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23/01/2012

Morceaux choisis - Caroline Boidé

Caroline Boidé

Ruines de Batna.jpg

Tout t'accable, Malek, car rien n'ayant trait à l'écriture n'est prévu, rien de ce qui détourne de Dieu, de ta famille, de la société, de ton futur foyer n'est et ne sera toléré. En poursuivant cette tâche, tu nous trahis, entends-tu? Ton écriture est responsable de nos malheurs. Leur fin est subordonnée à la disparition de ces pages et de toutes celles qui te démangeront. Cette destruction doit prendre effet immédiatement sinon les clés de la maison doivent être rendues à ta mère. Tu écris ce qu'il y a de pire: ton âme en peine. C'est immonde de jeter les tiens sur la place publique, en t'appropriant leurs vies et en marchandant leurs mémoires. Toutes ces idées qui gravissent en toi sont pareilles à des cancers. 

En écrivant, tu dis donner une seconde chance aux événements, tu dis qu'aucun sujet ne préexiste et qu'écrire t'est nécessaire, que c'est là ton chemin de consolation, mais tu te trompes. Que je sois bien clair, ceci n'est pas une discussion où je cherche à l'emporter. Faire chuter le couperet pour te guillotiner toi et ton caractère déviant est pourtant simple. Tu n'es même pas sensible à ce que je te dis et à notre souffrance. Demande pardon. Demande. Ecrire est un caprice de gamine qui passera si tu y mets le coeur. Et les gens, y as-tu pensé? Que vont-ils dire de nous? Tu ne devrais pourtant jamais oublier que tu es une femme musulmane et algérienne avant tout. Comment espères-tu qu'un homme veuille un jour de toi si tu t'es déjà donnée à la multitude? 

Ecrire n'est pas un divertissment, mon père, mais un combat contre une chose plus grande, une émotion assaillante qui vient jusqu'à galvaniser mes mots. Ecrire, c'est écouter la voix d'une fleur de rosée qui a séjourné dans l'enfance et dont les racines de feu me font vivre haut. C'est ranimer le monde en travaillant la langue, et moi-même de l'intérieur, à force d'abandons. C'est ceindre les sanglots pour qu'ils n'aient pas été versés pour rien.

Caroline Boidé, Les impurs (Serge Safran, 2012)

image:  Les ruines de Batna (Algérie)

http://www.le-carrefour-de-lislam.com/Barbaresques/Quaerere.htm

08:30 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

20/01/2012

Christian Signol

Bloc-Notes, 20 janvier / Les Saules

littérature; roman; livres

Je me souviens d'avoir lu avec enchantement, voici bien des années, le livre Marie des brebis, puis dans la foulée, Les cailloux bleus et Les menthes sauvages - tous disponibles en coll. Pocket - avant de retrouver Christian Signol voici deux ans avec un roman très attachant, Une si belle école, présenté dans les colonnes de La scie rêveuse.

Au coeur des forêts, paru l'automne dernier en librairie, parvient une fois encore à nous étonner et nous émerveiller. L'histoire pourtant, est toute simple. Bastien Fromenteil, à près de soixante-dix ans, est un forestier qui vit seul sa passion de toujours, la forêt voisine. Sans s'appesantir sur le passé, il égrène ses souvenirs de vieil homme: l'évocation de son père et de son épouse défunts, celui de sa fille Jeanne partie pour la ville, celui enfin de sa soeur Justine, disparue sans laisser de trace et qui maintient en lui une douleur tenace, sous le regard complice de la voisine de toujours, Solange, qui prépare les repas sous son toit. Sa vie bien règlée ne semble plus lui réserver de surprises, jusqu'au jour où sa petite-fille Charlotte lui annonce sa venue.

Heureuse de retrouver son grand-père et l'odeur familière du bois de son enfance, elle est pourtant désemparée, atteinte d'une maladie grave - le sarcome d'Ewing - qui affecte une de ses jambes et l'oblige à suivre une chimiothérapie. Désormais, je savais: j'avais lu la gravité de la maladie de Charlotte dans ses yeux, dans son corps, dans ses gestes, sur son visage et je me demandais comment on pouvait tomber si malade à moins de trente ans. Pour moi, la maladie ne doit venir qu'avec la vieillesse.

Ils ne savent pas encore, Bastien et Charlotte, que leurs retrouvailles - avec des périodes d'absences et de silences mêlés de craintes - vont, avec l'aide de la médecine tout de même, les réconcilier avec le monde, passant par la magie de cette forêt qui les fait vibrer à la même mesure, éclaire leur vie et leur en révèle le sens: Les arbres sont des êtres vivants capables de colère, de rancune aussi bien que de compassion. Il suffit de savoir déchiffrer leur langage pour les comprendre, ce qui évidemment n'est pas donné à tout le monde: il y faut une grande attention, beaucoup de soins, de complicité. Il faut savoir devenir arbre, aimer la pluie et la lumière, murmurer dans le vent ce que personne n'a jamais dit et ne dira jamais. (...) Le coeur des forêts ne cesse jamais de battre.

Auprès de Charlotte qui prend de plus en plus de place dans son existence et lui partage un ailleurs qu'il ne connaît pas - son voyage au Québec: le Saint-Laurent, Chicoutimi et les Trois-Rivières - ses blessures intimes s'atténuent peu à peu, avec la guérison progressive de Charlotte et le voile levé sur le mystère de Louise, grâce aux nouvelles technologies - Internet - qui n'ont aucun secret pour sa petite-fille.

Tous les personnages de ce roman - même ceux qui traversent ce livre comme un éclair - ont leur importance et Christian Signol sait trouver les mots justes et simples pour suggérer la beauté des sentiments et de cette nature qui nous confronte à nous-mêmes. Il règne, dans Au coeur des forêts, un léger parfum d'éternité, comme dans ces églises absentes du guide Michelin dont le rayonnement n'est perceptible qu'à ceux qui prennent le temps de s'attarder, de s'imprégner du lieu, d'être à l'écoute du temps.

La clef de ce livre se trouve sans doute dans la citation de Jean Giono, que Christian Signol nous partage en préambule à son récit envoûtant: Ce dont on te prive, c'est de vents, de pluies, de neiges, de soleils, de montagnes, de fleuves, de forêts: les vraies richesses de l'homme...  

Christian Signol, Au coeur des forêts (Albin Michel, 2011)

 

00:53 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

19/01/2012

Donna Leon

littérature; roman; policier; livresDonna Leon, La petite fille de ses rêves (coll. Points/Seuil, 2012)

Donna Leon nous partage pour la dix-septième fois une enquête policière de Guido Brunetti, amorcée sous de bien mauvais auspices. Alors qu'il vient d'enterrer sa mère, Antonin Scallon, un de ses anciens camarades d'école devenu prêtre et dont il goûtait somme toute peu la compagnie, sollicite son aide à propos d'un religieux, Leonardo Mutti, présumé charlatan, qui, jouant sur la corde sensible des adeptes de sa secte, semble les inciter à léguer leurs biens pour de nobles causes... ou la sienne? Mais, tandis que Brunetti s'interroge sur ces deux hommes d'église dont les motivations éveillent en lui une méfiance instinctive, un événement tragique vient occuper la devant de la scène: une jeune fille - douze ans à peine, probablement gitane - est repêchée dans le canal, apparemment tombée d'un toit. Accident, fuite ou meurtre? Dissimulées sur sa personne, le légiste découvre une alliance et une montre en or...

Contrairement à d'autres épisodes, plusieurs personnages secondaires contribuent à cerner les eaux troubles de la vie vénitienne, dont le fidèle sergent Vianello, la signorina Elettra - secrétaire du vice-questeur Patta - et la comtesse Nadia Falier, belle-mère de Brunetti. Abordant les sujets délicats de la politique, du clergé, de l'immigration, chacun à sa manière un peu philosophe et désabusé, contribuera à pousser Brunetti, subtil et ébranlé par ce que son regard discerne avec amertume, dans la bonne direction... Une des enquêtes les plus fines et sombres de Donna Leon, dont pourtant je serais heureux de savoir ce que vous pensez de son dénouement...

07:14 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature italienne, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; policier; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

18/01/2012

Le poème de la semaine

Paul Claudel

pour Jean-Pierre O

Par les deux fenêtres qui sont en face de moi,
les deux fenêtres qui sont à ma gauche,
et les deux fenêtres qui sont à ma droite,
je vois, j’entends d’une oreille et de l’autre tomber immensément la pluie.
 
Je pense qu’il est un quart d’heure après midi :
autour de moi, tout est lumière et eau.
Je porte ma plume à l’encrier,
et jouissant de la sécurité de mon emprisonnement, intérieur, aquatique,
tel qu’un insecte dans le milieu d’une bulle d’air, j’écris ce poème.
 
Ce n’est point de la bruine qui tombe,
ce n’est point une pluie languissante et douteuse.
La nue attrape de près la terre et descend sur elle serré et bourru,
d’une attaque puissante et profonde.
Qu’il fait frais, grenouilles, à oublier,
dans l’épaisseur de l’herbe mouillée, la mare !
Il n’est pas à craindre que la pluie cesse;
cela est copieux, cela est satisfaisant.
Altéré, mes frères, à qui cette très merveilleuse rasade ne suffirait pas.
La terre a disparu, la maison baigne,
les arbres submergés ruissellent,
le fleuve lui-même qui termine mon horizon
comme une mer paraît noyé.
Le temps ne me dure pas, et, tendant l’ouïe,
non pas au déclenchement d’aucune heure,
je médite le ton innombrable et neutre du psaume.
 
Cependant la pluie vers la fin du jour s’interrompt,
et tandis que la nue accumulée prépare un plus sombre assaut,
telle qu’Iris du sommet du ciel fondait tout droit au cœur des batailles,
une noire araignée s’arrête, la tête en bas
et suspendue par le derrière au milieu de la fenêtre que j’ai ouverte
sur les feuillages et le Nord couleur de brou.
Il ne fait plus clair, voici qu’il faut allumer.
Je fais aux tempêtes la libation de cette goutte d’encre.

Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth, Rosebud | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

14/01/2012

Morceaux choisis - Anna Akhmatova

 akhmatova.jpg

Anna Akhmatova 

N’essaie pas de me faire peur
Ne me parle pas du destin qui te menace
Ni de la tristesse sans fin de ce pays.
 
Voici notre première fête
Et cette fête a nom rupture.
Tant pis.
Nous n’attendrons pas l’aube.
La lune pour nous n’aura pas divagué.
 
Je vais te donner aujourd’hui
Ce qu’on n’a jamais vu au monde:
Mon reflet sur l’eau, vers le soir,
Quand le ruisseau n’a pas sommeil;
Un regard qui n’a pas aidé
L’étoile filante à trouver
Le chemin qui ramène au ciel;
L’écho de cette voix sans force
Qui était fraîche cet été...
 
Pour que tu puisses supporter d’entendre
Dans les datchas les médisances des corbeaux.
Pour que les jours du mois d’octobre
Te soient plus doux que la douceur de mai.
Mon ange, souviens-toi de moi.
Au moins, tant que n’est pas tombée
La première neige,
souviens-toi.

Anna Akhmatova, La course du temps - Requiem / Poèmes sans héros et autres poèmes (coll. Poésie/Gallimard, 2007)

 

00:20 Écrit par Claude Amstutz dans Anna Akhmatova, Littérature étrangère, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

13/01/2012

Patrick Tafani

Bloc-Notes, 13 janvier / Les Saules

Tafani.jpg

Les poètes empruntent parfois des chemins inhabituels, audacieux ou escarpés pour dire leur sensibilité au monde et aux hommes. Comme de petits tableaux ou une succession de délicates épiphanies, Patrick Tafani cherche et creuse à travers l'oeuvre d'André de Richaud, Armel Guerne, Fernando Pessoa, Friedrich Hölderlin, Cesare Pavese, Charles-Ferdinand Ramuz, Camille Claudel, Stefan Zweig et d'autres encore, ce battement du temps, ce mouvement des couleurs qui désignent sa propre trace, vivante: images surgies des limbes, de son imaginaire et de sa mémoire ouvrant sur sa démarche poétique propre, aux antipodes d'une critique littéraire ou d'un inventaire exhaustif.

Curieusement, les plus beaux passages sont consacrés aux peintres. Sur Pierres Soulages, il note: Lumière arrêtée par les étincelles, par la couche de froid, jadis et à présent, étirée sous un feu primordial, le noir ici n'est jamais noirceur mais beauté béante à travers l'aubier d'une nuit repliée. Sur Nicolas de Staël: Les mille visage du peintre pour ce seul visage. Des fenêtres ouvertes, des rideaux levés pour écouter Webern. Près de ce monde qui déambule, un monde se fonde, une mer s'éloigne, des mouettes s'éploient vers les bâillons du ciel, un piano va jouer sa dernière partition. Puis il fera nuit, on entendra le silence s'élever et la nuit aura l'émotion de ses yeux

On regrettera peut-être l'absence de quelques repères concrets facilitant la lecture aux amoureux de poésie qui connaissent peu ou mal les grandes figures de l'art qui défilent sous nos yeux. Ainsi, le plus long - et peut-être le plus émouvant - des textes de Patrick Tafani, consacré à René Char, semblera parfois hermétique ou inaccessible à ceux qui ignorent son parcours et son oeuvre.

Restent ses poèmes qui jalonnent Etoiles de terre: Que ce soit sur des chemins de terre, des chemins de feuilles, des chemins de ronces, que ce soit sur un toucher de mousse, sur un pli d'écorce ou dans l'entière forêt, que ce soit à l'orée de ma fatigue ou aux confins des premiers orages, c'est vers toi que m'entraînent mes pas, que le regard se noircit pour te reconnaître ainsi dans ton vaste monde, encore souverain et railleur, toi mon extravagant arpenteur, coloriste à tes heures de mépris et d'ardeur, mimant mille fois pour le passant chimérique, ta désinvolture et ta mort, toi au passé mélancolique, au trait bleu de ma lèvre, entre le beige et le noir, la main heureuse de l'enfant.

Si cet ouvrage - par ailleurs très soigné dans sa présentation - vous intéresse, je vous suggère de prendre contact avec son auteur Patrick Tafani, dont l'adresse Internet est mentionnée ci-dessous. Sinon, Le blog de Patrick Tafani - dans les liens permanents de La scie rêveuse - vous permet un accès direct.

Patrick Tafani, Etoiles de terre (L'inaperçu, 2011)

le blog de Patrick Tafani: http://parelie.over-blog.com/ 

00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Charles Ferdinand Ramuz, Littérature francophone, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

11/01/2012

Le poème de la semaine

Jean Cocteau

L'églantier est un piège.
Un cruel errement
Des guerres enfantines.
 
Sade, marquis charmant,
Voleur des églantines,
Rougit sa main d'amant.
 
Il signe sur la neige,
Et sur la glace ment
Avec un diamant.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle
 

03:21 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; poésie | |  Imprimer |  Facebook | | |

10/01/2012

Pascal Bruckner

9782246736318.gifPascal Bruckner, Le paradoxe amoureux (Grasset, 2009)

30 ans après le Nouveau désordre amoureux – écrit avec Alain Finkelkraut et paru aux éditions du Seuil – Pascal Bruckner revient aux interrogations sur l’amour à travers les multiples courants de pensée de l’histoire. L’un des points forts de sa réflexion porte sur ce début de XXIe siècle oscillant entre passion et liberté, axé sur la performance, en vie de couple comme en entreprise, avec au bout du compte un « licenciement » possible, sec, utile ou nécessaire à la survie. Mais n’ayez pas peur, car si le temps des troubadours est révolu, l’auteur nous montre qu’à toutes les époques, seules les modes – qui ne le laissent pas indifférent - conduisent au pire !

également disponible au format de poche (coll. Livre de poche/LGF, 2011)

00:24 Écrit par Claude Amstutz dans Documents et témoignages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : sciences humaines; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

09/01/2012

Morceaux choisis - Clémence Boulouque

Clémence Boulouque

Clémence Boulouque 5.jpg

Les jours passent. Ari rentre immanquablement avec des sacs lourds de ses courses, ces provisions pour m'enfermer, et je pense aux générations de femmes recluses, à toutes celles qui vivent la même séquestration entre les mains de despotes qui se croient généreux.

Il s'est rendu intrus. Mon corps le rejette, il se condense, se referme comme mon regard s'est clos, lui aussi. La porosité de nos corps à la lumière, à l'air, est un signe: le bonheur est porosité et je suis occlusion. (...)

Je tords le ciel, où je consignais mes rêves, ne le regarde plus qu'avec méfiance. Je voudrais aussi esorer mon ventre pour lui faire cracher ce qui le tuméfie et s'y est peut-être installé. Mon souffle se calme, mais mon esprit inspire régulièrement une pensée qui vient de me glacer: si je suis enceinte, je ne garderai pas cet enfant et si mes viscères doivent ne jamais l'oublier, jamais le pardonner, qu'il en soit ainsi. Mon corps ne m'épargnera rien, sale aimant de mains et de gamètes.

Sonne un réveil dont je n'avais pas besoin, je ne dors plus, mime le quotidien apaisé, prépare le petit déjeuner auquel je fais semblant de toucher et, la porte refermée, appelle le méecin, m'habille et traverse une avenue qui me semble un fleuve asséché, la fatigue strie ma vue, les gratte-ciel au loin sont des tesselles de mosaïque mal collées. Au centre de santé, je suis dirigée vers une petite pièce: un bureau, une chaise, une table roulante de métal, du coton, du désinfectant et une fiole à remplir.

"Avez-vous déjà une idée de votre décision si le test est positif?" Je hoche la tête. Ferme les yeux. "Je ne garderai pas l'enfant." Je déglutis.

"Je vais quitter mon compagnon."

Les secondes cognent, le regard par terre: ne pas lever la tête, ne pas voir si la couleur change, la teinte du sol reste, elle au moins, identique. Pas de rouge, surtout, pas de rouge sur la bande de papier. Le sol reste gris. Et le test, blanc. Négatif. Très lisible. "Ce c'est pas toujours le cas", me dit l'infirmière.

Lisible, enfin. Comme ce que j'ai annoncé à cette femme. Dans un étrange alliage de l'esprit, une façon de prendre parfois les inconnus à témoin, nous nous trouvons liés par des mots lancés à un étranger plus encore que par des paroles à des proches car celles-là peuvent être amendées.

Je dois le quitter.

Clémence Boulouque, L'amour et des poussières (Gallimard, 2011)

09:19 Écrit par Claude Amstutz dans Clémence Boulouque, Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

08/01/2012

Les grands violonistes 1b

Bloc-Notes, 8 janvier / Les Saules

Jean-Michel Molkhou appelle David Oistrakh: le roi David! Le voici, pour notre plus grand plaisir, dans le 1er mouvement - Nocturne - du Concerto pour violon et orchestre No 1 de Dmitri Shostakovitch, accompagné par le New York Philharmonic Orchestra, sous la direction de Dmitri Mitropoulos.


Jean-Michel Molkhou, Les grands violonistes du XXe siècle / vol. 1: de Kreisler à Kremer, 1875-1947 (Buchet-Chastel, 2011)

00:40 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, David Oïstrakh, Dmitri Shostakovitch, Musique classique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique classique | |  Imprimer |  Facebook | | |