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16/01/2011

Aline Kiner

Bloc-Notes, 16 janvier / Les Saules

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Dans le domaine pléthorique du roman policier, le meilleur côtoie souvent le pire et si les titres intéressants demeurent stables, les mauvais - hélas! - sont en constante augmentation: auteurs flirtant avec le fantastique ou la haute technologie, escalade dans l'horreur masquant une intrigue sommaire ou peu crédible, qualité d'écriture défaillante ne justifiant souvent pas même une présentation en librairie... Alors, je ne vais pas bouder mon plaisir de vous partager une heureuse surprise en la personne d'Aline Kiner, nouvelle venue dans le monde du crime, passionnée d'histoire et d'archéologie - elle a publié avec François Guénet La cathédrale: livre de pierre aux Presses de la Renaissance en 2004 - et rédactrice en chef du mensuel Sciences et Avenir.

Avec Le jeu du pendu, elle signe un des meilleurs titres francophones de ces dernières années! L'auteur nous embarque en Lorraine où, un certain 24 décembre 1944, le petit village de Varange est le théâtre d'une pendaison au cimetière, celle de Johann Ziegler au vieux chêne du lieu. Un écriteau est posé, visible de tous, au pied de l'arbre. On peut y lire en grandes lettres: La corde pour les collabos... Soixante ans plus tard, une jeune fille, Nathalie, est retrouvée ligotée, avec une corde nouée autour du corps - comme la statue du Dieu piteux au cimetière - et étouffée sauvagement dans la boue d'une ancienne mine de la région.

Solidement documenté - les archives consultées, mais aussi les témoignages des habitants de cette région de la Moselle - Le jeu du pendu nous restitue, à travers des personnages complexes et attachants ces heures douloureuses de l'après-guerre où l'atmosphère était pire que pendant l'Occupation. Les familles qui rentraient d'exil retrouvaient leurs maisons sans dessus dessous, les jardins dévastés, les meubles volés par les voisins. On se traitait de collabos. Tant de haine...

Mais la Lorraine, c'est aussi le souvenir de la fermeture des mines de fer qui réveillent bien des blessures, exposées avec une rare sensibilité: Adolescente, Sarah avait souvent insisté pour que son père l'emmène au fond. Elle voulait voir, disait-elle. Seulement voir, une fois, où il travaillait. Il aurait pu. Certains le faisaient. Mais il n'avait pas voulu. La nuit presque totale, le vacarme des engins, le froid pénétrant, l'humidité. La poussière, ocre, du minerai qui leur collait à la peau et leur valait ce nom de gueules jaunes. Ce n'était pas un monde pour les enfants.L'odeur de la boue... Quand on était imprégné de cette odeur, jamais on ne s'en débarrassait. Elle ressortait, en même temps qu'une trace jaunâtre, sur le col des chemises blanches qu'on portait en été. Fille de mineur, Aline Kiner - originaire de cette région - sait de quoi elle parle et apporte de précieuses explications dans sa postface pour les lecteurs qui ont passé à côté de cette page d'histoire de France.

 L'intrigue policière qui repose sur les épaules des deux enquêteurs, Simon Dreemer - muté du service des SRPJ de Metz - et Jeanne Modover - qui renoue avec le pays de son enfance - ne laisse aucun répit et débouche, comme dans tout bon roman policier, sur un dénouement tout à fait inattendu. Un vrai plaisir le lecture où la recherche du meurtrier se mêle à une peinture sociale de la Lorraine, particulièrement convaincante.

 Découvrez vite Aline Kiner: vous ne le regretterez pas une seconde...   

Aline Kiner, Le jeu du pendu (Liana Levi, 2011)

 

13:26 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Littérature francophone, Littérature policière | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Commentaires

Je partage totalement votre avis sur le Jeu du pendu de Aline Kiner, roman dont je viens de terminer la lecture et qui m'a énormément plu. Je lui ai consacré un article sur mon blog où, au-delà de mon travail d'écriture, je consacre quelques pages à mes bons moments de lectures, essentiellement dans le domaine du polar.
Cordialement.

www.mafabriquedepolars.com

Écrit par : LECOCQ Jean-Michel | 17/03/2012

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