07/05/2011
La citation du jour
Cesare Pavese
Une vigne qui grimpe sur le dos d'une colline, jusqu'à se graver dans le ciel, c'est un spectacle familier, et pourtant les rideaux des rangs simples et profonds apparaissent comme une porte magique. Sous les pieds de vigne, c'est de la terre rouge défrichée, les feuilles cachent des trésors, et derrière les feuilles, il y a le ciel. C'est un ciel toujours tendre et mûr, où sont également - trésor et vignes eux aussi - les nuages fermes de septembre. Tout cela est familier et lointain - enfantin, en un mot - mais cela secoue à chaque fois, comme si c'était tout un monde. La vision s'accompagne du soupçon que ce ne soient là que les coulisses d'un décor fabuleux dans l'attente d'un événement que ni le souvenir ni l'imagination ne connaissent. (...) Il suffit de penser aux heures de la nuit, ou du crépuscule, où la vigne n'est plus sous notre regard et où l'on sait qu'elle s'étend sous le ciel, toujours semblable et recueillie. On dirait que personne n'y a jamais marché, et pourtant il y en a qui la travaillent sarment par sarment et, aux vendanges, elle est toute gaie de voix et de pas. Mais ensuite ils s'en vont, et c'est comme une pièce dans laquelle depuis longtemps personne n'entre et dont la fenêtre est ouverte sur le ciel. Le jour et la nuit y règnent; parfois il y fait frais et sombre - c'est la pluie -, rien ne change dans la pièce, et le temps ne passe pas. Sur la vigne non plus le temps ne passe pas; la saison, c'est septembre et elle revient toujours, elle semble éternelle.
Cesare Pavese, Nuit de fête (Gallimard, 1972)
05:33 Écrit par Claude Amstutz dans La citation du jour, Littérature italienne | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : citations; livres | |
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Commentaires
j'ai eu du mal à entrer dans le texte, tout silencieux, visuel et plein d'impressions à la fois, puis je l'ai lu et relu comme un poème et comme j'aime lire, laisser rêver ... la scie, la vigne, le regard
merci Claude .
Écrit par : gilda nataf | 08/05/2011
Écrit par : Kass | 08/05/2011
Les commentaires sont fermés.