14/09/2011
Le poème de la semaine
René Char
Rivière trop tôt partie,d'une traite, sans compagnon,Donne aux enfants de mon paysle visage de ta passion. Rivière où l'éclair finitet où commence ma maison,Qui roule aux marches d'oublila rocaille de ma raison. Rivière, en toi terre est frisson,soleil anxiété.Que chaque pauvre dans sa nuitfasse son pain de ta moisson. Rivière souvent punie,rivière à l'abandon. Rivière des apprentisà la calleuse condition,Il n'est vent qui ne fléchisseà la crête de tes sillons. Rivière de l'âme vide,de la guenille et du soupçon,Du vieux malheur qui se dévide,de l'ormeau, de la compassion. Rivière des farfelus,des fiévreux, des équarrisseurs,Du soleil lâchant sa charruepour s'acoquiner au menteur. Rivière des meilleurs que soi,rivière des brouillards éclos,De la lampe qui désaltère l'angoisseautour de son chapeau. Rivière des égards au songe, rivière qui rouille le fer,Où les étoiles ont cette ombrequ'elles refusent à la mer. Rivière des pouvoirs transmiset du cri embouquant les eaux,De l'ouragan qui mord la vigneet annonce le vin nouveau. Rivière au coeur jamais détruitdans ce monde fou de prison,Garde-nous violentet ami des abeilles de l'horizon. Quelques traces de craie dans le ciel,Anthologie poétique francophone du XXe siècle
00:02 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature francophone, Quelques traces de craie dans le ciel - Anth, René Char | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature; poésie | | Imprimer | Facebook |
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