mon ignorance. Au fil de ces pages, j'ai pris congé de lui - le vrai, le taiseux, celui que j'ai cherché à découvrir rétrospectivement - tout en pensant à l'Autre, le Père-Poète.

Le Père-Poète, cette rencontre déterminante dans sa vie - il en est d'autres telles Andrée Chedid, Eleni Kazantzaki, J.M.G. Le Clézio ou Ghassan Tueni - a pour nom l'écrivain Maurice Chappaz. Il l'appelle l'hirondelle de vie et irradie tout le chemin de Gilberte Favre de sa présence douce, de ses réflexions marquées par la poésie naturelle et le bons sens, tout particulièrement quand son époux N. - Noureddine Zaza, écrivain et homme politique kurde - se trouve frappé par un cancer: Soyez sûre que ce que vous ferez, direz, il le comprend, mais le côté désespoir crée ce sentiment terrible d'échec, de culpabilité, de rétorsion. En même temps que l'homme est infiniment touché par la bonté de l'autre et emportera pour vous votre bonté dans l'autre monde et vous protégera dans celui-ci. A vous, à tout ce que vous guidez avec le plus grand et le plus constant amour.

Si ce livre peut ressembler parfois à un office des morts - titre d'un ouvrage de Maurice Chappaz - en l'honneur de ceux qui, pour la plupart, ont aujourd'hui quitté ce monde - N., Maurice Chappaz ou Andrée Chedid - il est aussi pétri de cette gratitude qui ne console pas de l'absence, et de la reconnaissance vouée au pouvoir des livres qui ont inspiré son chant du monde, au-delà des épreuves que l'existence a pu lui réserver: J'aime les mots pour leur présence, leur musique, leur signification, leur mémoire. Tout ce qu'ils évoquent et qu'ils cachent, parce qu'ils chantent. Je les aime parce qu'ils sont fidèles, parce qu'ils sont toujours près de nous, en nous. Ils sont la vie et s'ils savent dire la mort, ils sont - de par nature - la négation de la mort.

De la Suisse ou Kurdistan, de la Grèce au Liban, de Chypre au Hoggar, la plume de cette grande voyageuse observe, décrit et intègre à son appréhension du temps de la fracture et du souvenir tout ce qu'elle y découvre d'oppression, de peine ou d'injustice dont elle a déjà rendu compte dans ses écrits antérieurs: J'étais lasse de notre monde civilisé que je voyais peuplé de prétentieux avides et cyniques, de blasés ignorant la caresse fraternelle du soleil comme le frémissement des feuilles sous la chaussure. Et c'est sans doute dans les livres - lus ou écrits - qu'elle a puisé l'énergie et la conviction nécessaires pour réduire les angles discordants.

De nombreux auteurs ont habité Gilberte Favre au fil de son récit Des Etoiles sur mes chemins et, plutôt que de les énumérer tous, vous trouverez en annexe quelques-unes de ces citations qui forgent ses traits ou son vécu et constituent une terre ferme dont elle n'est pas prête à se détourner...

Une note d'Oiseau vaut mieux qu'un million de mots. (Emily Dickinson) 

Journaliste, critique littéraire et écrivain, on doit à Gilberte Favre un livre consacré à la première épouse de Maurice Chappaz, Corinna Bille, le vrai conte de sa vie aux éditions 24 Heures. Elle signe également L'hirondelle de vie - Chronique des enfants du Liban, aux éditions de L'Aire. Suivent deux romans chez le même éditeur: Comme un acte de mémoire et Survivre.

Son blog, consacré pour l'essentiel aux rumeurs du monde et à la poésie, mérite davantage qu'une simple visite de courtoisie: http://itineraires.blog.24heures.ch/ 

Gilberte Favre, Des Etoiles sur mes chemins (Editions de L'Aire, 2011)

15/06/2011

Le poème de la semaine

Maurice Chappaz

O juillet qui fleurit dans les artères
je désire toutes les choses
Dans la rouge mémoire de mon sang
bougent les limons et les chairs vivaces
sécheresse sécheresse
ils chantent les écumes
mes soifs fument
Mais toi tu es délicatesse
tu me seras livrée la nuit comme la forêt
qui dira alors ce qu'est ton coeur?
la pleine nuit de ton coeur?
quel silence
puis quelle voix superbe chantera dans l'ombre.
 
Quand tu seras penchée vers moi
alors mes bras deviendront beaux
tu reposeras sur ma poitrine
et tu seras sur moi comme une source
comme le chant de la source
ô tendresse qui éveille les eaux
et leur abondance douce
Je sais que tu es semblable à la terre
que pareille tu apportes de rustiques présents
que ton corps est comme le vrai froment
tu donnes le pain
le don simple et bon
de ce qui se touche et qui se voit
tu couvres l'homme de moisson
tu es pareille aux fruits des arbres
apportant leur soleil et leur douceur
et je t'appellerai le lait le miel le raisin.
 
Puis vient la joie
vous saisons vous matières
vous êtes cédées
oh! j'ai envie de dire merveille merveille
femme combien tu es belle
paraît ta grande nature
tu glisses dans les bras de celui qui t'aime
tout soleil est perdu
C'est maintenant le silence frais de la nuit
c'est dans ton coeur qu'il faut chercher l'été
qu'il faut tout chercher
je n'ai plus qu'envie de dire
merveille merveille
qui dira la nuit? qui dira l'été?
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

13/03/2011

Jour de grève

Bloc-Notes, 13 mars / Les Saules

littérature; récit; livres

Aujourd'hui, ça y est. C'est décidé. Je m'offre un luxe dominical, celui de mettre - comme on dit chez nous - les pieds contre le mur! Quel mur? Celui de la déferlante des nouveautés qui, Salon du Livre de Paris oblige, éveillent certes ma curiosité, parfois me désespèrent et tout à coup, me submergent. Ce qui forge parmi mes moments de bonheur les plus miraculeux ou inattendus, soudain cède le pas aux humeurs cruelles, probablement injustes et un brin cyniques, ce qui, à dire vrai, n'est pas vraiment, aussi loin qu'il m'en souvienne, dans ma nature. L'impression désagréable qu'ayant à peine quitté le restaurant de Philippe Chevrier à Satigny, je suis déjà sur le pas de porte de celui de Gérard Rabaey à Brent... L'abondance nuit à la saveur, au plaisir, à la dégustation des mots, au balancement agréable et doux éprouvé à la découverte d'un auteur, nouveau venu sur cette terre généreuse de l'écrit.

Une dizaine de livres parus au cours du premier trimestre de cette année, attendent ce déclic intérieur et parmi ces derniers, combien en lirai-je dans les semaines qui viennent? Deux ou trois peut-être, faute de temps, comme tout le monde, sans doute. D'autant plus que ceux à paraître entre mars et avril - une autre dizaine - garnissent déjà abondamment mon unique fauteuil réservé aux lectures incontournables, à entrepredre sans tarder. Alors oui, devant la pléthore de ces instants d'émotions possibles liés à l'actualité du livre, eh bien oui, je bois la tasse et... fais la grève! 

Tous les sens en éveil, devant les teintes rougeoyantes du ciel en cette fin de dimanche, déambulant dans notre jardin en toute tranquillité, j'observe le manège amoureux des oiseaux autour de la maison de bois en face de la fenêtre de notre cuisine, émerveillé et reconnaissant de cette joie intérieure qu'accompagnent les perce-neige, crocus de toutes les couleurs - bleus striés de blanc, jaunes ou violets - qu'accompagnent les premières éclosions du camélia et des primevères, cette sorte de sourire que sont parfois les fleurs au milieu des herbes graves, comme le dit si bien Philippe Jaccottet.

Je m'accorde un temps de marche pour peaufiner de nouveaux projets qui me trottent dans la tête, dont celui qui verra bientôt le jour sur le blog de La scie rêveuse - en avril probablement - consacré aux plus belles musiques classiques découvertes ou ravivées par Facebook. 

Et maintenant? Retour au livre aimé, choisi, aussi libre que l'air respiré. Celui entrepris voici quelques jours, signé Jacques Perrin, Dits du gisant, dont les mauvaises langues pourraient dire qu'il s'agit d'un vieux livre, puisque paru en septembre 2009! C'est l'histoire de Jasper, un alpiniste de l'extrême qui, à la suite d'un accident de montagne avec son ami Robert, se retrouve cassé, émietté, immobilisé sur un lit d'hôpital d'où il tirera sur le fil ténu qui abolit les frontières invisibles entre la vie et la mort, amorçant une lente reconstruction tant physique qu'intérieure, vivifiée par le souvenir, la magie des instants uniques, les rencontres, les visages. La littérature y est un levier crucial: Arthur Rimbaud, mais aussi Maurice Chappaz, Robert Walser ou Rainer-Maria Rilke. Il est vrai que ce récit, par de nombreuses évocations, se situe aux confins de la poésie. Il a neigé hier; l'ombre est venue sur ce blanc; des pas d'oiseaux menus - signes à déchiffrer peut-être? Tu penses à Nietzsche, aux grands événements qui, selon lui, arrivaient dans la discrétion, sur des pattes de colombe; transformation du temps, la pluie et un peu de neige sur les hauteurs aujourd'hui; ces flocons qui demeurent suspendus, accrochés aux paraisons glacées de la paroi...   

Rarement j'ai lu de si belles pages consacrées à la montagne, au temps du vin - qui occupe aussi une place de choix dans le coeur de Jasper - aux possibles fins dernières dont le narrateur par le biais d'un Journal entrevoit les lueurs imprévues: D'ici j'ai peine à deviner tes traits. Je voudrais me relever, me pencher pour mieux te voir. Impossible. Je ne vois que le vide qui nous sépare. Je suis pris de vertige. Le vent s'est levé et souffle avec une rare violence. Il me traverse, me glace encore davantage au passage. Mon corps ne lui offre aucune prise. Je suis ouvert, transparent, dépouillé, sans forme précise. Qui me regarde ne me verra pas. Qui me parle n'entendra pas ma réponse. Qui me touche me brisera davantage encore. J'entends que tu souffres à côté de moi. Je t'envies: tu existes. On peut dire au moins quelque chose de ta souffrance.

Dits du gisant est l'une des plus belles parmi mes lectures récentes et pour vous - moins sensibles que je ne le suis au rythme obsédant du calendrier - il suscitera un jour proche, je l'espère, un de ces bonheurs de lecture savourés au pas lent, régulier et attentif du montagnard, en compagnie d'un écrivain, un vrai.

Le dernier opus de X attendra bien un peu...

Jacques Perrin, Dits du gisant (L'Aire, 2009)

21/04/2010

Le poème de la semaine

Maurice Chappaz


Je voudrais que les baisers

remplacent les chants d'oiseaux.

Qu'ils pépient dès l'aube

sur tes joues, tes paupières.

Je voudrais que la nuit

remplace le jour,

que la prière

remplace le travail,

que le silence

remplace les paroles.

Je voudrais que l'éternité

remplace cette vie

ne serait-ce qu'un instant.

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:09 Écrit par Claude Amstutz dans Maurice Chappaz, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

21/03/2010

Perdue de vue

Bloc-Notes, 21 mars / Les Saules

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Sur un quai de gare, il vous semble croiser une amie perdue de vue, depuis combien de temps déjà? Dix ans, vingt ans? Vous reconnaissez sa démarche aérienne, son élégance, ce parfum entêtant qui flotte dans l'air, les dominantes rouges et jaunes de sa parure du jour, le balancement évasif de sa main allumant une cigarette. Alors: Vous plongez? Cédez-vous au plaisir de renouer avec un souvenir agréable, ou feignez-vous l'indifférence, de peur d'être déçu, de gâcher votre souvenir, parce que vous avez changé - dans votre tête, dans votre corps - et que pour elle, il doit en aller de même? Voilà bien le hic!

Je vous abandonne à ce dilemme cornélien et reviens aux livres, car avec eux, la même question se pose, implacablement. Tôt ou tard, j'ai pris le risque de caresser à nouveau certains volumes poussiéreux de ma bibliothèque, m'imprégnant de leur odeur particulière, avant de les feuilleter ou les relire. Frustré, rassuré, émerveillé par cette recherche du temps perdu? Cela, on ne le sait qu'après!

Par exemple, recherchant des textes pour mon anthologie poétique francophone du XXe siècle - Quelques traces de craie dans le ciel - j'ai relu bien des poèmes de Jean-Pierre Duprey, de Jean Daive ou Jacques Roubaud que j'aimais beaucoup. Aujourd'hui, ils ne dégagent plus de vibrations et leurs mots glissent entre mes doigts comme du sable que je ne cherche pas à retenir, malgré la beauté du style qui ne suffit plus à mon bonheur. Plus nuancé, mon attachement aux poèmes de Raymond Queneau, Jean Cocteau ou Pierre-Jean Jouve, dont le choix de textes s'est réduit au fil du temps qui passe.

Parfois, les auteurs sont demeurés présents, mais pas avec les mêmes textes: Chez Albert Camus, je préfère maintenant - et de beaucoup - La chute à L'étranger qui avait pourtant bouleversé mon adolescence. De même pour Georges Bernanos, dont Le journal d'un curé de campagne a failli m'envoyer au séminaire (!) alors qu'en ce 21mars 2010, c'est La nouvelle histoire de Mouchette qui m'émeut aux larmes, ou encore André Malraux dont L'espoir a cédé la place à La corde et les souris qui me laissait de marbre à vingt ans...

Pour certains - parmi les illustres ou les plus modestes - la magie n'a jamais cessé d'agir: René Char, Louis-Ferdinand Céline, François Mauriac, Colette, Georges Perros, Philippe Jaccottet, Maurice Chappaz, Antoine Blondin, Roger Nimier... ce qui tend à insinuer que les livres ne s'apparentent pas à l'immobilisme des pierres tombales mais sont en mouvement et nous tendent, souvent mieux que nos frères humains, un miroir où se reflètent, pour le meilleur ou pour le pire, nos brûlures et notre destin.

photographie: Nusch Eluard, par Man Ray (1935)

28/02/2010

Maurice Chappaz

Bloc-Notes, 28 février / Les Saules

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Le 15 janvier 2009, Maurice Chappaz rejoignait le paradis des poètes, non sans nous laisser - outre Le chant de la Grande Dixence, Les maquereaux des cimes blanches, Le portrait des valaisans, La pipe qui prie et qui fume - un écrit qu'on peut qualifier de testamentaire, Le roman de la Petite Fille. Hommage à sa seconde épouse Michène dont il souhaitait retracer l'enfance et l'histoire de sa famille, ce texte inachevé devait comporter deux parties constituées de cinq chapitres, mais le manuscrit s'achève à la mort de l'auteur, au troisième chapitre de la seconde partie.

Illustré par les coquillages de Gérard de Palézieux, ce récit est bien plus que l'évocation de Michène - dont il nous dit qu'elle a épousé l'écriture sans être écrivain - car son regard vif et malicieux embrase un passé porteur de reconnaissance, un présent réconcilié avec la terre qui lui donne un sens, un avenir sur lequel il s'interroge avec douceur, avec confiance.

Bien sûr, au moment d'entrer dans l'autre monde, les affres de la vieillesse ou de la maladie le préoccupent. La mort est omniprésente à cet écrit, mais imbriquée dans la vie, l'une étant la face cachée de l'autre, une fulgurence, un reflet, une résurrection. Je dis ma disparition (...) Voici une heure que je rédige des lettres à des camarades dans l'existence. Sur une enveloppe j'écris le nom d'un ami qui dort au cimetière. Pour un peu je mettrais l'adresse du cimetière. Ce qu'on fait avec plus d'intelligence quand on prie.

Ailleurs, il note: Parce qu'il sait qu'il va mourir bientôt, sans mettre de temps sur ce "bientôt", le vieil homme se sent le coeur serré et ouvert, avec une sorte de joyeux espoir. Pour rien au monde on ne voudrait ne pas mourir. On entre enfin dans la vie contemplative qui est l'aventure des aventures: choisir ce qui se cache dans la mort elle-même. Et qui nous fait deviner l'incessante beauté du monde et nous associe à la nature, laquelle attend son heure.

Si ce que nous partage Maurice Chappaz nous parle - la présence des morts, leur griffe sur les événements de notre vie - alors, pour sûr, il demeure parmi nous, en sourire et en écriture. Il est là, tout près et nous accompagne, si nous avons la patience de l'entendre comme les feuilles des arbres qui s'envolent, comme un ange qui passe ...

Maurice Chappaz, Le roman de la Petite Fille (Fata Morgana, 2009)

13:16 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature suisse, Maurice Chappaz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: récit; livresé | |  Imprimer |  Facebook | | |

15/02/2010

Editions Le Cadratin, Vevey (Suisse)

Bloc-Notes, 15 février / Les Saules

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Certains éditeurs font un travail absolument merveilleux, même s'il est bien difficile de trouver leurs ouvrages en librairie. Le Cadratin est un atelier traditionnel de typographie, de création établi sur les quais de Vevey. Son éditeur apprécie les beaux papiers et ses travaux sont réalisés de façon artisanale, par pure passion pour cet art ancien, sans contrainte de productivité. Ses ouvrages sont pour la plupart limités dans leur tirage et numérotés.

L'atelier - nous confie Jean-Renaud Dagon - comprend les rangs, tous en bois, garnis de nombreuses casses contenant les diverses polices de caractères en plomb ou en bois, et de casseaux renfermant filets en laiton ou cadres et motifs décoratifs en plomb. Les lingotiers, quant à eux, contiennent lingots et interlignes. Les outils du compositeur sont le composteur, le typomètre, les pinces et la galée. Pour l'impression, il utilise des Heidelberg à platine ou à cylindre des années 1950 et une Phoenix, presse à pédale datant de 1911.

Parmi les fleurons du Cadratin, je vous en cite quelques-uns, dont la qualité des textes rime avec la beauté, la sensualité, la lumière qui se dégagent de l'objet réalisé: Chez Marcel Imsand de Philippe Dubath, Ta belle mort de Nancy Huston, La chiffonière de Maryse Renard, Valais-Tibet de Maurice Chappaz, sans oublier deux classiques: La mouche de William Blake et Voyelles d'Arthur Rimbaud.

Si vous passez par l'attachante ville de Vevey où il fait si bon vivre, ne manquez pas de visiter ce lieu magique qui enchantera les amoureux du livre que vous êtes. Un coin du voile est levé sur le site Internet de l'éditeur dont le lien permanent est intégré à ce blog.

Si vous le consultez, vous serez agréablement surpris par les prix raisonnables de ses livres qui tiennent allègrement la comparaison avec les grands éditeurs parisiens dont la qualité de papier, la typographie ou l'orthographe pour certains - malgré 30 € ou davantage - voisine le 20 minutes... hélas!

http://www.lecadratin.ch

06:17 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Maurice Chappaz | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bloc-notes; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

16/11/2009

Noëlle Revaz

Noëlle Revaz.jpgNoëlle Revaz, Quand Mamie (Nouvelle Revue Française no 991, Gallimard, 2009) 

Noëlle Revaz signe dans cette revue un court texte, sublime, Quand Mamie (sera morte), qui aurait pu commencer par d’autres mots. Par exemple : Quand je serai à la retraite ou Quand Julie entrera au pensionnat ou Quand papa sera enfin parti. Car, derrière le choix de l’auteur, c’est de prétextes dont il est question, pour imaginer au lieu d’agir, rêver plutôt que résoudre, justifier sans parvenir à infléchir le temps. Une litanie universelle qu’on ne peut s’empêcher de lire à voix haute et qui, depuis sa création a été maintes fois représentée à la scène. Des phrases courtes qui font mouche à tous les coups, une fluidité du langage et une justesse des observations qui l’apparentent à une obsédante musique des mots dont Noëlle Revaz, dans son exigence d’écrivain, est fortement imprégnée. Un ton nouveau, volontiers incisif, teinté d’un humour décapant et d’une sensibilité en constante recherche. Confirmation que la littérature romande n’est – heureusement ! - pas morte avec ses dinosaures … Après Ramuz, Chappaz et Chessex , la filiation est assurée: Il y a désormais un style Revaz et cela réjouit le cœur.

 

Dans ce même numéro, vous pouvez également retrouver des lettres inédites et instructives de Louis-Ferdinand Céline, matière à se souvenir que s’il demeure un immense écrivain, l’homme continue d’alimenter ses rapports ambigus avec la morale, l’idéologie et l’histoire.

 

 La Chronique du Libraire 1.doc