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09/07/2010

Les pièces de Shakespeare - 4a

La tragédie de Richard III

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Tout comme les trois parties de Henry VI, Richard III fait partie des oeuvres de jeunesse de son auteur. Très populaire, cette oeuvre théâtrale demeure célèbre pour sa première scène: Ores voici l'hiver de notre déplaisir (...) Moi qui suis marqué au sceau de la rudesse et n'ai pas la majesté de l'amour, pour m'aller pavaner devant une impudique nymphe minaudière; moi qui suis tronqué de nobles proportions, floué d'attraits par la trompeuse nature, difforme, inachevé, dépêché avant terme dans ce monde haletant à peine à moitié fait, si boiteux et si laid que les chiens aboient quand je les croise en claudiquant; eh bien, moi, en ce temps de paix alangui à la voix de fausset, je n'ai d'autre plaisir pour passer le temps que d'épier mon ombre au soleil...

Richard ajoute: Si je ne puis être l'amant qui charmera ces jours si beaux parleurs, je suis déterminé à être un scélérat, et à haïr les plaisirs frivoles de ces jours. J'ai tramé des intrigues, de perfides prologues...

Nous voilà fixés sur ses dessins, car sa vengeance sera machiavélique, terrible, sanglante. Ainsi, révolté contre la nature qui ne l'a pas favorisé et avide de pouvoir, il va dresser l'un contre l'autre ses deux frères, le roi Edouard IV et Georges duc de Clarence. Ce dernier sera emprisonné, puis assassiné et jeté dans un tonneau de malvoisie. Au décès du roi - la seule mort naturelle de cette histoire - il fait la cour à Anne, la veuve du prince de Galles, alors qu'elle suit le cercueil de son époux! Devenu régent pendant la minorité d'Edouard V, il complote afin de s'emparer du trône, avec la complicité du duc de Buckingham, et fait enfermer le futur roi ainsi que son frère à la Tour de Londres. Il les fait assassiner, eux aussi. Répudiant sa première femme afin d'épouser sa nièce, il fait ensuite exécuter Buckingham. Il sera finalement rattrapé par son destin, hanté par les fantômes de toutes ces morts qui jalonnent son règne, vaincu et tué au cours de la bataille de Bosworth, par les troupes du futur Henri VII d'Angleterre.

Résumée ainsi, l'intrigue suggère sans ambiguïté que Richard III est l'incarnation du Mal absolu. Vraiment? Méfions-nous, car avec Shakespeare, une vérité en cache souvent une autre, car manipulateur, tyrannique et cynique, Richard III l'est indiscutablement, mais il se joue avec intelligence des mesquineries de la cour, des conflits de famille, des trahisons, des ambitions de ses futures victimes - qui, souvent impopulaires, sans envergure ou changeantes, ne sont pas forcément des anges! - et souligne avec une cruelle ironie les caprices de la fortune, de même que la vanité et l'absurdité du pouvoir, car s'il compose un personnage qu'il s'est délibérément choisi - qui est-il vraiment derrière ses masques? - le roi n'en est pas moins lucide jusqu'au bout de sa folie.

Les cendres de Richard III seront dispersées sans égard ni rituel royal et de nos jours, il n'existe pas même une stèle funéraire célébrant la mémoire de ce roi usurpateur. Pourtant, il demeure l'un des héros les plus connus de Shakespeare, même auprès de ceux qui ne l'ont pas lu. Le mal fascine, vous en conviendrez...

traduit par Jean-Michel Déprats (édition bilingue: Bibliothèque de la Pléiade/Gallimard, 2008)

00:20 Écrit par Claude Amstutz dans Littérature étrangère, William Shakespeare | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Imprimer |  Facebook | | |

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