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07/02/2011

Andrée Chedid 1c

Andrée Chedid


Je me souviens

D'ombres plus denses que le plomb

De regards impassibles

De rivières fourbues

De maisons rongées

De coeurs blanchis

D'hirondelles torpillées


Et de cette femme hagarde

sous l'explosion des armes


Je me souviens

Du tumulte des sèves

De l'envolée des mots

De plaines sans discorde

Des chemins de clémence

Des regards qui s'éprennent


Et de ces beaux amants

sous les feux du désir


De tout ceci

De tout cela

Je me souviens

Et me souviens

  

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

  

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6a00f48cf4d5d3000201240baca2a3860e-500pi.jpgAndrée Chedid, L'étoffe de l'univers (Flammarion, 2010)

Alors que vient de paraître, chez le même éditeur, son séduisant roman Les quatre morts de Jean de Dieu - déjà présenté sur ce site - Andrée Chedid nous revient à la poésie et à l'essai littéraire avec L'étoffe de l'univers. Un regard qui ressemble au film d'une vie nourrie et grandie par son identité de poétesse, l'importance accordée au langage, aux fragilités crépusculaires de la vie devenues parfois lourdes à porter: De mon printemps à mon automne, patinant sur l'avenir, dérapant sur les sols, me faufilant entre les marées, communiquant avec l'azur, je me targuais d'être friande de vie, de glisser sur le temps, de parler aux moineaux et aux chênes. Maintenant amarrée, assujettie à mon hiver, je ne m'intéresse qu'à la mort, cette voisine. Face à elle, délivrée par l'ignorance, je demeure impassible. J'invente les paradis. Je vis, je meurs et je revis.

Amoureuse de la terre, des rythmes du coeur, de ces tremblements de l'existence dont sa mémoire est empreinte, ses poèmes sont enrichis d'un cahier de notes qui renvoient au miroir de ces autres qui éclairent et renforcent le fil de ses interrogations, sous forme de citations commentées sur la vie, le métier d'écrivain, la vieillesse ou la mort. Nous y croisons ainsi Saint Augustin, Sénèque, William Shakespeare, Dante, William Blake, Rainer-Maria Rilke, René Char, Emily Dickinson, pour n'en citer que quelques-uns. 

A Andrée Chédid peut s'appliquer cette lumineuse évocation de Pierre Reverdy: Le poète est un four à brûler le réel... et entre nos mains, ses écrits ne délivrent aucune tiédeur. 

Andrée Chedid 1a

images-1.jpegAndrée Chedid, Les quatre morts de Jean de Dieu (Flammarion, 2010)

Elle aurait aimé crier, se battre, soustraire Jean à cette fin. Elle aurait tant voulu prolonger leurs âges, vivre jusqu'au bout. Qu'ils s'accompagnent mutuellement, longuement, le plus longuement possible et entrer dans la nuit ensemble en se tenant la main. Maintenant il fallait peu à peu envisager, admettre, accepter le poids de cette main froide, qui n'avait plus de vie, qui n'avait plus de sens. Admettre, accepter, se résigner. Non. Jamais. Ce serait comme trahir.

Par les yeux du cœur – ceux d’Isabelita – nous traversons avec son époux, Jean de Dieu, les turbulences d'un enfant du siècle, de la guerre d’Espagne à la chute du mur de Berlin, avec son cortège de désillusions et de révoltes: La perte de sa foi catholique, puis celle de son idéal communiste, l'exil, enfin la maladie qui s'empare de lui... Ce livre est pourtant avant toute chose la chronique d’un amour indestructible qui, malgré les lézardes du temps, demeure insoumis, bien qu'ouvert aux rythmes du monde et de ses joies simples, passagères. Avec beaucoup de poésie et de tendresse, Andrée Chedid interroge le quotidien, l'art, la mémoire, la vieillesse ou la mort dans un monde qui change, non sans insolence, humour et lucidité.

Je veux que tu saches que toi c'est moi et que moi c'est toi. Pour toujours.

20:20 Écrit par Claude Amstutz dans Andrée Chedid, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |