16/04/2012
Morceaux choisis - Giacomo Leopardi
Giacomo Leopardi
Ici, sur l’aride échine du terrible mont,l’exterminateur Vésuve,là où nul autre arbre ou fleur n’égaie,tes touffes solitaires se répandent tout autour,odorant genêt,t’accommodant des déserts. Autrefois, je vis tes tiges embellirles régions sauvages qui ceignent la cité.Là où la dame du temps mortel,et de l’empire perduavec son aspect grave et taciturnefait un signe et rappelle le voyageur. Or, je te retrouve sur ce sol,tristes lieux d’un monde aimant abandonné,et des fortunes affligées toujours le compagnon.Ces champs jonchés de cendres infécondes,et couverts de lave pétrifiéequi sous les pas du pèlerin résonne;où se niche et se love au soleil la vipèreoù le lièvre retrouve le terrier caverneux qu’il connaît; heureuses furent les maisons et les campagnes,et blondirent les épis,et résonnèrent les meuglements des troupeaux;furent jardins et palais, aux loisirs des potentats agréables séjours;et furent des cités célèbresque les torrents de la fière montagnedepuis ses bouches ignées engloutirentavec tous ses habitants. Aujourd’hui, partout ce ne sont que des ruinesoù tu vis, ô gracieuse fleur,en ayant presque pitié des épreuves des autres,au ciel tu répands une douce odeur de parfum,qui console ce désert. Qu’à ces plages vienne celuiqui a l’habitude d’exalter notre état,et voit combien de notre genre prend soinl’aimante nature.Et sa puissanceil pourra la mesureren estimant la semence humaine,que la sévère nourrice, peut imprévisiblement, d’un léger mouvement détruireen partie, et d’un seul gesteà peine plus léger soudainementanéantir en totalité sur ces rivagesle monde des êtres humainsles magnifiques destins et progrès ... Et toi, lent genêt dont les selves odorantesdécorent ces campagnes dépouilléestoi aussi dans un temps prochetu succomberas au feu souterrain, qui retournant sur ce lieu déjà connu,déploiera son voile avide sur tes molles forêts. Et tu plieras sous le faisceau mortel non retenuton innocente tête:qui n’avait jamais pliée jusqu'alors vainementpour une lâche prière devant un futur oppresseur;mais non dressé avec un orgueil fouvers les étoiles ni sur ce désert,où tu es né cependantnon parce que tu l’as voulu, mais par chance; mais plus sage, et moins infirme que l’homme, tu n’as jamais cru aux faits et à l’immortalité de ta lignée.
Giacomo Leopardi, extrait du Chant 34 - Anthologie bilingue de la poésie italienne (Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 1994)
image: dominique.decobecq.perso.neuf.fr/LegenetdeLeopardi.html
08:04 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature italienne, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; livres | | Imprimer | Facebook |
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