11/04/2013
Morceaux choisis - Renée Vivien
Renée Vivien
Dans mon âme a fleuri le miracle des roses.Pour le mettre à l’abri, tenons les portes closes. Je défends mon bonheur, comme on fait des trésors,Contre les regards durs et les bruits du dehors. Les rideaux sont tirés sur l’odorant silence,Où l’heure au cours égal coule avec nonchalance. Aucun souffle ne fait trembler le mimosaSur lequel, en chantant, un vol d’oiseaux pesa. Notre chambre paraît un jardin immobileOù des parfums errants viennent trouver asile. Mon existence est comme un voyage accompli.C’est le calme, c’est le refuge, c’est l’oubli. Pour garder cette paix faite de lueurs roses,O ma Sérénité! tenons les portes closes. La lampe veille sur les livres endormis,Et le feu danse, et les meubles sont nos amis. Je ne sais plus l’aspect glacial de la rueOù chacun passe, avec une hâte recrue. Je ne sais plus si l’on médit de nous, ni siL’on parle encor… Les mots ne font plus mal ici. Tes cheveux sont plus beaux qu’une forêt d’automne,Et ton art soucieux les tresse et les ordonne. Oui, les chuchotements ont perdu leur venin,Et la haine d’autrui n’est plus qu’un mal bénin. Ta robe verte a des frissons d’herbes sauvages,Mon amie, et tes yeux sont pleins de paysages. Qui viendrait nous troubler, nous qui sommes si loinDes hommes? Deux enfants oubliés dans un coin? Loin des pavés houleux où se fanent les roses,Où s’éraillent les chants, tenons les portes closes…
Renée Vivien, Intérieur / A l'heure des mains jointes, dans: Poèmes 1901-1910 (ErosOnyx, 2009)
01:07 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Morceaux choisis | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie; anthologie; livres | | Imprimer | Facebook |
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