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12/09/2011

La citation du jour 1b

Marco Lodoli

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Je les observe les uns après les autres, et ils me font penser à des mains tendues autour d'un feu qui cherchent à le protéger du vent, qui cherchent à se réchauffer éternellement à ses braises. Ces êtres font partie de moi, ils sont mes caves et mes horizons, et pourtant ils ont leur dignité, ils sont capables de paroles et de gestes qui me surprennent, ils ont faim et soif, ils ont leur propre façon de rêver. Et qui sait si je ne suis pas moi-même en train de vivre dans un livre, dans la malheureuse notice d'un volume oublié sur l'étagère de l'infinie bibliothèque: et la bibliothèque engrange d'un côté de nouvelles acquisitions, elle refait à chaque seconde l'inventaire, elle s'agrandit, se complète; à l'autre bout elle croule et disparaît. Et si ça se trouve, toute la bibliothèque n'est que la virgule d'une feuille de journal pliée sur la caboche d'un clown.

Marco Lodoli, Les prétendants / Trilogie romanesque - Le vent (P.O.L., 2011)

00:07 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère, Littérature italienne, Marco Lodoli | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

11/09/2011

La citation du jour 1a

Marco Lodoli

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Qui sait si sur la Terre, en un lieu que je n'ai pas encore traversé, il n'est pas en train de naître une civilisation exempte de tristesse, généreuse, immortelle... un univers d'enfants insouciants qui échangeront des tapes amicales et des baisers, qui entreront et sortiront en bande dans les rêves, comme dans les bars sur les avenues, et qui ne laisseront personne de côté, ne rejetteront personne, même celui qui a le coeur transi, les mains glacées et les pensées engourdies par la mort... Peut-être suis-je arrivé au bon moment, même si tout m'apparaît désert et plongé dans un silence sidéral, peut-être que devant moi ou au-dessus de moi, telle une pierre sera posée la première rose éternelle. 

Marco Lodoli, Les prétendants / Trilogie romanesque - Le vent (P.O.L., 2011)

06:35 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature étrangère, Littérature italienne, Marco Lodoli | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

08/09/2011

Relire Supervielle 1b

Bloc-Notes, 8 septembre / Curio

En complément au roman Le voleur d'enfants de Jules Supervielle, voici un film d'animation en deux parties consacré à un autre de ses livres, L'enfant de la haute mer. Réalisé par Laetitia Gabrielli, Pierre Marteel, Mathieu Renoux, Max Tourret, en 2000. La musique est signée René Aubry.



Jules Supervielle, Le voleur d'enfants (coll. Folio/Gallimard, 1973)

Jules Supervielle, L'enfant de la haute mer (coll. Folio/Gallimard, 1972)

00:14 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Contes, Jules Supervielle, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; conte; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Relire Supervielle 1a

Bloc-Notes, 8 septembre / Curio

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Le colonel Philémon Bigua n'est pas un homme comme tout le monde. Avec son épouse Desposoria, ils aiment les enfants, mais par un caprice malheureux de la nature, ce don précieux est refusé à leur couple. Alors, en plein Paris, le colonel vole ceux des autres, les invite dans sa demeure qui ressemble à une caverne d'Ali Baba, les installe et partage avec eux ses incroyables aventures vécues en Amérique du Sud, ses rêves, ses jeux, son affection forte et rassurante. Sont-ils effrayés, ces enfants? Pas le moins du monde, car ils sont soustraits à la pauvreté, aux situations familiales douloureuses ou à l'ennui. Leurs parents, par ailleurs ne s'en plaignent pas, une fois le premier étonnement surmonté. Antoine Charnelet, par exemple, est conquis par cet être exubérant, chaleureux, débordant d'imagination qui, de son léger accent étranger, lui a murmuré, avec beaucoup d'émotion dans la voix: N'aie pas peur, je suis déjà ton ami et tu vas voir que tu me connais.

Il éprouvait de la sympathie pour son ravisseur, à cause de la tendresse et des mystérieux égards que le colonel témoignait à l'enfant et à ses camarades. Comme il aimait aussi des objets exotiques qui les entouraient et dont chacun était un regard, un encouragement au caprice, un tournant de la géographie.

Et la magie opère, pour le bonheur de tous, jusqu'au jour où Bigua veut inviter tous ses amis pour leur montrer Antoine, son préféré. Desposoria le met en garde: Mon chéri, l'insouciance où tu vis de certains de tes actes, que j'admire mais qui sont punis par la loi, me paraît parfois effrayante. Tu vas et viens tranquillement, tu manges, bois avec des enfants volés. Ne vaudrait-il pas mieux quitter Paris? On te cherche certainement. Et si les petits te dénonçaient! Le danger est installé dans nos meubles.

Le colonel se laisse convaincre et projette de retourner en Amérique du Sud, à la seule condition d'emmener avec les enfants une jeune fille de Paris. Interpellé par Herbin - un père alcoolique que Philémon fera soigner dans une clinique - son rêve se concrétise avec sa fille Marcelle, pâle, sensible, tremblante, aux attaches très fines et, dans le regard, une douceur qui déborde l'enfance. Elle-même n'est pas insensible à Bigua, avec ses yeux noirs et chargés: Il représentait pour Marcelle tout ce qui lui avait manqué chez sa mère: Le luxe, la bienveillance et les pays étrangers. (...) Elle le trouvait beau avec son visage sans transitions, sa peau très blanche et ses cheveux très noirs, beaucoup plus beau et plus viril que tous les hommes qu'elle avait vu entrer chez sa mère, essouflés par une joie toute proche, et avec cette hâte dans le regard.

Mais Marcelle n'est plus tout à fait une petite fille, et son charme innocent va ravager le coeur du colonel tombé fou amoureux d'elle: Elle me regarde et je la regarde vivre et me regarder. Sa petite blouse est légère. Mon avenir y est contenu qui sommeille et parfois ouvre un oeil pour savoir où j'en suis et se refermer... La joie progressivement cède le pas à la jalousie, au tourment, à l'intolérance et tandis que les premiers émois de Marcelle marquent son passage à l'adolescence et la rapprochent des camarades de son âge tout en l'éloignant de ce second père auquel elle n'a plus rien à dire, Philémon au comble du désespoir réalise qu'il aime Marcelle plus que tout au monde, bien qu'elle lui échappe de plus en plus: Je me verrai condamné à une solitude infernale, même si je volais les uns après les autres tous les enfants de la terre.

Ce conte que Jules Supervielle publie en 1926, nous dit avec beaucoup de poésie le pouvoir de l'imagination, mais aussi combien le choc de la réalité peut, parfois cruellement, l'anéantir à tout jamais, tel notre malheureux colonel Bigua pour lequel l'impossibilité de cristalliser ses rêves aboutit à l'impossibilité de vivre, désormais... 

Jules Supervielle, Le voleur d'enfants (coll. Folio/Gallimard, 1973)

00:00 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Contes, Jules Supervielle, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; conte; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

07/09/2011

Le poème de la semaine

Abdellatif Laâbi

Ami
accroche-toi
ta bougie est plus belle
et tes ongles ne sont noirs
que de la crasse des mauvais jours
ne pleure pas
les armes qui te manquent
réjouis-toi de la rose
que tu ne peux offrir
ouvre les bras
à l'enfant de tes insomnies
ta plume est propre
ne la trempe pas
dans la glu de la rancoeur
 
ta boue 
c'est de la bonne boue
et ta baraque
un trône de lumière
 
Je n'ai que toi
pour pouvoir dire
sans risque de me tromper
j'ai un ami
et continuer à aimer
comme j'aime
 
Accroche-toi
l'ami
pour que ce pays
ne s'écroule pas
 
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

06/09/2011

Loriano Macchiavelli

9782864245919.gifLoriano Macchiavelli, Bologne ville à vendre (Métailié, 2006)

En Italie, il y des commissaires plus célèbres que d’autres : En Sicile, vous trouvez Montalbano, héros des romans de Andrea Camilleri; à Venise, vous marchez sur les traces de Brunetti, mis en scène par Donna Leon; à Bologne, enfin, Sarti Antonio est incontournable mais peu connu, découvert par le grand public voici quelques années avec Les souterrains de Bologne de Loriano Macchiavelli - chez Métailié également - et qui connut un vif succès. De ces trois policiers, ce dernier est peut-être le plus atypique, le plus complexe, le plus attachant, avec ses intuitions, son humour désabusé, sa parfaite connaissance -et méfiance - des rouages de la politique, des finances et du pouvoir. Et l’amour de sa ville, malgré tout. L’intrigue de ce roman est envoûtante, plus vraie que nature pour tous les amoureux de cette Italie ambiguë où vérité et mensonge se confondent parfois à s’y méprendre… Un polar inventif et original!

05/09/2011

Clémence Boulouque

9782070343546.gifClémence Boulouque, Chasse à courre (Coll. Folio/Gallimard, 2007)

 

Si vous ne connaissez pas cet auteur – La mort d’un silence en coll. Folio/Gallimard ou son dernier et indiscutable chef d’oeuvre Nuit ouverte paru chez Flammarion – lisez ce roman qui vous entraîne, avec Frédéric Marquez, dans les rouages d’un monde très fermé, celui des chasseurs de tête, des traders, des décideurs. Sans outrance ni flèches inutiles, elle nous dévoile quelques mois d’une ascension fulgurante, audacieuse et glacée, où quelques fissures teintent les réussites les plus marquantes d’un (dés) espoir passager…

10:45 Écrit par Claude Amstutz dans Clémence Boulouque, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

03/09/2011

Colette Fellous

Bloc-Notes, 3 septembre / Curio

littérature; récit; livres

Colette échappe de peu à un terrible accident. Une de ses sandales se prend dans un rail, à Tunis. Un instant, elle se voit morte: Un morceau de ma vie est passé sous le train ce mardi-là, bien après les jours et les pays, ce mardi d'un mois d'août naissant (il était presque midi) mais comment le cerner, le dessiner, le reconstruire? (...) Je cherchais à retrouver un petit mouton de bois perdu et c'est un morceau de ma vie que j'ai laissé ce jour-là, au bord de la voie ferrée.

Cet événement réveille les ombres, laisse fleurir les impressions, les souvenirs de ces années 1967-1969, avec la découverte de Paris - un immense écran de cinéma - où naissent les premiers battements de l'amour, les moments de rare bonheur sur fond de lumière, d'extravagances et de liberté qu'épanouissent les liens de l'amitié et la passion des livres: Je cherchais chez les écrivains de tous les siècles leurs moments de crise, leurs illuminations, leurs premières fois, leurs vertiges, je m'approchais au plus près de leur fièvre, j'attendais qu'ils me parlent encore, qu'ils me racontent. (...) Je devenais leurs nuits, leurs hallucinations. Je savais me glisser à n'importe quel point du temps, les mots me grisaient, j'apprenais à être plusieurs.

Mais la figure centrale de ce récit qui éclaire et assombrit à la fois les multiples greniers secrets de sa mémoire, c'est Georgy, ce frère cousu au centre de son coeur, diabétique dès son enfance et qui meurt à vingt-sept ans: un dandy qui ne se remarque pas, un esthète, un inconsolable, (...) un grand contemplatif de la misère du monde et du luxe, celui des hôpitaux et des grands hôtels. L'amoureux des livres, des films, des tableaux et des stars. Des parfums et des beaux vêtements. Des voyous et des anges.

Colette Fellous dépeint avec beaucoup de lucidité, de tact, de sensibilité, la relation tourmentée entretenue avec ce frère bien-aimé et inséparable: Il n'était pas diabolique. Il était au-delà, toujours au-delà. Depuis ses six ans. Au-delà des conventions, des interdits. Il le savait qu'il mourrait très jeune. Il n'avait donc rien à perdre. (...) Suivre ses rêves, jusqu'au bout, c'était le rôle qu'il m'avait donné. Suivre ses folies, ses désespoirs, jusqu'au bout. Je devais partager sa souffrance en jouant moi aussi avec mon corps, en le détruisant à mon tour, comme le sien avait été détruit par la maladie. Mais je n'ai pas accepté ce pacte. Je l'ai sans cesse détourné, repoussé. (...) Sa mort a été la mienne, mais elle m'a aussi permis de vivre, de me libérer de lui. 

Outre cette poignante réverbération des élans du coeur, Un amour de frère fleurit de pages de toute beauté consacrées à la musique, à ses liens intimistes avec la Tunisie - son pays d'origine - et à la poésie omniprésente dans tous les écrits de Colette Fellous: Le sens d'un poème est à la fois ouvert, mobile, transparent, et complètement secret, à jamais secret. C'est là que résident sa beauté et sa force. On ne doit pas chercher d'explication, ce serait tuer le poème. Il y a autant de mots cachés que de mots écrits. Plus la langue est simple, plus elle est vaste.

En écho à la mort de Georgy, Colette Fellous se remémore un extrait de sa correspondance qui incarne pour elle le vertige annoncé de la fin: Même les oiseaux s'en iront un jour ... A la fin de son livre, y répond la citation sublime de Virginia Woolf, scellant toute vie peut-être, la sienne, la vôtre, la mienne: Je passerai comme un nuage sur les vagues ... Une image forte qui parachève l'une des oeuvres littéraires les plus abouties de l'année, servie par une langue magnifique!

Colette Fellous, Un amour de frère (Gallimard, 2011)

00:45 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Colette Fellous, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; récit; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

02/09/2011

La citation du jour

Guido Ceronetti

citations; livres

C'est une pensée qui apaise et fortifie de savoir que parmi les livres que nous possédons il en est quelques-uns capables de nous libérer et de nous sauver. Il s'en ajoute de nouveaux, presque chaque jour, mais les livres nécessaires sont là depuis longtemps.

Guido Ceronetti, Le silence du corps (Albin Michel, 1984)

00:15 Écrit par Claude Amstutz dans Guido Ceronetti, La citation du jour, Littérature étrangère, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : citations; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

01/09/2011

Sacha Sperling

9782253134404-V.jpgSacha Sperling, Mes illusions donnent sur la cour (Livre de poche/LGF, 2011)

J’ai lu ce roman en deux jours lors de sa parution en 2009, et ne taris plus depuis lors d’éloges sur cet auteur âgé aujourd'hui de 21 ans à peine. Son style fluide, concis, dépourvu de pathos, transpire d’une étonnante maturité pour un premier texte. Son portrait d’une jeunesse qui, bien plus que de mal être, se radicalise devant l’ennui, le vide intérieur et l’urgence de vivre, adopte un angle de vue original, contemporain, lucide sur son époque. On songe aux vers de Paul Verlaine : Avide jeunesse à tout a servi, par délicatesse j’ai menti ma vie… Fréderic Beigbeder souligne que c’est peut-être le Bonjour tristesse de notre époque, et il a bien raison ! Avec d’autres hasards de calendrier, Sacha Sperling aurait largement mérité un prix littéraire. Tiens, le prix Goncourt des Lycéens, par exemple…

Du même auteur, Les coeurs en skaï mauve (Fayard, 2011) a déjà été présenté sur La scie rêveuse, dans le cadre de la rentrée littéraire de l'automne.

06:06 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |