25/09/2014
Morceaux choisis - Nathan Katz
Nathan Katz
Et quand nous serons mortsnous revivrons peut-êtredans tout ce qui est beau. Nous serons peut-êtrela vie qui monte dans le jeune blédans cette immense multitudede petites poussesqui germent au loin par les champs. Nous serons peut-êtrela force du vent qui va par les boisen courbant les chênesou les simples et saines fleursde quelque jardin paysan. Nous revivrons peut-êtredans tout ce qui est beaudans tout ce qui vit.
Nathan Katz, Nous revivrons peut-être, dans: Sundgäu (Arfuyen, 1987)
traduit par Jean-Paul de Dadelsen, Guillevic et Nathan Katz
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14/09/2014
Lire les classiques - Marceline Desbordes-Valmore
Marceline Desbordes-Valmore
merci à Christiane H
Je voulais, mais en vain, par un effort suprême, En me sauvant de toi, me sauver de moi-même; Mon œil, voilé de pleurs, à la terre attaché, Par un charme invincible en fut comme arraché. À travers les brouillards, une image légère Fit palpiter mon sein de tendresse et d'effroi; Le soleil reparaît, l'environne, l'éclaire, Il entr'ouvre les cieux... Tu parus devant moi. Je n'osai te parler; interdite, rêveuse, Enchaînée et soumise à ce trouble enchanteur, Je n'osai te parler: pourtant j'étais heureuse; Je devinai ton âme, et j'entendis mon cœur. Mais quand ta main pressa ma main tremblante, Quand un frisson léger fit tressaillir mon corps, Quand mon front se couvrit d'une rougeur brûlante, Dieu! qu'est-ce donc que je sentis alors? J'oubliai de te fuir, j'oubliai de te craindre; Pour la première fois ta bouche osa se plaindre, Ma douleur à la tienne osa se révéler, Et mon âme vers toi fut près de s'exhaler.Marceline Desbordes-Valmore, Promenade d'automne, dans: Poésies (coll. Poésie/Gallimard, 1983)
image: John William Waterhouse, Lady Clare (artmagick.com)
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05/09/2014
Lire les classiques - Elizabeth Browning
Elizabeth Browning
Pourtant, l'amour, le pur amour est beauEt digne d'acceptation.Le feu est vif,Que brûle le temple ou le lin.Un même éclat bondit dans la flammeDu cèdre ou du foin. Et l'amour est feu;Et lorsque je dis "Je t'aime"...Note! "Je t'aime"... en ton regard! Je me tiens transfigurée, glorifiée,Consciente des rayons qui irradientDe mon visage vers le tien.Rien n'est bas dans l'amour le plus bas.Dieu accepte l'amourDes plus humbles créatures. Et ce que "je sens", parmi les moindres traitsDe ce que "je suis", brille en soi,Et montre comme l'oeuvre d'Amourparfait la Nature...
Elizabeth Browning, Sonnets portugais et autres poèmes (coll. Poésie/Gallimard, 1994)
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18/08/2014
Morceaux choisis - René Depestre
René Depestre
Lente, gloire lente, femme lente,Lente, tu es lente,À l’heure somptueuse du corps.Tu es le temps qui consoleTu es le sablier de la douceurTon corps mesure en moi la force des maréesTon corps indique le temps infiniEncore un instant de bonheur!Encore l’oubli, encore une victoire glorieuse sur la mort!Encore toi, encore ta haute vague!Encore ta jeunesse qui brûle!Encore ta gloire, encore ton délire!Lente, gloire lente, femme lente,Tes cheveux, tes cuisses, tes os,Ton enfance, tes poupées, ta joiePénètrent jusque dans mes os.Lente, gloire lente, femme lenteTes caresses me suivront jusque dans la poussière!René Depestre, Le temps de Nelly Compano, dans: Rage de vivre - Oeuvres poétiques complètes (Seghers, 2007)
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15/08/2014
Morceaux choisis - Abdellatif Laâbi
Abdelattif Laâbi
Que de musiquesnous ont accompagnéset sont devenues au fil des ansune chronique parallèledes minutes de notre viela petiteet la grandeavec ses coups de boutoiret ses deuilsses joies nativeset ses noces improvisées Que de chansonsnous ont abreuvéset nourrisdu suc de la fraternitépréparé par les mains les plus délicatesque d'aucuns tyranssont allés jusqu'à coupercomme s'ils pouvaient ainsifaire disparaîtrela lumière.Abdellattif Laâbi, La Saison manquante, suivi de: Amour jacaranda (La Différence, 2014)
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09/08/2014
Lire les classiques - François de Malherbe
François de Malherbe
Beauté, mon beau souci, de qui l'âme incertaineA, comme l'océan, son flux et son reflux,Pensez de vous résoudre à soulager ma peine,Ou je me vais résoudre à ne la souffrir plus. Vos yeux ont des appas que j'aime et que je prise.Et qui peuvent beaucoup dessus ma liberté:Mais pour me retenir, s'ils font cas de ma prise,Il leur faut de l'amour autant que de beauté. Quand je pense être au point que cela s'accomplisseQuelque excuse toujours en empêche l'effet;C'est la toile sans fin de la femme d'Ulysse,Dont l'ouvrage du soir au matin se défait. Madame, avisez-y, vous perdez votre gloireDe me l'avoir promis et vous rire de moi.S'il ne vous en souvient, vous manquez de mémoireEt s'il vous en souvient, vous n'avez point de foi. J'avais toujours fait compte, aimant chose si haute,De ne m'en séparer qu'avec le trépasS'il arrive autrement ce sera votre faute,De faire des serments et ne les tenir pas.
François de Malherbe, Poésies (coll. Poésie/Gallimard, 1997)
image: Giovanni Antonio Pellegrini, Vénus et Cupidon (educar.wordpress.com)
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25/07/2014
Morceaux choisis - Marina Tsvetaeva
Marina Tsvetaeva
Etourdis-moi, esquif étoilé,De ces vagues ma tête est lassée.J’ai cherché un rivage vainement,Ma tête est lasse des sentiments. Hymnes, lauriers, hydres, preux,Ma tête est lasse de ces jeux. Déposez-moi sur l’herbe, les aiguilles de pins,Ma tête est lasse des guerres sans fin. Toi qui m’a aimée d’un amourFaussement vrai, sincèrement menteurToi qui m’a aimée, plus loinQue l’espace ne s’étend, toutes frontières dépassées. Toi qui m’as aimée plus que ne dureLe temps. Le bras se lève.Tu ne m’aime plus.En cinq mots la vérité.
Marina Tsvetaeva, Insomnie et autres poèmes (coll. Poésie/Gallimard, 2011)
image: Auguste Clesinger, Woman bitten by a serpent (amalimil.blogspot.ch)
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04/07/2014
Lire les classiques - Henri-Frédéric Amiel
Henri-Frédéric Amiel
Petite perle cristalline Tremblante fille du matin, Au bout de la feuille de thym Que fais-tu sur la colline? Avant la fleur, avant l'oiseau, Avant le réveil de l'aurore, Quand le vallon sommeille encore Que fais-tu là sur le coteau?
Henri-Frédéric Amiel, Poème (poesie.webnet.fr)
image: Alfred William Strutt, Children of the Hills / 1890 (commons.wikimedia.org)
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01/06/2014
Lire les classiques - Emile Verhaeren
Emile Verhaeren
Très doucement, plus doucement encore,Berce ma tête entre tes bras,Mon front fiévreux et mes yeux las;Très doucement, plus doucement encore.Baise mes lèvres, et dis-moiCes mots plus doux à chaque aurore,Quand me les dit ta voix,Et que tu t'es donnée, et que je t'aime encore. Le joug surgit maussade et lourd; la nuitFut de gros rêves traversée;La pluie et ses cheveux fouettent notre croiséeEt l'horizon est noir de nuages d'ennui. Très doucement, plus doucement encore,Berce ma tête entre tes bras,Mon front fiévreux et mes yeux las;C'est toi qui m'es la bonne aurore,Dont la caresse est dans ta mainEt la lumière en tes paroles douces:Voici que je renais, sans mal et sans secousse,Au quotidien travail qui trace, en mon chemin,Son signe,Et me fait vivre, avec la volonté,D'être une arme de force et de beauté,Aux poings d'or d'une vie insigne.
Emile Verhaeren, Les Heures d’après-midi, précédé de: Les Heures claires (Mercure de France, 1922)
image: John Charles Arter (1st-art-gallery.com)
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23/05/2014
Lire les classiques - Victor Hugo
Victor Hugo
Je vis un ange blanc qui passait sur ma tête;Son vol éblouissant apaisait la tempête,Et faisait taire au loin la mer pleine de bruit.- Qu'est-ce que tu viens faire, ange, dans cette nuit?Lui dis-je. - Il répondit: - je viens prendre ton âme. -Et j'eus peur, car je vis que c'était une femme;Et je lui dis, tremblant et lui tendant les bras:- Que me restera-t-il? car tu t'envoleras. -Il ne répondit pas; le ciel que l'ombre assiègeS'éteignait... - Si tu prends mon âme, m'écriai-je,Où l'emporteras-tu? montre-moi dans quel lieu.Il se taisait toujours. - O passant du ciel bleu,Es-tu la mort? lui dis-je, ou bien es-tu la vie? -Et la nuit augmentait sur mon âme ravie,Et l'ange devint noir, et dit: - Je suis l'amour.Mais son front sombre était plus charmant que le jour,Et je voyais, dans l'ombre où brillaient ses prunelles,Les astres à travers les plumes de ses ailes.
Victor Hugo, Apparition, dans: Les contemplations (coll. GF/Flammarion, 2008)
image: Joseph Mallord William Turner, Angel standing in the Sun (uploads5.wikipaintings.org)
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