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14/12/2011

Le poème de la semaine

René Char

Tu es pressé d'écrire,
Comme si tu étais en retard sur la vie.
S'il en est ainsi fais cortège à tes sources.
Hâte-toi.
Hâte-toi de transmettre
Ta part de merveilleux de rébellion de bienfaisance.
 
Effectivement tu es en retard sur la vie,
La vie inexprimable,
La seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir,
Celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses,
Dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés
Au bout de combats sans merci.
 
Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur,
Reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride,
En t'inclinant.
Si tu veux rire,
Offre ta soumission,
Jamais tes armes.
 
Tu as été créé pour des moments peu communs.
Modifie-toi, disparais sans regret
Au gré de la rigueur suave.
Quartier suivant quartier la liquidation du monde se poursuit
Sans interruption,
Sans égarement.
 
Essaime la poussière
Nul ne décèlera votre union.
 
Quelques traces de craie dans le ciel,
Anthologie poétique francophone du XXe siècle

00:03 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth, René Char | Lien permanent | Commentaires (1) | |  Imprimer |  Facebook | | |

Commentaires

Effectivement, le poète est en retard sur la vie. Il l'est même doublement : une fois sur la "vie inexprimable" et une autre sur celle tout court. Il est pressé, car il sait le départ imminent et il doit dire, transmettre. C'est, à la fois, une obligation, que nul ne lui impose, et c'est, aussi, son seul legs. Cependant, paradoxalement, il est, aussi, en avance sur la vie. Il l'est tellement que, parfois, il en souffre. Il ne plie pas genou, pourtant, et l'arme qu'il porte témoigne que la soumission est feinte. C'est seulement une trêve ; un instant de répit, voire de dépit. Quelques minutes concédées à la norme, à une immense lassitude. Dans l'attente d'autres "combats sans merci" ; pour "quelques fragments décharnés".

Écrit par : Mohamed Bourahla | 24/12/2011

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