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12/11/2011

Actualité de la poésie 2/2

Bloc-Notes, 12 novembre / Les Saules

littérature; poésie; livres

Après avoir évoqué Yves Bonnefoy et Jean-Pierre Lemaire, c'est le poète grec Georges Séféris qui fait l'actualité avec Journal de bord, dont le texte original a paru dans sa version définitive en 1965, à Athènes. Chacun des trois recueils qui le composent est le reflet d'une épreuve subie, nous dit son traducteur, Vincent Barras: les prémices de la guerre (I), la guerre (II) et la crise chypriote (III). On pourrait citer tous les textes de cet ouvrage, tant la beauté de la langue nous entraîne dans le vertige de ses profondeurs: Rossignol timide, dans la respiration des feuilles, / toi qui offres la fraîcheur musicale du bois / aux corps séparés et aux âmes / de ceux qui savent qu'ils ne reviendront pas. / Voix aveugle, qui tâtonnes dans la mémoire surprise par la nuit / pas et gestes; je n'oserais dire baisers; / et l'amère tourmente de la captive effarouchée. Une pure merveille!

Deux anthologies de la poésie méritent aussi d'être citées dans ces colonnes. La première, intitulée Mon beau navire ô ma mémoire - Un siècle de poésie française - préfacée par Antoine Gallimard - célébre les 100 ans de la prestigieuse maison d'édition. Si le choix des auteurs s'avère assez classique, celui des textes est plus original. On y retrouve aussi certains écrivains injustement oubliés tels Edmond Jabès, Georges SchehadéJean-Philippe Salabreuil ou Georges Perros dont ce court extrait vaut à lui seul ce plaisir de lecture: Ferme les yeux pour mieux la voir / Celle qui blesse ton regard / Celle que tu nommes ta vie / Et qui ne te rendra ses billes / Qu'au bout du grand aveuglement / Qu'au bout de ce monde en dérive / Là-bas, dans le soleil levant.  

La seconde anthologie est très différente dans sa conception et son contenu. Avec des textes choisis par Albine Novarino-Pothier et que les photographies de Michel Maïofiss illustrent avec beaucoup de fraîcheur, Une année de poésie - 365 jours de bonheur permet de retrouver chaque jour de l'année un poème choisi au fil des siècles, en harmonie avec les saisons. Délibérément, me semble-t-il, certains auteurs ont été écartés - René Char par exemple ou Paul Eluard et Louis Aragon réduits à une discrète présence - alors que d'autres sont exhumés par de nombreux poèmes, tels Leconte de L'Isle, Théophile Gautier, Albert Samain, Emile Verhaeren, Maurice Fombeure, Francis CarcoPaul-Jean Toulet ou encore parmi tant d'autres, Anne de Noailles: Instant salubre et clair, ô fraîche renaissance, / Gai divertissement des guêpes sur le thym, / Tu écartes la mort, les ombres, le silence, / L'orage, la fatigue et la peur, cher matin... Une très belle anthologie - 52 euros, tout de même - et un objet séduisant à la hauteur de ces écrivains de tous les temps. Un livre de chevet à offrir - Noël est proche! - à tous les amoureux de poésie.

Enfin, pour en finir avec ce rapide survol de l'actualité poétique, voici un très court texte de Carl Jacob Burckhardt, Une matinée chez le libraire - Souvenirs de Rainer Maria Rilke. Cet auteur, qui naît à Bâle en 1891 et s'éteint à Genève en 1974, nous dévoile un fragment de la vie quotidienne du poète qu'il a rencontré à Paris en 1924, ainsi que des réflexions judicieuses de Rainer Maria Rilke sur la littérature, l'art poétique, la création: La limite est dans le fini, l'achevé, et tout ce qui vit vraiment a quelque chose d'exclusif. La nature a un terrible sens de la hiérarchie et l'hirondelle ne se commet pas avec le moineau. Seul l'homme abolit les frontières et estompe l'unicité des formes.

Comme vous pouvez le constater: la poésie est loin d'être moribonde. Et voilà bien la plus réjouissante - et peut-être la seule - des certitudes en cette fin d'année ordinaire...   

Georges Séféris, Journal de bord (Héros-Limite, 2011)

Collectif, Mon beau navire ô ma mémoire - Un siècle de poésie française (coll. Poésie/Gallimard, 2011)

Albine Novarino-Pothier et Michel Maïofiss, Une année de poésie - 365 jours de bonheur (Omnibus, 2011)

Carl Jacob Burckhardt, Une matinée chez le libraire - Souvenirs de Rainer Maria Rilke (L'Anabase, 2011) 

image: Rossignol philomèle (http://www.jbnature.com/oiseaux/rossignolphilomele)

11/11/2011

Actualité de la poésie 1/2

Bloc-Notes, 11 novembre / Les Saules

littérature; poésie; livres

Rares sont les magazines qui consacrent leurs colonnes à la promotion de la poésie, et c'est bien dommage car les efforts de qualité chez certains éditeurs - Gallimard, Mercure de France, Corti, Actes Sud, Cheyne, La Dogana, Héros-Limite, Conférence ou Empreintes pour n'en citer que quelques-uns - méritent un coup de pouce au regard de leur engagement financièrement plus délicat que la publication d'un roman, par exemple. Pourtant, comme dans une diététique du corps où rivalisent les sucres rapides - la majorité des oeuvres dites de (auto)fiction au succès souvent volatile - et les sucres lents - la poésie, les essais littéraires lus sans lien d'importance avec l'actualité - lesquels laisseront en nous l'empreinte la plus durable, la plus bénéfique, détachée des modes ou des convenances? A chacun d'y répondre: vraissemblablement un mélange des deux, sauf que, pour reprendre notre image, les sucres rapides sont accessibles en abondance dans les grandes chaînes de librairies, alors que pour les autres - à l'exception de la coll. Poésie/Gallimard - il faut se tourner vers les librairies indépendantes ou... les sites Internet - sans oublier Facebook - qui favorisent, exaltent ou éditent les ouvrages de ces domaines confidentiels désertant les rayonnages de nos professionnels du livre. Tout un débat dont les réponses sont multiples, contradictoires et mouvantes comme... les habitudes alimentaires!

Parmi les nouveautés en poésie, sachez que vient de paraître l'un des plus émouvants recueils de Yves Bonnefoy, intitulé L'heure présente qui, malgré son exigence poétique et son dépouillement, gagne en simplicité au fil des ans, avec ses battements de coeur déclinés au rythme de la nature et des hommes: On dit qu'on fait des feux sur des barques, dans ces pays de montagne. Que ces barques dérivent à travers le lac, tard la nuit. Allons voir, regardons loin devant nous puisque notre maison n'existe pas. D'admirables pages évoquent la haute mer, l'authenticité des choses vues, la sacralisation du livre, le mythe de Vénus et d'Adonis. On trouve également, dans ce volume, deux textes consacrés à la mise en scène de Hamlet - dont Yves Bonnefoy a, par le passé, assuré une traduction devenue célèbre - aux côtés de Raturer outreL'heure présente - qui donne son titre au présent livre -, Frissons d'automne, et Aller, aller encore: à lire et relire avec reconnaissance envers ces pierres rares qui gonflent les poches de notre pardessus et ne vieillissent pas.

La même exigence hante Les marges du jour de Jean-Pierre Lemaire, poète peu connu né à Sallanches - en Haute Savoie - voici 63 ans. Cet éloge de la vraie vie ancrée dans un quotidien en constant mouvement, se rapproche de l'univers d'un Yves Bonnefoy ou d'un Philippe Jaccottet, qui tous deux ont salué la première édition de ce recueil paru en 1977 - très tôt épuisé - et que La Dogana ajoute aujourd'hui à son catalogue. La nuit laisse partout des indices / ces prunes bleues, secrètes sous les feuilles / et tu regardes monter le soleil / sur le balcon en marge du temps... Ces textes essentiels, dignes des plus grands poètes contemporains, sont, dans une préface inédite, présentés par Philippe Jaccottet.

Et le voyage en poésie se poursuit... demain!  

Yves Bonnefoy, L'heure présente (Mercure de France, 2011)

Jean-Pierre Lemaire, Les marges du jour (La Dogana, 2011)

image: Antonio Canova, Vénus et Adonis (http://elbamboso.blogspot.com/2011/02/seduccion.html)

09/11/2011

Le poème de la semaine

S. Corinna Bille

A travers mes larmes
J'ai revu les lieux de notre amour:
La colline de pins noirs
Où tremblait l'anémone
Et les étangs profonds.
 
Derrière un rocher,
Me guettant comme le chasseur,
Tu t'étais caché.
Et moi je t'attendais,
Endormie dans l'herbe rousse ...
 
J'avais traversé le fleuve
pour venir au rendez-vous,
Marché longtemps sur les routes
Et mes souliers dans la main,
Sur les pierres gluantes, je glissais.
 
Ma jupe lourde d'eau
Je la mis sécher au soleil
De ce premier printemps,
Mais qui fut le jour
Le plus long de ma vie.
 
Pour mon malheur et pour ma joie
Je t'ai suivi
Et je devins l'Epouse
Porteuse d'enfants blonds et noirs
Et de rêveries coupables.
 
Mon corps est devenu le monde
Mais mon âme est humble
Et je t'obéis.
 
Sur la colline,
La harpe des vignes est blanche encore
Et ne vibre pas.
Les lacs sont aveugles
La terre a une odeur de cimetière.
 
Mon pauvre aimé des âcres jours,
Mon Epoux,
Je sais qu'il t'a fallu errer longtemps
Sur des chemins accores
Pour rester auprès de moi.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

05/11/2011

Le Passe Muraille

Le Passe Muraille, no 87, octobre 2011

vladimir dimitrijevic 2.jpg 

Incontournable figure de la littérature, de la pensée, de l'édition et de la librairie, Vladimir Dimitrijevic laisse un vide incommensurable, pas uniquement aux éditions de l'Age d'Homme. Pour l'avoir brièvement côtoyé de près - six mois à peine - dans sa librairie de Lausanne, j'ai éprouvé pour lui ce qu'à distance, bien plus tôt, je pressentais: une affection presque filiale pour cet homme de passion, de culture, de conviction que, jusqu'à ses contradictions ou ses extrémismes, j'ai toujours admiré, plus qu'aucune autre personne dans le métier. Même si nos rapports ne furent pas les plus faciles - une pudeur réciproque empêchait cette fameuse vibration commune - je conserve de mon passage à l'Age d'Homme dans les années 2000, le souvenir d'avoir retrouvé auprès de lui cette fièvre sans compromissions pour le livre: sa découverte et sa transmission dans un lieu - tous s'accorderont sans doute pour abonder dans mon sens - qui ressemblait à une caverne d'Ali Baba et dégageait une atmosphère unique au monde. Je lui dois, pour une part cruciale, d'être devenu ce que je suis. Aujourd'hui, je n'abrite dans ma mémoire que le meilleur de Dimitri, aussi lumineux et indispensable que les vitraux d'une cathédrale dont les ombres sont absentes, car - autre fait divers - on lui pardonnait tout, à Dimitri, mais cela aussi d'autres vous le confirmeront... 

Vladimir Dimitrijevic s'est éteint le 28 juin 2011. Le Passe Muraille, dans la présente livraison, sous la direction de Jean-Louis Kuffer, lui rend hommage, à travers les personnes qui l'ont rencontré, ont partagé son amitié ou oeuvré auprès de lui. Un ensemble de témoignages qui expose en plein jour les facettes multiples et parfois dissonantes de la personnalité de ce passeur inoubliable. Comme le dit avec beaucoup d'émotion Claude Frochaux: Merci Dimitri

Sommaire du Passe-Muraille no 87, Octobre 2011 - "Dimitri le passeur": 

p.1 

"Une vie et un destin", par Jean-Louis Kuffer

"Le sérieux de la littérature", par Vladimir Dimitrijevic

p.3

"Au découvreur assoiffé", par Georges Nivat

p.4

"Merci Dimitri", par Claude Frochaux

p.5

"Celui qui donne à lire", par Lydwine Helly

p.6

"Les derniers jours", par Richard Aeschlimann

"Russie intérieure", par Patrick Vallon

p.7

"De fulgurantes intuitions", par François Debluë

"On continue", par Claire Hillebrand

p.8

"Dimitri, je me souviens", par Valérie Humbert

p.9

"Le roman du barbare", par Jean-Michel Olivier

p.10

"Sur la route", par Slobodan Despot

p.11

"Vladimir", par Freddy Buache 

"Le passeur en son arche", par Laurence Chauvy

p.12

"Ceux qui se souviennent", par Jean-Louis Kuffer

 

Pour s'abonner et communiquer: http://www.revuelepassemuraille.ch/

CVCI 2.jpg


01/11/2011

Daniel Maggetti

9782881088117.gifDaniel Maggetti, Les créatures du bon Dieu (Editions de l'Aire, 2007)

 

A l’ombre des montagnes, un village niché au cœur d’une vallée tessinoise est le théâtre de la rencontre d’un homme d’Eglise et d’une aristocrate alémanique, puis de leur vie en commun, mouvementée et insolite. Témoin complice de leur relation, le narrateur est amené à considérer d’un autre œil l’amour, le savoir, la foi ; don Rodrigo et Marie-Louise l’initient à la tolérance, et peut-être, malgré eux, à la compassion. Empreint de dérision et d’empathie, Les Créatures du Bon Dieu brosse le portrait de deux personnages attachants et hauts en couleur ; mais c’est aussi un roman de formation et la chronique, haletante et pathétique, d’un monde en train de disparaître.


Attachants, drôles et d’une subversion communicative, les deux personnages principaux de ce récit, nous entraînent dans leur dépoussiérage des coutumes ou traditions avec jubilation et mélancolie. L’évocation de leur tardif amour des bêtes à lui seul vaut le détour... Sans oublier les descriptions du Tessin, magnifiques!


également disponible en coll. de poche (coll. L'Aire Bleue/L'Aire, 2011)

09:04 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Littérature suisse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |