Le poème de la semaine (05/05/2010)

Jean-Michel Maulpoix


Compose avec ce bleu.


Cette histoire t'appartient.

Tu ne pourras jamais te défaire de tout le vague

qui s'accumule en toi:

tu t'y emploieras, c'est assez.

Dresse-toi sur tes faiblesses

autant que sur tes forces:

ne résiste pas à celui que tu es.


Sache reconnaître combien le ciel est pauvre

tandis que la terre mélange la misère à la beauté.

Dans les yeux de tes semblables,

l'infini n'est jamais monotone.

Tes limites sont certaines:

fais en sorte qu'elles soient vraiment tiennes.

Ne fais pas de l'oubli un mauvais usage.

Garde en réserve de l'espérance

pour les heures de disette:

il te faudra quelque jour rendre des comptes.


Ne rechigne pas à la dépense.


Quand tu ne lui arracherais que des loques,

il te faut écrire

comme si tu devais liquider la mer.

Les mots sont tout ce qu'il te reste:

lance-toi à l'assaut de ce bleu.

Tu dois courir encore derrière la mer.

Il t'appartient d'en modifier la teinte,

comme de recolorer de temps en temps le ciel,

et de rhabiller ses fantômes

avec des vêtements neufs.

Pour se perpétuer,

l'invisible a besoin de figures.

L'infini est avide de formes.

Il ne prend corps que sur ses bords

où se conjoignent le large et le rivage,

là où se noie de ton poème

le beau regard exact et bleu:

la mer

est le grand encrier indestructible.


Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:05 Écrit par Claude Amstutz | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |