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12/10/2012

Morceaux choisis - Boris Cyrulnik

Boris Cyrulnik

littérature; essai; morceaux choisis; livres

Comment répondre à: Les gens qui vous protégeaient ont-ils abusé de vous? Les Justes qui n'ont pas été déportés ont-ils collaboré? Haïssez-vous Papon? Avez-vous pardonné?

Ni haine ni pardon.

Personne n'a demandé mon pardon, sauf peut-être les jeunes Allemands qui se sentent encore coupables des crimes de leurs grand-parents. Pourquoi me demandent-ils pardon? Quand un homme viole une femme, on ne met pas son fils en prison. Toutes les religions demandent pardon pour un mal intentionnel ou involontaire qu'on a fait à nos proches. Les Juifs ont Yom Kippour (la fête du Pardon). Les orthodoxes se demandent pardon entre eux, se téléphonent et s'invitent à dîner. Le Coran enseigne qu'une parole agréable et un pardon valent mieux qu'une aumône (Sourate 2, 163).

On n'éprouve pas le besoin d'accorder son pardon à la catastrophe naturelle qui a brûlé nos forêts ou inondé nos récoltres. On n'a pas de haine pour un phénomène de la nature, on s'en méfie, c'est tout. Et, pour s'en préserver à l'avenir, on cherche à le comprendre pour mieux le contrôler. C'est différent de l'identification à l'agresseur de certaines victimes qui envient la place du bourreau. C'est l'identification de l'agresseur, comme le paysan miné par une inondation qui devient spécialiste en hydrologie.

C'est un peu ce que j'éprouve en pensant au nazisme ou au racisme. Ces hommes se soumettent à une représentation coupée de la réalité. Ils s'indignent à l'idée qu'ils se font des autres: à mort les parasites, les Nègres, les Juifs, les Arabes, les Auvergnats, et les zazous. Ils passent à l'acte pour obéir à cette représentation absurde. La soumission qui les unit leur donne une étrange sensation de force: Notre Chef vénéré est puissant grâce à notre obéissance.

Le choix, pour moi, n'est pas entre punir ou pardonner, mais entre comprendre pour gagner un peu de liberté ou se soumettre pour éprouver le bonheur dans la servitude. Haïr, c'est demeurer prisonnier du passé. Pour s'en sortir, il vaut mieux comprendre que pardonner.

Boris Cyrulnik, Sauve-toi la vie t'appelle (Odile Jacob, 2012)

image: Boris Cyrulnik (attentionalaterre.com)

09:42 Écrit par Claude Amstutz dans Le monde comme il va, Littérature francophone | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature; essai; morceaux choisis; livres | |  Imprimer |  Facebook | | |

Commentaires

Magnifique page!Sur FM où il était interrogé par Christophe Bourseiller,il a développé cette idée très forte que les nazis étaient en fait, non pas des hommes dangereux parce que puissants, armés, organisés etc...mais des gens soumis à une idée et totalement"obéissants". L'immense danger, c'est bien la soumission inconditionnée à l'autorité.

Écrit par : Boulanger | 13/10/2012

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