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02/03/2014

Lire les classiques - Paul Verlaine

Paul Verlaine

SR_Guy Cambier.jpg

C'est l'extase langoureuse,
C'est la fatigue amoureuse,
C'est tous les frissons des bois
Parmi l'étreinte des brises,
C'est, vers les ramures grises,
Le choeur des petites voix.
 
O le frêle et frais murmure!
Cela gazouille et susurre,
Cela ressemble au cri doux
Que l'herbe agitée expire...
Tu dirais, sous l'eau qui vire,
Le roulis sourd des cailloux.
 
Cette âme qui se lamente
En cette plainte dormante,
C'est la nôtre, n'est-ce pas?
La mienne, dis, et la tienne,
Dont s'exhale l'humble antienne
Par ce tiède soir, tout bas?
 

Paul Verlaine, Romances sans paroles - suivi de: Cellulairement (Livre de Poche/LGF, 2002)

image: Guy Cambier (art.findartinfo.com)

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25/02/2014

Morceaux choisis - Leftèris Poùlios

Leftèris Poùlios

littérature; poésie; anthologie; livres

A présent je retourne au silence.
Ma voix naturelle prend sa place
parmi les éléments.
Silence vaste comme la mer,
tel un fleuve je retourne vers toi.
Je verse mon écume à tes pieds.
Aujourd'hui je viens à ta bouche
aujourd'hui entre tes bras immenses.
 
Ni la grenouille gluante, ni l'étoile brûlée,
ni le vent bavard n'ont su par moi
ton secret vénérable.
J'ai passé toute terre, emporté tout obstacle,
gardant ma pierre angulaire enfouie
et ta voix en elle, vibrante.
 
Le sel et la truite se séparant de toi
distribuent ta bannière océanique
aux humains.
Je retourne à toi jusqu'à la nouvelle récolte
des fruits mûrs de la terre. 
 

Leftèris Poùlios, Le finale, dans: Michel Volkovitch, Anthologie de la poésie grecque contemporaine / 1945-2000 (coll. Poésie/Gallimard, 2000)

image: www.pinterest.com 

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24/02/2014

Lire les classiques - Friedrich Schiller

Friedrich Schiller

Alexei Alexeivich Harlamoff.jpg

Sois le bienvenu, doux enfant, délices de la nature; avec ta corbeille de fleurs, sois le bienvenu dans la campagne. Ah! te voilà! que tu es doux et beau à voir! ton aspect nous réjouit et nous courons au-devant de toi. Penses-tu encore à la jeune fille que j’aime? Oh! oui, pense à elle! c’est là qu’elle m’a aimé et qu’elle m’aime encore. Je te demandais bien des fleurs pour elle, je reviens t’en demander encore, et tu me les donneras. Sois le bienvenu, doux enfant, délices de la nature; avec ta corbeille de fleurs, sois le bienvenu dans la campagne.

Friedrich Schiller, Au printemps (L'Harmattan, 2011)

image: Alexei Harlamoff, Faraway Thoughts (pinterest.com)

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11/02/2014

Lire les classiques - Henry Bataille

Henry Bataille

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Il y a de grands soirs où les villages meurent 
Après que les pigeons sont rentrés se coucher. 
Ils meurent, doucement, avec le bruit de l'heure 
Et le cri bleu des hirondelles au clocher... 
Alors, pour les veiller, des lumières s'allument, 
Vieilles petites lumières de bonnes soeurs, 
Et des lanternes passent, là-bas dans la brume... 
Au loin le chemin gris chemine avec douceur... 
Les fleurs dans les jardins se sont pelotonnées, 
Pour écouter mourir leur village d'antan, 
Car elles savent que c'est là qu'elles sont nées... 
Puis les lumières s'éteignent, cependant 
Que les vieux murs habituels ont rendu l'âme, 
Tout doux, tout bonnement, comme de vieilles femmes.
 

Henry Bataille, Soirs, dans: La chambre blanche (coll. Orphée/La Différence, 1989)

image: www.deco.fr

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02/02/2014

Morceaux choisis - Pierre Reverdy

Pierre Reverdy

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Quand le sourire éclatant des façades déchire le décor fragile du matin; quand l'horizon est encore plein du sommeil qui s'attarde, les rêves murmurant dans les ruisseaux des haies; quand la nuit rassemble ses haillons pendus aux basses branches, je sors, je me prépare, je suis plus pâle et plus tremblant que cette page où aucun mot du sort n'était encore inscrit. Toute la distance de vous à moi - de la vie qui tressaille à la surface de la main au sourire mortel de l'amour sur sa fin - chancelle, déchirée. La distance parcourue d'une seule traite sans arrêt, dans les jours sans clarté et les nuits sans sommeil. Et, ce soir, je voudrais, d'un effort surhumain, secouer toute cette épaisseur de rouille - cette rouille affamée qui déforme mon coeur et me ronge les mains. Pourquoi rester si longtemps enseveli sous les décombres des jours et de la nuit, la poussière des ombres. Et pourquoi tant d'amour et pourquoi tant de haine. Un sang léger bouillonne à grandes vagues dans des vases de prix. Il court dans les fleuves du corps, donnant à la santé toutes les illusions de la victoire. Mais le voyageur exténué, ébloui, hypnotisé par les lueurs fascinantes des phares, dort debout, il ne résiste plus aux passes magnétiques de la mort. Ce soir je voudrais dépenser tout l'or de ma mémoire, déposer mes bagages trop lourds. Il n'y a plus devant mes yeux que le ciel nu, les murs de la prison qui enserrait ma tête, les pavés de la rue. Il faut remonter du plus bas de la mine, de la terre épaissie par l'humus du malheur, reprendre l'air dans les recoins les plus obscurs de la poitrine, pousser vers les hauteurs - où la glace étincelle de tous les feux croisés de l'incendie - où la neige ruisselle, le caractère dur, dans les tempêtes sans tendresse de l'égoïsme et les dérisions tranchantes de l'esprit.

Pierre Reverdy, Reflux, dans: Main d'oeuvre / Poèmes 1913-1949 (Mercure de France, 1949)

image: Fujiko Nakaya (telerama.fr)

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01/02/2014

Lire les classiques - Clément Marot

Clément Marot

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Adieu la cour, adieu les dames, 
Adieu les filles et les femmes, 
Adieu vous dis pour quelques temps, 
Adieu vos plaisants passetemps; 
Adieu le bal, adieu la danse, 
Adieu mesure, adieu cadence, 
Tambourin, haubois et violons, 
Puisqu'à la guerre nous allons.
Adieu les regards gracieux,
Messagers des coeurs soucieux;
Adieu les profondes pensées,
Satisfaites ou offensées;
Adieu les harmonieux sons
De rondeaux, dizains et chansons;
Adieu piteux département,
Adieu regrets, adieu tourment,
Adieu la lettre, adieu le page,
Adieu la cour et l'équipage,
Adieu l'amitié si loyale,
Qu'on la pourrait dire royale,
Etant gardée en ferme foi
Par ferme coeur digne de roi.
Adieu ma mie la dernière,
En vertus et beauté première;
Je vous prie me rendre à présent
Le coeur dont je vous fis présent,
Pour, en la guerre où il faut être,
En faire service à mon maître.
Or quand de vous se souviendra,
L'aiguillon d'honneur l'époindra
Aux armes et vertueux faits:
Et s'il en sortait quelque effet
Digne d'une louange entière,
Vous en seriez seule héritière.
De votre coeur donc se souvienne,
Car si dieu veut que je revienne,
Je le rendrai en ce beau lieu.
 
Or je fais fin à mon adieu.
 

Clément Marot, Adieu aux Dames de la Cour, dans : Pierre Seghers, Le livre d'or de la poésie française (Marabout, 1980)

image: expositions.bnf.fr

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26/01/2014

Morceaux choisis - Erri de Luca

Erri de Luca

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Vis en aventureux comme font les saints, les cigognes,
vis en desséché comme fait l'herbe en cas de sécheresse,
elle se blottit sous terre pour renaître sous l'averse.
Vis en pollen gaspillé un million de fois
sur les trottoirs, les cailloux
et une seule par hasard dans l'ovaire.
Vis en déserteur d'une guerre,
proclame les vaincus non pas le vainqueur,
trinque à l'insurrection des cibles.
Prends par le bras petite soeur la mort
qui a déjà dû te chercher plusieurs fois,
dis-lui que tu l'invites au cinéma, qu'on donne ta vie,
assise à ta droite,
dis-lui de se préparer,
c'est toi qui passeras la prendre à cette heure-là.
 

Erri de Luca, Aller simple  - édition bilingue (Gallimard, 2012)

traduit de l'italien par Danièle Valin

image: Giuseppe Tornatore, Cinema Paradiso - film (1989)

20/01/2014

Lire les classiques - Paul Verlaine

Paul Verlaine

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Il est des jours - avez-vous remarqué? -
Où l'on se sent plus léger qu'un oiseau, 
Plus jeune qu'un enfant, et, vrai! plus gai 
Que la même gaieté d'un damoiseau.
 
L'on se souvient sans bien se rappeler...
Évidemment l'on rêve, et non, pourtant.
L'on semble nager et l'on croirait voler.
L'on aime ardemment sans amour cependant
 
Tant est léger le coeur sous le ciel clair 
Et tant l'on va, sûr de soi, plein de foi 
Dans les autres, que l'on trompe avec l'air 
D'être plutôt trompé gentiment, soi.
 
La vie est bonne et l'on voudrait mourir, 
Bien que n'ayant pas peur du lendemain, 
Un désir indécis s'en vient fleurir, 
Dirait-on, au coeur plus et moins qu'humain.
 
Hélas ! faut-il que meure ce bonheur? 
Meurent plutôt la vie et son tourment!
O dieux cléments, gardez-moi du malheur 
D'à jamais perdre un moment si charmant.

Paul Verlaine, Poèmes divers, dans: Oeuvres poétiques complètes (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 2000)

image: associationfloribunda.blogspot.com

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05/01/2014

Morceaux choisis - Gilles Baudry

Gilles Baudry

Alphonse Osbert 1.jpg

Les yeux fermés, parle de l’intérieur.
 
Trouve des mots
qui soient des portes
derrière lesquelles
on écoute la mer raconter une histoire,
de ces portes qu’on pousse
au-dedans de soi.
A l’indicible source
puise des mots infusés de printemps
dédiés
à ce qu’il y a de plus frais
en chacun.
 
Garde la page inapaisée.

Gilles Baudry,  Nulle autre lampe que la voix  (Rougerie, 2006)

image: Alphonse Osbert, Au coucher du soleil (pantherspirit.centerblog.net)

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09/12/2013

Lire les classiques - Pétrarque

Pétrarque

littérature; poésie; anthologie; livres

O belle main qui m'a étreint le coeur
Et dans ce peu d'espace enclos ma vie,
Main où Nature et Ciel, pour se faire honneur,
Ont voulu tout leur art, ont mis tous leurs soins.
 
O doigts, cinq perles, l'Orient par la couleur,
Et qui n'êtes cruels que dans mes plaies,
Doigts déliés, délicats: Amour, comblant mes voeux,
Me permet un instant de vous voir nus.
 
Bien aimé soit ce gant, tout de blanche grâce, 
Qui couvrait votre ivoire lisse, vos fraîches roses!
Qui vit jamais dépouille si voluptueuse?
 
Ah, obtenir autant d'un autre voile!
Mais voilà bien l'inconstance de tout:
Ce gant n'est qu'un larcin, on vient me le reprendre.
 

Pétrarque, Je vois sans yeux et sans bouche je crie - 24 sonnets traduits par  Yves Bonnefoy / édition bilingue (Galilée, 2012)

image: Carolus-Duran, La dame au gant / Détail (ifmparis.blog.lemonde.fr )