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17/03/2015

Lire les classiques - Paul Verlaine 1b

Paul Verlaine

Si tous les poèmes ne supportent pas une illustration musicale - classique ou non - voici, avec O triste, triste était mon âme, l'exemple d'une belle réussite, signée Léo Ferré... 



Paul Verlaine, Romances sans paroles, précédé de: Poèmes saturniens (coll. Poésie/Gallimard, 2007)

00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Chansons inoubliables, Lire les classiques, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique; variété | |  Imprimer |  Facebook | | |

28/10/2014

Roberto Vecchioni 1b

Entre autres talents, Roberto Vecchioni est aussi enseignant et chanteur...



00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Chansons inoubliables, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musique; variété | |  Imprimer |  Facebook | | |

16/02/2014

Lire les classiques - Arthur Rimbaud

Arthur Rimbaud

1.jpg

Et la Mère, fermant le livre du devoir,
S'en allait satisfaite et très fière sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminences,
L'âme de son enfant livrée aux répugnances.
 
Tout le jour, il suait d'obéissance; très 
Intelligent; pourtant des tics noirs, quelques traits
Semblaient prouver en lui d'âcres hypocrisies.
Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
À l'aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.
Une porte s'ouvrait sur le soir: à la lampe 
On le voyait, là-haut, qui râlait sur la rampe,
Sous un golfe de jour pendant du toit. L'été
Surtout, vaincu, stupide, il était entêté
À se renfermer dans la fraîcheur des latrines:
Il pensait là, tranquille et livrant ses narines.
Quand, lavé des odeurs du jour, le jardinet
Derrière la maison, en hiver, s'illunait, 
Gisant au pied d'un mur, enterré dans la marne
Et pour des visions écrasant son oeil darne,
Il écoutait grouiller les galeux espaliers.
Pitié! Ces enfants seuls étaient ses familiers
Qui, chétifs, fronts nus, oeil déteignant sur la joue,
Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue
Sous des habits puant la foire et tout vieillots,
Conversaient avec la douceur des idiots!
Et si, l'ayant surpris à des pitiés immondes,
Sa mère s'effrayait; les tendresses, profondes,
De l'enfant se jetaient sur cet étonnement.
C'était bon. Elle avait le bleu regard, - qui ment!
 
À sept ans, il faisait des romans, sur la vie
Du grand désert, où luit la Liberté ravie,
Forêts, soleils, rives, savanes! - Il s'aidait
De journaux illustrés où, rouge, il regardait
Des Espagnoles rire et des Italiennes.
Quand venait, l'oeil brun, folle, en robes d'indiennes,
- Huit ans, - la fille des ouvriers d'à côté,
La petite brutale, et qu'elle avait sauté,
Dans un coin, sur son dos, en secouant ses tresses,
Et qu'il était sous elle, il lui mordait les fesses,
Car elle ne portait jamais de pantalons;
- Et, par elle meurtri des poings et des talons,
Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre.
 
Il craignait les blafards dimanches de décembre,
Où, pommadé, sur un guéridon d'acajou,
Il lisait une Bible à la tranche vert-chou;
Des rêves l'oppressaient, chaque nuit, dans l'alcôve.
Il n'aimait pas Dieu; mais les hommes, qu'au soir fauve,
Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg
Où les crieurs, en trois roulements de tambour,
Font autour des édits rire et gronder les foules.
- Il rêvait la prairie amoureuse, où des houles
Lumineuses, parfums sains, pubescences d'or,
Font leur remuement calme et prennent leur essor!
 
Et comme il savourait surtout les sombres choses,
Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes,
Haute et bleue, âcrement prise d'humidité,
Il lisait son roman sans cesse médité,
Plein de lourds ciels ocreux et de forêts noyées,
De fleurs de chair aux bois sidérals déployées,
Vertige, écroulement, déroutes et pitié!
- Tandis que se faisait la rumeur du quartier,
En bas, - seul et couché sur des pièces de toile
Écrue, et pressentant violemment la voile!

Arthur Rimbaud, Les poètes de sept ans, dans: Poésies - suivi de Les illuminations et Une saison en enfer (coll. Poésie/Gallimard, 2010)

image: Arthur Rimbaud par Paul Verlaine (musessquare.blogspot.com)

illustration musicale: Léo Ferré, Les poètes de sept ans


31/12/2013

Coeur en fête

Bloc-Notes, 31 décembre / Les Saules 

musique; variété

Avec simplicité et reconnaissance, je vous adresse mes meilleurs voeux de bonheur, de santé et de paix pour l'année 2014, à vous, amis fidèles qui visitez souvent le blog de La scie rêveuse et - plus récemment - de Jubilate Deo, et y laissant souvent une trace de votre passage, ici ou sur Facebook. A vous donc, pour ce dernier jour de l'année, je dédicace cette magnifique chanson de Claude Nougaro, Armé d'amour, dont le texte est reproduit ci-dessous...

 

Un jour, un jour, c'est sûr
Reviendra le jour pur
L´immense jour d'avant le Temps
Le couple moribond
Se lèvera d´un bond
Armé d'amour jusqu'aux dents
 
Mon bras c'est ton collier et tes doigts sont mes bagues
Tu es ma parure, je suis ton joyau
Mes orteils de soleil marchent sur tes vagues
Tu es ma pâture jusqu'au fond du boyau
Tu m'éclates de paix, je t'éclaire de rires
En dansant devant toi la nuit de Walpurgis
Puis je bois dans ton cou comme font les vampires
Mélangeant savamment nos vices à nos lis
 
Un jour, un jour, c'est sûr
Reviendra le jour pur
L'immense jour d'avant le Temps
Alors la femme et l'homme
Retrouveront la pomme
Sans la morsure dedans
 
Je me courbe vers toi ma tremblante statue
Le miel de mille ciels ruisselle de tes cils
Qu'une ombre te traverse, aussitôt je la tue
Que mon chant soit bloqué, tu en dénoues le fil
Calmement tu t'endors quand je pars pour mes guerres
Le casque de mon front pour tout arsenal
Je pars saigner de l'eau sous le feu des mystères
Une étoile de mer me fera général
 
Un jour, un jour, c´est sûr
Reviendra le jour pur
L'immense jour d'avant le Temps
Et l´on verra l'enfant
Que plus rien ne défend
Etre bercé par Satan
 
Cet enfant surgira d'un silence de perle
De nos vies échangées dans un éclair d'azur
Et le noir aujourd'hui et l'effroi qui déferlent
S´enfuiront à jamais poursuivis par les murs
Les murs d'une maison qui se nomme le monde
Ouverte à tous les vents fredonnant des oiseaux
Il renaîtra de nous, ma brune à l'âme blonde
Et la mort plus jamais ne fera de vieux os
 
Un jour, un jour, c´est sûr
Reviendra le jour pur
L'immense jour d'avant le Temps
Le couple moribond
Se lèvera d'un bond
Armé d'amour jusqu'aux dents.

image:Angelin Preljocaj, Les nuits (http://www.diaghilev-ps.ru)

blog 1: http://lasciereveuse.hautetfort.com

blog 2: http://jubilatedeo.hautetfort.com

06:00 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Chansons inoubliables | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : musique; variété | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/08/2013

Vendanges tardives - De Schubert

Un abécédaire: S comme Schubert

marine.jpg

Ca ne prévient pas quand ça arrive, ça vient de loin... Comme un grain de sable qui s'est glissé dans l'enveloppe d'une nuit trop parfaite, trop sereine, trop claire; ou un objet familier qui n'est plus à sa juste place, comme un mauvais père; ou encore un souffle court qui t'étreint, non pas celui de l'angoisse ou de la désespérance, mais celui d'une appréhension accompagnant ce sentiment de déjà vu et qui semble fragiliser la petite cage de verre qui fait tinter ta petite horloge interne, comme aux jours maudits de ta jeunesse. Et là, d'un seul coup, tout ce qui t'entoure semble si loin, insupportable, étranger, sur le point de basculer dans le néant, de rejoindre le paradis des pierres, sans même que tu y comprennes quelque chose. Le mal de vivre?

Alors, dans ces moments-là, fugaces et imprévisibles, tu te retires dans ta chambre et plonges dans les sonates de Franz Schubert, ou mieux encore, dans ses Lieder, où tu retrouves à la fois l'obscurité et la lumière de ce que tu ne saurais exprimer ici, et qui te rapproche de ta propre énigme, de tes sensations vraies, de ton intériorité. C'est l'heure des larmes invisibles qui te permettent de retrouver - ni vu ni connu - le chemin juste, l'escalier sans contrefaçon, le désaveu de l'encre noire, le tremblement d'un horizon approximatif...

Et vois-tu Fred, à chacun ses fatigues incertaines, ses envols transitoires, ses pages blanches de mots - que nulle ombre n'envahit - sinon pour dire cet incroyable amour d'une terre peuplée de signes qui habitent ton coeur, incapable de les contenir ou les lire, derrière les volets clos...



image: Pascal Giroud, L'horiron (pgiroud.fr)

illustration musicale 1: Barbara, Le mal de vivre

illustration musicale 2: Franz Schubert, Winterreise, D 911: Ian Bostridge, Julius Drake

20/06/2013

Vendanges tardives - De l'opéra 1a

Un abécédaire: O comme Opéra

das-rheingold-full-score__24768.1311107783.1280.1280.jpg

pour Jean-Pierre O

Et si on allait à l'opéra, Fred? Ce soir, il reste des billets pour La Tosca de Giacomo Puccini, ma partition préférée entre toutes avec La flûte enchantée de Wolfgang Amadeus Mozart... Et je peux te promettre que je ne te ferai pas honte, comme au soir de mes vingt ans! Souviens-toi qu'avant de te rejoindre pour la représentation de L'Or du Rhin, j'avais noyé mon spleen dans un bar pas très recommandable, si bien que, au moment du lever de rideau, lors du prélude de Richard Wagner, plongé soudain dans une béatitude sans crainte ni tourment, je m'étais endormi... Tu prétends que j'ai ronflé comme un sonneur, mais n'est-ce pas une légende savamment entretenue au fil des ans, juste pour rire? De même que les mauvaises langues - comme toi - ont prétendu que je ne retrouvais pas ma place après l'entracte et que dans l'obscurité qui avait gagné la salle, j'aurais trébuché sur de nombreux pieds inconnus avant de m'effondrer sur mon fauteuil, l'estomac dans les talons! Pauvre Richard: il a dû s'en retourner dans sa tombe!

Aujourd'hui, crois-moi, nulle inquiétude, non seulement parce que - provisoirement, pour des raisons médicales - je suis interdit d'alcool, mais surtout Fred, en raison de cet opéra, La Tosca, qui me colle à la peau et dont chaque note m'arrache une émotion sauvage, violente, absolue, à l'image de la passion de Floria Tosca pour Mario Cavaradossi et du baron Scarpia pour Floria Tosca. Tous les ingrédients de la passion culminent ici: ardeur, aveuglement, jalousie, perfidie, trahison, mêlés comme la lave d'un volcan intérieur que nul mieux que Giacomo Puccini dans cette oeuvre, a su exprimer en musique. Un frisson me parcourt à chaque fois, quand Floria Tosca, après avoir assassiné le baron Scarpia, s'écrie: E morto! O libertà!

Et cet opéra demeure pour moi - aux côtés de Giuseppe di Stefano et de Tito Gobbi - le plus beau rôle de Maria Callas! Mais, malgré le souvenir ce cet enregistrement légendaire, nous n'allons pas bouder notre plaisir ce soir, et tant qu'on ne nous inflige pas une mise en scène fantasque, en jeans et blouson de cuir, la magie opère toujours...

Non? Qu'en dis-tu?


 

Giacomo Puccini, La Tosca (1953) avec Maria Callas, Giuseppe di Stefano, Tito Gobbi, Franco Calabrese, Angelo Mercuriali, Melchiorre Luise, Dario Caselli, Alvaro Cordova. Orchestra e Coro Teatro alla Scala, Victor de Sabata (EMI) 

illustration musicale: Jacques Brel, Jef (1964)

image: http://cdn2.bigcommerce.com

30/03/2013

Joyeuses fêtes

Joyeuses fêtes

A toutes et à tous, amis ou oiseaux de passage sur La scie rêveuse ou sur Facebook, je souhaite d'heureuses fêtes, avec cette très belle chanson de Leonard CohenGod Is Alive, Magic Is Afoot, chantée par Buffy Sainte-Marie. Pour les visiteurs qui ne maîtrisent pas la langue anglaise, vous trouverez ci-dessous le lien pour la traduction française...

pour Depi P


 

Leonard Cohen, Les perdants magnifiques (Bourgois, 2002)

Traduction française: Martina Charbonnel, Leonard Cohen / Un texte magique (http://emportesparlafoule.blogs.nouvelobs.com/leonard-cohen)

31/12/2012

Meilleurs voeux

Bloc-Notes, 31 décembre / Les Saules

musique; variété

Je vous adresse mes meilleurs voeux de santé, de joie et de bonheur pour 2013, à vous tous, amis fidèles de la littérature et de la musique, qui visitez le blog de La scie rêveuse - vous êtes deux fois plus nombreux que l'année dernière, soit plus de 400 par jour! - déposant vos écrits, commentaires, critiques et réflexions, ici ou sur Facebook. Aussi, pour ce dernier jour de l'année, je vous dédicace cette magnifique chanson de Barbara, Pantin - suivie d'une autre: Toi - avec beaucoup de tendresse et de reconnaissance, tout simplement... Et comme le dit si bien la chanson: On recommencera demain...


 

 

00:01 Écrit par Claude Amstutz dans Barbara, Chansons inoubliables | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : musique; variété | |  Imprimer |  Facebook | | |

24/12/2012

Lire les classiques - Jehan Rictus

Jehan Rictus

lu par Monique Morelli



Seigneur Jésus, je pense à vous!
Ça m’prend comm’ça, gn’y a pas d’offense!
J’ suis mort’ de foid, j’ me quiens pus d’bout,
ce soir encor... j’ai pas eu d’chance.
 
Ce soir, pardi ! c’est Réveillon:
On n’ voit passer qu’des rigoleurs;
j’ gueul’rais « au feu » ou « au voleur »,
qu’personne il y f’rait attention.

Et vous aussi, Vierge Marie,
Sainte-Vierge, Mère de Dieu,
qui pourriez croir’que j’vous oublie,
ayez pitié du haut des cieux.

J’ suis là, Saint’-Vierge, à mon coin d’rue
où d’pis l’apéro, j’bats la semelle;
j’ suis qu’eune ordur’, qu’eun’ fill’perdue,
c’est la Charlotte qu’on m’appelle.

Sûr qu’avant d’vous causer preumière,
eun’femm’qu’est pus bas que l’ruisseau
devrait conobrer ses prières,
mais y m’en r’vient qu’ des p’tits morceaux.

Vierge Marie... pleine de grâce...
j’suis fauchée à mort, vous savez;
mes pognets, c’est pus qu’eun’ crevasse
et me v’là ce soir su’l’pavé.
 
Si j’entrais m’chauffer à l’église,
on m’ foutrait dehors, c’est couru;
ça s’voit trop que j’suis fill’soumise...
(oh ! mand’ pardon, j’ viens d’ dir’ « foutu. »)

T’nez, z’yeutez, c’est la Saint-Poivrot;
tout flamb’, tout chahut’, tout reluit...
les restaurants et les bistrots
y z’ont la permission d’la nuit.

Tout chacun n’pens’qu’à croustiller.
Y a plein d’ mond’dans les rôtiss’ries,
les épic’mards, les charcut’ries,
et ça sent bon l’boudin grillé.

Ça m’fait gazouiller les boïaux!
Brrr! à présent Jésus est né.
Dans les temps, quand c’est arrivé,
s’ y g’lait comme y gèle e’c’te nuit,
su’ la paill’ de vot’ écurie
v’s z’avez rien dû avoir frio,
Jésus et vous, Vierge Marie.

Bing !... on m’ bouscule avec des litres,
des pains d’quatr’livr’s, des assiett’s d’huîtres,
Non, r’gardez-moi tous ces salauds!

(Oh ! esscusez, Vierge Marie,
j’ crois qu’j’ai cor dit un vilain mot!)

N’est-c’ pas que vous êt’s pas fâchée
qu’eun’ fill’ d’amour plein’ de péchés
vous caus’ce soir à sa magnère
pour vous esspliquer ses misères?
Dit’s-moi que vous êt’s pas fâchée!

C’est vrai que j’ai quitté d’chez nous,
mais c’était qu’la dèche et les coups,
la doche à crans, l’dâb toujours saoul,
les frangin’s déjà affranchies....

(C’était h’un vrai enfer, Saint’-Vierge;
soit dit sans ête eune effrontée,
vous-même y seriez pas restée.)

C’est vrai que j’ai plaqué l’turbin.
Mais l’ouvrièr’gagn’pas son pain;
quoi qu’a fasse, elle est mal payée,
a n’ fait mêm’pas pour son loyer;

à la fin, quoi, ça décourage,
on n’a pus de cœur à l’ouvrage,
ni le caractère ouvrier.

J’ dois dire encor, Vierge Marie!
que j’ai aimé sans permission
mon p’tit... « mon béguin... » un voyou,
qu’ est en c’moment en Algérie,
rapport à ses condamnations.

(Mais quand on a trinqué tout gosse,
on a toujours besoin d’caresses,
on se meurt d’amour tout’sa vie:
on s’arr’fait pas que voulez-vous !)

Pourtant j’y suis encore fidèle,
malgré les aut’s qui m’ cour’nt après.
Y a l’ grand Jul’s qui veut pas m’laisser,
faudrait qu’avec lui j’me marie,
histoir’ comme on dit, d’l’engraisser.
Ben, jusqu’à présent, y a rien d’ fait;
j’ai pas voulu, Vierge Marie!
 
Enfin, je suis déringolée,
souvent on m’a mise à l’hosto,
et j’ m’ai tant battue et soûlée,
que j’en suis plein’de coups d’couteau.

Bref, je suis pus qu’eun’salop’rie,
un vrai fumier Vierge Marie!
(Seul’ment, quoi qu’on fasse ou qu’on dise
pour essayer d’se bien conduire,
y a quèqu’chos’qu’est pus fort que vous.)

Eh ! ben, c’est pas des boniments,
j’ vous l’jure, c’est vrai, Vierge Marie!
Malgré comm’ça qu’ j’aye fait la vie,
j’ai pensé à vous ben souvent.

Et ce soir encor ça m’rappelle
un temps, qui jamais n’arr’viendra,
ousque j’allais à vot’chapelle
les mois que c’était votre fête.

J’arr’vois vot’ bell’rob’bleue, vot’voile,
(mêm’ qu’il était piqué d’étoiles),
vot’ bell’ couronn’ d’or su’la tête
et votre trésor su’les bras.
 
Pour sûr que vous étiez jolie
comme eun’ reine, comme un miroir,
et c’est vrai que j’vous r’vois ce soir
avec mes z’yeux de gosseline;
c’est comm’ si que j’y étais... parole.
 
Seul’ment, c’est pus comme à l’école;
ces pauv’s callots, ce soir, Madame,
y sont rougis et pleins de larmes.

Aussi, si vous vouliez, Saint’-Vierge,
fair’ce soir quelque chos’pour moi,
en vous rapp’lant de ce temps-là,
ousque j’étais pas eune impie;
vous n’avez qu’à l’ver un p’tit doigt
et n’pas vous occuper du reste...

J’ vous d’mand’pas des chos’s... pas honnêtes!
Fait’s seul’ment que j’trouve et ramasse
un port’-monnaie avec galette
perdu par un d’ces muf’s qui passent
(à moi putôt qu’au balayeur!)

Un port’-lazagn’, Vierge Marie!
gn’y aurait-y d’dans qu’un larantqué,
ça m’aid’rait pour m’aller planquer
ça m’ permettrait d’attendre à d’main
et d’m’enfoncer dix ronds d’boudin!

Ou alorss, si vous pouez pas
ou voulez pas, Vierge Marie...
vous allez m’ trouver ben hardie,
mais... fait’s-moi de suit’ sauter l’pas!

Et pis... emm’nez-moi avec vous,
prenez-moi dans le Paradis
ousqu’y fait chaud, ousqu’y fait doux,
où pus jamais je f’rai la vie,

(sauf mon p’tit, dont j’suis pas guérie,
vous pensez qu’je n’arr’grett’rai rien
d’ Saint-Lago, d’la Tour, des méd’cins,
des barbots et des argousins!)

Ah ! emm’nez-moi, dit’s, emm’nez-moi
avant que la nuit soye passée
et que j’soye encor ramassée;
Saint’-Vierge, emm’nez-moi, j’vous en prie?

Je n’en peux pus de grelotter...
t’nez... allumez mes mains gercées
et mes p’tits souliers découverts;
j’n’ai toujours qu’mon costume d’été
qu’ j’ai fait teindre en noir pour l’hiver.

Voui, emm’nez-moi, dit’s, emm’nez-moi.
Et comme y doit gn’y avoir du ch’min
si des fois vous vous sentiez lasse
Vierge Marie, pleine de grâce,
de porter à bras not’ Seigneur,
(un enfant, c’est lourd à la fin),

Vous me l’repass’rez un moment,
et moi, je l’ port’rai à mon tour,
(sans le laisser tomber par terre),
comm’ je faisais chez mes parents
La p’tit’moman dans les faubourgs

quand j’trimballais mes petits frères.

Jehan Rictus, La Charlotte prie Notre-Dame durant la nuit du Réveillon, dans: Le coeur populaire (Le Geai Bleu, 2003)

Monique Morelli, Chansons poétiques et réalistes (EPM, 2011)

17/07/2012

Lire les classiques - Charles Baudelaire 1b

Charles Baudelaire

Si toutes les poèmes de Baudelaire supportent mal une mise en musique, celle-ci, signée Léo Ferré, est en revanche une réussite...