08/06/2015
Morceaux choisis - Alberto Nessi
Alberto Nessi
Le soleil jette des feux soudains dans le dimanche d'août, teinte d'argent les anges au sommet de l'autel, les stucs, le manteau de Saint Roch, les yeux de la fillette dans l'église de montagne.
Hier aussi, le soleil avait des scintillements subits sur les eaux de la rivière qui prend son nom du lis. La fillette en vacances sautait de pierre en pierre avec son grand cousin, celui qui l'a déjà initiée aux pentes abruptes de la fosse à fumier et qui aujourd'hui jouera du violon pendant la messe et qui est bien plus beau que l'enfant de bois, là dans le coin de l'église.
Maintenant c'est à elle de lire la phrase inscrite sur un feuillet, c'est son tour, tandis que le soleil pointe à nouveau et fait resplendir le bleu de la colonne sur laquelle grimpent des grappes d'or. Le soleil a des reflets couleur polenta sur les stucs, hier soir la fillette est allée manger sur le terrain herbeux au bord de la rivière, tous rassemblés autour de la table de pierre, et le grand-père a coupé la polenta au fil. Là, dans ce noir habité, la fillette a vu une lumière nouvelle: le feu de joie sur la rive, le feu de la mi-août. Elle est restée sur la grève, avec sa soeur aînée qui sourit déjà aux garçons, elle est restée à fixer la flamme et à écouter le crépitement des fagots. Les poissons aussi, sous les pierres, épiaient l'incendie des eaux, le vol des étincelles.
Maintenant un petit homme s'approche du micro, cheveux gris, sac banane sur le ventre. Aussitôt la fillette pense à son chat: il trouverait place dans cette poche de kangourou. Hier, elle l'a installé pour dormir dans l'étable et elle a tiré le verrou, parce qu'il se peut que, la nuit, la fouine entre et le mange, ou bien la paysanne le prendra, elle qui a déjà liquidé dix chiots qui venaient de naître et qui était prête à supprimer aussi son chaton grand comme une souris.
A présent le cousin attaque Vivaldi. Et les stucs s'enflamment à nouveau, rappellant la rivière, le feu de joie, les yeux du chat. La fillette lève les yeux vers la tribune, elle voit son cousin avec son violon qui rutile et il lui fait l'effet d'un ange, plus beau que ces ahuris accrochés sur l'autel, oh, tellement plus beau!
Quand le soleil fait scintiller les clochettes du sanctus, la fillette pense au pré là-haut qui, en mai, s'illumine de narcisses. Hier, avec sa mère, elle est montée trouver Lucia. Et tandis que Lucia cueillait les courgettes pour les vacanciers, elle ne pouvait détacher son regard de cet enfant: il boitait en rond dans le pré sans dire un mot, puis il s'asseyait, aidé par une fille à la robe trop longue, et il restait là à se balancer d'avant en arrière sur une couverture étendue sur l'herbe. Toujours la même chose. En cage. Et Lucia a expliqué que ce gosse, à neuf mois, avait fait une otite: le médecin avait laissé à la mère les gouttes à mettre dans l'oreille et il était parti.
Au sanctus, tandis que le soleil brille sur le calice que le prêtre élève, la fillette file loin de l'église, vers l'éclat du violon avec son cousin, loin des grands! Elle va retrouver le pré aux narcisses, elle va libérer l'enfant qui tourne en rond sur l'herbe comme un chat blessé.
Alberto Nessi, Scintillements - Fleurs d'ombre (La Dogana, 1997)
traduit de l'italien par Christian Viredaz
image: http://media.paperblog.fr
07:30 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Littérature suisse, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; nouvelle; morceaux choisis; livres | |
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07/06/2015
La musique sur FB - 202 P.I.Tchaikovski
Piotr Ilyich Tchaikovski
Francesca da Rimini, op. 32
Leningrad Philharmonic Orchestra
Evguény Mvravinsky
09:28 Écrit par Claude Amstutz dans La musique sur Facebook, Musique classique, Piotr Ilitch Tchaïkovski | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | |
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06/06/2015
Lire les classiques - Charles Baudelaire
Charles Baudelaire
Un port est un séjour charmant pour une âme fatiguée des luttes de la vie. L'ampleur du ciel, l'architecture mobile des nuages, les colorations changeantes de la mer, le scintillement des phares, sont un prisme merveilleusement propre à amuser les yeux sans jamais les lasser. Les formes élancées des navires, au gréement compliqué, auxquels la houle imprime des oscillations harmonieuses, servent à entretenir dans l'âme le goût du rythme et de la beauté. Et puis, surtout, il y a une sorte de plaisir mystérieux et aristocratique pour celui qui n'a plus ni curiosité ni ambition, à contempler, couché dans le belvédère ou accoudé sur le môle, tous ces mouvements de ceux qui partent et de ceux qui reviennent, de ceux qui ont encore la force de vouloir, le désir de voyager ou de s'enrichir.
Charles Baudelaire, Le spleen de Paris - Oeuvres complètes (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1968)
image: J.M.William Turner, The Harbour of Brest (solitudemonamour.blogspot.com)
09:25 Écrit par Claude Amstutz dans Charles Baudelaire, Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; prose; morceaux choisis; livres | |
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05/06/2015
Morceaux choisis - Louis Aragon
Louis Aragon
Louis Aragon, Le crève-coeur, suivi de: Le nouveau crève-coeur (coll. Poésie/Gallimard, 1989)
06:22 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Louis Aragon, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |
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04/06/2015
La citation du jour
René Char
L'état d'esprit du soleil levant est allégresse malgré le jour cruel et le souvenir de la nuit. La teinte du caillot devient la rougeur de l'aurore.
René Char, Les Matinaux - Oeuvres complètes (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1983)
image: aupaysdesfjords0.canalblog.com
10:24 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature francophone, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |
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03/06/2015
Le poème de la semaine
Nadia Tuéni
Je vous salue,vous qui êtes, dans la simplicité d'une racine,avec la nuit pour chien de garde.Vos bruits ont la splendeur des mots,et la fierté des cataclysmes. Je vous connais,vous qui êtes, hospitaliers comme mémoire;vous portez le deuil des vivants,car l'envers du temps, c'est le temps. Je vous épèle,vous qui êtes, aussi unique que le Cantique.Un grand froid vous habille,et le ciel à portée de branche. Je vous défie,vous qui hurlez sur la montagneusant les syllabes jusqu'au sang,Aujourd'hui c'est demain d'hier,sur vos corps un astre couchant. Je vous aime,vous qui partez avec pour bannière le vent.Je vous aime comme on respire,vous êtes le premier poème. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
12:19 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Nadia Tuéni, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |
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02/06/2015
Morceaux choisis - Odilon-Jean Périer
Odilon-Jean Périer
On rencontrait au milieu d'une avenue à la mode, d'énormes pierres pâles, inexplicables. Les oiseaux se taisaient. La pluie, odorante comme une chevelure, donnait de vraies pensées d'amour.
Enfin parurent les Etrangers. On en parlait à peine, vaguement. Tout le monde avait vu des anges, mais personne n'en croyait les yeux de son voisin. Ces personnages mystérieux se présentaient avec naturel, comme des amis qu'on retrouve au moment critique. Ils étaient debout dans les arbres, assis au bord des toits, en rang, sans ailes, maigres, décents, habillés de gris perle ou de bleu. Ils fumaient des cigarettes jaunes et minces comme des fétus de paille.
Ceux qui les avaient rencontrés, guéris du jour au lendemain, s'entretenaient de poésie, d'amour, de liberté. Sans d'ailleurs qu'on s'accordât sur leur aspect. Certains les avaient vus sourire, d'autres pleurer, d'autres se taire, et le visage uni comme un verre de lait. Mais tous parlaient d'eux avec tendresse.
Les plus forts ou les plus sages des hommes, à qui rien n'était révélé, se moquèrent quelque temps de ces visions. Mais bientôt touchés par la grâce, on les vit se mettre en chasse, les yeux grands ouverts sur leur ciel vide, cherchant des dieux de tout leur coeur. Ils se consumaient de désir, mordant leurs poings de philosophes, passant une main tremblante sur leurs célèbres têtes chauves.
Déjà toutes les petites filles avaient leur ange, ami intime. Ces princes volaient comme en rêve, sans nul effort, le petit doigt à la couture du pantalon. Embrassant leur gracieuse proie, ils allaient s'asseoir dans les arbres. Chaque marronnier abritait plusieurs couples sans ailes. Le mouvement du vent dans les feuilles se mêlait au bruit des baisers.
Les philosophes se traînaient sous les arbres. Plusieurs y moururent, desséchés comme des cigales, après une petite chanson. Car la mort faisait d'eux des poètes et ils se lamentaient enfin aussi mélodieusement que possible.
Perchés dans les branches odorantes, les anges et les jeunes filles, unissant leurs doigts légers, écoutaient non sans une charmante mélodie, agoniser ces vieux messieurs à leur ombre rafraîchissante.
Odilon-Jean Périer, Le passage des anges (Editions Finitude, 2007)
image: Wim Wenders, Les ailes du désir (1987)
12:16 Écrit par Claude Amstutz dans Contes, Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; contes; livres | |
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01/06/2015
La musique sur FB - 1676 J.Brahms
Johannes Brahms
Ein deutsches Requiem, Op 45
Barbara Bonney, Bryn Terfel
Swedish Radio Choir
Eric Ericson Chamber Choir
Berliner Philharmoniker
Claudio Abbado
05:57 Écrit par Claude Amstutz dans Claudio Abbado, Johannes Brahms, La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique classique; facebook | |
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31/05/2015
Lire les classiques - Anne de Noailles
Anne de Noailles
Anne de Noailles, La journée heureuse, dans: Oeuvre poétique complète (Editions du Sandre, 2013)
image: Jean-Marc Janiaczyk, Bords de mer (liveinternet.ru)
00:00 Écrit par Claude Amstutz dans Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | |
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30/05/2015
La citation du jour
Georges Perros
On arrange et on compose les mots de tant de façons, mais comment arriverait-on à égaler une rose?
Georges Perros - Lexique (Calligrammes, 1981)
00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Georges Perros, La citation du jour, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citation; livres | |
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