08/01/2012
Les grands violonistes 1a
Bloc-Notes, 8 janvier / Les Saules
Peut-être que, comme moi-même, vous ne connaissez la musique classique que par ce que les autres vous ont transmis, ou alors par apprentissage, en autodidacte, trop paresseux à l'égard des études pour ne pas traîner derrière vous des lacunes qui ressemblent à certains cratères du Vésuve. Si tel est le cas, que de surcroît le violon vous inspire, alors ce livre préludera pour vous tous des soirées enchanteresses qui rendront jaloux vos meilleurs amis et vous permettront de rattraper le temps perdu.
Chirurgien de métier et violoniste par passion, Jean-Michel Molkhou, critique musical dans plusieurs revues - dont la célèbre revue Diapason - et producteur de plusieurs émissions sur France Musique, nous fait respirer, sans arrogance ni érudition pesante, le parfum de ces grands violonistes dont le voyage qui nous est proposé commence avec Fritz Kreisler, né en 1875 - sous ses doigts, chaque note prenait une sensualité unique, faite de pure beauté et de joie de vivre - et s'achève, dans ce premier volume, avec Gidon Kremer, né en 1947 - l'indispensable rénovateur et le courageux aventurier - un anticonformiste, un découvreur, voué pour une part non négligeable au répertoire contemporain.
Entre ces deux extrêmes, vous trouverez bien sûr tous les grands noms du répertoire, parmi lesquels Arthur Grumiaux, Yehudi Menuhin, Isaac Stern, Nathan Milstein, Ivry Glytis ou Zino Francescatti, sans oublier... David Oistrakh et Itzhar Perlman, mes deux violonistes préférés! Jean-Michel Molkhou relate une jolie anecdote à propos de Jascha Heifetz, le vrai successeur de Fritz Kreisler. Devant sa maîtrise surhumaine, sa tenue hautaine et son visage impassible, George Bernard Shaw lui écrit ceci: Si vous provoquez la jalousie de Dieu, en jouant avec une telle perfection surhumaine, vous mourrez jeune. Je vous supplie humblement de faire au moins une fausse note chaque soir avant d'aller vous coucher, au lieu de dire vos prières. Aucun mortel n'est supposé jouer aussi parfaitement.
De nombreuses citations ou témoignages de ce genre abondent dans ce livre indispensable à votre bibliothèque musicale. Pour chaque violoniste défini en quelques mots - 82 portraits au total - nous est présenté un aperçu succinct et équilibré sur la vie et la carrière de l'artiste, les caractéristiques de son jeu, les instruments sur lesquels il a joué - une vraie relation de couple, nous dit l'auteur -, ainsi qu'un commentaire sur les illustrations sonores des oeuvres choisies pour le CD qui accompagne le livre: plus de huit heures d'enregistrement - 65 sélections au répertoire très varié - lisibles au format MP3, mais aussi sur PC et Mac! Enfin, l'ouvrage est enrichi d'une iconographie très soignée, reposant non seulement sur les photographies des interprètes, mais aussi sur les reproductions de pochettes originales de 78 tours et de microsillons des années 1940 à 1970.
Cet ouvrage respire vraiment la passion, avec un souci de faire connaître plutôt que juger, car il sait bien, Jean-Michel Molkhou, qu'au-delà de tous les poncifs sur le talent ou le génie, chacun porte en lui l'empreinte d'une oreille musicale unique au monde, de même que sa sensibilité propre, qui n'appartient qu'à lui. Tenez, par exemple: si je vous disais que j'éprouve souvent beaucoup de peine à entendre Yehudi Menuhin ou Isaac Stern, autant que je suis heureux de découvrir Jacques Thibaud ou de retrouver Henryk Szeryng et Josef Suk?
Les grands violonistes du XXe siècle: un véritable événement dans les publications musicales, ainsi qu'un outil indispensable à tous les mélomanes et cela - CD compris - pour 23 €... Qui dit mieux?
Jean-Michel Molkhou, Les grands violonistes du XXe siècle / vol. 1: de Kreisler à Kremer, 1875-1947 (Buchet-Chastel, 2011)
photo: Jean-Michel Molkhou – © Jean-Baptiste Millot pour Qobuz.com
00:38 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, David Oïstrakh, Documents et témoignages, Itzhak Perlman, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; livres | | Imprimer | Facebook |
07/01/2012
Jean d'Ormesson
Jean d'Ormesson, L'enfant qui attendait un train (Héloïse d'Ormesson, 2009)
Jean d'Ormesson - cela fait partie de son charme - nous étonnera toujours! Saviez-vous que l'auteur de Au plaisir de Dieu, C'était bien et C'est une chose étrange à la fin que le monde, a également écrit, sous forme de conte, pour les enfants? L'enfant qui attendait un train est un récit douloureux, tendre, peuplé de rêves que la réalité imprévisible, va réduire en miettes, encore que...
C'était un petit garçon rieur, mais sérieux. Jamais il ne criait quand les wagons défilaient, il n'agitait pas de mouchoir; peut-être parce qu'il n'en avait pas. Mais il n'agitait pas la main non plus. Il restait immobile, muet. Et quand le train était passé, il le suivait des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse. Tous les jours, dans le soir qui tombait, le petit garçon avait rendez-vous avec le train qui descendait des collines vers la forêt.
Mais le petit garçon va tomber malade, gravement. En fait, il va mourir, et tout son entourage va s'evertuer à ce qu'il réalise son rêve: monter un jour dans le train. A ce jeu de la vie et de la mort où la première n'aura jamais le dernier mot, les conteurs - mieux que personne - savent nous monter que l'imagination permet toutes les audaces et que l'espoir, sans verser dans l'invraissemblance, puise ses ressources dans les forces infinies de l'amour.
L'enfant qui attendait un train a été publié pour la première fois en 1979, aux éditions G.P.
01:20 Écrit par Claude Amstutz dans Contes, Jean d'Ormesson, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; contes; livres | | Imprimer | Facebook |
06/01/2012
Morceaux choisis - Thomas Bernhard
Thomas Bernhard
Si une fois seulement, rien qu'une seule foison réussissait à jouer jusqu'au boutle quintette La Truite une seule foisune musique parfaite... Pendant ces vingt-deux annéeson n'a pas réussi une seule fois à jouer jusqu'au boutle quintette La Truitesans fauteje ne dis même pas comme une oeuvre d'artIl y a toujours quelqu'un qui détruit toutpar une inattention ou une vulgarité... Un jour c'est le violonun jour c'est l'altoun jour c'est la contrebasseun jour c'est le pianoPuis de nouveau c'est moi qui attrape ces sacrés maux de reinsje me tords de douleurfigurez-vous et le morceau tombe en miettesSi j'obtiens du clown qu'il maîtrise son instrumentle dompteur perd la tête sur le pianoou ma petite-fille qui tout de même tient l'alto depuis déjà dix anss'enfonce comme mardi dernier une échardeAvec un visage grimaçant de douleuron ne peut pas jouer Schubert encore moins le quintette La TruiteJe ne pouvais pas savoir que servir la musique est chose si difficile... Et tout seul il m'est impossible de jouer le quintetteC'est un quintette... Ne vous fiez pas à l'hyprocrisie du clownil hait la contrebasseMa petite-fille n'aime pas non plus l'altoadmettez-le vous-mêmevous ne tenez qu'avec répugnance le violonTout n'est que répugnancetout ce qui arrive répugne à arriverLa vie l'existence répugnant... La vérité estque je n'aime pas le violoncelleC'est une torture mais il faut en jouerma petite-fille n'aime pas l'alto mais il faut en jouerle clown n'aime pas la contrebasse mais il faut en jouerle dompteur n'aime pas le piano mais il faut en jouerNous ne voulons pas de la vie mais il faut la vivre...Nous haïssons le quintette La Truite mais il faut le jouer.
Thomas Bernhard, La force de l'habitude (Arche, 1983)
image: Florence Iazzetta - Art Studio
09:45 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Morceaux choisis, Théâtre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; théâtre; livres | | Imprimer | Facebook |
05/01/2012
Pascal Quignard
Bloc-Notes, 5 janvier / Les Saules
Claire Methuen, la cinquantaine, traductrice à Versailles, rejoint la Bretagne - Dinard, plus précisément - pour assister à un mariage. Elle y retrouve le pays de son enfance et tout ce monde intérieur, secret, vivace qui a fait d'elle ce qu'elle est: Madame Ladon sa professeur de piano, Fabienne sa meilleure amie et surtout Simon, son seul véritable amour, aujourd'hui marié à Gwenaëlle et père d'un petit garçon.
Mais qui donc est Claire, cette amie des Houles qui ressemble à un chemin perdu au-dessus de la mer - nous suggère Pascal Quignard - et pourquoi va-t-elle tout laisser derrière elle et s'installer à la ferme de la Tremblaie? Une autre fuite ou, au contraire, un aboutissement? Au fil de la mémoire de Paul son frère bien-aimé, de Simon bien sûr, de sa fille Juliette abandonnée vingt ans plus tôt, de Madame Ladon qui la considère comme sa propre enfant, de Jean le prêtre ami et amant de Paul, ce roman polyphonique explore et révèle peu à peu la personnalité fascinante, solitaire et craintive de cette femme sans laquelle ces solidarités mystérieuses seraient dépourvues de sens, réduites au seul pouvoir visible des choses qui ne suffit à personne.
On pourrait parler d'osmose dans ce magnifique roman dont les paysages, la nature même, de Saint-Enogat au village de La Clarté, de Saint-Lunaire aux Pierres couchées et la Ville-Géhan semblent absorber dans les tourments, mais aussi dans une infinie douceur, ces destins croisés qui dans l'air parfois aussi rare que les mots, s'ouvrent à une réalité silencieuse qu'eux-mêmes, peut-être, n'auraient envisagée. Un jour, nous dit son frère, elle m'expliqua que le paysage, au bout d'un certain temps, soudain s'ouvrait, venait vers elle et c'est le lieu lui-même qui l'insérait en lui, la contenait d'un coup, venait la protéger, faisait tomber la solitude, venait la soigner.
Tout, avec elle, était adressé à la silhouette lointaine de Simon... C'était un mouvement très sourd mais très intense autour de son corps, qui affleurait sans cesse, frémissait sans cesse autour d'elle, comme une vague circulaire, comme une oppression. Je ressentais ce cercle magique, raconte encore Paul, quand je marchais auprès d'elle des heures durant, je la sentais mais je n'y accédais pas. Et Simon, qui semble n'avoir pas mieux compris le film où il avait obtenu pourtant le premier rôle, par sa mort lève un coin du voile - sans éclaircir pour autant le mystère - qui recouvre le visage de cette femme encore jeune et belle: Elle ne se protégeait plus de rien. Elle descendait vers la mer, qu'on peut presque dire éternelle quand on la contemple beaucoup et pour peu qu'on compare son origine à l'âge des hommes ou à l'invention des cités ou des maisons. Claire était devenue Simon, et était devenue le lieu. Tout était désormais dépourvu de toute crainte. Tout était sublime. Elle était partout chez elle; elle était comme le commencement dans l'origine.
Il règne, dans Les solidarités mystérieuses, une atmosphère ou un climat qui n'est pas sans rappeler Le monde désert d'un Pierre-Jean Jouve, où la vie réelle, attendrissante et forte à ses heures, se mêle à l'absence, à l'indéchiffrable, à l'infini. C'est son corps qui manque à nos heures. Son corps manque déjà au lieu, aux roches. Elle manque à l'escalier de La Clarté qu'elle était bien la seule à emprunter et qu'elle a gravi jusqu'à la fin sans effort. Elle manque aux recoins et aux petites caches d'où elle surveillait les nids, les terriers, les canots, les chaloupes sur la mer. Mon dernier souvenir d'elle? dit encore le Père Calève, un autre personnage du roman: Un troupeau de goélands s'amassent sur la digue pour crier de plus en plus fort autour d'une écharpe, abandonnée, un peu souillée, qui traîne, sur le sol, près du buisson...
Dans un mouvement répétitif et pourtant jamais tout à fait le même, ressemblant aux vocalises des oiseaux sur la lande, se tissent des liens invisibles entre la mort, l'amour et la vie que nourrissent les souvenirs de chacun, exposant sa part de lumière ou d'ombre, mais qui ne se matérialise et ne revêt ses couleurs singulières que confrontée, enrichie, prolongée par la mémoire de tous les autres. Et si c'était cela, la vérité?
La vie est le souvenir le plus touchant du temps qui a produit ce monde.
Avec Pascal Quignard - et je m'en réjouis - l'année nouvelle ne pouvait pas mieux commencer!
Pascal Quignard, Les solidarités mystérieuses (Gallimard, 2011)
Pierre-Jean Jouve, Le monde désert (Mercure de France, 1960)
01:08 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Pascal Quignard | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
04/01/2012
Le poème de la semaine
Robert Desnos
Il était une feuille avec ses lignes Ligne de vie Ligne de chance Ligne de coeur Il était une branche au bout de la feuille Ligne fourchue signe de vie Signe de chance Signe de coeur Il était un arbre au bout de la branche Un arbre digne de vie Digne de chance Digne de coeur Coeur gravé, percé, transpercé, Un arbre que nul jamais ne vit.Il était des racines au bout de l'arbre Racines vignes de vie Vignes de chance Vignes de coeur Au bout des racines il était la terre La terre tout court La terre toute ronde La terre toute seule au travers du cielLa terre. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:18 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
03/01/2012
Morceaux choisis - Pascal Quignard
Pascal Quignard
Il me semble que la mort de Simon ne les a même pas séparés. C'est peut-être même le contraire. Sa mort ne les a pas réunis non plus, mais il est là. Il est constamment là. Il est là avec elle tout le temps. Et réciproquement: elle est avec lui tout le temps. Elle s'occupe de lui. Il est devenu la baie.
Chaque jour elle allait s'asseoir dans son ombre, dans l'ombre de la baie, chaque jour elle allait se caler dans son coin de roche, se dissimuler juste en face du nid du grand goéland de la falaise.
Mon dernier souvenir d'elle? Il y avait un peu d'herbe coupée ras le long du mur de la ferme. Ce mur-là, de l'autre côté des bambous envahissants, était toujours à l'ombre. Ce côté-là de la ferme sentait bon. Il était surmonté d'une grosse glycine plantée par oncle Paul qui amplifiait cette ombre dès la fin du mois de mai. Tout sentait bon. C'était une chaude journée de juin. Nous nous sommes assises toutes les deux sous les grappes de la glycine. Au loin les passereaux secouaient leurs plumes avant de venir boire dans une tasse d'eau qu'oncle Paul avait laissée par terre. Tout était tranquille. Nous étions toutes les deux. Il n'y avait personne d'autre. Il n'y avait pas Paul. Il n'y avait pas Jean. Il n'y avait pas Simon. Maman m'a pris la main et n'a pas dit un mot. Sa respiration était légère. Elle respirait un peu bruyamment. Elle s'était mise à sentir, en vieillissant, une odeur douce de sueur, de foin, de sel, d'iode, de mer, de granit, de lichen.
Pascal Quignard, Les solidarités mystérieuses (Gallimard, 2011)
09:18 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis, Pascal Quignard | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | | Imprimer | Facebook |
02/01/2012
La musique sur FB - 426 F.Liszt
Franz Liszt
Harmonies poétiques et religieuses, S 173
II. Ave Maria
Andrea Bonatta
23:55 Écrit par Claude Amstutz dans Franz Liszt, La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | | Imprimer | Facebook |
La musique sur FB - 1738 L.Cherubini
Luigi Cherubini
Sonata for Horn and String Orchestra No 2 in F major
Vladislav Grigorov
Sinfonia Festival Orchestra
Emil Chakarov
23:47 Écrit par Claude Amstutz dans La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | | Imprimer | Facebook |
La musique sur FB - 1743 F.Kreisler
Fritz Kreisler
Liebesleid
Itzhak Perlman
pour Jeanine GR
23:40 Écrit par Claude Amstutz dans Itzhak Perlman, La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | | Imprimer | Facebook |
La musique sur FB - 1737 G.P.Telemann
Georg Philip Telemann
Partia, for violin and continuo in G major, TWV 41:G2
Trio for oboe, harpsichord and continuo in E major, TWV42:Es3
Sonata for oboe and continuo in A minor, TWV 41:a3
"Zischet nur, stechet, ihr feurigen Zungen!" - Sacred cantata for voice, oboe and continuo, TWV 1:1732
Solo, for oboe and continuo in B major, TWV 41:B6
"Dies ist der Gotteskinder Last" - Sacred cantata for voice, oboe and continuo, TWV 1:356
Paul Goodwin, John Toll
Susan Sheppard, Nigel North
Lynden Cranham
23:35 Écrit par Claude Amstutz dans La musique sur Facebook, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique; facebook | | Imprimer | Facebook |