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14/02/2014

Hernan Ronsino

v_auteur_195.jpgHernan Ronsino, Dernier train pour Buenos Aires (Liana Levi, 2010)

D’abord il y a un salon de coiffure. C’est de là que Vicente, le taciturne, observe. Il observe les ouvriers qui démontent les rails. Des rails qui ne conduiront plus à ce bourg perdu, loin de Buenos Aires. Des rails qui laisseront une balafre dans la terre comme dans les têtes. Ensuite il y a le Don Pedrín, ce bistrot où l’on commente. On commente le film projeté dans l’unique cinéma, et le passé… Pourquoi la Negra a-t-elle pris un jour le train pour Buenos Aires et n’est jamais revenue? Elle avait des jambes sublimes, la Negra Miranda, de quoi faire tourner la tête des jeunes hommes, de quoi rendre fou de jalousie un mari policier… À soi-même ou à d’autres, chacun dit ce qu’il sait, les souvenirs estompés, l’abandon, la vengeance. Et c’est seulement à la dernière ligne que tout prend sens.

En quatre lieux – l’usine, le chemin de fer, le salon de coiffure, le cinéma – dans la périphérie de Buenos Aires, résonnent les voix de la mémoire fragmentée de quatre personnages – en 1973, 1984, 1966 et 1959 – qui, sur fond de châtiment, de trahison, de mort, reconstituent 50 ans de l’histoire collective argentine. Captivant sans verser dans le mélodrame, ce court roman adopte un style volontairement sec, concis, pour décrire un monde hanté par ses fantômes et qui se désagrège face au progrès. Un récit subtilement construit, à la manière d'un puzzle, dont la tension demeure constante jusqu'au dernier mot, chacun des protagonistes ne maîtrisant qu'une part de vérité ou de mémoire - dont Miranda est le centre de gravité - qui ne prend un relief, une signification que par les confidences anecdotiques des uns et des autres. Réunies, elles constituent un regard historique sur les événements. La petite histoire rejoint enfin la grande...

Une voix nouvelle, originale et fascinante, à ranger auprès de Norma Huidobro - Le lieu perdu, paru en 2009 chez le même éditeur - qui, sur un autre registre, signe le renouvellement d'une littérature argentine révélatrice de si grands écrivains par le passé.

Hernán Ronsino est né en 1975 à Chivilcoy, quelques mois avant le coup d’État. Sociologue, il enseigne aujourd’hui à l’Université de Buenos Aires. Il est l’auteur de nouvelles et d’un premier roman remarqué: La Descomposición

00:05 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, Littérature sud-américaine | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature: roman; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Commentaires

Excellente critique d'un roman qui est un véritable petit joyau. Mais je ne comprends vraiment pas pourquoi la Negra Miranda devient sous votre plume "Miranda Black". En Argentine, "negro/a" est employé sans la moindre connotation péjorative pour désigner une personne très brune ou s'adresser à celle-ci.

Écrit par : Mafalda | 06/09/2010

Mafalda, dans les articles parus en espagnol sur ce livre, on parle de la "Miranda Negra", ce qui n'est pas péjoratif, chez moi non plus. Cela dit, pour les francophones, je vais modifier cette appellation et vous remercie pour me l'avoir signalé. Ci-dessous, voici un bel article consacré à ce livre:
http://www.diarioperfil.com.ar/edimp/0388/articulo.php?art=15965&ed=0388
Bien à vous, Claude

Écrit par : Claude | 07/09/2010

votre chronique est vraiment très belle ! merci beaucoup !
je suis argentine et confirme que l'appellation le noir ou la noire n'a rien de péjoratif. elle s'applique toute personne dont les cheveux sont noirs ou très foncés.
amicalement
irene

Écrit par : larouge | 08/09/2010

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