23/10/2011
Donna Leon
Donna Leon, Requiem pour une cité de verre (Calmann-Lévy, 2009)
Certains attendent fébrilement, chaque année, le Tour de France ou la Coupe d’Europe des Champions ; d’autres, au même rythme saisonnier, ne résistent pas au dernier roman policier d’Elizabeth George ou de Donna Leon ! Et comme ils ont raison… Dans cette nouvelle enquête du commissaire Brunetti, vous découvrirez le monde des verriers de Murano avec, en toile de fond, un scandale écologique. Entre l’impuissance de la police et les rouages complexes de la politique, les romans de Donna Leon s’achèvent souvent dans l’amertume – comme dans la réalité ? – mais il n’en est rien cette fois-ci : le coupable sera bel et bien appréhendé, pour le bonheur de son héros toujours aussi attachant.
Disponible également en collection Points (Seuil, 2010)
01:28 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
04/10/2011
Michael Connelly
Michael Connelly, Echo park (Seuil, 2007)
C'est devenu une obsession : tous les six mois, Bosch ressort le dossier Gesto. En treize ans d'enquête, il n'a rien pu trouver : ni indice, ni suspect, pas même le corps de la jeune victime. Un jour enfin le coupable passe aux aveux, mais Bosch se méfie : pour lui, l'homme n'est rien d'autre qu'un imposteur talentueux doublé d'un bouc émissaire idéal. Une dernière fois, Bosch reprend l'enquête...
Bosch est de retour, face à un serial killer qui est prêt à avouer les meurtres de personnes disparues – dont un, treize ans auparavant, non résolu par H.B. – à la seule condition que sa condamnation à mort soit convertie en peine de prison à vie. Mais qui est-il ? Un manipulateur ? Un mythomane ? Une plongée vertigineuse dans l’enfer de l’âme humaine pour un Connelly particulièrement réussi.
également en format de poche (coll. Points/Seuil, 2008)
06:35 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
06/09/2011
Loriano Macchiavelli
Loriano Macchiavelli, Bologne ville à vendre (Métailié, 2006)
En Italie, il y des commissaires plus célèbres que d’autres : En Sicile, vous trouvez Montalbano, héros des romans de Andrea Camilleri; à Venise, vous marchez sur les traces de Brunetti, mis en scène par Donna Leon; à Bologne, enfin, Sarti Antonio est incontournable mais peu connu, découvert par le grand public voici quelques années avec Les souterrains de Bologne de Loriano Macchiavelli - chez Métailié également - et qui connut un vif succès. De ces trois policiers, ce dernier est peut-être le plus atypique, le plus complexe, le plus attachant, avec ses intuitions, son humour désabusé, sa parfaite connaissance -et méfiance - des rouages de la politique, des finances et du pouvoir. Et l’amour de sa ville, malgré tout. L’intrigue de ce roman est envoûtante, plus vraie que nature pour tous les amoureux de cette Italie ambiguë où vérité et mensonge se confondent parfois à s’y méprendre… Un polar inventif et original!
23:15 Écrit par Claude Amstutz dans Andrea Camilleri, Littérature étrangère, Littérature italienne, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
29/08/2011
Gianrico Carofiglio
Bloc-Notes, 29 août / Curio
Guido Guerrieri n'est pas tout à fait un avocat comme les autres. Outre sa passion pour les livres et les voyages, il pratique la boxe, confiant à son sac - quand une nostalgie douce le gagne au souvenir de ses amours, Tiziana, Margherita et Sara - ses contradictions, ses humeurs, ses interrogations.
Son métier, il l'exerce à Bari, dans les Pouilles, avec l'aide de Consuelo et de Pasquale. Et voici qu'un de ses confrères, Sabino Fornelli, lui demande de s'occuper d'une affaire banale à priori, celle de la disparition de Manuela, une étudiante, six mois plus tôt. Reprenant officieusement l'enquête, il ne décèle aucune négligence et ne trouve pas l'ombre d'une nouvelle piste. Au point mort, c'est au fil de ses rencontres avec les amis, les témoins et les familiers de la victime que la lumière, au moment le plus inattendu, lui fournira une réponse implacable, dans le sillage de Caterina, un personnage clef dont le charme ne laisse pas indifférent Guido Guerrieri, méfiant certes, mais non pas moins homme...
Hors des conventions du genre, ce roman mêle une intrigue palpitante à des considérations philosophiques non dénuées d'humour qui accentuent son originalité: Seul ce qui est provisoire peut atteindre la perfection. Ou encore: Les enquêteurs capables de détecter les mensonges comptent parmi les plus stupides. Ce sont ces enquêteurs-là que les bons menteurs abusent avec le plus de facilité et le plus de plaisir.
Gianrico Carofiglio, magistrat, écrivain et homme politique, est né à Bari, en 1961. Plusieurs de ses livres sont disponibles en traduction française: Témoin involontaire (coll. Rivages/Noir, 2007), Les yeux fermés (Rivages, 2008), Le passé est une terre étrangère (Rivages, 2009) et Les raisons du doute (coll. Points/Seuil, 2011).
Quand j'écris ou lis un roman, ce sont les héros, plus que l'intrigue, qui retiennent mon attention. Plus que les trames enchevêtrées, j'aime les histoires dont les personnages ne vous abandonnent pas, une fois la lecture terminée. J'aime les personnages contradictoires, qui mêlent force et fragilité, sérieux et ridicule, fanfaronnerie et courage. Et j'aime les décors qui reflètent leur naturel changeant. Le silence pour preuve est un roman policier, quoique totalement atypique. Mais c'est surtout un voyage de découverte dans une ville nocturne, silencieuse et indéchiffrable. Gianrico Carofiglio
Gianrico Carofiglio, Le silence pour preuve (Seuil, 2011)
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12/08/2011
Francesco De Filippo
Francesco De Filippo, L'offense (Métailié, 2011)
Comment donc peut-il s’en sortir à Naples, Gennarino Sorrentino? A 21 ans à peine, le voilà paralysé par la peur, entraîné dans une guerre de clans qui n'est pas la sienne, ne sachant comment faire pour qu’une étincelle puisse le purifier du dedans et libérer une énergie autre que celle de la culpabilité, de l’horreur ou de la mort. Issu d'un milieu modeste, il se trouvait plutôt du bon côté de la barrière et, un peu trop naïf ou enthousiaste, n'a pas très bien compris les choses, quand Don Rafaele a honoré la promesse faite à son père - au cas où les siens reposeraient sous quatre planches - de veiller sur lui et de lui offrir une brave petite, Pamela, pour fonder une famille, et vivre mieux... Mais un petit service en entraîna un autre, puis encore un autre, et maintenant, ce gamin des rues se trimballe sous l'ombre menaçante de Don Rafaele aux côtés de Paolini, un fou dangereux aux pulsions perverses et meurtrières. Aujourd'hui, il est à bout de forces, il pleure comme jamais depuis son enfance, les pieds dans une mare de sang... A quoi donc peut-elle désormais servir, sa vie tenue en laisse derrière des murailles invisibles, loin de sa femme Pamela et de ses deux minots prêts à embarquer pour l’Argentine?
Ils ont tout démoli, Gennari. Ils ont mis du poison partout, de tous les côtés, comme si ceux qui habitent là étaient des rats, et pourtant ils ont survécu, tout empoisonnés qu'ils étaient.
Davantage qu’un polar, ce roman est une radiographie effrayante d’une certaine réalité napolitaine, déconseillée aux âmes sensibles...
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26/07/2011
La rentrée littéraire 3/3
Bloc-Notes, 26 juillet / Les Saules
Contrairement aux années précédentes, les titres littéraires traduits cet automne sont en augmentation de 7.3 %. Une bonne nouvelle. Sachez cependant qu'à l'heure actuelle, un roman sur trois à peine est d'origine étrangère! Très attendus, je vous signale brièvement les nouvelles parutions de Paul Auster, Sunset Park (Actes Sud), Mario Vargas Llhosa, Le rêve du Celte (Gallimard) et Arturo Pérez-Reverte, Cadix ou la diagonale du fou (Seuil). Deux autres écrivains révélés tout récemment feront sans doute le bonheur de leurs fans: Sofi Oksanen - l'auteur de Purge, Prix Femina Etranger 2010 - avec Les vaches de Staline (Stock) et David Vann - l'auteur de Sukkwan Island, Prix Médicis Etranger 2010 - avec Désolations (Gallmeister).
Pour ma part, de même que pour la littérature d'expression française, quelques curiosités ont retenu mon attention et je vous les partage avec plaisir ci-dessous, avant d'en parler plus longuement sur La scie rêveuse lors de leurs parutions, entre août et octobre 2011.
Traduite pour la première fois dans notre langue, Michela Murgia, avec Accabadora (Seuil) nous entraîne en Sardaigne, dans les années 50. Une vieille couturière, Tzia Bonaria y accueille Maria, d'origine modeste et lui apprend le métier. Cette dernière est intriguée par les absences de Tzia, sa mère adoptive dont le surnom d'Accabadora - la dernière mère - cache un lourd secret bouleversant le coeur de Maria... Un face-à-face fascinant entre ces deux femmes, ainsi qu'une plongée intime dans les coutumes berçant cette histoire avec beaucoup de sobriété et de poésie.
Toujours en Italie, voici un nouveau roman de Alessandro Piperno, Persécution (Liana Levi). L'auteur de Avec les pires intentions raconte le destin de Leo Pontecorvo, un professeur de médecine et père de famille respecté issu de la bourgeoisie juive romaine et qui voit un jour le sol se dérober sous ses pieds en apprenant par le journal télévisé que l'un de ses fils est accusé d'avoir tenté de séduire une gamine de 12 ans. Sérieux et disctret, rien ne l'a préparé à cet événement qui dresse, en filigrane, les frontières ambiguës de la justice. Un texte envoûtant.
Deux autres romans italiens méritent un coup de chapeau: Le lent sourire de Caterina Bonvicini (Gallimard). Il dit la maladie, l'amitié, le parcours nécessaire du deuil unissant Clara la narratrice et Lisa au-delà de la mort, qui survient au sein d'un groupe d'amis trentenaires. Malgré la gravité du sujet, ce livre célèbre la vie, débarassée de ses artifices encombrants ou inutiles. Une heureuse surprise.
Avec Francesco de Filipppo, enfin, L'offense (Métailié/Noir) se situe à Naples, avec en toile de fond un petit jeune de 21 ans, Gennaro, issu des quartiers pauvres de la ville qui découvre, sous ses yeux, les trafics honteux de la drogue, des armes et des êtres humains, dans les entrailles de la camorra qui, un jour, croise sa route... Comment peut-il s'en sortir, tout seul? Un roman noir plein de tendresse et de fureur.
Non sans mentionner Scintillation, le nouveau roman de John Burnside (Métailié) - l'auteur de La maison muette et Les empreintes du diable - je termine ce rapide tour d'horizon avec Dire son nom de Francisco Goldman (Bourgois), écrit en l'honneur de son épouse Aura Estrada, morte en 2007, se brisant la nuque en faisant du bodysurf sur la côte mexicaine. Tenu pour responsable de l'accident, rongé par la culpabilité et le chagrin, Francisco se décide à raconter leur histoire, celle d'une perte insurmontable bien sûr, mais aussi le récit d'un couple plein de charme, drôle et singulier, qui émeut à chaque ligne: un hymne à l'amour et à la vie. L'un des plus beaux textes de cette rentrée littéraire!
Une rentrée à laquelle je reproche seulement - du bout des lèvres - de n'être pas follement gaie...
image: Caterina Bonvicini
22:44 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Caterina Bonvicini, Littérature étrangère, Littérature italienne, Littérature policière, Littérature sud-américaine | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; livres | | Imprimer | Facebook |
22/07/2011
Loriano Macchiavelli
Loriano Macchiavelli, Derrière le paravent (Métailié, 2008)
L'été 1978 est torride à Bologne. Sarti Antonio est chargé de surveiller une exposition de numismatique dans un musée de la ville, il a fait garder les issues en oubliant qu'un vieil aqueduc arrive dans la cour du bâtiment : les trois plus belles pièces sont volées. Sanctionné, le policier est affecté aux rondes de nuit dans le quartier du Pilastro, celui des immigrés récents, tous venus du Sud du pays, de la petite délinquance et de l'impuissance de la loi. Pour lui, l'enfer. Là, il croise le chemin du petit Claudio, futé, vif, élevé par une mère qui plaît beaucoup à notre enquêteur. Peu après, le cadavre de Claudio est découvert une balle dans la tête, sous le seul lampadaire de la rue qui fonctionne. Révolté, Sarti Antonio va s'obstiner à trouver la vérité sous toutes les apparences et, avec son ami le philosophe Rosas, fouiller derrière le paravent des bonnes consciences. Dans un style inimitable, Loriano Macchiavelli suit son personnage, le tarabuste, le malmène, le plaint, l'aime parce qu'il est imparfait et boit autant de café que lui. Et nous, nous l'accompagnons...
Vous n'avez jamais lu Loriano Macchiavelli ? Encore méconnu en traduction française, découvrez-le sans tarder : l’auteur de Bologne ville à vendre et de Les souterrains de Bologne est sans doute le meilleur auteur de romans policiers italiens avec Andrea Camilleri, ce qui n’est pas un compliment exagéré ! Entre les coups bas des pouvoirs en place, une intrigue tortueuse à souhait et un humour désabusé, l’inspecteur Sarti Antonio deviendra vite, pour votre plaisir, un ami privilégié.
00:48 Écrit par Claude Amstutz dans Andrea Camilleri, Littérature étrangère, Littérature italienne, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
26/05/2011
Donna Leon
Donna Leon, Dissimulation de preuves (Coll. Points/Seuil, 2008)
On peut être à la fois vieille, égoïste, portant la haine des autres sur soi comme tant d’autres, et franchement mériter d’être assassinée… Mais dans la Sérénissime République, pragmatique et cupide, les apparences sont parfois trompeuses, et il faudra un commissaire Brunetti en grande forme – plus déterminé que jamais - pour dénouer cette affaire typiquement vénitienne. L'une des enquêtes les plus réussies de Donna Leon.
05:34 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | | Imprimer | Facebook |
03/04/2011
Donna Leon
Bloc-Notes, 3 avril / Les Saules
Notre sympathique commissaire Guido Brunetti deviendrait-il aussi célèbre à Venise que l'est Salvo Montalbano en Sicile? On peut se poser la question, devant l'abondance de livres récents qui, mieux que dans la réalité, le mettent en scène au point que sa silhouette nous semble aussi familière que celle de nos amis de la prétendue vraie vie.
Dans La petite fille de ses rêves, il nous partage pour la dix-septième fois une enquête policière amorcée sous de bien mauvais auspices. Alors qu'il vient d'enterrer sa mère, Antonin Scallon, un de ses anciens camarades d'école devenu prêtre et dont il goûtait somme toute peu la compagnie, sollicite son aide à propos d'un religieux, Leonardo Mutti, présumé charlatan, qui, jouant sur la corde sensible des adeptes de sa secte, semble les inciter à léguer leurs biens pour de nobles causes... ou la sienne? Mais, tandis que Brunetti s'interroge sur ces deux hommes d'église dont les motivations éveillent en lui une méfiance instinctive, un événement tragique vient occuper la devant de la scène: une jeune fille - douze ans à peine, probablement gitane - est repêchée dans le canal, apparemment tombée d'un toit. Accident, fuite ou meurtre? Dissimulées sur sa personne, le légiste découvre une alliance et une montre en or...
Contrairement à d'autres épisodes, plusieurs personnages secondaires contribuent à cerner les eaux troubles de la vie vénitienne, dont le fidèle sergent Vianello, la signorina Elettra - secrétaire du vice-questeur Patta - et la comtesse Nadia Falier, belle-mère de Brunetti. Abordant les sujets délicats de la politique, du clergé, de l'immigration, chacun à sa manière un peu philosophe et désabusé, contribuera à pousser Brunetti, subtil et ébranlé par ce que son regard discerne avec amertume, dans la bonne direction... Une des enquêtes les plus fines et sombres de Donna Leon, dont pourtant je serais heureux de savoir ce que vous pensez de son dénouement...
Autre lecture: si la cuisine italienne vous enchante, lisez vite Brunetti passe à table: 100 recettes chères à notre commissaire - illustrées et présentées avec soin - au fil d'un voyage singulier au coeur de la Sérénissime en compagnie de Donna Leon et de Roberta Pianaro. Vous ne le regretterez pas!
Enfin, si vous comptez vous rendre à Venise - ou projetez d'y retourner dans un proche avenir - une manière peu conventionnelle d'apprivoiser la ville consiste à lire Venise, sur les traces de Brunetti, sous la plume de Toni Sepeda. Un peu d'originalité, cela ne se refuse pas, surtout pour la somme modique de 7,80 €...
Donna Leon, La petite fille de ses rêves (Calmann-Lévy, 2011)
Donna Leon et Roberta Pianaro, Brunetti passe à table (Calmann-Lévy, 2011)
Toni Sepeda, Venise, sur les traces de Brunetti - 12 promenades au fil des romans de Donna Leon (coll. Points/Seuil, 2011)
06:56 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature étrangère, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; policier; livres | | Imprimer | Facebook |
01/04/2011
Poisson d'avril
Bloc-Notes, 1er avril / Morges-sous-Bois
Un nouveau prix littéraire est décerné aujourd'hui, dans le charmante commune de Saint-Etienne-de-Montluc, attribué au singulier et talentueux écrivain breton Paul-André Gourdin pour son troisième polar, Un si petit violon pour mourir.
En 2007, il crée le personnage du célèbre inspecteur Modeste Trouillard, célibataire, la quarantaine, flanqué de son chien de berger catalan Panzer, en souvenir de ses premiers galons de flic obtenus sur une obscure plage de Dunkerque. Timide, raffiné et maladroit, cet amateur éclairé de Michel Foucault, Jacques Derrida et Roland Barthes, attribue à ces messieurs la responsabilité de son penchant pour la mélancolie chronique ainsi que les jalousies larvées dont il fait l'objet au sein d'une corporation plutôt célèbre pour son tour de hanches que son tour de tête, comme le clame haut et fort notre malheureux héros. Son cauchemar quotidien s'appelle Régis Moncocut, son supérieur hiérarchique, un féru de PTMQT - Fais Tout Mieux Que Toi - incarnant à la fois l'obéissance absolue à l'Etat et la plus parfaite couardise envers ses subalternes. Sa démarche enfantine a toujours suscité une émotion légitime quant à ses pulsions intimes que ne vient pas dissiper la maxime encadrée au-dessus de son bureau ovale: La chose la plus commune, dès qu'on nous la cache, devient un délice. Signé Oscar Wilde!
Dans son premier opus, La mort préfère les moches, Trouillard enquête dans le milieu très fermé d'une clinique de chirurgie esthétique dans les environs de Guérande, baptisée Au panier fleuri, où un nombre certain de femmes d'âge mûr se suicident en laissant toutes le même message testamentaire: Adieu, je refuse de ressembler à Baby Jane... Une enquête difficile où le chien détective Panzer brouille les cartes, la truffe plutôt orientée vers les jolies filles auxquelles il ferait bien minette et que son patron néglige...
Changement de décor avec Il manque une case à l'oncle Tom: Cette fois-ci, l'intrigue se noue autour d'un maréchal-ferrant de Marsac, dont les menottes artisanales ressemblent à un porte-bonheur, sauf pour les victimes qui, à leurs dépens, apprendront qu'une chevauchée fantastique au Palais des Mille Plaisirs ne leur ouvre pas seulement de nouveaux horizons. Jusqu'au jour où Clarabelle, récente ex de notre inspecteur, change les règles du jeu!
De ces trois enquêtes publiées à ce jour, la dernière - Un si petit violon pour mourir - est indiscutablement la plus réussie et méritait un prix, à n'en pas douter. Tout commence très fort, dans une maison de repos de La Baule - Paradise Lost - où Trouillard soigne un épisode dépressif aigu, consécutif à l'initiative de son chef Montcocut, décidé à tâter du terrain - toute flagornerie mise à part - afin de préparer un nouveau réglement moral pour ses troupes que le Département de l'Intérieur lui réclame à cor et à cris, et qui ne le lâche plus... Or, tandis que Panzer succombe à une crise de neurasthénie inexplicable, son maître refait peu à peu surface. Assez pour être intrigué par le manège d'une jeune violoniste russe qui, outre qu'elle réveille ses instincts les plus vils, semble par l'exercice de son instrument - La jeune fille et la mort de Franz Schubert - entraîner une succession de morts masculines dont l'expression ultime reflète un sentiment de bonheur indicible.
Un style novateur et vif nourrit cette énigme peu banale, truffée de situations parfois confuses, souvent cocasses, dont on peut regretter la fin prématurée. De plus, si Trouillard et Panzer composent un tableau atypique et légèrement décalé de la police française, Moncocut est une caricature tout à fait crédible de ces chevaliers de la perfection qui, de parcours de golf en séminaires, de notes de service en avis éclairé, s'identifient à la mission de salubrité publique qui leur est confiée et signent pourtant, dans leur for intérieur - toute honte bue - l'aveu de leur incompétence, voire de leur inutilité...
Avec Un si petit violon pour mourir, Paul-André Gourdin apporte un souffle revigorant, délicieusement anarchiste dans les lettres françaises, quelque part entre Tonino Benacquista et Esparbec, ce dernier - fait rare - assurant la préface de ce roman aux accents rabelésiens dont on imagine sans peine ce qui a pu le séduire...
Jacques Gaudin, La mort préfère les moches (Noirmont, 2007)
Jacques Gaudin, Il manque une case à l'oncle Tom (Noirmont, 2009)
Jacques Gaudin, Un si petit violon pour mourir (Noirmont, 2011)
image: une ferme de Marsac (immotoo.com)
00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; policier; livres | | Imprimer | Facebook |