28/05/2010
George Steiner
Bloc-Notes, 28 mai / Les Saules
Avec un certain retard sur le calendrier - la première parution, chez Albin Michel, remonte à 2003 - je découvre avec émerveillement et reconnaissance ces entretiens entre Cécile Ladjali et George Steiner. Un bon nombre des thèmes abordés ici, sont évoqués dans d'autres ouvrages de cet amoureux de la vie, de la littérature, de la philosophie, de la musique. Peu importe, car l'éclairage n'y est jamais tout à fait le même.
Tout ce qui est souligné dans ce livre bien modeste - 130 pages à peine - est essentiel à mes yeux: La tradition orale dans le drame et la poésie, la connaissance des langues étrangères, la vertu des classiques, l'importance du silence et plus que tout, la passion d'apprendre, de transmettre, de partager le savoir, avec honnêteté et clairvoyance.
Ces quelques passages peuvent nourrir notre réflexion, nous convaincre que tout n'est pas perdu et que l'espoir demeure:
Ce que vous avez appris par coeur change en vous et vous changez avec, pendant toute votre vie. Personne ne peut vous l'arracher. Parmi les salauds qui gouvernent notre monde, la police secrète, la brutalité des moeurs, la censure, ce que l'on posède par coeur nous appartient. C'est une des grandes possibilités de la liberté, de la résistance.
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Je crois passionnément que chaque langue est une ouverture sur un monde totalement nouveau.
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Que veut dire classique? Cela signifie strictement un texte inépuisable. On le relit, on le redit, on le réinterprète, et, tout à coup, il est presque toujours nouveau. (...) On reprend un grand moment de Dante, d'Homère, de Shakespeare, de Racine, et on se dit: "Mais oui, je connais ça par coeur" et je ne connais pas du tout; je n'avais pas compris. Cette puissance de renouveau est une des définitions du classique.
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C'est celui qui murmure, qui balbutie, qui parle mal, qui jouit de la réputation d'être un honnête homme. (...) Mal parler, ça veut dire: voilà quelqu'un qui dit la vérité. A l'inverse, trop bien parler,c'est le symptôme même de la malhonnêteté. C'est une chose importante, et qui pourrait avoir des conséquences allant loin au-delà du contexte actuel.
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Personne ne peut prédire quelles vont être les crises de déplacements de populations et de cultures entières. De cela pourrait surgir un oecuménisme de l'enchantement, c'est-à-dire une sorte de chance.
Avec un tel professeur, vous l'aurez compris, je n'aurais été sur mes bancs d'école, ni cancre, ni paresseux! Hélas...
George Steiner et Cécile Ladjali, Eloge de la transmission - Le maître et l'élève (Coll. Pluriel/Hachette, 2007)
00:04 Écrit par Claude Amstutz dans Bloc-Notes, Documents et témoignages, George Steiner, Littérature étrangère, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; essai; entretiens; livres | | Imprimer | Facebook |